Glossaire

Dailly (cessions)

La cession de créance professionnelle dite Dailly (du nom du sénateur Dailly qui est à l’initiative de la loi) est une forme particulière de la cession de créance, prévue par les articles 1689 et suivants du Code civil par laquelle un créancier cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son débiteur, appelé débiteur cédé.

Le processus a été conçu pour être plus souple, moins formaliste et plus efficace que la cession de créance de droit commun.

C'est un écrit par lequel une personne, appelé le cédant, transfère à un établissement de crédit et uniquement à un établissement de crédit) appelé le cessionnaire, la propriété de créance professionnelles (et uniquement professionnelle) en paiement d’une obligation ou en garantie d’une créance.

Le même texte prévoit en effet la cession de créance stricto sensu et la cession de créance à titre de garantie, aussi dénommée nantissement de créance (ce qui est inapproprié puisqu’en l’espèce la créance est cédée et change donc de propriétaire, et entretient une fâcheuse confusion avec le nantissement de créance de droit commun)

Le débiteur cédé, c'est-à-dire le débiteur de ladite créance, devra donc s'acquitter de son obligation envers le cessionnaire, si celui-ci lui a notifié la cession.

La cession Dailly est régie par les articles L313-23 et suivants du Code monétaire et financier.

La cession Dailly s’opère au moyen d’un simple bordereau (dit bordereau Dailly) qui doit à peine de nullité comporter les mentions suivantes (article L313-23)

"Tout crédit qu'un établissement de crédit, qu'un FIA relevant du paragraphe 2 de la sous-section 3 ou de la sous-section 5 de la section II du chapitre IV du titre Ier du livre II, ou qu'une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, de ce FIA, ou de cette société, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle.

Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés.

Le bordereau doit comporter les énonciations suivantes :

1. La dénomination, selon le cas, " acte de cession de créances professionnelles " ou " acte de nantissement de créances professionnelles " ;

2. La mention que l'acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 ;

3. Le nom ou la dénomination sociale de l'établissement de crédit, du FIA mentionné au premier alinéa, ou de la société de financement bénéficiaire ;

4. La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d'effectuer cette désignation ou cette individualisation, notamment par l'indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance.

Toutefois, lorsque la transmission des créances cédées ou données en nantissement est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions indiquées aux 1, 2 et 3 ci-dessus, le moyen par lequel elles sont transmises, leur nombre et leur montant global.

En cas de contestation portant sur l'existence ou sur la transmission d'une de ces créances, le cessionnaire pourra prouver, par tous moyens, que la créance objet de la contestation est comprise dans le montant global porté sur le bordereau.

Le titre dans lequel une des mentions indiquées ci-dessus fait défaut ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement de créances professionnelles au sens des articles L. 313-23 à L. 313-34"

La remise du bordereau à son destinataire entraîne de plein droit transfert des créances avec tous leurs accessoires, sûretés et garanties et suffit à rendre l'opération opposable aux tiers, c'est-à-dire à tout autre cessionnaire ou aux créanciers du cédant

L’avertissement du débiteur cédé ne conditionne pas la validité de l’opération, à la différence de la cession de droit commun, mais évidemment en pratique le cessionnaire notifie par tout moyen la cession au débiteur pour éviter un paiement entre les mains du cédant, et le débiteur peut accepter expressément la cession.

Le processus permet donc aux entreprises de mobiliser leurs créances dès l’émission de la facture et de bénéficier du crédit correspondant.

 Voir cession de créance et nantissement de créance


Date de cessation des paiements

Quelques points de la définition

Généralités

Première fixation

Omission de fixation dans le jugement

Modification

Publicité

Importance et enjeux

Pour la responsabilité des dirigeants

Pour la délimitation de la période suspecte

Quelle date de cessation des paiements en matière de sanction ?

Généralités

Au sens de la définition légale, la cessation des paiements est l’impossibilité de faire face au passif exigible (c'est-à-dire aux dettes arrivées à échéance) avec l’actif disponible (c'est-à-dire avec les fonds dont l’entreprise peut immédiatement disposer). Concrètement c'est la date à partir de laquelle l'entreprise ne peut plus payer à l'instant T ce qu'elle doit à ce même instant T. Voir l'étude sur l'état de cessation des paiements.

Première fixation

Dans le jugement d’ouverture de la procédure, le Tribunal fixe la date de cessation des paiements, qui est la date à partir de laquelle le Tribunal considère que l’entreprise n’a plus été en mesure de faire face à ses dettes.

Le texte de l’article L631-8 du code de commerce précise que cette fixation a lieu «après avoir recueilli les observations du débiteur».

Etant précisé qu'en cause d'appel du jugement d'ouverture, la Cour peut parfaitement se fonder sur le rapport du liquidateur pour fixer la date de cessation des paiements Cass com 8 septembre 2021 n°20-11925

La rédaction du texte ne permet pas de savoir si, pour la fixation initiale de la date de cessation des paiements, le tribunal est limité par les 18 mois auquel l'alinéa 2 de l'article L631-8 cantonne la date de cessation des paiements fixée sur action en report

A priori on peut soutenir que le texte

"Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure"

doit s'interpréter strictement, et s'il n'est pas possible par un jugement de report, de reporter la date de cessation des paiements plus de 18 mois avant le jugement d'ouverture, cette limite de date ne semble pas s'appliquer au jugement d'ouverture, qui devrait donc pouvoir fixer une date antérieure.

Ceci étant ce qui n'est absolument pas la pratique et d'ailleurs il a été jugé que si la Cour infirme un jugement d'ouverture et prononce à nouveau l'ouverture d'une procédure collective en suite de l'effet dévolutif, elle est tenue de ne pas fixer une date antérieure de plus de 18 mois à son arrêt Cass com 12 janvier 2022 n° 20-16394 et la date ne pourra pas être repoussée antérieurement

Fixation par la loi de la date de cessation des paiements en cas d'omission de fixation par la juridiction

Le même article L631-8 précise que si le tribunal a omis de fixer la date de cessation des paiements, elle est réputée intervenir à la date du jugement d'ouverture de la procédure (qui a omis la mention)

Modification de la date de cessation des paiements

La fixation de la date de cessation des paiements dans le jugement d'ouverture de la procédure est provisoire

Cette date peut être modifiée, par jugement ultérieur du Tribunal, en fonction des constatations effectuées, et peut être fixée jusqu’à 18 mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure (voir "report de date de cessation des paiements") ( y compris d'ailleurs si l'ouverture est une procédure de sauvegarde) L631-8

Publicité de la date de cessation des paiements

La date de cessation des paiements est fixée par jugement, que ce soit le jugement d'ouverture de la procédure collective ou un jugement dit de "report" de la date de cessation des paiements, rendu ultérieurement.

Le décret n°2015-1009 du 18 Aout 2015 ( article 3) est venu modifier l'article R 621-8 du code de commerce: à compter des procédures ouvertes à partir du 1er Octobre 2015, la publicité au BODACC du jugement d'ouverture de la procédure mentionnera la date de cessation des paiements si celle-ci est différente de la date du jugement.

Importance en enjeux de la date de cessation des paiements

La date de cessation des paiements et la responsabilité des dirigeants

La date de cessation des paiements a une incidence importante pour apprécier la responsabilité du chef d’entreprise qui a tardé à effectuer une déclaration de cessation des paiements. En effet certaines sanctions peuvent être applicables en cas de retard, puisque le fait de poursuivre son activité en état de cessation des paiements entraîne forcément un préjudice pour les créanciers qui n'auraient pas subi d'impayé si l'entreprise avait immédiatement pris les dispositions appropriées.

La date de cessation est le point de départ de la période dite "suspecte"

Cette date de cessation des paiements a une autre importance : elle fixe de début de ce qu'on appelle la période suspecte (voir ce mot).

La loi considère à ce sujet qu'une entreprise en état de cessation des paiements - par hypothèse non révélé, mais que le chef d'entreprise connait ou est censé connaître - risque d'accomplir des actes non conformes aux règles légales ou aux usages, soit pour éviter que son état de cessation des paiements soit révélé, soit pour favoriser un créancier auquel par exemple auquel il a donné sa caution, soit encore pour préparer la future constitution d'une nouvelle entreprise.

Pour cette raison les actes effectués entre la date effective de cessation des paiements, constatée par le Tribunal, et le jugement d'ouverture de la procédure collective sont considérés comme "suspects", d'où le nom de "période suspecte".

Dans certains cas, la loi permet au Tribunal, saisi par les mandataires de justice, de prononcer la nullité de ces actes.

Par exemple le débiteur qui, pour dégager sa caution, donne du matériel à un créancier en paiement de sa créance qu'il ne peut payer, s'expose à la nullité de cet acte.

Quelle date de cessation des paiements pour les sanctions ?

La date de cessation des paiements est un éléments qui intervient dans l'appréciation des sanctions contre le dirigeant.

Dans le cadre de l'action en comblement de passif, la date retenue est celle fixée par le jugement d'ouverture ou reportée (voir comblement de passif).

De même la date de cessation des paiements retenue pour le prononcé de l'interdiction de gérer est celle fixée par le jugement d'ouverture de la procédure ou dans un jugement de report de date de cessation des paiements ( article R653-1 du code de commerce)

Concernant les infractions pénales, voir les sanctions

 


Date limite de dépôt des offres

Voir Cession d'entreprise


Dation en paiement

Voir nullités de la période suspecte


Débats devant une juridiction

Organisation des débats

Le code de procédure civile détermine les modalités d'organisation des débats devant une juridiction

Article 430 La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire.

Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.

Les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables dans les cas où il aurait été fait appel à une personne dont la profession ou les fonctions ne sont pas de celles qui l'habilitent à faire partie de la juridiction.

Article 431 Le ministère public n'est tenu d'assister à l'audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi.

Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience.

Article 432 Les débats ont lieu au jour et, dans la mesure où le déroulement de l'audience le permet, à l'heure préalablement fixés selon les modalités propres à chaque juridiction. Ils peuvent se poursuivre au cours d'une audience ultérieure.

En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction après l'ouverture des débats, ceux-ci doivent être repris.

Article 433 Les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil.

Ce qui est prévu à cet égard en première instance doit être observé en cause d'appel, sauf s'il en est autrement disposé.

Article 434 En matière gracieuse, la demande est examinée en chambre du conseil.

Article 435 Le juge peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice.

Article 436 En chambre du conseil, il est procédé hors la présence du public.

Article 437 S'il apparaît ou s'il est prétendu soit que les débats doivent avoir lieu en chambre du conseil alors qu'ils se déroulent en audience publique, soit l'inverse, le président se prononce sur-le-champ et il est passé outre à l'incident.

Si l'audience est poursuivie sous sa forme régulière, aucune nullité fondée sur son déroulement antérieur ne pourra être ultérieurement prononcée, même d'office.

Article 438 Le président veille à l'ordre de l'audience. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté.

Les juges disposent des mêmes pouvoirs sur les lieux où ils exercent les fonctions de leur état.

Article 439 Les personnes qui assistent à l'audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d'approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit.

Le président peut faire expulser toute personne qui n'obtempère pas à ses injonctions, sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires qui pourraient être exercées contre elle.

Article 440 Le président dirige les débats. Il donne la parole au rapporteur dans le cas où un rapport doit être fait.

Le demandeur, puis le défendeur, sont ensuite invités à exposer leurs prétentions.

Lorsque la juridiction s'estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense.

Article 441 Même dans les cas où la représentation est obligatoire les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales.

La juridiction a la faculté de leur retirer la parole si la passion ou l'inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire.

Article 442 Le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.

Article 443 Le ministère public, partie jointe, a le dernier la parole. S'il estime ne pas pouvoir prendre la parole sur-le-champ, il peut demander que son audition soit reportée à une prochaine audience.

Article 444 Le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats.

Article 445 Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

La sanction des anomalies d'organisation des débats:

Article 430 La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire.

Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office.

Article 446 Ce qui est prescrit par les articles 432 (alinéa 2), 433, 434, 435 et 444 (alinéa 2) doit être observé à peine de nullité.

Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation de ces dispositions si elle n'a pas été invoquée avant la clôture des débats. La nullité ne peut pas être relevée d'office.


Débit de boisson

Voir licence débit de boisson


Débit de tabac

(texte rédigé d'après une note des services des Douanes)

Quelques points de la définition

Généralités

Présenter un successeur, y compris en liquidation judiciaire

Conditions à remplir pour le successeur

Déplacement

absence de successeur

Généralités

La vente de tabac est une activité réglementée notamment  par  l'article  568  du  code  général  des  impôts  et  le  décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 modifié relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des  tabacs  manufacturés.

Les douanes sont l'administration de tutelle des débitants de  tabac.

Le débit de tabac est la propriété de l'Etat qui en confie l'exploitation au débitant à l'issue de la signature d'un contrat de gérance conclu intuitu personae qui n'est pas cessible. Le débitant est, à ce titre, préposé de l'administration, et il est  aussi un commerçant puisque l'article 4-2° du décret précité conditionne cette qualité de débitant à la pleine et entière propriété du fonds de commerce associé au débit.

L'une des possibilités prévues pour devenir buraliste est d'être présenté à la douane comme « successeur » dans l’exploitation du débit associé à un fonds de commerce qui va être cédé.

Présenter un successeur, y compris en liquidation

Trois personnes sont autorisées à présenter un successeur : le gérant en exercice, le propriétaire du fonds de commerce en cas de location-gérance, le mandataire judiciaire en cas de mise en œuvre d'une procédure collective (article 20-1 du décret n° 2010-720).

Pendant la durée de la liquidation judiciaire, le débit est  placé en fermeture provisoire, mesure conservatoire (article 36  du décret n° 2010-720).

Le débitant est dessaisi de l'administration et de la disposition du fonds de commerce et c’est le liquidateur qui peut présenter à la douane un successeur à la gérance du débit de tabac.

Le fonds de commerce stricto sensu est cessible, mais pas le débit de tabac

Concrètement, il s'agit pour le liquidateur d'informer par courrier la direction régionale des douanes dont dépend le débit en cause, que l'acquéreur potentiel du fonds de commerce est candidat à la gérance du débit.

L'article 20 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 modifié permet au mandataire judiciaire de présenter comme successeur au directeur régional des douanes le cessionnaire du fonds de commerce associé au débit, avant la vente de ce fonds afin de permettre aux services douaniers de vérifier que le repreneur remplit les conditions pour devenir débitant prévues aux articles 3, 4 et 5 du décret précité

Conditions à remplir par le successeur.

Ne peut devenir débitant de tabac que l'exploitant individuel ou la société en nom collectif dont  tous  les associés  sont des personnes  physiques  qui  remplit les conditions suivantes :

  • disposer d'un local commercial adéquat situé au lieu d'implantation retenu par l'administration des douanes;
  • avoir la pleine et entière propriété du fonds de commerce associé au débit de tabac.

 En outre, ne peut être gérant d'un débit de tabac ou associé d'une société en nom collectif qui exploite un débit de tabac, que la personne physique qui réunit les conditions suivantes :

  • être de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie  à l'accord  sur l'Espace économique européen ou ressortissant de la Confédération  suisse  ;
  • présenter des garanties d'honorabilité et de probité, appréciées notamment au vu du bulletin n° 2 du casier judiciaire;
  • être majeure et ne pas être sous tutelle ou curatelle ;
  • jouir de ses droits civiques dans l'Etat dont elle est ressortissante ;
  • justifier de son aptitude physique au moyen d'un certificat médical établi par un médecin agréé par l'agence régionale de santé;
  • ne pas être gérant d'un autre débit de tabac ou ne pas être suppléant d'un débitant en exercice ou associé dans une société en nom collectif exploitant un autre débit de tabac ;
  • satisfaire aux obligations de formation professionnelle initiale et continue.

 Si le successeur à la gérance du débit de tabac ne remplit pas intégralement ces conditions, il ne pourra pas être agréé par les services douaniers.

Déplacement d'un débit de tabac au sein d'une même commune.

Attention  : si  l'acquéreur du fonds de commerce souhaite exploiter  le débit de tabac dans des locaux dont il dispose déjà ,  il devra toutefois en  commencer  l'exploitation  dans  le local commercial  où  était situé  le débit  de tabac associé  au fonds de commerce, qui correspond au lieu d'implantation où il a été agréé.  Ensuite,  il  pourra  demander  au  maire  le  déplacement du débit  de tabac dans ses  propres  locaux conformément  aux dispositions  de  l'article  13 du  décret  précité.

En effet, la demande de déplacement ne peut être effectuée que par un débitant en exercice, ce qui exclut  la  possibilité  qu'elle émane du liquidateur, ou du successeur  avant qu'il soit agréé.

En outre, même s'il doit consulter pour avis le directeur régional des douanes territorialement compétent et la Confédération nationale des buralistes, la décision d'autoriser un déplacement est de la compétence du seul maire de la commune où est exploité le débit de tabac.

Absence de successeur           

Si aucun successeur n'est présenté ou que le successeur ne répond  pas aux conditions requises, le débit de tabac est fermé définitivement dès la clôture de  la liquidation judiciaire (article 37 du décret n°  2010-720) ,


Débiteur (procédure collective ou surendettement)

Quelques points de la définition

Actualité

La loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité indépendante a vocation à modifier radicalement le statut de l'entrepreneur individuel.

