Glossaire

Bail commercial

Quelques points de la définition

Généralités 

Sous location

Bail commercial et procédures collectives 

absence de résiliation de plein droit par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective

Cotitularité du bail

Bail en cours: différentes situations et notamment action en résiliation en cours

Causes de résiliation qui découlent de la procédure collective

Résiliation à l'initiative des organes de la procédure collective

Résiliation à l'initiative du bailleur

Résiliation à l'initiative du bailleur pour des causes postérieures

La procédure et le délai de 3 mois : devant le juge commissaire / devant le Président du TGI

Le commandement visant la clause résolutoire semble nécessaire si le bailleur invoque la clause résolutoire

Le juge commissaire peut-il accorder des délais de grâce ?

La résiliation pour des causes postérieures ne semble pas dépendante de l'existence ou de l'invocation d'une clause résolutoire dans le bail (mais dans ce cas compétence du juge commissaire)

 Le bailleur négligent

La cession du fonds de commerce ordonnée peut être un obstacle à la résiliation du bail

Résiliation à l'initiative du bailleur pour des causes antérieures

Quelques précisions

Mise en demeure pas applicable

Les clauses du bail ou non exploitation ne peuvent entraîner la résiliation ipso facto

La cession du bail (et les possibilités d'adjonction d'activités connexes et complémentaires)

Le sort du dépôt de garantie

Loyers antérieurs / postérieurs

Privilège du bailleur

La concession du domaine public

Les baux professionnels

Généralités

Le bail commercial est un des contrats fondamentaux dans la composition d'un fonds de commerce (voir ce mot) puisque c'est sur ce contrat que repose le droit d'occupation du local commercial (local ne pouvant être une baraque précaire Cass civ 3ème 22 mars 2018 n°15-15901 )

C'est d'ailleurs pour cette raison que la résiliation du bail est encadrée, et que notamment l'assignation en résiliation (et pas le commandement) doit être dénoncée aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce (article L143-2 du code de commerce )

Les développements qui suivent s'appliquent à la situation où l'entreprise en procédure collective est preneur au bail : en effet si c'est le bailleur qui fait l'objet d'une procédure collective, il est à notre avis tenu de respecter la loi du contrat (et ne peut résilier le bail sans la respecter, étant précisé que le locataire doit déclarer créance au titre du dépôt de garantie Cass com 18 mai 2016 n°13-28328)

Sous location

Voir article L145-31 et suivants du code de commerce

La sous location autorisée peut donner droit au renouvellement L145-32

Bail commercial et procédure collective .

Pas de résiliation de plein droit par l'effet du jugement d'ouverture

voir le mot clause de résiliation

Co-titularité du bail

Rappelons que sauf disposition expresse dans le bail, la résiliation du bail à l'égard d'un des copreneurs - et notamment celui qui est en liquidation judiciaire - n'a pas d'effet à l'égard des autres (par exemple Cass civ 3ème 27 septembre 2005 n°04-16040, Cass civ 3ème 15 décembre 2016 n°15-25240  Cass civ 3ème 12 janvier 2017 n°15-23686

De sorte que si le juge commissaire devait prononcer la résiliation du bail à l'égard de celui qui est en liquidation, on voit mal comment il serait compétent pour le résilier vis à vis de ceux de preneurs qui ne sont pas en liquidation et sont soumis au droit commun.

Cette solution a en effet été reproduite à l'égard de deux copreneurs (conjoints) dont l'un est en liquidation judiciaire à l'égard duquel la résiliation a été prononcée : sauf stipulation dans le bail la résiliation n'est pas indivisible et ne produit pas d'effet vis à vis du conjoint Cass civ 3ème 23 juin 2016 n°15-12453

Le contrat de bail commercial en cours = résiliation non acquise au jour du jugement

Au sens de la procédure collective, le bail commercial est typiquement un contrat en cours (voir ce mot) à la condition évidemment qu'il n'ait pas été résilié antérieurement à l'ouverture de la procédure.

Sa résiliation, comme celle de tout contrat en cours ne peut découler d'une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de procédure collective.

De même la résiliation du  bail, pas plus que de toute autre convention ne peut intervenir postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective pour défaut de paiement d'une créance antérieure, puisqu'il s'agirait d'exercer une action frappée par l'arrêt des poursuites "l'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce" , le juge devant le cas échéant soulever d'office l'arrêt des poursuites (Cass civ 3ème 18 septembre 2012 ,°11-19571)

Par exemple pour la clause résolutoire insérée dans le bail Cass civ 3ème 13 avril 2022 n°21-15336

(Cass com 15 novembre 2016 n°14-25767 pour le défaut de paiement des loyers, le bailleur ayant dans cette espèce essayé en vain, pour se soustraire à la suspension des poursuites des actions en résolution pour défaut de paiement, tenté d'invoquer des retards de paiements systématiques et une exécution de mauvaise foi des obligations du bail)

Le traitement par le droit des procédures collectives des actes du bailleur, antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, pour parvenir à la résiliation du bail

Le texte de droit commun est l'article L145-41 du code de commerce: "Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge."

A partir de ce texte, la situation du bail sera déterminée au regard de la date du jugement d'ouverture de la procédure collective:

Si le bail est définitivement résilié, évidemment la procédure collective ne change rien à la situation.

Au sens du texte, cela suppose une décision définitive dont les délais de recours sont expirés, dans les conditions de l'article L145-41 du code de commerce. 

Par exemple Cass civ 3ème 9 janvier 2008 n°06-21499 Cass civ 3ème 17 mai 2011 n°10-15957 et Cass civ 3ème 1er décembre 2016 n°15-18425 sur le principe , pour une ordonnancé de référé passée en force de chose jugée Cass com 15 février 2011 n°10-12747

En effet, la cour de Cassation juge que la combinaison de l’article L 145-41 du Code de commerce avec les règles de la procédure collective a pour effet que la clause résolutoire d’un bail commercial n’est réputée acquise avant le jugement d'ouverture que si, non seulement le commandement de payer avait été délivré et l'action en paiement introduite, mais encore si la décision constatant la résiliation du bail était passée en force de chose jugée avant le jugement d'ouverture Cass com 15 févr. 2011 n° 10-12747

Si avant le jugement d'ouverture une décision définitive constatant le jeu de la clause résolutoire, mais accordant un échéancier au preneur est rendue, le contenu de cette décision viendra sceller le sort du bail si l'échéancier n'est pas respecté : la clause résolutoire est acquise (Cass civ 3ème 26 octobre 2023 n°22-16216)

En principe en effet ce type de décision prévoit deux modalités: d'une part il y est précisé que si le preneur respecte cet échéancier le jeu de la clause sera réputé ne pas être intervenu, et d'autre part il y est précisé que si le preneur ne respecte pas l'échéancier le défaut de paiement d'une seule échéance le rendra caduque ce qui aura pour effet de consolider le jeu de la clause résolutoire. Dans ce cas, si le preneur ne respecte pas une seule échéance avant le jugement d'ouverture de la procédure, le bail sera résilié par le seul effet de la décision (par ailleurs définitive). La même sanction ne pourra à notre avis pas s'appliquer pour les échéances postérieures, le défaut de paiement résultant d'une interdiction légale. 

Voir notamment Cass Civ 3 9 Janvier 1991 n°90-10127  qui évoque des délais accordés au preneur et semble considérer que si ces délais sont respectés, le bail ne pourra pas être résilié et par contre Cass civ 3ème 8 décembre 1999 n°98-15025 qui juge "la locataire n'avait pas respecté les deux premières échéances fixées par l'ordonnance de référé du 20 mars 1992, signifiée à la locataire le 13 avril suivant, qui avait suspendu les effets de la clause résolutoire sous la condition de paiement aux dates prévues, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause résolutoire avait produit ses effets dès le 14 mai 1992, et que la locataire ne pouvait invoquer utilement l'effet suspensif résultant du jugement d'ouverture de la procédure collective rendu postérieurement" dans un cas où les effets de la clause résolutoire étaient suspendus au respect de l'échéancier (et également Cass Civ 3ème 4 novembre 1998 n°96-18554 ) .

Dès lors qu'en pareille circonstance il est jugé que le bail est résilié si l'échéancier n'a pas été respecté avant le jugement, a fortiori est ce le cas si la décision prononce la résiliation du bail tout en précisant que cette résiliation sera caduque si l'échéancier est respecté : le défaut de respect ne permet pas de sauver le bail si l'ouverture de la procédure collective intervient après le défaut de paiement.

Mais on rencontre parfois des situations "intermédiaires" :

- le bailleur a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire (et on rappellera qu'il n'a pas à le dénoncer aux créanciers inscrits Cass civ 3ème 16 mars 2017 n°15-29206)  et impartissant un délai d'un mois au preneur pour régulariser sa situation. Le jugement d'ouverture de la procédure collective intervient avant l'expiration du délai de 30 jours.

- une assignation est délivrée tendant à la constatation du jeu de la clause résolutoire mais la décision n'est pas rendue quand intervient le jugement d'ouverture de la procédure

- une ordonnance de référé est rendue au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, mais n'est pas définitive ou fait l'objet d'un appel.

Dans ces situations le bail n'est pas résilié au moment du prononcé du jugement d'ouverture, et au contraire au jour du jugement d'ouverture le jeu éventuel de la clause résolutoire n’a pas été « consolidé » par une décision définitive (voir par exemple Cass civ 3ème 4 juillet 2019 n°18-16453 pour un commandement de payer délivré et resté infructueux pendant plus de 30 jours, mais n'ayant donné lieu à aucune décision)

L'existence d'un appel sur l'ordonnance de référé en cours lors de l'ouverture de la procédure suffit pour juger que la clause résolutoire n'est pas définitivement admise, ou même que sans acte d’appel, le délai d'appel n'ait pas encore expiré au moment de l'ouverture de la procédure ; la clause résolutoire n'est pas davantage acquise et les mandataires de justice pourront exercer des recours qui nécessairement mettront en échec le jeu de la clause résolutoire

Concrètement

-  s’il y a eu un commandement visant la clause résolutoire avant le jugement, le jugement d'ouverture de la procédure collective ne permet pas que ce commandement produise ses effets, dès lors qu'il n'y a pas eu une ordonnance de référé devenue définitive (Cass civ 3ème 1er décembre 2016 n°15-18425)

- l'assignation en référé éventuellement engagée ne pourra donner lieu à poursuite de l'action, qui est interrompue (et ne sera pas reprise) Cass civ 3ème 26 mai 2016 n°15-12750. Si la décision est rendue après le jugement d'ouverture, par méconnaissance de celui-ci, elle sera inopposable à la procédure collective .

- S’il y a au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, un appel de l'ordonnance de référé constatant le jeu de la clause résolutoire, la Cour d'appel ne pourra confirmer l'ordonnance et ne pourra que constater que l’action en résiliation du bail n'a pas abouti par une décision définitive au jour du jugement d'ouverture, et ne peut plus prospérer (La Cour d'appel qui confirmerait l'ordonnance nonobstant le jugement d'ouverture s'expose à cassation Cass com 15 février 2011 n°10-12747). 

- De même si l’ordonnance constatant le jeu de la clause résolutoire est rendue mais que les délais de recours ne sont pas expirés au jour du jugement, la résiliation ne sera pas acquise et son infirmation s’imposera si l'administrateur judiciaire ou le liquidateur en relève appel.

Mais :

- avant le premier septembre 2017 si la décision avait été signifiée avant l'ouverture de la procédure collective, le délai d'appel n'était pas interrompu, et l'appel devait donc être fait à l'intérieur du délai déjà ouvert par la signification (le jugement d'ouverture de la procédure collective n'emporte pas changement de capacité au sens de l'article 531 du CPC selon la Cour de Cassation Cass com 18 mai 2016 n°14-25997). L'article 531 du Code de Procédure civile tel qu'il découle du décret du 6 mai 2017 a été modifié avec effet au premier septembre 2017 (y compris pour les délais de recours en cours) et prévoit désormais que si un jugement d'ouverture de la procédure collective intervient en cours d'un délai de recours contre une décision, ce délai est interrompu et va courir à nouveau après notification de la décision à celui qui a désormais qualité pour recevoir la notification (le texte précise qu'il ne s'applique que "dans les causes" où la décision emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, ce qui va par exemple exclure le cas de la procédure de sauvegarde ou du redressement judiciaire sans administrateur judiciaire

Ainsi une nouvelle notification (ou signification) devra intervenir à celui des mandataires de justice qui a qualité et c'est à l'intérieur du nouveau délai que le recours pourra être exercé.

Ainsi les mandataires de justice pourront, dans ce cas et dans ces conditions, c'est à dire en relevant appel de l'ordonnance de référé, choisir de poursuivre le bail, à charge pour eux d'en respecter les clauses. L'appel de l'ordonnance de référé impose en effet à la Cour d'appel de constater que l'action en résiliation est interrompue par l'effet de la suspension des poursuites (Cass com 30 janvier 2007 n°05-19045)

La nécessité pour le liquidateur (ou le débiteur en redressement judicaire) de relever appel pour que soit constatée la suspension des poursuites est d'ailleurs discutable, et certains arrêts considèrent que dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure collective est intervenu avant l'expiration du délai d'appel, même si aucun appel n'est formé, la décision de référé qui constate le jeu de la clause résolutoire ne pourra pas devenir définitive et donner lieu à exécution (Cass Com 23 novembre 2004 n°03-16196

Le bail pourra être ainsi inclus dans la cession d'entreprise ou dans une cession de fonds de commerce présentée en liquidation judiciaire dans le cadre d'une cession des actifs du débiteur

Evidemment le droit commun s'applique et le débiteur avant le prononcé de la procédure collective, ou assisté (suivant leurs pouvoirs) et/ou représenté par les mandataires de justice peut, dans le cadre d'un recours ou d'une assignation en référé, former des demandes de délais.

Une décision un peu singulière (mais qui s'explique par le caractère non définitif de l'ordonnance de référé) est même venu admettre que le liquidateur d'un preneur contre lequel une ordonnance de référé définitive constatant le juge de la clause résolutoire avait été rendue, engage ultérieurement une instance au fond pour contester a posteriori le jeu de la clause résolutoire, former une demande de délai ,demander la suspension du jeu de la clause résolutoire et demander à être indemnisé à hauteur de la perte du fonds de commerce dont le débiteur avait étné expulsé sur la seule ordonnance de référé. Pire même, le référé n'étant pas une instance au fond, le bailleur aurait du déclarer les loyers au passif (Cass civ 3ème 12 mai 2016 n°15-14117, mais cet arrêt ne fait pas l'objet de publication large et est resté inédit)

Les causes de résiliation qui découlent du déroulement de la procédure collective : liquidation judiciaire, redressement judiciaire et sauvegarde

A compter de l'ouverture de la procédure collective, les textes organisent trois causes possibles de résiliation du bail commercial

- Une cause de résiliation du bail à l’initiative des organes de la procédure collective qui décident de ne pas poursuivre le bail : administrateur judiciaire ou liquidateur : l'administrateur judiciaire ou le liquidateur peut décider de résilier le bail, notamment s'il ne pense pas pertinent de s'engager dans des dettes postérieures de loyer parce que le fonds de commerce est difficilement cessible (les tentatives de cession ont échoué, le bail est spécialisé et l'emplacement n'est pas idéal, les loyers sont trop élevés ...). Dans ce cas l'administrateur judiciaire ou le liquidateur notifie au bailleur sa décision de résiliation du bail.

Concernant la liquidation judiciaire, c'est l'article L641-12 du code de commerce qui réglemente la possibilité pour le liquidateur de décider de ne pas poursuivre le bail.

 Un texte identique existe en cas de sauvegarde (article L622-14 ) ou de redressement judiciaire (renvoi par l'article L631-14 à l'article L622-14) la décision incombant alors au seul administrateur judiciaire quelle que soit l'étendue de sa mission Cass com 20 septembre 2017 n°16-15363: même si l'administrateur n'a pas de mission de représentation la décision relève de lui. L'administrateur judiciaire peut d'ailleurs résilier le bail de sa propre initiative, y compris s'il est en mesure de payer les loyers (Cass com 24 Janvier 2018 n°16-13333) étant précisé qu'il en a l'obligation s'il ne peut pas les payer (article L622-13)

Les textes ne prévoient pas, curieusement, l'absence d'administrateur judiciaire: a priori dans ce cas c'est le débiteur qui devrait pouvoir prendre l'initiative de la résiliation.