Ce texte organise la scission du patrimoine de l'entrepreneur entre patrimoine professionnel - exposé au paiement des créanciers - et patrimoine personnel - protégé des initiatives des créanciers professionnels (article 1 qui modifie l'article L526-22)

Ce nouveau statut a vocation a remplacer l'entreprise individuelle à responsabilité limité (article 5) et aura évidemment des conséquences sur les procédures collectives (article 5 qui crée L642-22-1 du code de commerce) et modifie certains textes

Pour plus de précisions voir le mot entrepreneur individuel

 

Généralités

Débiteur relevant du surendettement des particuliers

Débiteur relevant des procédures collectives

Les personnes morales de droit privé

Les agriculteurs

Les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale

Exerçant effectivement

Le cas particulier des auto-entrepreneurs (maintenant micro entrepreneurs)

les commerçants par nature

Les personnes exerçant une activité indépendante

Le cas particulier du débiteur décédé

le cas particulier du débiteur qui a cessé son activité

Le tribunal compétent

Généralités

C’est celui qui doit.

La loi organise des procédures dites d'exécution, destinées à obtenir le paiement forcé d'un débiteur qui refuse de payer, mais qui peut payer.

La loi accorde également un traitement particulier au débiteur qui ne peut payer toutes ses dettes pour des raisons qui peuvent être multiples : évolution négative d'un secteur d'activité, incidents ou accidents de la vie, erreurs de stratégie, recours excessif au crédit ...

D'une part il faut que les droits des créanciers soient défendus, et d'autre part il faut ménager au débiteur une vie décente et des possibilités d'avenir.

La loi a progressivement mis au point des traitements de ces situations,

- d'une part pour les "entreprises": ce sont les procédures collectives de sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire,

- d'autre part pour les "particuliers": c'est la procédure de surendettement des particuliers.

Un débiteur va donc relever de l'un ou l'autre de ces dispositifs, suivant ses "qualités", avec le cas échéant des interférences depuis l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 (15 mai 2022) qui a modifié le dispositif, en éclatant le patrimoine de l'entrepreneur individuel entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel, avec diverses hypothèses de procédure collective et/ou surendettement.

Pour plus de précisions voir le mot entrepreneur individuel

Débiteur relevant du surendettement des particuliers

Voir le mot "surendettement des particuliers" qui explique notamment quelles dettes justifient l'ouverture de la procédure de surendettement, et quelles dettes sont ensuite incluses dans la procédure (les dettes dites professionnelles, par exemple le RSI du dirigeant d'une entreprise, ne sont pas prises en considération pour l'appréciation des conditions d'ouverture de la procédure, ce qui amène à un vide juridique si le débiteur n'a que ce type de dettes)

Un débiteur qui ne relève pas des procédures applicables aux "entreprises" (voir ci dessous) relève sous certaines conditions du surendettement des particuliers. Par contre dès lors que le débiteur relève du dispositif des procédures collectives, il n'est pas éligible au surendettement (article L711-3 du code de la consommation) Ainsi l'avocat peut se trouver en procédure collective et pour cette raison n'est pas éligible au surendettement Cass com 17 juin 2020 n°19-10464

Il s'agit essentiellement, sous le terme "particulier", des salariés, des personnes sans activité, et de toute personne physique qui n'exerce aucune activité commerciale, artisanale ou libérale.

La loi a étendu le dispositif en le rendant également applicable aux dirigeants d'entreprises (qui relèvent elles mêmes du dispositif des procédures collectives) qui sont surendettés notamment en raison d'engagements de caution donnés aux créanciers de l'entreprise qu'ils dirigent.

Débiteur relevant du dispositif des procédures collectives

Dans la terminologie des procédures collectives, le terme "débiteur" employé dans les textes désignent l’entreprise en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

Il convient immédiatement de préciser que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour ouvrir une procédure collective à l'encontre d'un débiteur étranger (situé hors de France) Cass com 12 juin 2024 n°22-16626

L'article L620-2 du code de commerce délimite l'emprise des procédures collectives.

Les procédures collectives sont ouvertes à 4 catégories d’entreprises :

Les personnes morales de droit privé

sociétés civiles, sociétés commerciales, associations, groupements .. dès lors qu’il y a personnalité morale

Les sociétés de fait ne sont pas concernées puisqu’une société de fait n’a pas de personnalité morale

La seule exception est le syndicat de copropriétaire, qui échappe traditionnellement au droit des procédures collectives " de droit commun" et bénéficie d’un texte spécifique – loi dite BOUTIN du 25 mars 2009 –.

Les agriculteurs 

Pour plus de précisions sur la notion d'agriculteur voir le mot agriculteur

Les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale

Personnes exerçant effectivement une activité commerciale ou artisanale

Cette catégorie va recouvrer les commerçants, artisans, auto-entrepreneurs, EIRL et toutes les entreprises commerciales et artisanales, qu’elles soient ou pas inscrites aux registres professionnels, répertoire des métiers ou au registre du commerce. Le critère de l'inscription au registre du commerce ou au répertoire des métiers a en effet été remplacé par celui de l'activité réellement exercée.

En application de l'article L123-7 du code de commerce, l'inscription au registre du commerce crée une présomption de commercialité, qui ne peut être combattue que si celui qui l'invoque savait que la personne inscrite n'était pas commerçante (Cass com 27 septembre 2016 n°14-21964 pour un agriculteur inscrit au registre du commerce, qui n'a pas pu établir que le demandeur à l'ouverture de la procédure savait qu'il n'était pas commerçant) 

Il s'agit également des agents commerciaux (Cass civ 2ème 23 juin 2016 n°15-16637)

Le cas particulier des auto-entrepreneurs

Voir le mot auto-entrepreneur

Commerçants "par nature": les associés des SNC, et les personnes inscrites au registre du commerce

Le critère posé par le texte ne pose pas de difficulté pour les personnes exerçant réellement une activité, il est plus complexe à retenir ou écarter pour celles qui n'en exercent pas mais sont réputées par la loi être commerçantes:

- par exemple l'associé d'une société en nom collectif est commerçant, alors même qu'il n'exerce généralement pas d'activité commerciale (en tout état découlant de sa qualité d'associé, et il sera, par l'effet de la loi, passible des procédures collectives.

Les associés d'une SNC ont en effet un statut singulier, car par leur seule participation au capital, ils sont commerçants (article L221-1 du code de commerce)

La question se pose donc de savoir si l'associé en difficulté relève de la procédure collective ou du surendettement.

Les textes antérieurs à 2008 prévoyaient que lors de l'ouverture de la procédure collective de la SNC, une procédure collective était également ouverte de plein droit pour les associés. Ces dispositions sont abrogées (étant en outre précisé qu'à cette époque le critère d'éligibilité à la procédure collective était d'être commerçant, ce qui est bien le cas de l'associé d'une SNC).

Nonobstant cette abrogation et le changement de critère d'éligibilité aux procédures collectives, la Cour de Cassation semble considérer que les associés des SNC (société en nom collectif) sont commerçants par nature, et relèvent à ce titre des procédures collectives.

"les associés gérants d'une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à "toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale" ; qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers" Cour de cassation, chambre civile 2, 5 décembre 2013, p 11-28092

La question de l'application des procédures collectives est cependant très controversée, nonobstant l'arrêt de la Cour de Cassation, surtout depuis que le critère d'ouverture de la procédure collective n'est plus l'immatriculation au registre du commerce mais l'exercice d'une activité commerciale (L620-2 du code de commerce).

En effet force est de constater que dans ses versions antérieures, l'article L620-2 du code de commerce disposait que les procédures collectives étaient applicables aux "commerçants" et que, depuis l'ordonnance 2008-1345 du 18 décembre 2008 (article 13), elles sont désormais applicables aux personnes "qui exercent une activité commerciale". En ce sens l'associé d'une SNC n'exerce pas d'activité commerciale. 

En tout état l'associé d'une SNC n'exerce pas d'activité commerciale de ce seul fait.

Il nous semble donc que l'associé d'une SNC ne devrait pas relever des procédures collectives et qu'aucun argument ne l'exclue du bénéfice du surendettement ... ce qui suppose quand même qu'on considère que les dettes de la SNC dont il est responsable ne sont pas des dettes professionnelles (ce qui semble admissible).

On peut d'ailleurs relever, pour un commerçant non inscrit au registre du commerce, que les juges doivent caractériser en quoi elle exerce des actes de commerce pour bénéficier des procédures collectives Cass com 20 février 1996 n°93-20866 et si l'inscription au registre du commerce fait présumer la qualité de commerçant, cette présomption supporte la preuve contraire. Il n'y a aucune raison qu'il en soit différemment pour l'associé d'une SNC, qui est commerçant mais n'exerce pas d'activité commerciale sauf si le juge le caractérise. 

- par exemple encore la personne physique immatriculée au registre du commerce ou au répertoire des métiers est réputé être commerçant - et donc relever des procédures collectives - même si en réalité il n'exerce pas ou plus une activité commerciale ou artisanale (et la Cour de Cassation refuse dans ce cas le bénéfice du surendettement, alors même que l'activité n'existe pas Cass com 17 février 2015 n°13-27508).

Les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante

Il s’agit essentiellement de ceux qu’on appelle communément les « professions libérales ». Pour plus de précisions voir professions libérales et procédure collective

L'associé d'une SCI n'est pas passible des procédures collectives Cass civ 2ème 16 décembre 2021 n°20-16485

Le cas particulier du débiteur décédé

Voir débiteur décédé

Le cas particulier du débiteur qui a cessé son activité

Voir débiteur ayant cessé son activité

Tribunal compétent en matière de procédure collective en fonction de la qualité du débiteur ou plus exactement de son activité réelle

La sauvegarde, le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire sont ouvertes par jugement du tribunal compétent. (voir ce mot)


Débiteur ayant cessé son activité (personne physique ou morale) et/ou radiée

La demande d'ouverture de la procédure collective par le débiteur qui a cessé son activité

La demande d'ouverture de la procédure collective par le créancier du débiteur qui a cessé son activité

Synthèse

Cas particulier des sociétés radiées: qui les représente ?

Le principe: application du redressement ou de la liquidation judiciaires au débiteur qui en fait la demande, et qui relevait des procédures collectives et a cessé son activité à la condition que tout ou partie de son passif provienne de son activité

L'article L631-3 du code de commerce précise que le redressement judiciaire est applicable au débiteur qui devrait relever des procédures collectives et qui a cessé son activité, à la condition que tout ou partie de son passif provienne de son activité assujettie aux procédures collectives (Cass civ 2ème 1er Décembre 2016 n°15-25542)

L'article L640-3 du code de commerce reprend la même disposition pour la liquidation judiciaire (et dans ce cas classiquement le redressement doit être impossible Cass com 15 février 2011 n°10-13751 ce qui en réalité devrait être systématiquement le cas puisque par hypothèse le débiteur a cessé son activité et ne devrait pas pouvoir présenter un plan de redressement.

Un tel texte est dont assez surprenant pour le redressement judiciaire, qui a, a priori vocation à permettre de le redressement de l'entreprise, qui ici par hypothèse n'existe plus. Cependant la Cour de Cassation a dans une autre circonstance admis un plan de redressement qui ne repose pas sur l'activité ( Cass com 4 mai 2017 n°15-25046) , ce qui est la suite logique de ce texte.

L'ancien délai d'un an qui enfermait la déclaration de cessation des paiements du débiteur ayant cessé son activité a été supprimé dès lors que c'est le débiteur (ou le Ministère public) qui est demandeur Cass com avis 17 septembre 2007 n°07-00010

Ainsi le débiteur qui a cessé son activité peut déclarer sa cessation des paiements y compris au delà d'un an de son arrêt d'activité. Il n'est pas nécessaire que l'état de cessation des paiements soit antérieur à l'arrêt de l'activité.(Cass com 4 juillet 2018 n°17-16056 )

Restriction à l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaires sur assignation d'un créancier, concernant le débiteur qui a cessé son activité

Si comme indiqué ci dessus, le redressement ou la liquidation judiciaire peuvent être ouverts à l'encontre d'un débiteur qui a cessé son activité, la loi restreint la possibilité pour un créancier d'assigner en redressement ou liquidation judiciaires en pareille situation.

En effet la loi dispose qu'une entreprise qui relevait du droit des procédures collectives peut être assignée en redressement judiciaire pendant un an à compter de l'arrêt d'activité.

Plus précisément l'article L631-5 du code de commerce:

1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation  (par exemple Cass com 27 juin 1989 n°87-14968 Cass com 23 octobre 2019 n°18-15475 ou Cass com 18 janvier 2023 n°21-21748 pour une personne physique immatriculée, qui précise que le délai d'un an court dans ce cas à compter de sa radiation.

2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation.

L'article L640-5 reprend les mêmes dispositions pour la liquidation judiciaire.

La date de cessation d'activité est appréciée souverainement par les juges du fond Cass com 20 octobre 2021 n°20-12384

Ainsi en prenant en considération pour les personnes morales la clôture des opérations de liquidation et pour les personnes physiques la cessation de l'activité, le texte donne une réelle importance à l'arrêt de l'activité par rapport à la radiation du registre du commerce ou du répertoire des métiers, mais évidemment la radiation est un indice important (voir Cass com 12 juillet 2016 n°14-19694)

Notons ici que la procédure collective peut être prononcée sur assignation d'un créancier dans l'année de la radiation de la société consécutive à la clôture de la liquidation au sens du droit des sociétés. La radiation n'est pas constitutive de fraude, qui permettrait au créancier de demander l'ouverture d'une procédure collective au delà d'un an, au seul motif que la publication dans un journal d'annonces légales est "illusoire" Cass com 25 mai 2022 n°19-24470

Les autres cas de radiation ne sont donc pas concernés par le texte, et en particulier les radiations d'office, et dans ces cas le délai d'un an semble inapplicable.

Synthèse

La liquidation judiciaire peut être ouverte dans les conditions de demande de droit commun (débiteur, Parquet), (L631-5 du code de commerce  et L640-5 la saisine d'office ayant été supprimée) si le passif correspond aux conditions légales (provenance de l'activité) sans restriction de délai par rapport à l'arrêt de l'activité.

Concernant la demande d'un créancier, tendant  à l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires, l'assignation doit être délivrée dans le délai d'un an

Ce délai d'un an ne s'applique par contre par si c'est le débiteur qui demande l'ouverture de la procédure : même au delà d'un an, si des dettes provenant de l'exploitation subsistent, le débiteur peut déposer une déclaration de cessation des paiements et demander le redressement judiciaire (ou la liquidation).

Cette différence de traitement entre le débiteur et le créancier est assez singulière .

Pour les personnes morales, cela revient à admettre que le processus conduisant à la radiation du registre du commerce soit mené sans qu'un créancier soit payé et sans qu'il soit procédé à une déclaration de cessation des paiements,

Pour les personnes physiques, cela revient à admettre qu'elle cesse son activité sans se préoccuper d'effectuer une déclaration de cessation des paiements.

Il serait plus logique dans ces cas que ce soit l'action du créancier qui ne soit pas limitée dans le temps (sauf la prescription de la créance) dès lors que la radiation de la société ou la cessation d'activité de la personne physique aura été recherchée en violation de ses droits, plutôt que celle du débiteur qui aura négligé un créancier et/ou de déclarer son état de cessation des paiements. Cette possibilité de rattrapage pour le débiteur mériterait sans doute d'être repensée, et les droits du créancier devraient être calqués sur la prescription (maintenant abrégée depuis la loi de 2008);

Le cas particulier des sociétés radiées: qui les représente ?

Voir le mot radiation


Débiteur décédé

Généralités

En principe le décès ne fait qu'interrompre l'instance (article 370 du CPC) et le juge n'est pas dessaisi (article 376). Ceci dès lors que l'action est transmissible ( et l'interruption de l'instance emporte interruption de la péremption ce qui permet aux héritiers de reprendre l'instance, ce qui suppose que le décès soit notifié, à défaut de quoi la péremption court).

L'extinction se produit à l'inverse si l'action n'est pas transmissible.

L'interruption n'a lieu que si l'évènement survient et est notifié avant l'ouverture des débats.

Procédures collectives

Comme pour un débiteur qui a cessé son activité, la loi dispose qu'un débiteur qui est décédé alors qu'il relevait du droit des procédures collectives peut être assignée en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire pendant un an à compter du décès.

Ce délai d'un an ne s'applique par contre pas si ce sont les héritiers du débiteur qui demandent l'ouverture de la procédure : même au delà d'un an, si des dettes provenant de l'exploitation subsistent, une déclaration de cessation des paiements peut être déposée (article L631-3 alinéa 2 et R631-5)

La Cour de Cassation a également précisé, à propos d'un débiteur décédé entre l'assignation en ouverture de la procédure collective et le jugement d'ouverture, que "la demande d'ouverture d'une procédure collective formée à l'égard d'un débiteur décédé en cours de procédure demeure recevable dès lors que ce débiteur est décédé en état de cessation des paiements" Cass com 13 novembre 2001 n°98-22457

Enfin la liquidation judiciaire ouverte avant le décès du débiteur ne confère pas au conjoint du débiteur le droit d'habitation prévu à l'article 764 du code civil Cass civ 1ère 30 janvier 2019 n°18-10002


Débiteur société dissoute

Une société dissoute a perdu sa personnalité morale et ne peut donc plus être assignée en procédure collective, à la condition que la dissolution soit transcrite au registre du commerce Cass com 20 septembre 2011 n°10-15068

Evidemment une liquidation et un partage, au sens du droit des sociétés, qui a conduit à une radiation prématurée, en omettant les droits d'un créancier, peut donner lieu à action en responsabilité contre son auteur


Décès

Voir ci dessus "débiteur décédé"


Déchéance du terme

Généralités

Le terme est la date à laquelle une dette doit être payée. Il peut d'agir par exemple de l'échelonnement du remboursement d'un prêt.