Il semble possible, mais pas indispensable, que la décision de l'administrateur ou du liquidateur de ne pas poursuivre le bail, soit soumise au juge commissaire au visa de l'alinéa 2 de l'article R641-21 du code de commerce qui dispose "Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 641-11-1 et à l'article L. 641-12 ainsi que la date de cette résiliation".

Certains soutiennent que faire constater - ou plus exactement acter - cette décision de résiliation par le juge commissaire a le mérite de permettre un ultime débat contradictoire avec le débiteur, et le cas échéant les créanciers nantis s'ils sont appelés (ce qui a priori n'est pas nécessaire) mais en réalité la résiliation ne peut à ce stade être évitée puisqu'elle aura été décidée par l'organe compétent, et un tel débat est donc dénué d'utilité pratique et procédurale. 

A priori le texte est plutôt conçu pour le cas où une des parties souhaite qu'une décision de justice soit rendue, mais c'est bien le mandataire de justice qui décide de la résiliation et sa décision qui emporte résiliation, sans autre possibilité pour le juge commissaire que de constater cette décision de résiliation.

- Deux causes de résiliation du bail à l’initiative du bailleur 

* Résiliation judiciaire ou constatation de la résiliation pour des causes postérieures: délai d'attente de 3 mois pour l'introduction de l'action

La procédure et le délai de 3 mois

Le principe est que s'il est décidé, à l'ouverture de la procédure collective, de poursuivre le bail, il doit être poursuivi en respectant les clauses du bail : le contrat doit être normalement exécuté pour l'avenir.

Notamment le loyer et les charges doivent être payées. La sanction est que le défaut de paiement loyers et charges postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective permet au bailleur de demander la résiliation du bail (on entend par postérieures les loyers ou charges inhérentes à une occupation postérieure au jugement et pas ceux échus postérieurement mais relatifs à une occupation antérieure)

Le principe est posé par l'article L622-14 pour la procédure de sauvegarde, pour la procédure de redressement judiciaire (renvoi par l'article L631-14 à l'article L622-14) et pour la procédure de liquidation judiciaire (l'article L641-12 du code de commerce)    qui prévoit la possibilité de résiliation "2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement."

Le délai de 3 mois court bien à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective, nonobstant un jugement de liquidation ultérieur Cass com 19 février 2013 n°12-13662 ou une résolution du plan Cass com 18 janvier 2023 n°21-15576

L'action en résiliation ne peut donc être engagée qu'au delà d'un délai de 3 mois: ce délai doit s'entendre comme s'appliquant à la délivrance de l'assignation, ce qui n'empêche pas le bailleur de délivrer un commandement de payer à l'intérieur du délai de 3 mois (Cass com 2 février 1999 n°95-21625 et Cass Civ 3ème 9 octobre 1996 n°94-21222) et d'en tirer parti dans le cadre de l'assignation délivrée à l'expiration du délai de 3 mois: un compte à rebours permet donc au bailleur d'anticiper en délivrant le commandement avant, pour gagner du temps.

L'article L622-14 précise que si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration du délai de 3 mois, la résiliation ne pourra être sollicitée. Il convient de préciser que le délai de 3 mois court à compter de l'ouverture de la procédure et pas le cas échéant de la conversion en liquidation judiciaire Cass com 19 février 2013 n°12-13662  

La procédure de résiliation est dans ces cas régie par l'article R641-21 du code de commerce: compétence du juge commissaire, requête, le greffier convoque le bailleur, le débiteur et l'administrateur ou le liquidateur. La convocation des créanciers nantis n'est pas prévue expressément, mais est une bonne précaution, d'autant plus qu'ils peuvent avoir intérêt à payer les loyers pour préserver le bail

- en redressement judiciaire l'action en résiliation ne nécessite pas la mise en cause du mandataire judiciaire Cass civ 3 16 mars 2017 n°15-29206, la Cour de Cassation considérant à juste titre que l'article L622-23 du code de commerce ne s'applique pas puisqu'il ne s'agit pas d'un contentieux en cours au jour du jugement d'ouverture. 

- en liquidation judiciaire (prononcée sans redressement judiciaire préalable, sinon voir ci dessus) pour éviter que toute liquidation entraîne résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, privant ainsi les créanciers de toute possibilité de cession du fonds de commerce, le bailleur doit respecter un délai d’attente avant de mener cette action. Ce délai est de 3 mois à compter du jugement de liquidation judiciaire, pendant lequel le bail ne pourra pas être résilié même si les loyers ne sont pas payés (une demande formée avant l'expiration du délai est irrecevable).

La procédure est menée devant le juge commissaire

La procédure de constat (et pas de prononcé) de la résiliation, menée devant le juge commissaire, se substitue à la procédure de droit commun devant le Président du Tribunal de Grande Instance (devenu Tribunal Judiciaire).

Le président du TGI (devenu Tribunal judiciaire) reste compétent

Rien n'empêche le bailleur qui se prévaut d'une clause résolutoire insérée dans le bail d'utiliser la saisine de droit commun du Président du tribunal judiciaire (ex TGI) statuant en référé Cass com 10 juillet 2001 n°99-10397 Cass com 14 janvier 2004 n°02-15939 et Cass com 13 mars 2007 n°05-21117) et dans ce cas de respecter la procédure de droit commun (commandement, notification de la demande aux créanciers nantis Cass com 19 mai 2014 n°01-12814) , la différence étant cependant que le juge commissaire constate la résiliation alors que le Président du TGI la prononce: le demandeur doit donc veiller à calibrer sa demande en fonction des pouvoirs du juge qu'il sollicite.

Tant que la décision de résiliation n'est pas rendue, l'article L143-2 du code de commerce qui dispose "Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification .La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus." devrait conduire la juridiction à refuser de prononcer la décision tant que la dénonce n'est pas faite, ce que le liquidateur peut soulever à notre avis (il semble acquis que la notion de créancier inscrit recoupe le titulaire du privilège du vendeur, le créancier nanti et pas les privilèges généraux du trésor et de la sécurité sociale, encore que le doute existe chez certains auteurs) 

Si une décision résilie le bail alors que l'assignation n'a pas été dénoncée aux créanciers inscrits, cette absence de dénonce, qui en droit commun ne peut être invoqué par voie de tierce opposition que par les créanciers inscrits, ne peut certes être invoqué par le débiteur ni par le liquidateur pour son compte (dans sa fonction de représentation du débiteur au titre du dessaisissement) dans le cadre de l'exercice de voie de recours, mais peut certainement, à notre avis, être invoquée par le liquidateur, dans le cadre d'un appel, dans son rôle de défense de l'intérêt collectif des créanciers. En effet la procédure collective est indivisible et le bail ne peut être valablement résilié vis à vis de certains créanciers alors que la résiliation est inopposable aux créanciers inscrits.

Pour schématiser, le juge commissaire constate la résiliation et ne peut accorder des délais de grâce (voir plus bas) alors que le Président du Tribunal judiciaire prononce la résiliation, peut accorder des délais de grâce mais rend une décision assortie de la force exécutoire pour procéder à l'expulsion. A l'inverse le Président du Tribunal judiciaire peut constater le jeu de la clause résolutoire, même si au delà du délai de commandement les loyers sont payés, alors que le juge commissaire ne peut constater la résiliation du bail si au jour où il statue les loyers sont payés Cass com 12 juin 2024 n°22-24177

Chaque processus a donc ses avantages et inconvénients.

Le commandement de payer semble nécessaire si le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire insérée dans le bail

Ce qui est certain est que si le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire, que ce soit devant le juge commissaire ou le Président du Tribunal judiciaire (ex TGI), il doit délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, dans les conditions de droit commun (Cass com 28 juin 2011 n°10-19331, Cass com 15 novembre 2000 n°99-12103) cette nécessité étant controversée par certaines cours d'appels lorsque c'est le juge commissaire qui est saisi. Suivant l'état procédural le commandement doit être délivré au liquidateur (en liquidation), au débiteur (sauvegarde et redressement judiciaire) en l'absence d'administrateur ou en cas de simple mission de surveillance, au débiteur et à l'administrateur en cas de mission d'assistance et à l'administrateur seul en cas de mission d'administration.

Le commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, délivré au débiteur en période d'observation n'a pas à être signifié au mandataire judiciaire Cass com 15 novembre 2017 n°16-13219, cette solution posant de véritables problèmes si la liquidation est ensuite prononcée car le liquidateur ignorera l'existence du commandement qui aura pourtant ouvert le délai permettant d'obtenir résiliation du bail.

A ce sujet, la Cour de Cassation a jugé que le commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure n'a pas à être dénoncé aux créanciers antérieurs (Cass civ 3 16 mars 2017 n°15-29206 précité), ce qui est parfaitement logique puisqu'aucun texte ne le prévoit, ni même en droit commun. Le même arrêt écarte la nécessité de délivrer le commandement au mandataire judiciaire à la procédure (en redressement judiciaire)

Pour autant c'est la procédure de droit commun qui est applicable, et notamment l'article L143-2 du code de commerce, qui prévoit expressément la notification de la demande de résiliation aux créanciers inscrits, a vocation à l'appliquer: l'assignation ou la demande reconventionnelle de résiliation doit être dénoncée aux créanciers inscrits.

- en droit commun Cass civ 3ème 22 mars 2006 n°04-16747 Cass civ 3ème 6 décembre 1995 n°94-11068 Cass civ 3ème 15 décembre 1976 n°75-14898. Ainsi au sens de l'article L143-2 du code de commerce, la notification aux créanciers inscrits est un préalable au succès de l'action (avec un délai d'un mois entre la notification et la décision, le bailleur qui s'en serait exonéré et aurait eu gain de cause s'exposant à une tierce opposition du créancier inscrit.

- en procédure collective Cass civ 3ème 22 janvier 1997 n°97-10049 , Cass com 19 mai 2004 n°01-12814 "qu'après avoir énoncé à bon droit qu'en application de l'article L. 621-39 du Code de commerce, le représentant des créanciers ou le liquidateur ont seuls qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers et qu'ils détiennent ce pouvoir pour défendre l'intérêt collectif des créanciers et non les intérêts propres de l'un ou l'autre de ceux-ci, l'arrêt retient exactement que la banque, titulaire d'un nantissement sur fonds de commerce régulièrement publié, disposait d'un droit propre pour s'opposer à la résiliation du bail en invoquant l'inobservation des formalités prévues par l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, et la possibilité de se substituer au débiteur défaillant pour éviter le dépérissement de sa sûreté, de sorte que la banque, qui n'avait pu être représentée ni par le débiteur, ni par le liquidateur, lors de l'instance en constatation de la résiliation d'un bail pour l'exercice de ce droit, justifiait d'un intérêt à agir "

Mais il faut reprendre le processus de résiliation du bail : dès lors que le bailleur peut solliciter du juge commissaire qu'il statue sur la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement (3 mois), le texte ne précise pas que le bailleur doit se prévaloir d'une clause résolutoire, et a priori la résiliation sera prononcée même si cette clause n'est pas présente dans le bail : autrement dit, il ne faut pas se méprendre : le bailleur peut très bien obtenir la résiliation sans viser la clause résolutoire, et dans ce cas, évidemment le commandement préalable n'est pas nécessaire. Voir ci dessous

Le juge commissaire peut-il accorder des délais de grâce ?

Il a longtemps été considéré que, comme le ferait le juge de droit commun (Cass com 6 décembre 2011 n°10-25689) , le juge commissaire peut accorder des délais de grâce (mais il ne peut ordonner l'expulsion), mais à la stricte condition qu'il s'agisse de délais impartis pour payer les causes du commandement et pas de délais accordés dans l'espoir d'une cession: le juge commissaire doit donc veiller à la motivation de sa décision (Cass civ 3ème 9 mars 2005 n°02-13390)

La question de la possibilité pour le juge commissaire d'accorder des délais de grâce est cependant controversée, mais cela ayant l'avantage d'éviter que d'une part le juge commissaire soit saisi par le bailleur, et d'autre par le Président du Tribunal judiciaire soit saisi par le preneur en suspension des effets de la clause résolutoire, ce qui devrait alors imposer au juge commissaire un sursis à statuer, lequel ne peut en outre par la suite constater une résiliation pour laquelle des délais ont été accordés (ou à l'inverse d'ailleurs accorder des délais alors que la résiliation est acquise, cf Cass com 21 février 2012 n°11-10901)

Un arrêt Cass com 18 Mai 2022 n°20-22164 est en tout état venu affirmer que le juge commissaire ne peut accorder des délais de grâce au visa de l'article L145-41 du code de commerce, ce qui ne résout pas totalement la question, dès lors qu'il n'est pas pris position sur la faculté pour le juge commissaire d'user des délais de grâce de droit commun (article 1343-5 du code civil). Certains commentateurs considèrent qu'il est désormais acquis que le juge commissaire ne pourra accorder des délais de grace, quel que soit le texte invoqué, ce qui est peut être hâtif. 

La résiliation peut elle être ordonnée s'il n'y a pas de clause résolutoire dans le bail ou si le bailleur ne s'en prévaut pas ?

Le principe de la résiliation est posé par l'article L622-14 pour la procédure de sauvegarde, pour la procédure de redressement judiciaire (renvoi par l'article L631-14 à l'article L622-14) et pour la procédure de liquidation judiciaire (l'article L641-12 du code de commerce)    qui prévoit la possibilité de résiliation "2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement."

Le débiteur est sanctionné de ne pas payer les dettes postérieures, et cette sanction ne semble pas être dépendante de l'existence d'une clause particulière dans le bail ou de l'invocation de la clause résolutoire (qui impose un commandement) s'il en existe une.

Dans ce cas et dès lors que ce n'est pas sur le fondement de la clause résolutoire que le bail est résilié, le commandement n'a pas lieu d'être Cass com 9 juin 2019 n°18-17563 et Cass com 26 février 2020 n°18-20859

Dans ce cas seul le juge commissaire est compétent puisque la résiliation est acquise sur le fondement d'un texte spécifique du droit des procédures collectives.

Le bailleur négligent

Evidemment le bailleur qui néglige de solliciter le paiement des loyers ou de demander la résiliation du bail est mal fondé à rechercher la responsabilité du liquidateur du preneur (Cass com 31 mai 2016 n°14-23946 et dans le même sens Cass com 27 novembre 2001 n°98-22545)

La cession du fonds peut être un obstacle à la résiliation du bail

Il semble soutenable que si le juge commissaire arrête une cession de fonds de commerce, le bailleur ne peut plus rechercher contre le cessionnaire la résiliation du bail en raison du défaut de paiement des loyers par le cédant. La "transmission du droit au bail à un tiers, décidée par une décision irrévocable, est un obstacle à cette action" ( Arrêt de la Cour de MONTPELLIER du 8 janvier 2015 n°13.07743 Me AUSSEL liquidation CHALET SUISSE, L'essentiel MARS 2015 n°037).

Un telle position, qui repose sur la notion d'autorité de la chose jugée, est d'autant plus soutenable que la cession du fonds de commerce est parfaite dès l'ordonnance du juge commissaire et sous condition quelle acquière force de chose jugée, même si la vente n'est réalisée que par un acte nécessairement postérieur à l'ordonnance du juge commissaire (Cass com 7 Septembre 2010, N°09-66284).