La déchéance du terme est le fait pour une créance à échoir de devenir échue en conséquence de la situation du débiteur. Le terme disparait et la dette qui devait être payée à une date éloignée est immédiatement exigible.

Voir le mot "créance à échoir"

La déchéance du terme est parfois une sanction prévue dans un contrat: par exemple en cas d'impayés dans le cadre du remboursement d'un prêt, le contrat de prêt peut prévoir que la banque prononce la déchéance du terme: la totalité de la somme qui était due suivant l'échéancier contractuel devient immédiatement exigible.

Déchéance du terme et procédures collectives

La déchéance du terme peut également être la conséquence de la situation du débiteur.

En liquidation judiciaire lorsque le débiteur n'est pas autorisé à poursuivre son activité. Il n'est donc pas envisageable qu'il continue à rembourser le créancier en respectant un échéancier.

La loi prévoit donc que la liquidation judiciaire "emporte" déchéance du terme: la totalité des créances qui étaient à échoir deviennent échues, ce qui permet de traiter les créanciers égalitairement.

Par exception si la poursuite d'activité est autorisée en liquidation judiciaire dans la perspective d'une cession d'entreprise (articles L642-1 et suivants du code de commerce) la déchéance du terme est différée jusqu'à adoption de la cession (article L643-1 du code de commerce) ce qui permettra le transfert de la charge des prêts

La sauvegarde et le redressement judiciaire n'ont pour leur part aucune conséquence sur le terme, et les dettes à échoir restent régie par l'échéancier contractuel ( mais le plan pourra avoir des conséquences sur cet échéancier)

Le sort des cautions dépend de l'étape procédurale du débiteur principal.


Décisions de justice délivrance de copies

Voir le mot publicité


Déclaration d'impécuniosité

voir impécunieux.

C'est le jugement par lequel le Tribunal déclare le dossier impécunieux


Déclaration d'insaisissabilité

Voir le mot insaisissabilité


Déclaration de cessation des paiements

Télécharger un formulaire (nous ne sommes pas rédacteur de ce formulaire mis à disposition par les greffes)

Demande de sauvegarde

Demande de redressement ou liquidation judiciaires pour une personne morale

Demande d'ouverture d'une procédure collective ou rétablissement professionnel pour un entrepreneur individuel voir le mot entrepreneur individuel

Demande d'ouverture d'une procédure y compris entrepreneur individuel sans séparation des patrimoines

Définition

Fait de déposer au greffe du tribunal compétent une déclaration dans laquelle le chef d’entreprise déclare se trouver en état de cessation des paiements, et demande en conséquence l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (si l’activité est poursuivie) ou de liquidation judiciaire (si l’activité ne peut pas être poursuivie).

C'est donc l'un des modes de saisine du Tribunal pour l'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire (par hypothèse il n'existe pas de déclaration de cessation des paiements en procédure de sauvegarde, mais une demande d'ouverture - puisqu'il n'y a pas cessation des paiements-)

La loi organise précisément le contenu de la déclaration de cessation des paiements, et généralement les greffes peuvent fournir des formulaires.

Ainsi la loi dispose que "La demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent.

A cette demande sont jointes, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces ci-après :

1° L'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de cessation des paiements ;

2° Un extrait d'immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l'article R. 621-8 ;

3° Une situation de trésorerie datant de moins d'un mois ;

4° Le nombre des salariés employés à la date de la demande, le nom et l'adresse de chacun d'entre eux et le montant du chiffre d'affaires, défini conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article R. 123-200, apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable ;

5° L'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers et, pour les salariés, le montant global des sommes impayées ;

6° L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;

7° L'inventaire sommaire des biens du débiteur ;

8° S'il s'agit d'une personne morale comportant des membres responsables solidairement des dettes sociales, la liste de ceux-ci avec l'indication de leur nom et domicile ;

9° Le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés ;

10° Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l'ouverture de la procédure de conciliation ainsi que l'autorité qui y a procédé ;

11° Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la désignation de l'ordre professionnel ou de l'autorité dont il relève ;

12° Lorsque le débiteur exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement, la copie de la décision d'autorisation ou d'enregistrement ou la déclaration.

Ces documents sont datés, signés et certifiés sincères et véritables par le demandeur. Ceux qui sont mentionnés aux l°, 2°, 5°, 6°, 7° et 8° sont établis à la date de la demande ou dans les sept jours qui précèdent.

Dans le cas où l'un ou l'autre de ces documents ne peut être fourni ou ne peut l'être qu'incomplètement, la demande indique les motifs qui empêchent cette production"

La déclaration de cessation des paiements est communément et improprement appelée « dépôt de bilan » (ce qui est d'autant plus impropre que les sociétés commerciales doivent déposer annuellement leurs comptes au greffe, et que cette formalité n'a donc rien de commun avec une procédure collective).

La déclaration de cessation des paiements doit être signée par le débiteur ou le dirigeant, ou par une personne titulaire d'un pouvoir spécial, y compris s'il est avocat. La déclaration de cessation des paiements n'entre en effet pas dans la mission de représentation de l'avocat Cass Com 19 juillet 1988 n°86-15389

Le Tribunal peut demander toute pièce nécessaire à l'appréciation de la situation, en ce compris les pièces relatives au mandat ad-hoc dont le débiteur a bénéficié Cass com 22 novembre 2023 n°22-17798

Voir également le mot "ouverture de la procédure" et les sanctions pour le défaut de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours


Déclaration de créance

COVID 19

Nous vous proposons deux rédactions distinctes sur l'impact du COVID 19 en l'espèce.

Synthèse rapide spécial procédures collectives

Analyse détaillée et textes généraux

 

(voir également les mots "forclusion"  "relevé de forclusion", délais de déclaration de créance compte avec affectation spéciale instance en cours clause de recouvrement des contrats de prêts et le créancier

Pour la déclaration de la créance d'intérêt voir le mot intérêt

Quelques points de la définition

Généralités

Nature juridique de la déclaration de créance

A qui adresser la déclaration de créance

Par qui la déclaration de créance doit-elle être établie ?

Par un mandataire

Par le débiteur pour le compte du créancier

La liste des créances établie par le débiteur

Les anomalies de la liste (non établissement, omission d'un créancier, créance fictive): le débiteur n'a aucun intérêt à être sincère !

L'avertissement des créanciers

La publicité de la liste des créances signalées par le débiteur

Les conséquences du signalement d'une créance par le débiteur sur la déclaration de créance du créancier

A priori le créancier doit déclarer créance .. mais il bénéficie peut-être d'une interruption du délai

Les arguments pour que le signalement du débiteur ne soit pas une déclaration de créance

Les textes périphériques

Lorsque le législateur a voulu dispenser de déclarer créance il l'a indiqué

deux textes laissent penser que le créancier doit déclarer créance dans les délais

Les créanciers ne sont pas incapables

les questions qui se poseraient si le débiteur pouvait déclarer créance pour le créanciers

Cas dans lequel le créancier signalé est inscrit

Cas dans lequel la créance est contestée

Ainsi a priori le débiteur ne déclare pas créance

Appel aux règles de procédure civile

Le traitement pratique de la liste des créances signalées par le débiteur

La "pré-déclaration de créance" effectuée par le débiteur ne le prive pas de la possibilité de contester la créance

Les différentes situations

Le créancier est d'accord avec le signalement du débiteur 

Le cas particulier de la créance signalée déclarée par un mandataire

Le créancier invoque une créance supplémentaire par rapport à celle déclarée

Le créancier ne déclare pas créance

Le processus de déclaration de créance modifié par l'ordonnance du 12 mars 2014 et le décret du 30 juin 2014

Texte intégral des modifications

Commentaires

Ce qui change avec ces textes

Le contenu de la déclaration de créance

Le principe et les textes

La déclaration de créance porte sur les créances antérieures au jugement : critère

La précision sur le fondement et la qualification de la créance: utile ou pas ?

Les déclarations de créance complémentaires

Le cas particulier des créances fiscales et sociales provisionnelles

Le cas particulier des créances dont le montant n'est pas connu: créances éventuelles, estimées, prévisionnelles

Le cas particulier des créances à échoir

Le cas particulier des créances d'intérêts à échoir

Le cas particulier des créances découlant de la résiliation d'un contrat continué postérieurement à l'ouverture de la procédure collective

Le cas particulier des créances entre époux ou ex-époux

Le cas particulier des créances déjà déclarées dans le cadre d'un redressement judiciaire qui donne lieu à un plan suivi d'une résolution du plan et d'une liquidation consécutive

Le cas particulier des subventions et aides illégales

Le cas particulier des garanties réelles consenties par le débiteur

Les délais de déclaration de créance

Délai de droit commun: deux mois du BODACC du jugement d'ouverture sauf pour les créanciers éloignés

Délai peut-être applicable à la créance signalée par le débiteur : jusqu'à ce que le juge statue ?

Délai applicable aux créanciers inscrits et titulaires de sûretés

Délais applicables aux victimes d'infraction pénale

Délai applicable en cas de résiliation d'un contrat

Délai applicable aux créances postérieures non éligibles au dispositif des créances postérieures et rétrogradées en rang de créances intérieures

Délai applicable en cas de résolution du plan de redressement ou de sauvegarde

Computation des délais

Déclaration de créance et péremption d'instance

Généralités

Formalité effectuée par le créancier auprès du mandataire judiciaire (ou du liquidateur en liquidation judiciaire) pour faire valoir sa créance dans le cadre de la vérification des créances.

Cette formalité est enfermée dans un délai légal précis, qui est en principe de deux mois à compter de la publicité au BODACC.

L'intention du créancier de se prévaloir d'une créance doit être clairement établie dans sa demande (voir quelques exemples dans le mot créance provisionnelle et Cass com 19 novembre 2003 n°01-02920 et Cass com 19 novembre 2003 n°01-02100

La nature juridique de la déclaration de créance

La déclaration de créance a toujours été considérée comme une action en justice Cass com 14 février 1995 n°93-12064 Cass plen 4 février 2011 n°09-14619

Cette analyse commande le traitement des délégations pour y procéder, mais les textes ont apporté sur ces questions des assouplissements importants (voir par qui), ce qui rend la question moins attractive (et certains auteurs soutiennent que la déclaration de créance n'est plus à considérer comme une action en justice

A qui ? (adresser la déclaration de créance)

La déclaration de créance est adressée au mandataire judiciaire en sauvegarde ou redressement judiciaire, au liquidateur en liquidation judiciaire. L'erreur sur la qualité du destinataire (par exemple administrateur judiciaire au lieu de mandataire judiciaire) est indifférente (Cass com 7 décembre 1999 n°97-12488). De même si plusieurs mandataires judiciaires sont désignés, la déclaration est valablement adressée à l'un d'eux, peu important le partage des rôles entre eux (Cass com 27 mars 2007 n°05-20574 Cass com 21 mars 2006 n°05-11440 Cass com 30 mai 2006 n°05-14248) même si ce partage des rôle est fixé par la décision de désignation et n'est pas pûrement interne. De même la déclaration de créance adressée à un des associés de la SCP de mandataire judiciaire, alors que c'est un autre qui est désigné (en l'espèce en outre individuellement, alors qu'il agissait nécessairement pour le compte de la SCP) est valable Cass com 30 juin 2009 n°08-13680 "le tribunal, en nommant M. Z... en qualité de représentant des créanciers de la société Comeback, avait nécessairement désigné la SCP Y... Z..., seule habilitée à exercer le mandat, en précisant que M. Z... serait nominalement désigné pour conduire la mission au sein de la société civile professionnelle, l'arrêt en a exactement déduit que la déclaration de créance, expédiée dans le délai légal à l'adresse de la SCP titulaire du mandat, même faite à M. Y..., était régulière, dès lors que ce dernier était membre de la société civile professionnelle à laquelle appartenait M. Z... et que cette déclaration avait été réceptionnée par la société civile professionnelle"

Par contre:

- la déclaration de créance adressée au "bon" mandataire judiciaire, mais ès qualité d'une entreprise qui n'est pas celle visée à la déclaration de créance, n'est pas valable Cass com 4 novembre 2014 n°13-24014

- la déclaration de créance adressée à l'administrateur judiciaire est irrégulière (Cass com 22 juin 1993 n°87-19183 et Cass com 14 février 1995 n°92-17395) et les tentatives de faire reproche aux organes de la procédure (administrateur ou mandataire judiciaire) de ne pas avoir prévenu le créancier ne peuvent conduire à un relevé de forclusion "automatique" (Cass com 14 février 1995 précité) .. mais éventuellement à des griefs de responsabilité, a priori peu fondés.

Cependant si l'administrateur judiciaire, destinataire par erreur de la déclaration de créance, la transmet dans le délai légal au mandataire judiciaire (ce qui n'est absolument pas une obligation), ce dernier a valablement reçu dans le délai ladite déclaration de créance (Cass com 6 janvier 1998 n°95-11894 Cass com 8 octobre 1996 n°94-17520

- la déclaration de créance destinée au mandataire judiciaire, mais dont l'adresse est par erreur libellée au siège de l'entreprise débitrice, est irrégulière et la poste peut engager sa responsabilité en délivrant le courrier malgré cette erreur qui a pour conséquence que le créancier n'est pas informé de cette anomalie alors que le courrier aurait du lui revenir avec une mention NPAI (n'habite pas l'adresse indiquée) dans des conditions lui permettant de réïtérer son courrier Cass civ 1ère 12 avril 2005 n°02-21223. Evidemment en effet la déclaration de créance adressée à l'entreprise débitrice est irrégulière, a fortiori si elle est antérieure à l'ouverture de la procédure Cass com 27 octobre 1998 n°96-11479

Pour autant, ces déclarations de créance sont frappées de nullité au sens des articles 112 et suivants du CPC et depuis la loi du 17 juin 2008 sur la réforme des prescriptions la question peut se poser de savoir si le délai de déclaration de créance n'a pas été interrompu, au visa de l'article 2241 du code civil .. a priori un tel raisonnement est assez aventureux, surtout depuis que la qualification de demande en justice de la déclaration de créance est discutée, et ne semble pas avoir jamais été soutenu. Il avait été jugé sous l'empire des textes antérieurs que la déclaration de créance nulle n'avait aucun effet Cass com 30 octobre 2000 n°96-22240, dans un cas où elle avait été adressée par erreur à l'administrateur judiciaire, puis à nouveau, mais hors délai, au "représentant des créanciers".

Par qui ?

La question que la déclaration de créance soit ou pas une action en justice est maintenant de moindre importance dès lors que la régime des mandats pour déclarer créance est considérablement assoupli par les textes par rapport au mandat de représentation en justice.

La déclaration est faite par le créancier (déterminé selon les règles de sa loi d'origine Cass com 19 avril 2023 n°21-20183 pour une succursale au sens du droit suisse) ou son représentant légal (par exemple le président habilité à agir en justice Cass com 20 juin 2018 n°17-14369 étant précisé que l'avocat est légalement dispensé de justifier d'un mandat Cass com 6 mars 2009 n°17-22366 et que l'avocat qui omet de préciser qu'il agit pour le liquidateur d'une société mais déclare créance pour son compte agit valablement Cass com 6 mars 2019 n°17-22365 et 17-22366

La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité est régularisée si l'auteur de la déclaration reçoit qualité pour déclarer créance (avant que le juge statue) Cass com 14 juin 2023 n°21-25204

Par un mandataire : possibilité de régularisation

Ainsi la déclaration de créance peut être effectuée par un mandataire pour le compte du créancier.

Dans ce cas sauf s'il est avocat, le mandataire doit justifier d'un pouvoir pour déclarer créance:

- Si le mandataire n'est pas un préposé (un salarié) du créancier , le mandat de déclarer créance doit être un mandat "spécial" c'est à dire viser spécifiquement la déclaration de créance au passif d'un débiteur déterminé Cass com 5 octobre 2022 n°21-14226

- Si le mandataire est un préposé, le mandat pour déclarer créance peut être général (par exemple le comptable de l'entreprise est habilité par le dirigeant à déclarer créance au nom de l'entreprise). Concernant un établissement public, la créance est déclarée par l'organe habilité par la loi. Plus précisément les articles 18 et 188 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, inhérents à la gestion budgétaire et comptable publique, c'est l’agent comptable qui est, par détermination de la loi, la personne habilitée à agir pour la personne morale de droit public pour le recouvrement et les opérations annexes, dont la déclaration de créance (Cass com 31 janvier 2017 n°15-15983) voir également Cass com 13 septembre 2017 n°16-11531 pour un relevé de forclusion : le maire n'est pas habilité à déclarer créance ou engager un relevé de forclusion

Le créancier doit le cas échéant fournir tout document permettant de s'assurer que la signature figurant sur la déclaration de créance est bien celle de la personne investie du pouvoir Cass com 20 septembre 2017 n°16-14341, cette preuve étant rapportée par tout moyen jusqu'à ce que le juge statue sur la créance Cass com 20 septembre 2017 n°16-20176 (dans un cas où la déclaration de créance n'était pas signée, ce qui ne permettait justement pas de procéder à cette vérification)

Dans tous les cas le pouvoir doit être joint à la déclaration de créance et en cas d'oubli être produit ultérieurement. C'est au créancier qu'il appartient d'établir l'existence d'un pouvoir régulier et pas à celui qui le conteste d'établir l'absence de pouvoir Cass com 14 septembre 2022 n°21-12518

Mais bien entendu le pouvoir doit avoir existé au jour de la déclaration de créance ou en tout état avant l'expiration du délai pour déclarer créance (Cass com 3 nov 2015 n°14-14554) , et il n'est pas possible de régulariser a posteriori un pouvoir qui n'existait pas à l'intérieur du délai.