La position de la Cour de Cassation est manifestement fluctuante: 

- un arrêt qui semble aller en sens inverse, et passe outre l'autorité de la décision ordonnant la cession du fonds (Cass civ 2ème 23 juin 2016 n°15-21408) à propos d'une cession d'entreprise,

- un autre arrêt pour sa part, admet la validité d'un commandement délivré au cédant nonobstant la cession, mais semble-t-il que l'autorité de la cession ait été invoquée Cass com 15 novembre 2000 n°99-12103   

- mais un arrêt Cass com 21 février 2012 n°11-11512 admet la résiliation du bail prononcée à l'encontre du cédant, alors même qu'une décision de cession du fonds de commerce était rendue, mais au motif express que l'acte de cession n'était pas encore passé, "le jugement ordonnant la vente du fonds de commerce, qui n'avait pas eu d'effet translatif de la propriété de ce fonds, ne pouvait pas avoir pour effet de priver les bailleurs de leur droit de poursuivre la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers échus après l'ouverture de la procédure" . A contrario, l'acte de cession, qui entraîne changement de preneur, ne permet plus de rechercher la résiliation du bail à l'encontre de l'ancien preneur, ni pour des causes le concernant (et l'éventuelle clause de solidarité entre le cessionnaire et le cédant est maintenue, si le bailleur a pris la précaution d'en insérer dans le bail, pour préserver ses droits) 

Il nous semble qu'il serait logique de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée de la décision ordonnant la cession, pour soutenir qu'en cet état le bailleur ne peut plus solliciter la résiliation du bail contre le débiteur cédant, ne serait-ce qu'en raison de la contrariété de décision s'il était fait droit à la demande du bailleur.

En tout état :

- postérieurement à la cession du fonds c'est évidemment contre le nouveau preneur que la résiliation doit être recherchée, et sauf à ce que ce dernier doive garantie au bailleur du chef du cédant, ledit preneur ne peut subir la résiliation du chef de son prédécesseur contre lequel le bailleur n'a pas, en temps utile, préservé ses droits

- il ne semble pas concevable que le bailleur qui était appelé à l'audience devant statuer sur la cession d'entreprise en qualité de contractant cédé au visa des articles L642-7 et R642-7 du code de commerce, et qui par la suite à comparu à l'acte de cession et y a consenti, puisse ensuite prétendre obtenir, pour une période déjà écoulée, la résiliation du bail: a minima en raison du principe de l'estoppel il serait irrecevable dans ses demandes.

Enfin le bailleur qui, dans le cadre d'une cession de fonds de commerce, indique qu'il renonce à se prévaloir de ses créances de loyer, antérieures et postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective et se désiste de sa demande de constat de la résiliation, n'est pas fondé à maintenir sa requête aux mêmes fins soumise au juge commissaire Cass com 5 octobre 2022 n°21-11759                         

* Résiliation judiciaire ou constatation de la résiliation pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire, non liées au paiement du loyer:

Certaines causes antérieures au jugement d'ouverture de la procédure peuvent fonder le bailleur à rechercher judiciairement ou à faire constater judiciairement la résiliation du bail (il ne peut le faire de sa propre initiative, sans intervention du juge compétent)

A priori, même si le texte n’est pas clair, ces causes antérieures ne peuvent être financières (défaut de paiement des loyers) puisque les causes financières sont frappées de suspension des poursuites

Donc il pourra s’agir par exemple du défaut exploitation, du défaut s’assurance si le bail le prévoit, du non respect des clauses du bail … voir par exemple Cass com 11 octobre 2016 n°15-16099 pour un défaut d'exploitation et d'assurance

Le bailleur doit engager l'action dans les 3 mois de la publicité au BODACC du jugement de liquidation judiciaire. Au-delà de ce délai la possibilité de résiliation est « purgée» de causes antérieures au jugement

C'est l'article L641-12 qui prévoit cette possibilité en son 2°

La procédure de résiliation est régie par l'article R641-21 du code de commerce: compétence du juge commissaire, requête, le greffier convoque le bailleur, le débiteur et le liquidateur. La convocation des créanciers nantis n'est pas prévue expressément, mais est une bonne précaution, d'autant plus qu'ils peuvent avoir intérêt à payer les loyers pour préserver le bail                                               

Trois précisions sur le traitement du bail commercial :

 - La mise en demeure n’est pas applicable au bail

Pour la plupart des contrats en cours, la loi prévoit que le contractant peut adresser à l’administrateur judiciaire ou au liquidateur une mise en demeure d’opter pour la poursuite d’un contrat : à défaut de réponse dans le mois, le contrat est réputé résilié. Ce dispositif n'est pas applicable pour le bail commercial.

En effet, en redressement judiciaire et sauvegarde l'article L622-14 du code de commerce, qui organise la résiliation du bail, renvoi bien à l'article L622-13 relatif aux contrats en cours, mais ne vise que les I et II : le III de l'article L622-13 relatif à la mise en demeure est donc exclu. En liquidation judiciaire, l'article L641-12 procède au même renvoi partiel à l'article L641-11-1 dont il ne vise que les I et II.

Certaines clauses du bail ne permettront pas la résiliation du bail, ni le défaut d'exploitation

Il est fréquent que les bail commerciaux prévoient :

* que le bail est résilié d’office en cas de liquidation judiciaire du preneur (locataire): cette clause est réputée non écrite, par l'effet de la loi, et la résiliation du bail ne peut donc être recherchée par le seul effet de la liquidation judiciaire.

* que le défaut d’exploitation du fonds de commerce entraîne résiliation du bail. Cette clause, parfaitement valide hors procédure collective, ne permet pas de rechercher la résiliation du bail en liquidation judiciaire, car évidemment à défaut il serait incohérent de prévoir que la liquidation n’emporte pas résiliation du bail puisque par ailleurs la liquidation emporte arrêt d’activité. En sauvegarde ou redressement judiciaire l'article L622-14 (applicable au redressement judiciaire) dispose expressément que le défaut d'exploitation pendant la période d'observation ne peut fonder la résiliation du bail.

- La cession du bail, (isolée ou la cession du fonds de commerce) peut intervenir suivant les deux modes de cession prévus par la loi: "cession d'entreprise" ou "cession des actifs du débiteur" (voir les cessions ).

Dans le cadre d'une cession des actifs du débiteur, la cession intervient dans le strict respect des clauses et conditions du bail (par exemple clause imposant le consentement préalable du bailleur, ou un acte authentique Cass civ 3ème 17 juin 2014 n°13-15119 (mais il s'agissait d'une cession de bail et pas d'une cession de fonds de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire)

Dans le cadre d'une cession d'entreprise:

- il est fait échec aux clauses de préemption et/ou d’agrément. Le cession s'opère au profit du cessionnaire retenu par le Tribunal, sans égard pour les éventuels bénéficiaires d'une clause de préemption ou d'agrément.

- l'activité prêvue au bail peut être étendue par le Tribunal qui ordonne la cession, à des activités "connexes ou complémentaires": cette modification a été introduite par la loi 2014-626 du 18 juin 2014 qui a modifié l'article L642-7 du code de commerce. Cette décision est prise après que le Tribunal ait entendu ou appelé le bailleur, lequel peut faire valoir ses observations. Il s'agit finalement de manière détournée d'une déspécialisation partielle du bail, demandée par le candidat dans son offre

- les modalités de cession du bail, telles que prévues au contrat, n'ont pas à être respectées, et notamment les clauses prévoyant une cession par acte notarié: la cession sous seing privé est possible (Cass com 1er Mars 2016 n°14-14716)

Dans tous les cas, la loi écarte les clauses de solidarité entre le cédant et le cessionnaire, qui ne sont pas applicables. 

 Attention à l'inverse les clauses de solidarité entre le cessionnaire et le cédant sont valables ( voir le mot "solidarité" qui détaille ces clauses)           

Même dans les cas où le bailleur ne peut pas solliciter la résiliation du bail (par exemple défaut de paiement de loyers antérieurs au jugement d'ouverture) il peut évidemment refuser le renouvellement du bail, dans les conditions de droit commun.

Enfin en cas de cession, les loyers sont dus par la procédure collective jusqu'à l'acte de cession (et non pas jusqu'à l'ordonnance du juge commissaire), sauf évidemment meilleur accord des parties (Cass com 8 mars 2017 n°15-21945) ou entrée en jouissance antérieure par le cessionnaire.

Compensation créance de loyer et dépôt de garantie (en procédure collective) et sort du dépôt de garantie

Voir le mot compensation pour le sort du dépôt de garantie et les possibilités de compensation avec les loyers dus, en cas de résiliation ou de cession du bail

Loyers dus au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective: loyers antérieurs / loyers postérieurs

Les loyers en cours au jour du jugement doivent être proratisés, entre la période d'occupation du local antérieure et la période postérieure au jugement, l'exigibilité (par exemple par trimestre payable d'avance) n'étant donc pas le critère à retenir (Cass com 28 mai 2002 n°99.12275 et Cass com 28 mai 2002 n°99-19766).

D'ailleurs l'article L622-14 du code de commerce, qui délimite les causes de résiliation pour défaut de paiement des loyers postérieurs vise le "défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure" et pas le défaut de paiement des loyers échus postérieurement.

Le privilège du bailleur

Les créances du bailleur bénéficient pour partie d’un privilège (voir ce mot). S'entend par créance du bailleur toute créance résultant de l'occupation, qu'il s'agisse de loyer ou indemnité d'occupation Cass com 25 octobre 2011 ,n°10-25257

Ce privilège a pour assiette une partie du prix de vente du fonds de commerce, en l'espèce les biens corporels et le stock.

Ces créances sont garanties par le privilège dans la limite de la prescription.

Toutefois, en cas de procédure collective le texte limite l'emprise du privilège du bailleur, dans des conditions différentes si le bail est résilié ou s'il ne l'est pas:

L'article L622-16 du code de commerce ( et avant lui l'article 2332 du code civil) organisent en effet ainsi le privilège du bailleur: 

"En cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n'a privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure.

Si le bail est résilié, le bailleur a, en outre, privilège pour l'année courante, pour tout ce qui concerne l'exécution du bail et pour les dommages et intérêts qui pourront lui être alloués par les tribunaux.

Si le bail n'est pas résilié, le bailleur ne peut exiger le paiement des loyers à échoir lorsque les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues ou lorsque celles qui ont été fournies depuis le jugement d'ouverture sont jugées suffisantes."

La formulation est trompeuse, car il est considéré que les loyers de l'année courante sont inclus dans les deux dernières années, y compris si le bail est résilié.

En outre l'article 1927 du Code Général des Impôts vient préciser que l'administration fiscale a un privilège pour le recouvrement des contributions indirectes mais est primée pour ce qui est du au titre des six derniers mois de loyer : le privilège du bailleur est donc, en pratique, éclaté en deux pour l'exercice des privilèges : les six derniers mois, et le restant des deux dernières années.

Enfin le privilège du bailleur ne s'exerce pas sur l'indemnité de perte d'exploitation perçue par le locataire en cas de perte du fonds (incendie par exemple) Cass Civ 2ème 9 avril 2009 n°08-12355

Il me semble pas y avoir de raison pour que le privilège du bailleur s'exerce sur l'indemnité d'éviction qui ne vient compenser que la valeur des éléments incorporels, sur lesquels le bailleur n'a pas privilège, mais le bailleur qui n'a pas encore payé l'indemnité doit pouvoir invoquer la compensation. Ces questions ne semblent pas avoir été jugées.

La concession du domaine public est-elle considérée comme un bail ?

Voir le mot concession du domaine public

Quid des baux professionnels, baux à construction ou crédits baux immobiliers ?

L'acquisition de la clause résolutoire antérieurement au jugement d'ouverture n'est évidemment pas remise en cause par le jugement d'ouverture, et une action en constatation du jeu de la clause résolutoire peut être menée postérieurement au jugement d'ouverture (Cass com 18 novembre 2014 n°13-23997  Cass com 8 février 2015 n°14-11129  et Cass com 3 mai 2016 n°14-23727 pour le crédit bail immobilier


Bail d'habitation

Le bail d'habitation n'est pas affecté par la liquidation judiciaire du bailleur, et l'immeuble sera vendu grevé du bail.

Le cas échéant le liquidateur devra mettre en œuvre les dispositions légales ou contractuelles de préemption du locataire, dans les conditions de droit commun (Cass com 7 octobre 2020 n°19-10685 et Cass com 7 octobre 2020 n°19-14388 )

De la même manière, la vente consécutive, dans la même opération, de plus de 10 logements, et le congé pour vendre éventuellement délivré par le bailleur (et son liquidateur) est soumise au droit commun et notamment à l'accord collectif du 9 juin 1998 (Cass civ 3ème 13 septembre 2018 n°17-20180)  mais évidemment n'est pas applicable en dehors de ses conditions strictes Cass civ 3ème 20 décembre 2018 n°18-10355

A l'inverse le bail d'habitation dont est titulaire le débiteur en procédure collective est traité comme les autres baux, et l'ouverture de la procédure collective ne remet évidement pas en cause le jeu de la clause résolutoire acquise antérieurement Cass com 23 octobre 2019 n°18-14823


Banca rota

Terme latin à l'origine du mot banqueroute

Décrivait à l'époque romaine le fait qu'en cas de faillite le banc qu'utilisait le commerçant sur le marché était brisé (le banc était rompu) pour marquer l'élimination de celui qui ne payait pas ses dettes


Banque de France (cotation FIBEN)

Quelques points de la définition

Généralités

La cotation d'activité

la cotation de crédit de l'entreprise

la cotation de l'entreprise

L'indicateur du dirigeant

Généralités

La Banque de France assure divers services et notamment délivre des indicateurs et cotations aux banques et établissements financiers, en fonction d'informations collectées par diverses sources, pour les éclairer sur les prises de décision (octroi de crédit fondé sur une cotation conforme à des standards indépendants et objectifs...) et également leur permettre de sélectionner les créances qu'elles pourront apporter en garantie des refinancements qu'elles sollicitent de leurs partenaires, pour établir le calcul de besoins en fonds propres de la banque en fonction des règles de solvabilité qui s'imposent à elles, pour apprécier la teneur de leur portefeuille de créance et leurs risques.

L'article L144-1 du code monétaire et financier organise la diffusion de l'information sur la santé financière des entreprises, détenue par la Banque de France, au profit des banques, entreprises d'assurance, organismes de retraite ..

En outre les entreprises et les dirigeants d'entreprises et entrepreneurs individuels sont évalués, dans un fichier dit FIBEN destiné au renseignement des banques (FIBEN Fichier Bancaire des Entreprises), alimenté par des informations juridiques et économiques (activité, capital) comptables (chiffre d'affaires, endettement) bancaires (crédits, incidents de paiement) et judiciaires (procédures collectives).

Pour les détails de fonctionnement de ce fichier, voir le lien http://www.fiben.fr/cotation/index.htm

(il existe également un fichier FICP Fichier des Incidents de remboursement des crédits aux particuliers)

Principalement le fichier FIBEN contient trois types de cotation:

La cotation d'activité

Cette cotation est notée de A à X qui correspond au chiffre d'affaires ( A supérieur ou égal à 750 millions d'euros, M inférieur à 0.1 Millions d'euros, N non significatif c'est à dire pas d'activité économique directe - par exemple Holding- , X inconnu)

La cotation de crédit de l'entreprise

Cette cotation correspond à la capacité de l'entreprise à respecter ses engagements à court terme 

La cotation de l'entreprise

Ces deux premières cotations se réunissent pour former la cotation de l'entreprise, qui sera par exemple cotée A3+ ou H8

L'indicateur "dirigeant" ou entrepreneur individuel

Cet indicateur est attribué à toute personne physique qui a exercé ou exerce une fonction de dirigeant ou d'entrepreneur individuel : 000, 050, 060 fondé sur les décisions des tribunaux en matière de procédure collective.

000 est neutre,

050 correspond à deux liquidations judiciaires en 5 ans ou un redressement judiciaire suivi d'un plan depuis moins de 5 ans ou une sauvegarde suivie d'un plan depuis moins de 3 ans (en application du décret 2018-834 cet indicateur est supprimé au premier janvier 2019 pour faciliter le "rebond" des chefs d'entreprise voir article D144-12 du code monétaire et financier)

060 correspond à trois liquidations judiciaire en 5 ans, ou un jugement de faillite personnelle (voir ce mot), ou interdiction de gérer (voir ce mot), ou un redressement judiciaire de moins de 2 ans non solutionné par un plan, ou d'une liquidation judiciaire de moins de 5 ans.

L'indicateur 040 qui était antérieurement attribué aux personnes ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire a été supprimé.

Par décret 2013-799 du 2 septembre 2013 entré en vigueur le 9 septembre 2013, l'article D144-12 du code monétaire et financier a été modifié, et le dirigeant ou chef d'entreprise ne fera plus l'objet d'une cote particulière s'il n'a connu qu'une liquidation judiciaire au cours des 5 dernières années.