C'est la stricte application des articles 117 et 120 du code de procédure civile au terme desquels la nullité pour défaut de capacité d'un acte de procédure est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue .. mais à l'intérieur du délai imparti pour exercer l'action (en l'espèce pour déclarer créance), cette précision étant apportée de manière constante par la jurisprudence.

Concernant la date du mandat la situation a évolué.

D'un strict point de vue juridique, le pouvoir de déclarer créance doit avoir existé avant l'expiration du délai pour déclarer créance, mais il peut en être justifié au delà et tant que le juge n'a pas statué sur l'admission de la créance (Cass assemblée plénière 4 février 2011 n°09-14619: "Mais attendu que la déclaration des créances équivaut à une demande en justice ; que la personne qui déclare la créance d'un tiers doit, si elle n'est pas avocat, être munie d'un ouvoir spécial, donné par écrit, avant l'expiration du délai de déclaration des créances ; qu'en cas de contestation, il peut en être justifié jusqu'au jour où le juge statue " voir également Cass Com 3 nov 2015 n°14-16922 qui incite à rechercher l'identité du signataire de la déclaration de créance, même dans le cas où l'exemplaire produit par le créancier est une copie non signée). Il serait en effet inéquitable que le créancier se voir reproché de ne pas avoir produit un pouvoir qui ne lui a été demandé qu'au delà du délai.

Par exemple la Cour de Cassation a admis postérieurement à l'expiration du délai pour déclarer créance la confirmation d'un pouvoir équivoque qui avait été communiqué à l'intérieur du délai - Cass com 28 janvier 2014 p 12-27316-, mais surtout l'assemblée plénière de la Cour de Cassation a jugé "la personne qui a déclaré la créance d'un tiers doit, si elle n'est pas avocat, être munie d'un pouvoir spécial, donné par écrit avant l'expiration du délai de déclaration de créance, qu'en cas de contestation il peut en être justifié jusqu'au jour où le juge statue". 

Cependant le processus de justification a évolué aux termes de l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable aux procédures ouvertes à partir du 1er juillet 2014: le créancier peut ratifier la déclaration de créance faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance (L622-24 2° du code de commerce). En conséquence de cet aménagement, la contestation de créance par courrier recommandé avec accusé de réception, et l’obligation pour le créancier de répondre dans les 30 jours, ne concerneront plus les contestations de forme.

En effet le nouvel article L622-24 du code de commerce dispose en son alinéa 2 « La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance. »

Exit les innombrables contentieux sur la production d’un mandat de déclarer créance, avant, pendant ou après le délai pour déclarer créance, et sur la date de celui-ci par rapport à la déclaration de créance – antérieure, postérieure, antidatée .. -, lesquels il est vrai avait progressivement perdu de l’intérêt compte tenu des assouplissements amenés par la jurisprudence, dans un premier temps pour les mandats donnés à un préposé puis même pour ceux données à un tiers.

Le texte a préféré permettre au créancier de ratifier la déclaration de créance (Cass com 19 avril 2023 n°21-20183), sans qu’il soit besoin ni question qu’il ait à justifier que le mandataire été habilité.

Le délai imparti est le plus large : « jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance » (par exemple Cass com 10 mars 2021 n°19-22385  ou Cass com 29 septembre 2021 n°20-12291 qui précise qu'il n'y a pas de forme particulière à la ratification, qui peut être implicite.

En pratique, le mandataire du créancier déclare créance, et, logiquement, dans le cadre de la vérification des créances, le mandataire judiciaire adresse au créancier un courrier de contestation portant sur l’absence de justification ou de validité du pouvoir donné par le créancier.

L’ordonnance du 12 mars 2014 a modifié le texte de l’article L622-27 et désormais « Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances. »

Autrement dit, le créancier est averti de la contestation par le courrier recommandé du mandataire judiciaire et peut :

- soit ratifier la déclaration de créance avant que le mandataire judiciaire établisse la liste de ses propositions d’admission (L624-1), auquel cas la contestation sera abandonnée

- soit attendre d’être convoqué devant le juge commissaire dans le cadre de la contestation de sa créance (R624-4 alinéa 2) pour procéder à la ratification.

Par le débiteur pour le compte du créancier: la possibilité pour le créancier d'échapper aux délais de déclaration de créance ?

L'ordonnance du 12 mars 2014 a également introduit une importante modification du processus de déclaration de créance en organisant un mécanisme de déclaration de créance pour compte du créancier : lorsque le débiteur porte une créance à la connaissance du mandataire judiciaire (c'est à dire concrètement porte la créance sur la liste qu'il remet à l'ouverture de la procédure ou sur la déclaration de cessation des paiements), il est réputé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas déclaré créance. (L622-24 3°du code de commerce).  A priori le créancier pourra, et même à notre avis devra,  « ratifier » la déclaration de créance faite en son nom au plus tard au moment où le juge statue sur l’admission de la créance (L622-24 2° du code de commerce).

L’avertissement des créanciers d’avoir à déclarer créance est modifié en conséquence (pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014 pour prendre en considération cette « pré-déclaration » effectuée pour leur compte par le débiteur : l’avertissement précise que la créance a été portée par le débiteur sur la liste prévue à l’article L622-6 (R622-21). Il semble opportun que le montant et la nature de la créance soient mentionnés même si le texte ne l’indique pas.

Il est de même envisageable, au visa de l'article 126 du code de procédure civile, que la régularisation de la déclaration de créance soit valide si "avant toute forclusion" c'est à dire dans le délai pour déclarer créance, la personne qui avait qualité régularise la déclaration de créance Cass com 13 septembre 2017 n°16-15990

Plus précisément  :

La liste des créanciers établie par le débiteur

L’article L622-6 du code de commerce dispose que dès l’ouverture de la procédure le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours, et l’article R622-5 précise que « La liste des créanciers établie par le débiteur conformément à l'article L. 622-6 comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l'indication du montant des sommes dues au jour du jugement d'ouverture, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie. Elle comporte l'objet des principaux contrats en cours.

 Dans les huit jours qui suivent le jugement d'ouverture, le débiteur remet la liste à l'administrateur et au mandataire judiciaire. Celui-ci la dépose au greffe.

Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 622-24, la déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l'article R. 622-24, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l'article L. 622-25 et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l'article R. 622-23. »

La liste en question est donc établie dans le délai imparti aux créanciers pour déclarer créance (délai de l’article R622-24, soit 2 mois de l’insertion au BODACC du jugement d’ouverture) et doit comporter toutes les indications qui doivent être présentes dans une déclaration de créance (contenu précisé par les articles L622-25 et R622-23).

A ce sujet on doit observer que :

- Ne correspond pas au texte une mention du nom du créancier si les précisions nécessaires ne sont pas données, et par exemple la classique liste de nom des créanciers sans aucune indication de somme, remise par le débiteur, ni la mention en chambre du conseil de l'existence d'un créancier Cass com 5 septembre 2018 n°17-18516, voire même un montant sans indication ni justification. Toutes les mentions de la déclaration de créance doivent figurer sur la liste, à défaut de quoi il n'existe pas de débat sur le fait qu'elle ne peut remplir les exigences légales.

- Le texte vise bien une liste remise par le débiteur au mandataire judiciaire postérieurement à l'ouverture de la procédure collective : il ne s'agit pas, stricto sensu, de l'état des dettes figurant dans la déclaration de cessation des paiements.

Les conséquences des indications portées sur la liste en question se trouvent dans les alinéas 2 et 3 de l’article L622-24 du code de commerce qui traitent de la manifestation de volonté du créancier et du rôle de la liste établie par le débiteur :

Alinéa 2 « La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance. »

 Aliéna 3 « Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa. ». Ce texte attache donc une portée inédite aux indications données par le débiteur.

En résumé, les textes disposent donc que, lorsque le débiteur porte une créance à la connaissance du mandataire judiciaire (c'est à dire concrètement porte la créance sur la liste qu'il remet à l'ouverture de la procédure ou sur la déclaration de cessation des paiements, ce qu’il doit faire à l’intérieur du délai de déclaration de créance), il est réputé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas déclaré créance (L622-24 3°du code de commerce). C’est la raison pour laquelle le débiteur doit établir la liste en question très exactement dans les formes de la déclaration de créance, et doit d’ailleurs le faire dans le délai imparti aux créanciers pour déclarer créance.

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, un nouvel article R. 622-5-1 du code de commerce (Décret d'application de l'ordonnance du 15 septembre 2021 article 13), prévoit que le débiteur porte désormais à la connaissance du mandataire judiciaire l’identité de ses garants personnes physiques.

(Et, le mandataire judiciaire doit à son tour informer ces garants de la possibilité de solliciter le bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers (ce qui n'est d'ailleurs pas appropriée si la caution est commerçante ou relève des procédures collectives)).

Les anomalies d'établissement de la liste du débiteur: le débiteur n'a aucun intérêt à être sincère

Au sujet de la liste établie par le débiteur, elle peut d'une part être l'occasion pour le débiteur de signaler une créance inexistante pour favoriser un pseudo créancier, ou au contraire d'évincer un créancier. Le débiteur peut aussi ne pas l'établir pour éviter de faciliter les démarches de ses créanciers. Sur ces trois points :

- Créance fictive L’article L653-5 du code de commerce a été modifié pour sanctionner le débiteur qui mentionne une créance « supposée » c’est-à-dire fictive sur la liste établie (7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.) : c’est un nouveau cas de faillite personnelle et il s’agit d’éviter que le débiteur prenne des initiatives au profit d’un proche qui ne serait pas en réalité créancier.

- Créance non signalée : Le relevé de forclusion est facilité. Voir notamment Cass com 27 mars 2024 n°22-21016

- Liste non établie : L'absence de collaboration avec les mandataires de justice peut être un cas de faillite personnelle et le fait de ne pas avoir, de mauvaise foi, remis aux mandataires de justice les documents nécessaires et notamment la liste des créanciers est un cas d'interdiction de gérer.

Pour résumer, le débiteur qui omet de mentionner un ou plusieurs créanciers sur la liste établie, ou minore les créances qu'il signale, n'encourt pas véritablement de risque, dès lors qu'il a malgré tout établi la liste en question. Evidemment l'intention "frauduleuse" pourrait être démontrée, mais avec beaucoup de difficulté.

En fonction du traitement réservé aux indications portées sur la liste, et en particulier si certains mandataires devaient considérer qu'elles valent déclaration de créance (ce qui n'est pas notre avis), le débiteur n'a aucun intérêt , et même n'a que des désavantages, à établir avec sincérité la liste de ses créanciers : ainsi le texte a des effets pervers non prévus ... outre le fait qu'il est complexe et inutile.

L'avertissement des créanciers

L’avertissement des créanciers d’avoir à déclarer créance est également modifié en conséquence de l’importance attachée à la liste établie par le débiteur, pour prendre en considération cette « pré-déclaration » effectuée pour leur compte par le débiteur : l’avertissement précise que la créance a été portée par le débiteur sur la liste prévue à l’article L622-6 (R622-21), et il semble opportun que le montant et la nature de la créance soient mentionnés même si le texte ne l’indique pas. (L’ancien texte prévoyait l’existence de la liste, mais sans y attacher de conséquence particulière.)

La publicité de la liste des créances signalées par le débiteur

Compte tenu de l'importance attachée à la liste des créances signalées par le débiteur (et nous verrons ci après que le signalement est susceptible d'influer favorablement sur le délai de déclaration de créance pour le créancier) cette liste est déposée au greffe par le mandataire judiciaire R622-5 applicable à la liquidation R641-14

Les conséquences du signalement d'une créance par le débiteur sur la déclaration de créance effectuée par le créancier

Les aliénas 2 et 3 de l’article L622-24 du code de commerce sont a priori indépendants :

- Alinéa 2 la déclaration de créance faite par un mandataire du créancier peut être ratifiée par ce dernier jusqu’à ce que le juge statue : il s’agit de mettre un terme à l’infernal contentieux sur la validité des mandats de déclarer créance, pour lequel la jurisprudence tardait à se caller complètement sur les règles du code de procédure civile,

- Alinéa 3 le débiteur effectue une « pré-déclaration » de créance pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas déclaré créance : c’est nouveau, et bien distinct de la déclaration de créance par un mandataire (ce qui prouve sans doute que le débiteur n’en est pas un, d'ailleurs le terme employé pour la débiteur est le "signalement" alors que celui employé pour le mandataire est la "déclaration de créance", ce qui démontre qu'il s'agit de deux formalités différentes).

A priori les conséquences du signalement d'une créance par le débiteur sont multiples et complexes:

En premier lieu contre toute attente le créancier n'est pas dispensé de déclarer lui même créance, mais devrait bénéficier d'une interruption de délai, dès lors que le signalement par le débiteur n'est certainement pas une "véritable" déclaration de créance pour le compte du créancier.

C'est en tout état notre avis même si manifestement la Cour de Cassation adopte une position de plus en plus favorable au créancier, en considérant que le signalement par le débiteur justifie l'admission de la créance Cass com 8 février 2023 n°21-19330: cette décision est à notre avis la négation de tous les principes puisqu'elles impliquerait

- que le créancier n'a pas besoin de déclarer créance

- et certainement que le débiteur ne pourrait pas contester sa propre liste de créance signalées et qu'en tout état la vérification des créances deviendrait pour partie inutile.

On peut espérer que cette malencontreuse jurisprudence ne sera pas maintenue.

En tout état le traitement de la liste des créances signalées par le débiteur conduit le créancier à rencontrer plusieurs situations.

Le signalement d’une créance par le débiteur n’aurait aucun sens si le créancier devait malgré tout déclarer la créance signalée dans le délai de déclaration de créance … et pourtant il n’en est pas dispensé: il bénéficie donc certainement d'une interruption du délai.

Bien que ce ne soit pas évident ni certain, nous pensons que la « pré-déclaration » de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier n’a aucun sens si le créancier doit quand même déclarer créance dans le délai légal

Et pourtant le créancier ne semble pas être dispensé de déclarer créance, puisque le texte précise que l’indication donnée par le débiteur préserve les droits du créancier tant qu’il n’a pas lui-même déclaré créance c’est bien qu’in fine le créancier doit déclarer créance.

A défaut il aurait suffi d’indiquer que le débiteur déclare créance pour le compte du créancier. Et rappelons à ce sujet que lorsque le législateur a voulu dispenser le créancier de déclarer créance , il l'a clairement indiqué, par exemple en cas de résolution du plan.

En l'espèce ce n'est pas le cas, au contraire même.

D’ailleurs l’article R622-21 du code de commerce continue à organiser la circularisation des créanciers par le mandataire judiciaire, lesquels sont avertis « d’avoir à lui déclarer créance », qu’ils aient été « signalés » ou pas par le débiteur, ou plus exactement même s’ils ont été signalés puisque le contenu de l’avis est adapté dans ce cas (alinéa 3). Mieux – ou pire – le courrier du mandataire judiciaire mentionne le délai à respecter (R622-21) qui est le même que le créancier ait été signalé ou pas.

Ainsi, faute d’enlever tout sens au texte, et même si l’article R622-21 ne fait pas d’exception sur la mention du délai, nous pensons que c’est certainement dans l’allègement des délais que nous devons trouver un sens au dispositif, puisqu’il n’en a pas, tout au moins à notre avis, dans l’allègement des formalités.

Le créancier devrait bénéficier d’une interruption des délais, ce que l’article R622-21 a omis de préciser. Nous pensons donc qu’il faut combiner les aliénas 2 et 3 et admettre :

- que le créancier peut ratifier ( au maximum pour le montant signalé) une déclaration de créance effectuée par un mandataire jusqu’à ce que le juge statue (alinéa 2), ce qui n’est que la généralisation de l’assouplissement de la jurisprudence et la prise en considération du code de procédure civile sur la régularisation du défaut de qualité (122 CPC)

- et que le créancier bénéficie (pour le montant signalé) de l’interruption du délai de déclaration de créance provoquée par la « pré- déclaration » de créance effectuée par le débiteur, mais que, pour autant, à notre avis, la « pré- déclaration » effectuée par le débiteur n’est pas assimilable à la déclaration de créance effectuée par un mandataire car le débiteur n’est pas le mandataire « légal » du créancier.

Un arrêt de la Cour de cassation a statué sur une question "périphérique" en considérant que le créancier auquel un relevé de forclusion avait été refusé ne pouvait arguer du fait que le débiteur avait évoqué l'existence de sa créance, sans que cette évocation contienne les mentions obligatoires au sens de la liste établie par le débiteur. Cet arrêt évoque a contrario une déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier, mais n'en tire aucune conséquence, et surtout il s'agit bien d'un relevé de forclusion du créancier, dont on tire donc qu'il aurait dû déclarer créance dans le délai légal. Cet arrêt ne vient donc amener aucune solution aux questionnements Cass com 5 septembre 2018 n°17-18516, mais il est vrai eu par la suite  la Cour de Cassation a adopté une position de plus en plus favorable au créancier, en considérant que le signalement par le débiteur justifie l'admission de la créance Cass com 8 février 2023 n°21-19330 . Il est trop tôt pout savoir si cet arrêt est un arrêt d'espèce ou de principe

A priori nous pensons que dans la limite du montant signalé par le débiteur, le créancier n'a pas à demander d'éventuel relevé de forclusion, qui est sans objet puisque le délai est interrompu, et qu'au delà de ce montant, si le créancier veut faire valoir une créance, il peut le cas échéant solliciter un relevé de forclusion, qui par hypothèse devrait lui être refusé puisqu'ayant été porté sur la liste du débiteur il a nécessairement été averti et que sa défaillance est donc de son fait.

Les arguments pour écarter la qualification de déclaration de créance au signalement de la créance par le débiteur

Nous pensons que le signalement d’une créance par le débiteur n’est pas une déclaration de créance, mais seulement une « pré-déclaration » qui doit être confirmée par le créancier lui-même. Là encore, même si manifestement la Cour de Cassation adopte une position de plus en plus favorable au créancier, en considérant que le signalement par le débiteur justifie l'admission de la créance Cass com 8 février 2023 n°21-19330

Notre argumentation repose sur plusieurs moyens :

Les textes « périphériques » ne sont pas convaincants :

Le terme de « déclaration » employé par les articles L622-17, L641-13 et le 7° de l’article L653-5 ne suffit pas à nous convaincre du contraire, même s’il est exact que cette mention ne relevé pas de la simple inadvertance de rédaction. En particulier il est vrai que si l’article L653-5 sanctionne le débiteur d’avoir signalé une créance « fictive », ce qu’une conséquence est attachée à ce signalement. Ainsi la combinaison des textes laisse perplexe. Mais cela ne suffit pas à nous convaincre que le débiteur déclare créance pour le compte du créancier.

Lorsque le législateur a voulu dispenser le créancier de déclarer sa créance il l’a indiqué expressément

On peut ajouter que quand le législateur a voulu dispenser expressément le créancier de déclarer créance en raison de la prise en compte de sa créance par les acteurs de la procédure, d’une part il ne s’est pas contenté de l’affirmation du débiteur et d’autre part il l’a indiqué expressément : c’est le cas avec l’article L628-7 du code de commerce. Ce texte organise en effet le traitement du passif en sauvegarde accélérée : la liste établie par le débiteur est certifiée par son commissaire aux comptes ou visée par son expert-comptable, et le texte dispose expressément que le dépôt de la liste au greffe vaut déclaration de créance si le créancier n’en fait rien.

En l’espèce, en matière de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, le texte n’a pas repris une telle formulation et invite au contraire les créanciers à déclarer créance, au moyen du courrier du mandataire judiciaire qui leur rappelle le délai à respecter (R622-21) ! La confusion est donc totale.

Deux textes (identiques) viennent même laisser penser que le créancier doit, peut-être, respecter le délai pour déclarer créance :

L’article R622-15 pour la procédure de sauvegarde, également applicable en redressement judiciaire et l’article R641-39 du code de commerce, identique, applicable en liquidation judiciaire, viennent ajouter au trouble :

Ces textes organisent le traitement des créances postérieures qui n’ont pas été réglées : si ces créances ne sont pas considérées comme devant être réglées en rang de créance postérieures, elles sont rejetées par le juge commissaire et rétrogradées en rang de créance antérieures.

Les textes indiquent alors qu’elles sont « réputées avoir été déclarées dans les conditions prévues par l'article L. 622-24 », c’est-à-dire dans les conditions des créances antérieures, et précise que « dans ce cas, le créancier adresse au liquidateur les informations prévues à l'article L. 622-25 et à l'article R. 622-23 »

Jusque-là pas de problème.

Traitant de l’éventualité que le créancier lui-même ou le débiteur pour son compte aient pu déclarer la créance comme étant antérieure, puis qu’un débat se soit noué sur un éventuel caractère postérieur, et qu’enfin ce soit le statut de créance antérieure qui ait été reconnu, les deux textes ajoutent, à propos des informations nécessaires à la déclaration de créance : « si ces informations ont déjà été transmises par le créancier ou pour son compte à l'occasion d'une déclaration faite conformément à l'article L. 622-24 et sur l'admission de laquelle il n'a pas été statué, le créancier en conserve le bénéfice ».

Autrement dit le créancier lui-même pourrait avoir déjà déclaré créance en invoquant une créance antérieure  (par exemple les échéances à venir d’un prêt) ou le débiteur pourrait l’avoir signalé pour son compte.

Mais le texte ajoute « Toutefois, le liquidateur peut opposer au créancier les délais prévus à l'article L. 622-24 lorsque celui-ci a reçu, pour la même créance, un avertissement d'avoir à déclarer sa créance. »

Il y a sans doute ici une possibilité de combinaison chronologique dans laquelle le débiteur a signalé une  créance, qui a donc donné lieu à avertissement d’avoir à déclarer créance, et pour laquelle le créancier n’a pas réagi : le liquidateur lui opposera la forclusion.

Ce texte peut-être celui que nous cherchons pour confirmer notre analyse sur le fait que le créancier doit déclarer créance, même si, contrairement à sa lette, nous ne pensons pas qu’il doive respecter le délai.

De plus et en tout état, les créanciers ne sont pas incapables … et le débiteur pourrait l’être :

Mais on voit mal comment le débiteur recevrait de la loi le mandat de déclarer créance pour des créanciers qui ne sont pas incapables au sens du droit civil et qui ont parfois leurs propres mandataires, et s’il n’est pas certain qu’un tel dispositif existe en droit sans la moindre incapacité ou initiative du « mandant » (cela ne nous semble pas exister), il est par contre même possible que le débiteur, et plus exactement son représentant légal pour les personnes morales, soit lui-même incapable au moment de l’établissement de la liste des créances, ce que le législateur aurait sans doute prévu si l’acte du débiteur était autre que conservatoire

Les questions qui se poseraient si le débiteur déclarait créance pour ses créanciers :

Deux questions qui ne sont pas sans conséquence pourraient d’ailleurs se poser, si on admettait que la « pré- déclaration » de créance du débiteur doit être soumise à la vérification des créances au même titre qu’une déclaration de créance du débiteur :

Question 1 imaginons que le créancier signalé par le débiteur soit également un créancier inscrit

D’une part le mandataire judiciaire doit circulariser ce créancier en lui signalant la « pré-déclaration » de créance effectuée pour son compte pour le débiteur (R622-21), et d’autre part ce même mandataire judiciaire doit également le circulariser par un courrier recommandé dont la réception ouvre le délai de déclaration de la  créance objet de l’inscription (article L622-24 alinéa 1).

Comment combiner les deux formalités si la première vaut déclaration de créance ? Supprimer la seconde ? Ne lui attacher aucun effet interruptif ? Inciter le créancier à prendre le risque de ne pas réagir ?

A l’évidence la pré-déclaration de créance du débiteur n’a pas le rôle qu’on voudrait lui donner.

Question 2 imaginons que cette créance soit contestée.

(la contestation par le débiteur reste possible à notre avis, voir plus bas)

- Si elle l’est par le mandataire judiciaire, le créancier recevra un courrier de contestation de créance lui impartissant un délai de 30 jours pour répondre à la contestation.

On observe d’ailleurs « au passage » que le courrier ne sera quand même pas adressé au débiteur ayant agi pour le compte du créancier, ce qui est une démonstration supplémentaire de ce qu’il n’est pas le mandataire du créancier. La jurisprudence admet en effet la validité de la contestation adressée au mandataire du créancier, surtout si c’est lui qui a déclaré créance, mais il nous semble que ce serait ici quand même caricatural que le débiteur continue à agir pour un mandant tenu à l’écart de la procédure. En tout état, le créancier qui ne souhaite pas bénéficier de la « pré-déclaration » de créance ne répondra pas au courrier, auquel il ne comprendra certainement rien, et ne sera pas admis.

- Si la contestation émane d’un tiers, l’article R624-10 organise la procédure de « réclamation » : le greffe convoque les parties intéressées, « ou leur mandataire » …

Là encore on voit mal que le débiteur soit convoqué à un double titre, de débiteur d’une part, de mandataire du créancier d’autre part, sans même évoquer une possible contradiction d’intérêt.

Le créancier, qui n’aura pas pris la moindre initiative pour revendiquer quelque créance que ce soit, va se trouver appelé à une instance dont il ne sait rien, et, précisément parce qu’il ne saura pas quels sont les enjeux, préférera engager des frais pour être présent ou représenté. Il pourra même à cette occasion élever des griefs contre le débiteur, qui a pris des initiatives qui lui causent un préjudice … sans d’ailleurs nous semble-t-il que le juge commissaire puisse statuer sur une telle demande …

Des telles situations ne sont certainement pas voulues par le législateur, et en toute circonstance quel que soit le processus, il doit y avoir à un moment où à un autre un acte de volonté du créancier … qui ne doit quand même pas être contraint d’écrire au mandataire judiciaire pour refuser expressément de figurer dans le passif !

A priori le titulaire d’un droit est toujours libre de l’exercer ou pas, et on ne voit pas de dispositif existant par lequel il y serait contraint.

Pour des raisons qui lui appartiennent le créancier peut ne pas vouloir figurer au passif ni recevoir de dividendes et les textes ne doivent pas l’y forcer, ce serait quand même un renversement d’objectif si les initiatives du débiteur se retournaient contre lui, et s’il devait assumer un passif auquel les créanciers ont renoncé : ce n’est ni l’intérêt du débiteur ni celui de la collectivité des créanciers – de ceux qui revendiquent une créance - !

Notre interprétation des textes : le débiteur ne déclare pas créance pour le créancier.

Ainsi à notre avis, la conséquence des nouveaux textes, c’est-à-dire d’une part la possibilité de ratification par le créancier d’une déclaration faite en son nom, et d’autre part le fait que le débiteur agit au nom et pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas déclaré sa créance, est simplement la même : c’est dans les deux cas sur la mise à néant des délais de déclaration de créance.

Le créancier dont la créance est « pré-déclarée » par le débiteur pourrait donc adresser sa déclaration de créance jusqu’à ce que le juge statue, sans égard pour le délai de déclaration de créance, lequel est interrompu par le débiteur par un acte conservatoire, comme le créancier dont la créance est déclarée par un mandataire peut lui aussi s’exonérer des délais de déclaration en « ratifiant » la déclaration de créance faite pour son compte.

Il nous semble d’ailleurs que la scission en deux alinéas confirme bien que la « pré-déclaration » de créance effectuée par le débiteur n’est pas une « véritable » déclaration de créance.

Mais rappelons que la Cour de Cassation a adopté une position de plus en plus favorable au créancier, en considérant que le signalement par le débiteur justifie l'admission de la créance Cass com 8 février 2023 n°21-19330 cette décision étant à notre avis la négation de tous les principes puisqu'elles impliquerait

- que le créancier n'a pas besoin de déclarer créance

- et certainement que le débiteur ne pourrait pas contester sa propre liste de créance signalées et qu'en tout état la vérification des créances deviendrait pour partie inutile.

On peut espérer que cette malencontreuse jurisprudence ne sera pas maintenue

Notre interprétation, inverse, repose sur :

L’appel aux règles de la procédure civile :

Cela nous semble être la transposition des règles de procédures civile régissant les actes de procédure. La jurisprudence considère en effet que la déclaration de créance est une action en justice.

Même si l'article L622-25-1 a cru utile de préciser que la déclaration de créance interrompt la prescription, ce qui n’était pas forcément utile puisque c’est l’effet attaché à toute demande en justice (2241 du code civil), on ne peut pas pour autant être certain, comme c’est parfois affirmé, que le législateur a ainsi souhaité affirmer que désormais la déclaration de créance n’était plus une demande en justice.

Or pour toute demande en justice, la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir (article 122 du CPC) est régularisable jusqu’à ce que le juge statue, ou si la personne ayant qualité intervient à la procédure avant   toute forclusion (article 126 du code de procédure civile).

La régularisation est ici exclue car on voit mal le créancier habiliter spécialement le débiteur.

Par contre la déclaration de créance formalisée par le créancier met à néant la fin de non recevoir, dès lors qu’on admet, comme nous le pensons, que la « pré-déclaration » de créance effectuée par le débiteur est interruptive du délai de déclaration de créance. Ainsi le débiteur n’est pas véritablement le mandataire du créancier et n’effectue qu’un acte conservatoire pour son compte, lequel est interruptif de délai.

C’est dont sur le postulat que le signalement d’une créance par le débiteur n’est qu’une « pré-déclaration » de créance qu’est rédigé ce commentaire, qui devra donc être infirmé ou confirmé par la jurisprudence, et qui n’est qu’une des interprétations possibles.

Selon nous, le créancier, prévenu par le courrier du mandataire judiciaire, comme il peut « ratifier » la  déclaration de créance faite en son nom par un mandataire, peut adresser sa déclaration de créance validant la pré-déclaration du débiteur, si elle est strictement conforme aux indications données par le débiteur, au plus tard au moment où le juge statue sur l’admission de la créance (et son éventuel mandataire doit alors veiller à adresser simultanément son mandat pour déclarer créance puisque par hypothèse le délai expire).

Le traitement « pratique » de la liste établie par le débiteur

Le mandataire judiciaire est destinataire de la liste établie par le débiteur, et il circularise les créanciers sur cette base.

Une première question pratique, mais aussi véritablement juridique se posera dès l’entrée en vigueur des textes : à partir de quand les indications données par le débiteur sur la liste des créances devra-t-elle être traitée comme une véritable « pré-déclaration » de créance ? Quelle est la limite ? Les premières impressions permettent d’envisager que la simple mention sur la déclaration de cessation des paiements par exemple, ou sur une liste sommaire sera prise en considération. Mais est-ce suffisant, tenant le fait que le débiteur doit se soumettre au même degré de précision que le créancier qui déclare créance, ce qu’il ne fera certainement pas ?

Quelle sera la sécurité du créancier, averti de la « pré-déclaration » de créance par la circularisation du mandataire judiciaire, si par la suite le débiteur objecte que sa propre liste ne remplissait pas les conditions de la déclaration de créance et n’était donc qu’une indication sans valeur ?

Au-delà même, le texte n’indique par quel est le traitement réservé à ladite liste : il ne précise pas qu’elle fait partie du passif qui sera vérifié – ce qui mettrait à mal notre argumentation -.

La liste est-elle plutôt une « antichambre » de la vérification de créance, les créances basculant sur l’état au fur et à mesure qu’elles sont déclarées par les créanciers ?

Dès lors que le créancier « signalé » par le débiteur peut, à notre avis, déclarer créance jusqu’à ce que le juge statue sur son admission,

- soit on lui applique un traitement comparable de celui appliqué à la créance déclarée par un mandataire, et le mandataire judiciaire devrait proposer au juge commissaire de rejeter la créance signalée par le débiteur mais non déclarée, ce qui entraînera convocation du créancier devant lui et lui permettra de déclarer créance,

- soit le basculement de la créance entre la liste établie par le débiteur et l'état des créances soumis au  juge est conditionné par la déclaration du créancier, et tant que le créancier ne s’est pas manifesté, il ne figure sur aucune liste de créance.

Après des hésitations nous avons pris la position d’appliquer la seconde alternative, notamment pour ne pas entraîner la procédure collective dans des frais de rejet de la créance (notamment frais de greffe).

Il est vrai qu’un trouve dans ce cas un autre problème : la créance déclarée in extrémis devra être vérifiée avec le débiteur, et le cas échéant ajoutée à la liste déjà entre les mains du juge commissaire.

Tout ceci est assez singulier, et il est regrettable qu’une innovation aussi importante n’ait pas été rédigée dans tous ses détails.

La "pré-déclaration de créance" effectuée par le débiteur ne le prive pas de la possibilité de contester la créance

A priori le débiteur ne devrait pas contester une créance qu’il a signalée, mais en droit il n’est pas jugé que la liste est un acquiescement … donc les choses restent complexes.

C'est d'ailleurs une preuve supplémentaire de ce qu'il ne s'agit pas totalement d'une déclaration de créance

Malgré certains avis défavorables (LE CORRE n°662-531 ed 2019-2020) nous pensons que le débiteur peut contester une créance qu'il a lui même signalée, ne fait que déclarer l'existence de créances invoquées par ses créanciers et que cela ne préjuge pas de sa faculté de contestation.

L'indication sur la liste des créances n'est pas un acquiescement, et d'ailleurs si la portée de la liste est considérablement augmentée depuis qu'elle vaut, a minima, "pré-déclaration de créance", le fait est quand même que les législations antérieures connaissaient déjà l'obligation pour le débiteur d'établir une liste de ses créanciers, ce qui ne l'a jamais privé de contester une créance.

Nous soutenons d'ailleurs que l'indication par le débiteur n'est qu'une "pré-déclaration" de créance, qui doit donc être confirmée par une "déclaration de créance" qui émane du créancier, et ce sont les "déclarations de créances" qui sont vérifiées. Si l'indication sur la liste établie par le débiteur valait acquiescement, il n'y aurait pratiquement plus de vérification de créance au contradictoire du débiteur qui n'aurait rien à dire. Les textes n'évincent pas de la vérification des créances celles "pré-déclarées" par le débiteur.