La mesure est d'application immédiate, y compris aux situations en cours, et les cotes devenues injustifées sont supprimées.

Les indicateurs sont accessibles aux établissements financiers et aux administrations, et consultables par les intéressés. L'indicateur ne peut être pris en considération pour l'octroi d'un crédit non professionnel.

Si la suppression de l'indicateur 040 a été bien accueillie, reste que les indicateurs encore utilisés présentent des incohérences, notamment le fait que deux liquidations en moins de 5 ans donnent lieu au même indicateur qu'un redressement judiciaire ou une sauvegarde (indicateur 050) ou que trois liquidations soient "équivalentes" à une faillite personnelle ou un redressement judiciaire (indicateur 060). De même l'indicateur 060 semble s'appliquer en cas de liquidation judiciaire "à titre personnel" de moins de 5 ans alors que l'indicateur 040 (une liquidation de moins de 3 ans) a été supprimé.

Tout débiteur a un droit d'accès et de rectification à sa cotation.


Banqueroute

voir les sanctions pour une étude détaillée où la définition est volontairement déportée

La banqueroute dans le language commun: la "faillite"

Le terme est parfois employé (comme parfois le mot faillite), de manière impropre, pour décrire une situation financière catastrophique et l'impossibilité de payer ses créanciers. Par exemple tel ou tel Etat tente d'éviter la banqueroute par des efforts de restructuration financière et la hausse des impôts.

Le terme est également, là encore de manière impropre, pour décrire une "faillite frauduleuse" (voir le mot "faillite").

En réalité ce terme a une signification juridique précise (voir ci dessous)

La banqueroute dans le droit positif: une sanction pénale

Le tribunal qui prononce une condamnation pour banqueroute peut également prononcer la faillite personnelle (voir ce mot)

Voir les sanctions


Banqueroute de Law

Au lendemain de la mort de Louis XIV , en 1715, Philippe d'Orléans le Régent de Louis XV se trouve face à de sévères difficultés financières en raison des couteuses campagnes de guerre et des fastes de Louis XIV.

La dette dépasse 3,5 milliards de livres, soit l'équivalent d'une dizaine d'années de recettes et le produit insuffisant des impôts aggrave le déficit.

Se refusant à une banqueroute, le Régent autorise par édit du 2 Mai 1716, Law (prononcer Lass en Français), financier écossais, à créer une banque privée, sur le modèle de la banque d'Angleterre, qui prend le nom de « Banque Générale», établie à Paris, initialement Rue Vivienne , puis Rue Quincampoix

La banque :

  • reçoit le privilège de l'émission de billets, garantis par le dépôt de numéraire (or et argent), convertibles en or et argent, et présentant l’avantage d’être plus faciles d’utilisation que les pièces d'or.
  • accorde des facilités aux commerçants
  • Offre la possibilité à ses porteurs de parts de souscrire des "billets" d'État (un peu comme un emprunt d'Etat), que l'État lui-même pourrait rembourser en billets de banque, ce qui avait l’avantage de réduire la dette publique

La banque connaît un succès immédiat notamment en raison de la spéculation sur ses titres et du rendement élevé qu’ils procurent.

Law crée progressivement d’autres sociétés notamment la Compagnie d'Occident, pour les colonies françaises d'Amérique et du Sénégal et en absorbe certaines : Compagnie de Louisiane qui lui donne le monopole commercial sur ce territoire et l’espoir de concurrencer l’Espagne et l’Angleterre, Compagnie Française des Indes Orientales et la Compagnie de Chine

La Banque générale devient Banque royale en 1718 et les billets de banque sont désormais garantis par le roi. En 1719, la banque reçoit les recettes publiques, c'est à dire que les collectes fiscales y sont déposées par le roi.

Law possède alors la mainmise complète sur l'ensemble du commerce extérieur et du système fiscal de la France.

L'émission des actions de la banque permet de convertir les anciennes rentes d’état et de les liquider, ce qui a pour effet que le niveau de la dette publique baisse.

La banque prête en outre 1,2 Milliard de livres au Régent, au taux de 3 %, en vue de rembourser partiellement la dette publique (environ un tiers de la dette publique)

Ces prêts entraînent des augmentations successives de capital de la banque, ce qui est générateur de spéculation dès le début de 1720

La même année, la banque et les compagnies fusionnent et Law est nommé contrôleur général des finances

La banque procède alors manifestement à une émission excessive de billets par rapport à ses réserves d'or et d'argent.

La situation s'emballe : pour briser la traditionnelle thésaurisation française de l'or et de l'argent, Law interdit la possession de plus de 500 livres de métaux précieux par foyer, sous peine de confiscation et d'amende.

Il va même jusqu’à suspendre la valeur libératoire de l'or..

La rumeur d'une banqueroute est répandue par quelques initiés et des adversaires irréductibles de Law : cette rumeur est sans doute un peu prématurée, mais dans un processus qui ne repose que sur la confiance des déposants, a un effet désastreux.

La méfiance apparaît.

Des grands personnages comme le prince de Conti et le duc de Bourbon, viennent en personne retirer de l'or au siège de la banque, rue Quincampoix, ce qui entraîne des émeutes. Le cours des actions chute, sans que Law parvienne à le contrôler.

Le 17 juillet 1720, 17 morts sont ramassés à la suite des émeutes rue Quincampoix.

Le 21 juillet 1720, un arrêt institue une semi-banqueroute et le 10 octobre 1720 est annoncée la suspension des billets de la Banque royale.

Law démissionne de ses fonctions ministérielles et s'enfuit

La liquidation du système est organisée : les détenteurs d'actions doivent les faire « timbrer » c’est-à-dire à obtenir un visa pour être indemnisés. Les petits porteurs sont intégralement indemnisés par l’Etat et les spéculateurs qui ont contribué à la faillite du système sont frappés d’amende.

D’un strict point de vue économique le système a dynamisé le commerce extérieur, principalement vers les colonies, contribué malgré tout à la diminution de la dette publique et été l’ancêtre de la monnaie papier, évidemment beaucoup plus encadrée. 


Bien corporel / Bien incorporel

Voir "actif corporel" et "actif incorporel". Voir également le cas échéant "meuble" et "immeuble"


Bien fongible

Littéralement les biens sont fongibles quand on peut les confondre.

La notion est particulièrement importante en matière d'action en revendication ou en restitution sur le fondement d'une clause de réserve de propriété (voir tous les mots).

En l'espèce la restitution n'est possible que si le bien vendu est encore dans le patrimoine du débiteur.

Plus précisément pour que le bien vendu mais non encore payé soit restitué, il convient que ce bien - et très exactement ce bien, avec les problèmes de preuve que cela peut poser - soit encore présent.

La loi a admis un assouplissement à cette exigence d'identité stricte entre le bien vendu non payé et le bien qui doit être restitué dans le cadre d'une action en revendication: les biens dits "fongibles" sont restitués sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve que ceux qui sont présents dans le patrimoine du débiteur sont très exactement ceux qui sont impayés: il suffit de démontrer qu'ils sont rigoureusement identiques.

Par exemple imaginons que la même entreprise ait deux fournisseurs du même produit, disons des trappes de désenfumage d'un modèle X fabriqués par la société Z. L'un de ces fournisseurs, la société A a effectué plusieurs livraisons successives des trappes et l'une de ses factures n'est pas payée. Les autres fournisseurs ont également livrés les mêmes trappes mais ont été payés.

Au jour du redressement judiciaire de l'acheteur, des trappes sont en stock.  La société A revendique les trappes à concurrence de sa facture impayée.

Deux raisonnements sont possibles:

- exiger de la société A qu'elle démontre que les trappes en stock sont celles qui correspondent à sa facture impayée. Cette démonstration est généralement impossible, car l'acheteur n'a pas forcément consommé le stock dans l'ordre d'arrivée.

- considérer que les trappes en stock sont très exactement les mêmes que celles qui font l'objet de la facture impayée, c'est à dire faire appel à la notion de bien fongible (qu'on peut confondre) et faire droit à al revendication. C'est cette seconde solution qui est retenue par la loi. 