La liste établie par le débiteur n'est que l'indication des créanciers identifiés comme invoquant une créance, et pas une liste des créances que le débiteur renonce par avance à contester. D'ailleurs il n'est pas possible en droit commun de renoncer à l'exercice d'un droit - en l'espèce la contestation - avant même que ce droit soit ouvert -en l'espèce par la vérification des créances -.

La Cour de Cassation a d'ailleurs jugé que l'indication d'une créance par le débiteur "ne vaut pas reconnaissance par le débiteur du bien-fondé de cette créance, de sorte qu'il peut ultérieurement la contester dans les conditions des articles L. 624-1 et R. 624-1 du code précité" Cass com 23 mai 2024 n°23-12133 Cass com 23 mai 2024 n°23-12134 ce qui valide notre position.

Les différentes situations :

On peut distinguer, à partir de la liste remise par le débiteur, trois situations :

Situation 1 : le créancier est d’accord avec la « pré déclaration » de créance effectuée par le débiteur pour son compte : il adresse sa déclaration de créance « conforme »

Le créancier peut se contenter d’adresser au mandataire judiciaire une déclaration de créance « conforme », c’est-à-dire d’indiquer qu’il confirme le montant et les caractéristiques de la créance.

Le texte n’indique cependant pas que le créancier bénéficie de règles allégées pour le contenu de sa déclaration de créance, et on peut penser que le courrier du créancier doit contenir toutes les indications obligatoires. Encore que deux singuliers arrêts  évoquent une ratification implicite (en l'espèce dans le cadre de conclusions), ce qui est incontestablement source d'insécurité juridique Cass com 17 novembre 2021 n°20-16660 Cass com 17 novembre 2021 n°20-17166

Comme déjà Indiqué, à notre avis, mais cela mérite d’être confirmé par la jurisprudence, le créancier n’est tenu ni par le délai de déclaration de créance de 2 mois, ni par le délai de relevé de forclusion, puisque la « pré- déclaration » effectuée par le débiteur a « pris date », c’est-à-dire interrompu les délais, pour son compte.

Il suffirait donc que le créancier se manifeste avant que le juge arrête l’état des créances (opération dont la date « prévisible » n’est pas connue) ou plus exactement statue sur l’admission de sa créance, à laquelle il est   appelé puisque nous imaginons que le mandataire judiciaire proposera le rejet de la créance, ce qui provoquera une audience.

Cependant, il existe diverses interprétations aux textes, certains pensent que le créancier est dispensé de déclarer créance, d’autres qu’il doit respecter le délai légal de déclaration de créance, alors que nous pensons que le créancier doit déclarer créance, mais est exonéré du respect du délai : dans l’attente que la Cour de Cassation ait statué, il nous semble impératif d’adopter la position la plus prudente, et de déclarer créance dans le délai légal. Pour notre part,

- Nous ne pensons absolument pas que le créancier soit dispensé de déclarer sa créance « pré-déclarée » par le débiteur (mais la jurisprudence n'a pas véritablement statué, même si une décision Cass com 27 mars 2024 n°22-21016 pourrait ouvrir la voie au statut de "véritable" déclaration de créance pour le signalement du débiteur, ce qui nous semblerait surréaliste)

- Nous ne pensons pas non plus que le créancier soit tenu de déclarer créance dans le délai légal, à défaut de quoi le signalement effectué par le débiteur serait sans le moindre intérêt juridique et pratique.

Une fois encore, toutefois, il faut être très prudent en la matière puisqu’il n’existe pour l’instant que des opinions et des commentaires, et que la jurisprudence mettra certainement du temps à se fixer.

Nonobstant l’avis que nous émettons, nous conseillons aux créanciers de déclarer dans le délai légal la créance « pré-déclarée » par le débiteur.

Le cas particulier de la déclaration de créance effectuée par un mandataire du créancier

Une précision pour le cas où la déclaration de créance est effectuée par un mandataire (un « vrai ») du créancier : il conviendra qu’au plus tard au moment où le juge statue, le créancier ait « ratifié » la déclaration de créance : ainsi soit la déclaration de créance est accompagnée d’un mandat en bonne et due forme, qui habilite le mandataire à déclarer créance, soit le créancier devra « ratifier » la déclaration de créance avant que le juge statue sur la créances et non pas à l'intérieur du délai pour déclarer créance comme c'est le cas si la créance n'est pas signalée par le débiteur. En ce sens Cass com 5 octobre 2022 n°21-14227

Ce qui revient à dire que le signalement d'une créance par le débiteur pourrait dispenser, comme indiqué ci dessus, le créancier d'avoir à respecter les délais.

On ignore matériellement comment sera traitée la déclaration de créance effectuée par un mandataire, tant que le créancier ne l’a pas ratifié : a priori le mandataire judiciaire devrait contester cette créance, dans les formes de l’article R624-1 du code de commerce, mais pour mettre un terme aux contentieux sur la forme de la déclaration de créance, l’ordonnance du 12 mars 2014 a modifié l’article L622-27 de telle manière que le créancier ne sera pas tenu de répondre dans le délai de 30 jours.

Ainsi tant que le créancier n’a pas « ratifié » la créance, elle conservera un statut de créance contestée sur les propositions d’admission que le mandataire judiciaire transmet au juge commissaire.

On suppose qu’à partir de la transmission de ces propositions (L624-1), la ratification se fera directement auprès du juge commissaire, puisque le mandataire judiciaire se sera dessaisi.

Sous quelle forme « ratifier » : on imagine que le créancier pourra faire, à l’audience devant statuer sur la contestation, une déclaration qui sera actée par le greffe ou déposer des conclusions.

Les enjeux sont tels qu’il aurait été bon que le créancier soit fixé sur ce qu’il doit faire !!

Situation 2 : le créancier souhaite déclarer une créance différente de celle « pré-déclarée » par le débiteur ou une créance supplémentaire.

Le créancier doit respecter les délais de déclaration de créance et de relevé de forclusion, que ce soit pour faire valoir une seconde créance (et dans ce cas il devra également adresser une déclaration de créance pour la première créance « pré »-déclarée » par le débiteur, mais sans être lié par le délai) ou pour faire valoir des modifications de somme ou de nature de la créance (privilège par exemple) par rapport à la pré-déclaration effectuée par le débiteur. En effet la déclaration de créance « simplement confirmative » de la créance « pré- déclarée » n’en permet a priori aucune modification hors les délais légaux de déclaration de créance.

Les développements ci-dessus sur la déclaration de créance effectuée par mandataire sont transposables.

On peut ici constater que si le créancier est hors délai de déclaration de créance pour cette seconde créance, il devra solliciter un relevé de forclusion, et on ne pourra par lui objecter la « pré-déclaration » de créance effectuée par le débiteur, pour s’y opposer au motif qu’il a déjà déclaré une créance (voir notamment Cass com 27 mars 2024 n°22-21016 ) ... ce qui ne fait que confirmer que la "pré-déclaration de créance effectuée par le débiteur n'est pas une déclaration de créance.

En clair, habituellement, si un créancier déclare une première créance et omet d’en déclarer une seconde, le relevé de forclusion lui est en principe refusé, la première déclaration de créance établissant qu’il était informé et en conditions de respecter les délais : sa forclusion est de son fait, et il ne remplit pas les conditions pour être relevé de sa forclusion. Il en est de même si la première déclaration est effectuée par un mandataire.

Ce refus ne sera pas transposable au cas de la « pré-déclaration » de créance : autrement dit, on pourra certes objecter au créanciers qu’il a été averti d’avoir à déclarer créance (si on prouve qu’il a reçu le courrier, ce qui est toujours difficile pour un courrier simple), mais la « pré-déclaration » de créance ne peut être traitée comme une première déclaration de créance … c’est une confirmation supplémentaire de ce que le débiteur n’est pas le mandataire du créancier.

Situation 3 : le créancier ne déclare aucune créance et n’adresse aucune déclaration de créance validant cette « pré-déclaration » de créance.

Trois solutions :

1- le mandataire judiciaire doit mentionner la créance signalée par le débiteur mais non déclarée par le créancier, et pour cette raison proposer un rejet de la créance sur la liste de ses propositions établie au visa de l’article L624-1, après avoir adressé au créancier un courrier de contestation (R624-1).

Il s’en suivra un débat sur la contestation (R624-4 alinéa 2) qui mettra fin, si le créancier ne se  manifeste pas, à l’acte conservatoire effectué par le débiteur pour son compte.

On y voit une assimilation à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du débiteur non régularisée avant que le juge statue (126 du CPC).

2- La créance qui n’est pas valablement déclarée par le débiteur, lequel a simplement mis en place un processus conservatoire, n’est pas mentionnée sur la liste, pas soumise à la vérification, et le seul effet de la pré-déclaration de créance est que le créancier pourra se manifester tant que le juge n’a pas arrêté l’état des créances.

C’est un autre positionnement de l’assimilation à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du débiteur non régularisée avant que le juge statue (126 du CPC).

3- La créance est valablement déclarée par le débiteur

Cette solution est à notre avis à bannir, même s’il existe un débat doctrinal sur les conséquences de l’absence de déclaration de créance dans pareille situation, certains pensant que la créance doit être  prise en considération, nous pensons que c’est la solution inverse qui est voulue par les textes et que la créance doit être écartée.

La loi indique en effet que la « pré-déclaration » préserve les droits du créancier « tant » » qu’il n’a pas lui-même adressé sa déclaration de créance, et cet adverbe semble inciter à penser que cette déclaration de créance est absolument nécessaire.

En outre, comme indiqué ci-dessus, le débiteur n’est pas le mandataire du créancier, et n’effectue qu’un acte conservatoire, qui doit, en application des règles de procédure civile, être régularisé (ici par une « véritable » déclaration de créance) avant que le juge statue. On peut ajouter qu’il serait singulier qu’un créancier qui ne le souhaite pas soit admis malgré lui au passif.

A l’issue de cette première étape, le mandataire judiciaire dispose normalement de l’ensemble des créances invoquées au passif de l’entreprise

Le processus de déclaration et de vérification de créance modifié par l'ordonnance du 12 mars 2014 et le décret du 30 juin 2014

Voir dans la rubrique ACTUALITES les commentaires sur "les dispositions de l'ordonnance du 12 Mars 2014 et notamment les fichiers suivants:

Le texte intégral des nouvelles dispositions 

L'ordonnance du 12 mars 2014 emporte de nombreuses modifications des dispositions légales en vigueur (une ordonnance 2014-699 du 26 juin 2014 vient rectifier quelques erreurs de numérotation de la partie code du travail)

Le texte de l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014

L'ordonnance du 12 MARS 2014 a été complétée par une ordonnance du 26 septembre 2014 qui rectifie quelques erreurs et modifie les modalités de saisine du tribunal saisi de l'ouverture d'une procédure et qui envisage d'en ouvrir une autre.

 Le texte de l'ordonnance n°2014-1088 du 26 septembre 2014

L'ordonnance du 12 mars 2014 est surtout complétée par le décret n°2014-736 du 30 juin 2014.

Les nouvelles dispositions de la partie législative du code de commerce entrent en vigueur le 1er Juillet 2014, pour les procédures ouvertes à compter de cette date (sauf deux articles qui s'appliquent aux procédures en cours).

Le texte du décret n°2014-736 du 30 juin 2014

Nos commentaires

Commentaire d'ensemble sur la portée des nouveaux textes

Nous avons analysé pour vous ces textes et leurs conséquences. Notre commentaire d'ensemble

Commentaire sur ce qui change dans le processus de déclaration et de vérification des créances et les relevés de forclusions

Attention nous émettons des avis qui ne font pas toujours l'unanimité parmi les commentateurs, et il faudra que la jurisprudence prenne position sur certains textes qui sont imprécis et amènent parfois des interprétations très diverses voire opposées. Dans le doute adoptez toujours l'attitude la plus prudente

Notre commentaire sur le processus de déclaration et de vérification des créances

Notre synthèse rapide sur le processus de déclaration et de vérification des créances

A ce sujet la Cour de cassation a jugé que le fait pour le débiteur de mentionner une créance sur la liste de ses créanciers ne lui interdit pas de la contester (Cass com 13 Septembre 2017 n°16-12422)

Contenu de la déclaration de créance

Principe

Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021 :

Article L622-25 du code de commerce "La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.
Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture.

Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé.

On en tire que la créance ne découle pas nécessairement d'un titre Cass com 2 mars 2022 n°20-20405 .

L'article R622-23  précise notamment que la déclaration de créance est accompagnée des éléments de nature à prouver l'existence de la créance, le mode de calcul des intérêts, la juridiction saisie en cas de litige en cours, les sûretés prises, et des justificatifs correspondants. La production d'un document irrégulier - par exemple décompte définitif qui n'a pas été notifié - ne justifie pas le rejet de la créance Cass com 18 mai 2022 n°21-12279

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021

L'article L622-25 est modifié et dispose désormais 

"La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.

Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture.

Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé".

Le texte ajoute donc :

- l'obligation pour le titulaire d'une sureté réelle consentie par le débiteur, l'obligation de "déclarer créance", ce qui est assez singulier dès lors qu'en réalité ledit titulaire n'est pas créancier du débiteur (Cass mixte 2 décembre 2005 n°03-18210) et n'avait pas, antérieurement, à déclarer créance (Cass com 17 juin 2020 n°19-13153)

- la mention de l'assiette du privilège : il s'agit de consacrer et de matérialiser le principe suivant lequel les clauses d'accroissement sont désormais sans effet (l'article L622-21 ajoute désormais, toujours pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021 IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.

Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.

Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.)

En tout état

Article R622-23 du code de commerce: contenu de la déclaration de créance

"Outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :

  • Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;
  • Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;
  • L'indication de la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n'auraient pas été joints".

Enfin il est prudent de déclarer une somme qui fait abstraction de paiements susceptibles d'être remis en cause: par exemple la déclaration de créance peut ne pas déduire une somme perçue en vertu d'une ordonnance de référé (Cass com 18 mai 2017 n°15-26153): le débiteur invoquera la compensation après que la créance soit admise.

Idéalement la déclaration de créance comporte une ventilation des différents chefs de créance, et notamment du principal, des intérêts et/ou des créances échues et des créances à échoir et/ou des créances bénéficiant de garanties et des créances chirographaires.

Cependant le plus important est que les pièces qui accompagnent la déclaration de créance permettent d'en comprendre la totalisation et la Cour de Cassation juge que rien n'oblige le créancier à distinguer par exemple le montant du capital et des intérêts: le juge dans l'admission de la créance peut effectuer cette distinction pour les besoins de l'arrêté de l'état des créances et rétablir le calcul d'intérêt pour substituer les modalités de calcul à la somme déclarée Cass com 28 février 2018 n°16-24867

A contrario si la déclaration de créance ne mentionne pas d'intérêt et ne fait aucune référence expresse, par renvoi, à un mode de calcul d'intérêt, la créance correspondante ne peut être admise Cass com 5 juillet 2023 n°22-12310

Concernant le contenu de la déclaration de créance, évidemment si on considère que c'est une action en justice (ce qui est discuté) elle doit comporter les mentions les mentions obligatoires figurant à une assignation. Cependant la Cour de Cassation est moins exigeante et considère que la déclaration de créance doit contenir l'intention non équivoque du créancier de faire valoir ses droits dans la procédure collective de son débiteur (Cass com 5 octobre 1993 n°91-16578, Cass com 8 octobre 1996 n°94-13499, Cass com 17 février 1998 n°95-18271), ce que les juges du fond apprécient souverainement Cass com 15 mars 2005 n°03-18161  Cass com 3 février 1998 n°95-16448

Les éventuelles imprécisions de la déclaration de créance sont appréciées au regard de l'intention du créancier (Cass com 11 juin 2002 n°99-16070, Cass com 10 mars 2004 n°01-01473,Cass com 28 septembre 2004 n°02-16367 Cass com 10 juin 2008 n°07-15757 Cass com 10 mars 2009 n°08-10110 Cass com 15 février 2011 n°10-12149 Cass com 6 février 2001 n°98-11112,) et il ne doit pas y avoir d'équivoque sur son intention de faire valoir sa créance (pour l'emploi du terme confirmer ou actualiser Cass com 8 février 2023 n°21-19447 )

Les pièces qui accompagnent la déclaration de créance peuvent être remises après expiration du délai de déclaration de créance Cass com 23 mars 2022 n°20-19274

Pour les privilèges et les conséquences de l'omission sur la déclaration de créance voir le mot

La déclaration de créance porte sur les créances antérieures au jugement

Voir la distinction créance antérieure / créance postérieure

Pour autant la déclaration de créance du crédit bailleur au titre de ses créances contractuelles (loyers, pénalités contractuelles) ne le prive pas de se constituer partie civile devant la juridiction correctionnelle contre le débiteur qui a vendu le matériel, et la fin de non recevoir "electa una via" c'est à dire le fait qu'il aurait choisi d'agir devant la juridiction de la procédure collective par l'intermédiaire de sa déclaration de créance, ne s'applique pas à son action pénale qui n'a pas le même objet. Cass Crim 30 janvier 2019 n°18-81460

Les créances de récupération par l'Etat d'aide illégale n'échappe pas au processus de déclaration de créance Cass com 5 juillet 2023 n°21-25571 

Le fondement de la créance et sa qualification

Si le créancier croit opportun de préciser le fondement juridique de la créance, il ne pourra par la suite s'en écarter (par exemple il a été jugé que le créancier qui déclare créance au titre de loyers, alors que le débiteur n'est pas son locataire mais lui doit la somme à un autre titre, verra sa créance rejetée, au motif que le juge n'a pas à requalifier une créance dont le fondement indiqué est erroné Cass com 12 juillet 2016 n°14-28003).