Bilan économique, social et environnemental

C'est le document établi par l'administrateur judiciaire en cours de période d'observation pour présenter l'entreprise sous ses aspects essentiels.

Ce rapport est prévu par l'article L623-1 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde, auquel renvoi l'article L631-18 pour le redressement judiciaire.

Les articles L623-2 et suivants du code de commerce précisent dans quelles conditions le juge commissaire peut collecter des informations et les communiquer à l'administrateur judiciaire.

L'article R623-1 du code de commerce applicable à la sauvegarde précise que ce bilan est déposé au greffe et diffusé aux organes de la procédure (l'article R631-28 procède par renvoi à l'article R623-1)

Concrètement le bilan économique et social est remis pour information au comité d'entreprise ou à défaut aux délégués du personnel, au mandataire judiciaire, aux contrôleurs, et ces personnes sont également consultés sur son contenu. Il est également adressé à l'autorité administrative compétente en matière de droit du travail avec le PV de consultation du comité d'entreprise (ou des délégués du personnel) et communiqué au ministère public (article L626-8)

L'esprit du texte est que ce document est établi en période d'observation, et sera le document de référence pour la recherche de l'issue de la procédure, puisqu'il contient une analyse de l'origine, l'importance et la nature des difficultés.


BODACC

Le nom

BODACC est l'abréviation de Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales. C'est un journal officiel.

Peut être consulté sur le site gratuit bodacc.fr en suivant le lien suivant http://www.bodacc.fr/

Ce site permet, à partir du nom d'une entreprise, de rechercher s'il elle fait l'objet d'une procédure collective, et dans l'affirmative d'identifier les principales décisions rendues.

Le décret 2021-462 du 16 avril 2021 modifiant le décret 2012-1547 du 28 décembre 2012 remplace (applicable au 1er juillet 2021) le mot "journal" par le mot "support" de telle manière qu'à compter de cette date l'édition papier n'est plus nécessaire.

Le rôle du BODACC

Y sont publiés, par les greffes, les annonces légales relatives aux évènements majeurs de la vie des entreprises dont la loi considère que les tiers doivent être informés, de manière le cas échéant à faire valoir leurs droits:  création, modification, cession, cessation d’activité, procédures collectives.

Il comporte trois éditions :

– série A (ventes et cessions, créations d’établissements, procédures collectives) ;

– série B (modifications diverses et radiations d’établissements) ;

– Série C (avis de dépôt des comptes de sociétés).

Le BODACC dans les procédures collectives

Dans le cadre des procédures collectives, le BODACC publie les annonces requises par les greffes des tribunaux (sous forme d'extraits de jugement, c'est à dire en reprenant les mentions essentielles), lesquelles concernent les décisions dont cette publication est prévue par les textes.

Il s'agit d'informer les tiers et par voie de conséquence :

- d'ouvrir le délai de recours des tiers,

- et d'ouvrir certaines délais prévus par la loi qui courent à compter de l'insertion au BODACC (par exemple les délais de déclaration de créance, de revendication, de demande de restitution, de demande de relevé de forclusion courent à compter de l'insertion au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure, les délais de recours contre l'état des créances courent à compter du BODACC ...).

Il n'existe pas un texte qui énumère les décisions devant être publiées au BODACC, et c'est généralement la partie règlementaire du code de commerce, pour telle ou telle décision, qui précise qu'elle fera l'objet de publication. Les textes d'ailleurs se contentent en principe de disposer que la décision "fera l'objet des publicités prévues à l'article R621-8", texte qui vise le jugement d'ouverture de la procédure.

Sont concernés :

jugements d’ouverture de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, portant toutes les mentions obligatoires (dont la date de cessation des paiements), dont l'invitation aux créanciers à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire, dans le délai de deux mois et, à compter du 1er Octobre 2015 les indications permettant d'utiliser le portail national de déclaration de créance. ... (qui n'existe plus)  (article R621-8 du code de commerce)

L'article R621-8 du code de commerce précise les mentions que doit comporter l'insertion :

Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l'indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l'article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d'identification ainsi que, s'il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l'artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l'activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l'article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d'agriculture mentionnée par ce texte, de l'activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l'adresse du mandataire judiciaire et de l'administrateur s'il en a été désigné avec, dans ce cas, l'indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l'avis aux créanciers d'avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.

Le même avis est publié dans un journal d'annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.

Le greffier procède d'office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement."

Le délai imparti au greffe est dépourvu de sanction sauf éventuelle action en responsabilité

Il convient de préciser qu'en cas de suspension d'exécution provisoire, qu'il s'agisse d'une ordonnance du premier président, ou d'un appel du ministère public, qui est de droit suspensif en matière de liquidation judiciaire (article R641-7 du code de commerce)

Les erreurs affectant la publication au BODACC sont en principe sanctionnées par l'inefficacité de la publication, qui ne fait donc courir ni les délais de recours ni les délais de déclaration de créance. Cependant l'examen des décisions rendues laisse perplexe: parfois la Cour de Cassation sanctionne les irrégularités, sans qu'il soit nécessaire pour celui qui invoque cette irrégularité, d'établir en quoi elle a été déterminante pour lui, et parfois des irrégularités a priori décisives sont écartées au motif qu'elles ne privaient pas le créancier d'identifier le débiteur ou qu'elles ne changeaient rien à la formalité à accomplir.

* Cass com 14 février 1995 n°93-10151 pour des erreurs sur le nom, le sigle et l'absence du numéro d'immatriculation, qui invalident l'insertion (mais avec une très singulière et critiquable décision Cass com 5 février 2002 n°99-10427 qui valide une insertion ne comportant pas de mention du numéro n'inscription, au prétendu motif que l'identification était malgré tout possible, alors que la plupart des programmes informatiques des sociétés de recouvrement, établissements financiers ... effectuent des rapprochements automatiques entre leurs clients et les insertions, précisément avec le seul numéro d'identification !). Cette dernière décision, rendu sur le fondement du décret de 1985 ne serait certainement pas reproduite dans les circonstances actuelles (article R621-8)

Cass com 17 mars 1998 n°95-10931 pour une erreur d'orthographe sur le prénom, qui invalide l'insertion

* Cass com 9 novembre 2004 n°02-13015 pour une erreur entre redressement judiciaire et liquidation judiciaires, considérée comme ne changeant rien à la déclaration de créance (alors à bien y réfléchir que la liquidation entraîne déchéance du terme et modifie donc le contenu des déclarations de créance) et précisant que la validité de l'insertion doit s'apprécier sans tenir compte des particularités du créancier concerné en l'espèce, et alors même que par arrêt Cass com 12 avril 2005 n°03-20691 et un arrêt Cass com 5 février 2002 n°99-12863 une erreur sur la date du jugement, qui fausse le calcul des créances échues / à échoir a été considérée comme invalidant l'insertion

Cass com 31 janvier 2012 n°11-11940 pour une erreur sur l'activité, qui a été considérée comme n'invalidant pas l'insertion, alors à notre avis qu'elle est de nature à induire en erreur sur l'indentification du débiteur

Evidemment si l'insertion ne mentionne pas que les créanciers doivent déclarer créance, elle ne saurait faire courir le délai de cette formalité Cass com 6 juillet 1993 n°91-12636

– jugements arrêtant les plans de sauvegarde, de redressement ou de cession (R626-18)  prononçant la confusion des patrimoines, la clôture de la procédure, ...

– jugements prononçant des sanctions : faillite personnelle ou interdiction de gérer 

– dépôt de l’état des créances, dépôt de l’état de collocation, dépôt de l’état de répartition du prix de vente des meubles dans les liquidations judiciaires simplifiées

Les principales décisions rendues en matière de procédure collective (ouverture, plan, clôture, sanction, renouvellement de période d'observation ..) sont également mentionnées (si le débiteur en relève) au registre du commerce et des sociétés ( et sera visible sur son extrait KBIS, et dans un journal d'annonces légales.

Voir aussi Publicité et voies de recours


Bordereau de pièces

C'est la liste des pièces invoquées par une partie, dans une procédure. En principe le bordereau est annexé aux conclusions.


Bref délai (appel)

Les articles 905 et suivants du CPC organisent une procédure d'appel dite à bref délai.

Cette procédure est applicable aux appels en matière de procédure collective.