Idem pour une déclaration de créance fondée sur un prêt alors que c'est en réalité un autre prêt qui fonde la créance Cass Com 10 janvier 2006 n°04-13795 ou pour un exemple, peu évident dans la décision Cass com 1er février 2000 n°97-16027 et Cass com 13 décembre 2005 n°03-16571 pour une créance fiscale, ou encore Cass com 29 avril 2003 n°00-13678 et Cass com 8 mars 2023 n°21-22354 pour une tentative de modification après contestation de la créance.

Ainsi, et même si rien n'oblige le créancier à qualifier sa demande avec détail, il veillera s'il le fait à prévoir tous les chefs de créance possible.

Une déclaration de créance n'est pas une mesure d'exécution et ainsi un déclaration de créance fondée sur un jugement qui n'a pas été signifié dans les 6 mois et est pour cette raison déclaré non avenu et ne peut donc être le support de mesures d'exécution, reste valide, nonobstant le fait que les mesures d'exécution sont annulées par voie de conséquence Cass com 21 novembre 2018 n°17-11306

Déclaration de créance complémentaire / erreur matérielle sur une déclaration de créance

Les déclarations de créance complémentaires doivent être effectuées dans le délai légal (Cass com 25 février 2004 n°02-14615), et le privilège garantissant la créance doit également être mentionné dans ce délai (Cass com 13 mai 2003 n°00-12354)

De manière isolée la jurisprudence a admis a rectification d'une erreur matérielle évidente, y compris au delà du délai de déclaration de créance (par exemple erreur de conversion franc / euro Cass com 7 novembre 2006 n°05-17334 erreur de calcul sur le capital à échoir - par différence avec le capital échu - Cass com 26 mai 1998 n°96-12207, omission d'un chiffre en recopiant un nombre Cass com 15 novembre 2005 n°04-18555, mais il ne s'agit évidemment pas de réparer une omission qui n'est pas le résultat d'une erreur matérielle Cass com com 10 juillet 2001 n°98-18653

Voir la notion d'erreur matérielle

De manière tout aussi isolée la Cour de cassation a admis l'erreur matérielle qui a consisté à établir une déclaration de créance chirographaire alors que, quelques lignes plus haut dans le texte, le créancier revendiquait un privilège Cass com 19 novembre 2003 n°01-02920, ce qui est pratiquement un cas d'école et correspond à la véritable erreur matérielle.

Le cas particulier des créances dont le montant n'est pas connu : créances provisionnelles fiscales et sociales

Voir le mot créances fiscales et sociales

Le cas particulier des créances dont le montant n'est pas connu: créances "éventuelles", "estimées", "prévisionnelles"

Voir le mot créances provisionnelles ou éventuelles

Le cas particulier des créances à échoir

Voir le mot créances à échoir

Le cas particulier des créances d'intérêts à échoir

Voir le mot intérêt

Le cas particulier des créances découlant de la résiliation d'un contrat continué postérieurement à l'ouverture de la procédure collective

Voir le mot résiliation et voir ci dessous pour les délais

Le cas particulier des créances entre époux ou ex époux

Voir le mot divorce et changement de régime matrimonial

Le cas particulier des créances déjà déclarées dans le cadre d'un redressement judiciaire qui donne lieu à un plan suivi d'une résolution du plan et d'une liquidation judiciaire consécutive

Voir résolution du plan

Les "aides" illégales 

Les aides et subventions perçues par une entreprise, notamment de l'Etat, et jugées illégales par la Cour de Justice de l'Union Européenne doivent être déclarées au passif et sont soumises à l'arrêt du cours de intérêts Cass com 14 avril 2021 n°19-16909 relativement aux aides accordées à la SNCM 

Le cas particulier des garanties réelles

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, l'article L622-25 est modifié et dispose désormais 

"La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.

Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture.

Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé".

Le texte ajoute donc l'obligation pour le titulaire d'une sureté réelle consentie par le débiteur, l'obligation de "déclarer créance", ce qui est assez singulier dès lors qu'en réalité ledit titulaire n'est pas créancier du débiteur (Cass mixte 2 décembre 2005 n°03-18210) et n'avait pas, antérieurement, à déclarer créance (Cass com 17 juin 2020 n°19-13153)

Les délais de déclaration de créance.

Article R622-24 du code de commerce délai de droit commun et point de départ

Le principe est posé par l'article L622-24 du code de commerce et le délai est fixé par l'article R622-24 qui dispose:

"Le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales" (http://www.bodacc.fr/)
"Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire.

Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège dans un département ou une collectivité d'outre-mer, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas dans ce département ou cette collectivité".

Autrement dit, le délai de droit commun est de deux mois, majoré de deux mois pour les créanciers étrangers, et pour les créanciers hors métropole si le jugement est prononcé dans un département ou une collectivité d'outre mer, ou si pour les créanciers en métropole sur le jugement est prononcé dans un département ou une collectivité d'outre mer.

Le délai majoré est applicable même si le créancier a élu domicile dans le même "territoire" que le débiteur Cass com 19 février 2002 n°99-15579.

L'expression "demeure sur ce territoire" prévue à l'article R622-24 du code de commerce semble devoir s'entendre comme ayant son siège social et pas uniquement un établissement Cass Com 5 novembre 2013 n°12-20234.

Il a également été jugé que le fait que le mandataire investi du pouvoir de déclarer créance ne se trouve pas en France à la date de publication du jugement justifiait la prolongation du délai de déclaration de créance, Cass com 26 octobre 2022 n°20-22416 et Cass com 26 octobre 2022 n°21-11946. ce qui est assez obscur, car a contrario on pourrait en conclure que le délai prolongé n'est pas applicable alors même que le créancier réside hors de France.

Il n'est pas certain toutefois que ce soit véritablement le sens de ces décisions, le texte ne faisant référence qu'à la domiciliation du créancier (c'est à dire son siège social Cass civ 2ème 21 décembre 2023 n°21-21140) peu important celle de son mandataire, lequel, pour recevoir mandat de déclaration de créance doit avoir été missionné par le créancier qui subit le délai de distance.

En cas de contestation sur la publication au BODACC il appartient au créancier qui prétend être dans les délais de justifier de la date de parution au BODACC Cass civ 2ème 21 février 2019 n°17-26603 (ce qui est un bien singulier débat, les juges ayant l'information)

Le jugement d'ouverture s'entend comme celui qui prononce l'ouverture de la procédure collective, qu'il s'agisse de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaires: en cas de conversion de la sauvegarde en redressement ou liquidation judiciaires, ou du redressement en liquidation judiciaire, un nouveau délai ne court pas, et le point de départ reste fixé à partir de la publication du premier jugement.

Le délai de déclaration de créance pour le créancier dont la créance était signalée par le débiteur : jusqu'à ce que le juge statue ?

Il y a débat sur la question, mais on ne peut exclure que dans les cas où le débiteur a signalé l'existence de la créance, le créancier puisse régulariser une déclaration de créance non pas à l'intérieur du délai de droit commun mais jusqu'à ce que le juge statue (sur l'arrêté de l'état des créances). Voir le détail

C'est la position exprimée par la Cour de Cassation, qui a en outre précisé que la ratification n'est enfermée dans aucune forme Cass com 23 mars 2022 n°20-19275 et Cass com 23 mars 2022 n°20-19274

Délai applicable aux créanciers titulaires d'une sûreté spéciale

Les créanciers inscrits bénéficiaires d'une sûreté spéciale bénéficient d'un traitement particulier. Voir aussi le mot Créanciers inscrits

Au visa de l'article L622-24 du code de commerce "Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement"

Autrement dit, le créancier inscrit est spécialement averti (par courrier recommandé pour éviter toute discussion sur la date de l'avertissement), alors que les autres créanciers sont avertis par une lettre simple qui ne fait courir aucun délai particulier de déclaration de créance (qui pour ce qui les concerne part à compter de l'insertion au BODACC du jugement d'ouverture).

Cette catégorie de créanciers est donc avertis personnellement par un courrier recommandé avec accusé de réception émanant du mandataire judiciaire (article L622-24 et article R622-21 du code de commerce) et c'est la réception de ce courrier ( ou sa première présentation) qui fait courir le délai de déclaration de créance, évidemment à condition que le contenu du courrier soit régulier (Cass com 22 mars 2017 n°15-19317)

Tant que le créancier inscrit n'a pas reçu l'avertissement, le délai de déclaration de créance n'a pas couru pour lui, et la forclusion ne peut lui être opposée (il n'a donc pas à présenter un relevé de forclusion). En pratique en cas de contestation du mandataire judiciaire il pourra toujours saisir le juge commissaire pour qu'il statue sur l'admission de sa créance et le fait que la forclusion ne lui est pas opposable (cf Cass com 12 juillet 2004 n°02-18488 (à charge du recours applicable aux décisions rendues en matière de forclusion Cass com 14 janvier 2004 n°00-19555)

Il convient de préciser que c'est le délai le plus long qui va bénéficier au créancier inscrit, entre celui que fait courir l'avis qu'il a reçu, et celui que fait courir l'insertion au BODACC: si l'avis est envoyé avant que le BODACC ne soit paru, c'est le second qui bénéficiera au créancier Cass com 30 octobre 2012 n°11-22836, Cass com 18 juin 2013 n°12-20615

Plus précisément le texte permet d'avertir personnellement le créancier ou son "domicile élu" c'est à dire l'avocat, l'huissier ou le notaire qu'il aura désigné dans l'inscription. L'un des deux suffit pour que l'avertissement soit réputé valable.

Une question peut se poser: le créancier inscrit qui a à la fois une créance "chirographaire" et une créance au titre d'une inscription à faire valoir et qui a déclaré la créance chirographaire peut-il se prévaloir de l'absence de courrier recommandé ? A notre avis il devrait  le pouvoir pour ce qui concerne sa créance privilégiée, car l'avis est destiné à attirer son attention sur le fait qu'il est créancier inscrit. Pour autant ce n'est pas la position actuelle de la Cour de Cassation qui considère que le créancier qui a déclaré créance ne peut se prévaloir de l'absence de l'avis recommandé destiné aux créanciers inscrits pour échapper à la forclusion d'une autre déclaration de créance (Cass com 15 novembre 2005 n°04-15363, Cass com 13 mai 2003 n°00-12354, Cass com 3 décembre 2003 n°01-01747

Délai spécifique pour les victimes d'infraction pénale

L622-24 alinéa 7 Le délai de déclaration, par une partie civile, des créances nées d'une infraction pénale court dans les conditions prévues au premier alinéa ou à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant, lorsque cette décision intervient après la publication du jugement d'ouverture.

Par exemple Cass com 27 novembre 2019 n°13-21068 qui précise que pour autant le créancier ne peut, postérieurement au jugement, prendre une inscription d'hypothèque sur les actifs du débiteur

Délais spécifiques en cas de résiliation d'un contrat: un mois à compter de la résiliation du contrat postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective

Au visa de l'article R622-21 du code de commerce il existe un délai spécifique : "Les cocontractants mentionnés aux articles L. 622-13 et L. 622-14 bénéficient d'un délai d'un mois à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation. Il en est de même des créanciers d'indemnités et pénalités mentionnées au 2° du III de l'article L. 622-17 en cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi. "

Le délai spécifique de déclaration est strictement limité aux indemnités de résiliation Cass com 30 juin 2004 n°03-12705 qui écarte les « frais supplémentaires de pilotage, de consultation et de maîtrise d'œuvre, des travaux de reprise de malfaçons et non-façons et des dépassements de budget »

La plupart des contractants prennent la précaution de déclarer une créance "à échoir" ou "conservatoire" d'indemnité de résiliation (voir le mot créance éventuelle), ce qui est admis par la jurisprudence et surtout il est prudent de déclarer dans le délai légal les créances éventuelles au titre des malfaçons éventuelles, surcouts divers … puisque ces créances ne bénéficient pas du délai spécial à la différence de l'indemnité de résiliation

Le contractant qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai peut solliciter un relevé de forclusion Cass com 9 décembre 2020 n°19-17579, mais le contractant qui ne réside pas en France métropolitaine ne bénéficie pas de l'allongement de délai de droit commun Cass com 18 janvier 2023 n°21-15514

Délai applicable aux créances postérieures non éligibles au dispositif protecteur des créances postérieure et "rétrogradées" en rang de créances antérieures

Le critère chronologique de date de naissance de la créance ne suffit pas à la faire bénéficier du privilège attaché aux créances postérieures remplissant les conditions prévues par les textes : voir les critères

Ainsi certaines créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne sont pas accessibles au dispositif protecteur (par exemple parce qu'elles ne sont pas jugées utiles la poursuite d'activité.

Bien que nées postérieurement au jugement d'ouverture, ces créances sont "rétrogradées" en rang de créance antérieures et incluses dans le passif antérieur.

Par hypothèse ces créances n'ont pas pu être déclarées au passif dans le délai de droit commun, puisqu'elles n'existaient pas, et parfois même leur fondement non plus.

Aussi les textes disposent que ces créances doivent être déclarées au passif, suivant un délai spécifique 

L'article L622-24 prévoit en effet pour des créances "Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat."

Le texte distingue donc deux cas :

- les créances résultant d'un contrat à exécution successive qui ne bénéficient pas de l'article L622-17 (et donc ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du privilège des créances postérieures, par exemple parce qu'elles ne sont pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur postérieurement au jugement, comme un prêt déjà débloqué avant le jugement) doivent être déclarées dans le délai de droit commun précisé à l'article R622-22. Ainsi le banquier qui a débloqué un prêt avant le jugement va déclarer créance au titre de l'échéancier à échoir.

- les autres créances doivent être déclarées dans le délai de droit commun ( deux mois) mais à compter de l'exigibilité de leur créance.

Par exemple la créance de récupération par l'Etat d'une subvention jugée illégale doit être déclarée dans les deux mois de la décision de la commission Européenne Cass com 27 septembre 2017 n°16-14929

Ces textes règlent le sort du créancier dont la créance est née postérieurement mais qui se considère comme ne bénéficiant par du statut de créance postérieure. (ce qui présente l'inconvénient de faire peser sur le créancier la décision de se situer ou pas dans le cadre du dispositif légal)

Un autre cas peut se présenter, si le créancier entend bénéficier du statut protecteur et a donc porté sa créance à la connaissance des organes de la procédure, aux fins d'être porté sur la liste des créances postérieures impayées.

SI effectivement le créancier est exclu de la liste des créances postérieures impayées, par une décision du juge commissaire, les articles R622-15 et R641-39 du code de commerce atténuent cependant cette difficulté en indiquant que si la créance postérieure portée à la connaissance des organes de la procédure est exclue de la liste des créances postérieure par une décision de rejet du juge commissaire, elle est réputée avoir été déclarée en rang de créance antérieure. Ce dispositif n'est par contre par applicable au créancier qui a porté la créance à la connaissance du mandataire judiciaire, mais qui n'a pas été porté par ce dernier sur la liste: si le créancier n'a pas contesté la liste il ne peut prétendre avoir été dispensé de déclarer sa créance rétrogradée en rang de créance antérieure.

Ainsi il est bien préférable pour le créancier de revendiquer le bénéfice des créances postérieures éligibles, quitte à en être exclu par le juge commissaire, qu'à s'en exclure de sa propre initiative en déclarant créance: il ménage ainsi à la fois ses chances d'être considéré comme créancier postérieur et celles que sa déclaration de créance reste valable (avec toutefois un tempérament: si le créancier a été invité à déclarer créance en rang de créance antérieure, il lui sera opposé le délai de l'article L622-24).

Le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai peut solliciter un relevé de forclusion Cass com 9 décembre 2020 n°19-17579

Voir le mot créances postérieures

Délai applicable en cas de résolution du plan

Voir résolution du plan

Computation du délai

Les règles de computation des délais sont celles applicable en procédure civile: le délai commence à courir le premier jour et se termine le jour du dernier mois qui porte le même quantième : par exemple un délai commencé le 28 mars se terminera le 28 mai.

Si le quantième identique n'existe pas (par exemple délai qui se terminerait normalement le 30 février) le délai expire le dernier jour du mois.

Enfin le délai qui se termine un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé est prolongé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (article 642 du CPC) Cass com 17.02.1998 n°95-18686 qui précise en outre (et c'est évident) que c'est la date d'envoi du courrier qui doit se trouver à l'intérieur du délai et pas la date de réception par le mandataire judiciaire (application des articles 668 et 669 du CPC)

Déclaration de créance et péremption d'instance

Une fois qu'il a déclaré créance le créancier n'a plus de diligence à accomplir (sauf parfois en cas de contestation de créance et d'incompétence si le juge commissaire lui demande de saisir la juridiction compétente) : la péremption d'instance ne peut lui être opposée, par exemple si l'instance en contestation est renvoyée plusieurs fois pendant plus de deux ans Cass com 7 juillet 2009 n°07-14455 et Cass com 22 septembre 2009 n°08-14621 ou si le juge commissaire l'a invité à le saisir sur l'admission de sa créance à l'issue d'une procédure de revendication Cass com 8 janvier 2020 n°18-22606 18-22607 et 18-22608 


Déclarations fiscales

Voir le mot dessaisissement qui détaille les obligations du débiteur nonobstant le dessaisissement


Déconfiture

Terme parfois encore employé dans le language commun ( impropre en droit) pour qualifier un débiteur en "faillite" (voir ce mot). Le mot "déconfiture" provient du latin "decoquere" : qui inspire la déception.


Défaisance (structure de)

Une société qui souhaite isoler ses actifs financiers et ses dettes dans une société spécifique pour "nettoyer" ses comptes de bilan peut faire appel à une structure de défaisance qui a théoriquement vocation, avec les revenus des actifs financiers, à assurer le règlement des dettes. On parle parfois d'opération poubelle.

 

 

 


Défaut (jugement rendu par défaut)

Le principe

Lorsque le défendeur ne comparaît pas, c'est à dire ne se présente pas l'audience, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort (c'est à dire ne peut faire l'objet d'un appel) et si la citation n'a pas été délivrée à personne (c'est à dire si l'assignation délivrée par l'huissier ne lui avait pas été remise en personne).

A l'inverse, le jugement est "réputé contradictoire" si, bien que le défendeur ne se présente pas à l'audience, la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation (l'acte d'huissier) a été délivrée à la personne du défendeur. Autrement dit un jugement rendu en premier ressort est toujours réputé contradictoire quel que soit le mode de délivrance de l'assignation.

Le régime de ces deux décisions est parfois différent.

Par principe le jugement rendu par défaut peut être frappé d'opposition sauf :

- si cette voie de recours est écartée par une disposition expresse (476 du CPC)

- pour le jugement rendu par défaut réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel : dans ce cas il convient de relever appel (477 CPC)

De manière impropre, lorsque le défendeur n'est pas présent à l'audience, le demandeur demande parfois au juge de "constater le défaut", ce qui ne correspond pas toujours à la situation prévue par la loi. Une telle demande ne correspond pas à la circonstance prévue par le code de procédure civile, sauf à y voir simplement le constat de l'absence du défendeur sans autre portée sur la nature du jugement.

Le texte

La distinction entre jugement par défaut et jugement réputé contradictoire est posée par l'article 473 du code de procédure civile: "Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur."

Le jugement par défaut non avenu

Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif (c'est à dire pour ce seul motif, et donc pas également au motif que la partie a été citée à personne) qu'il est susceptible d'appel (c'est à dire rendu alors que le défendeur n'a pas comparu et n'a pas été cité à personne) est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date (article 478 du CPC)

Voie de recours contre un jugement rendu par défaut

La voie de recours contre un jugement par défaut est l'opposition organisée par les articles 571 et suivants du CPC. (attention il existe des exceptions notamment décisions du juge de la mise en état 776 du CPC ou décisions ordonnance une mesure d'instruction 150 et 170 du CPC. Concernant les décisions rendues en matière de procédure collective article L661-1 du code de commerce et suivants l'article R661-2 organise un délai particulièrement bref, mais a priori l'article 540 du CPC qui prévoit une possibilité de relevé de forclusion est applicable)

A contrario l'opposition n'est pas applicable contre un jugement réputé contradictoire, même si la partie n'a pas comparu, lequel est susceptible des recours contre les jugements contradictoires (477 du CPC).

Ajoutons que si le débiteur, régulièrement convoqué, de présente à une première audience qui fait l'objet d'un renvoi contradictoire à une seconde audience à laquelle il ne se présente pas, le jugement ne sera pas contradictoire mais réputé contradictoire au motif qu'il est appelable. De sorte qu'il devra être signifié dans les 6 mois de sa date Cass com 14 septembre 2023 n°21-23793

Voir également jugement erreur de qualification, conséquence sur les voies de recours


Défendeur

Celui qui défend. C'est le terme employé pour qualifier celui auquel le "procès" est fait par le "demandeur" qui est celui qui demande.


Défense au fond

C'est le moyen de défense qui évoque le fond du dossier, c'est à dire concrètement les faits. Il existe en procédure trois type de défense: les exceptions de procédure (voir ce mot) qui relèvent du juge de la mise en état et doivent être soulevées avant toute défense au fond, les fins de non recevoir (voir ce mot) et la défense au fond.


Délai de déclaration de créance

Voir le mot déclaration de créance


Délai de demande de relevé de forclusion

voir les mots "relevé de forclusion", et "déclaration de créance"


Délai de distance

terme qui désigne le délai supplémentaire accordé dans certains cas aux parties domiciliées à l'étranger pour effectuer une formalité.

Par exemple une partie va dans certains cas disposer d'un délai supplémentaire pour relever appel d'une décision

Voir notamment les voies de recours contre l'état des créances.


Délai de grâce

Au visa de l'article 1343-5 du code civil 

Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.

Ces dispositions se superposent (mais ne se cumulent pas) avec certains textes spéciaux qui donnent au juge des pouvoirs similaires


Délai de prescription et interruption

(voir également le mot "prescription", "prescription interruption" et le mot "nullité")

Les délais:

La plupart des délais de prescription sont de 5 ans depuis la loi du 18 JUIN 2008 (mais il existe d'autres délais dans certains cas). Ce délai court en principe de l'exigibilité de la créance invoquée ou de l'acte objet de l'action ; si le délai de prescription s'écoule sans qu'une action en justice soit initiée, le droit est "perdu"..

Point de départ du délai de prescription

La notion est parfois difficile à appréhender, en particulier le point de départ (par exemple pour une action en responsabilité où on peut hésiter en un délai de prescription commençant à courir le jour de l'acte critiqué, ou le jour où la "victime" a découvert l'acte critiqué, ou encore la date à laquelle elle pouvait le découvrir).

En tout état la prescription une fois qu'elle est acquise, c'est à dire que le délai est expiré sans qu'un acte dont la loi dit qu'il est interruptif ait été effectué, constitue un obstacle définitif - en droit on appelle cela une fin de non recevoir - à l'exercice de l'action qui aurait pu être menée plus tôt.

Quelques délais spécifiques en procédure collective

- l'action en comblement (voir ce mot) doit être exercée dans les 3 ans du jugement de liquidation judiciaire, sous peine de prescription

- le report de date de cessation des paiements doit être demandé dans l'année du jugement d'ouverture de la procédure

- la demande de faillite personnelle doit être formée dans le délai de 3 ans à compter du jugement d'ouverture de la procédure


Délai de revendication

Article L624-9 du code de commerce :

"La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure" (http://www.bodacc.fr/)

Voir action en revendication


Délais contractuels et COVID 19

Voir COVID 19 délais contractuels


Délais de convovation (en procédure collective)

Voir également le mot convocation

Dans certains cas un texte précise un délai précis qui doit s'écouler entre une formalité et l'audience.

Dans d'autres, les textes sont assez souples et indiquent que les parties sont convoquées dans le délai que fixe le tribunal, sans préciser de délai minimum.

C'est pas exemple le cas en cas d'ouverture du redressement judiciaire

- article R631-3 pour le cas où le tribunal statue d'office

- article R631-4 pour le cas où le tribunal statue sur requête du ministère public

C'est également le cas pour la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire (article R631-24 qui procède par renvoi aux textes précédents)

En matière de plan de continuation l'article R626-17 indique simplement que les parties sont convoquées dès le dépot au greffe du projet de plan, sauf s'il y a lieu à remplacement des dirigeants (délai de 15 jours R631-34-1)

En cession d'entreprise un délai de 15 jours doit s'écouler entre l'expiration du délai de dépot des offres et l'audience (R631-39)

En matière de vérification des créances; l'article R624-4 ne prévoit aucun délai

En matière de sanction, la procédure est en principe initiée par voie d'assignation et donc la question du délai ne se pose pas, sauf en cas de comblement de passif si un technicien est désigné, auquel cas son rapport doit être communiqué au moins un mois avant l'audience R651-5

En matière de clôture, si l'affaire est évoquée sur requête, les parties sont convoquées (sans que le texte précise un délai) alors que si la clôture est évoquée en raison du calendrier fixé lors de l'ouverture de la liquidation, la convocation doit être effectuée au plus tard deux mois avant l'expiration du délai (article R643-17)

Faute de précision, on peut se demander si le délai de comparution devant le Tribunal de commerce (délai de 15 jours entre l'assignation et la date de l'audience) prévu à l'article 856 du CPC, doit être respecté.

Etant précisé que ce délai n'est pas sanctionné par la nullité de l'article 117 du CPC qui ne le prévoit pas expressément (Cass civ 2ème 19 novembre 2009 n°06-20476

On sait que la convocation du greffe doit comporter les mentions de l'article 665-1 du CPC et notamment la date de l'audience, mais rien n'indique si un délai minimum doit être respecté.

A ces considérations s'ajoutent l'article R662-1 du code de commerce au terme duquel, sauf dérogation expresse, les règles de procédure s'appliquent aux procédures collectives.

Certains auteurs et certaines juridictions d'appel en tirent que le délai de l'article 856 du CPC est un texte général qui s'applique à toute saisine devant le tribunal de commerce (ce qui n'est pas la lettre du texte). En principe les juridictions tendent au respect de ce délai, de droit ou de fait. 

D'autres se réfèrent aux principes généraux de droit de la défense, (mais étant précisé que, quand les textes ne prévoient aucun délai, les articles 643 et 645 du CPC (augmentation des délais pour les créanciers étrangers) ne sont pas applicables (par exemple Cass civ 2ème 18 octobre 2012 n°11-24807 ). Il en découle qu'en vertu des articles 15 et 16 du CPC les parties doivent disposer d'un délai raisonnable et que le délai doit être fixé dans les mêmes considérations que le prévoit l'article 486 du CPC pour le référé.


Délais de procédure (computation)

Quelques points de la définition

Point de départ du délai

Expiration du délai

Décalage de l'expiration

Délais de distance

Saisine du juge dans le délai

Délais en procédure collective

Envoi ou réception du courrier, assignation ou enrôlement

Délais de distance en procédure collective

-------------------

C’est le code de procédure civile qui pose les grands principes de computation des délais de procédure, qui s’appliquent sauf exception prévue dans des textes spéciaux :

Point de départ du délai

Article 640 du CPC Lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Autrement dit la date de l'acte est aussi le premier jour du délai.

Cependant l'article 641 précise : Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas. Par exemple si une assignation fait courir un délai de X jours, ce délai commence à courir le lendemain, et expirera le dernier jour à 24 Heures

En cas de pluralité de notification, c'est la première qui fait courir le délai Cass com 29 avril 2014 n°12-29364

Expiration du délai

Article 641 du CPC  Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

Lorsqu'un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d'abord décomptés, puis les jours.

Autrement dit, le délai en mois ou en année se compte en principe de date à date, c'est à dire expire le même jour du mois concerné : 30 juin au 30 juillet par exemple. Si le 30 juillet est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est reporté jusqu'au premier jour utile. 

L'expression "à défaut de quantième identique" signifie que si le dernier jour n'existe pas, c'est le dernier jour du mois d'expiration du délai qui sera considéré : si le dernier jour est le 29 février, et que l'année suivante n'est pas bissextile le délai expire le 28 février, si le dernier jour est en théorie le 31 d'un mois qui n'a que 30 jours, ce sera le 30 le dernier jour du délai.

Article 642 Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Décalage de l’expiration du délai

Article 642 Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Ainsi un délai qui expire un samedi est prolongé jusqu'au lundi, sauf si le lundi est férié, auquel cas il est prolongé jusqu'au mardi.

Attention cependant dans le cas où le texte précise que la formalité doit être effectuée avant l'expiration du délai,

Délais dits de distance

Article 643

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :

1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;

2. Deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger.

Article 644

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, les délais de comparution, d'appel, d'opposition et de recours en révision sont augmentés d'un mois pour les personnes qui ne demeurent pas dans la collectivité territoriale dans le ressort de laquelle la juridiction a son siège et de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger

Article 645

Les augmentations de délais prévues aux articles 643 et 644 s'appliquent dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé.

Les délais de recours judiciaires en matière d'élections ne font l'objet de prorogation que dans les cas spécifiés par la loi.

La saisine du juge à l’intérieur du délai

Les solutions sont contradictoires : concernant l'assignation cela devrait être sa remise au greffe pour enrôlement qui interrompt la prescription. Cependant au visa de l'article 2241 du code civil,  "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion"  et la Cour de Cassation en tire que la délivrance de l'assignation est interruptive Cass civ 3ème 27 novembre 2002 n°01-10058

Dans certains cas on admet que c’est l’envoi et pas la réception du courrier recommandé adressé au juge qui interrompt le délai de saisine ou qui engage valablement l’action.

C’est souvent l’article 668 du CPC qui dispose « Sous réserve de l'article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. » qui est invoqué

Quelques applications en procédure collective :

Prise en compte de la date d'envoi ou de la date de réception d'un courrier recommandé, enrôlement ou assignation

Le texte de principe est l’article R662-1 qui dispose : « A moins qu'il n'en soit disposé autrement par le présent livre :

1° Les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI de la partie législative du présent code ;

2° Les notifications des décisions auxquelles procède le greffier sont faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, conformément aux dispositions de la section IV du chapitre III du titre XVII du livre Ier du code de procédure civile ;

3° Les notifications et communications adressées au débiteur personne physique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sont régulièrement faites à l'adresse préalablement indiquée au greffe du tribunal à l'ouverture de la procédure ou en cours de procédure. La date de la notification est celle de la signature de l'avis de réception. Toutefois, lorsque l'avis de réception n'a pas été signé par son destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, la date de la notification est celle de la présentation de la lettre recommandée. Les lettres de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du liquidateur sont transmises à cette même adresse ;

4° Les notifications et lettres adressées au débiteur, personne morale de droit privé, peuvent l'être au domicile de son représentant légal ou du mandataire ad hoc désigné conformément au II de l'article L. 641-9. »

Ainsi pour tous les courriers adressés au dirigeant pour lui notifier des décisions, c’est la première présentation du courrier recommandé qui sera prise en considération si le courrier n'est pas retiré par le destinataire (et que l'adresse est exacte).

Dans les autres cas, et dès lors que ce sont les règles de la procédure civile qui s’appliquent par principe pour interrompre le délai imparti à l'envoyeur du courrier, c’est la date d’envoi d’un courrier recommandé qui sera pris en considération : par exemple pour la déclaration de créance.

D’autres cas sont plus controversés : par exemple certaines décisions (anciennes, par exemple Cass com 1er Octobre 1991 n°90-13482) ont admis qu’il suffit que la requête en revendication soit envoyée au juge dans le délai légal, peu important qu’il la reçoive postérieurement à l’expiration du délai. Une telle solution parait fortement contestable, dès lors que le texte indique que le juge doit être saisi dans le délai, et qu’il n’est pas stricto sensu saisi par un courrier qu’il n’a pas encore reçu !!

Le parallèle avec l’enrôlement de l’assignation incite à penser que le juge doit avoir reçu le courrier pour être saisi, mais cela ne semble pas être le sens de certaines décisions.

Dans certaines cas le texte précise expressément que la juridiction doit être saisie dans le délai, et ce n'est alors pas la délivrance de l'assignation qui interrompt le délai mais l'enrôlement (par exemple report de date de cessation des paiements, ou saisine de la juridiction compétente dans le cadre de la vérification des créances en cas d'incompétence du juge commissaire), encore que l'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice interrompt la prescription, ce qui peut donner lieu à une évolution de la jurisprudence sur cette question.

Les délais de distance

A priori le code de commerce ne déroge pas aux règles posées par les articles 643 et 644 du CPC.

Mais la jurisprudence refuse le bénéfice du délai de distance pour l'action en revendication (Cass Com 28 septembre 2004 n°03-11876).

L'argumentation donnée permet d'appréhender la distinction: les délais de distances ne s'appliquent qu'aux délais de procédure (délais de comparution, délais de recours) 

Le délai de distance a d'ailleurs été reconnu applicable par principe aux voies de recours exercées en matière de procédure collective (par exemple Cass civ 2ème 26 février 1997 n°94-19233 pour le recours contre une ordonnance du juge commissaire, Cass civ 2ème 5 octobre 1983 n°82-10350 pour le recours contre un report de date de cessation des paiements).

Mais ce n'est que parceque le texte le précise que le délai de déclaration de créance est expressément augmenté pour les créanciers hors de France métropolitaine (article R622-24 du code de commerce).

Le délai de distance n'a par contre aucune raison de s'appliquer par principe aux délais pour engager l'action, dits délais d'action.


Délais de procédure et COVID 19

Voir COVID 19 délais de procédure


Délégation de créance

Voir cession de créance


Délibéré

C'est le fait pour une juridiction de "réfléchir" pour prendre sa décision.

On dit que le Tribunal met une affaire "en délibéré à la date du .. " ce qui veut dire que la décision sera connue (on dit "rendue") à cette date, à l'issue du délibéré c'est à dire d'une décision concertée des juges.

Le code de procédure civile organise très précisément le délibéré, sous peine de nullité, en raison de son importance puisque que c'est le moment de la prise de décision.

Ainsi:

- la décision est rendue à la majorité des voix (article 449 du CPC) et c'est la raison pour laquelle l'imparité est la règle, précisément pour que la majorité puisse se dégager (devant les formations où la parité est la règle par exemple le conseil des prud'hommes un mécanisme de départage avec un magistrat professionnel est prévu)

- ce sont les juges devant lesquels l'affaire a été débattue qui en délibèrent (article 447 du CPC) et il n'est pas question que ce soit un autre juge qui y participe

- les délibérations sont secrètes (article 448 du CPC) et il n'est pas question d'exposer un ou plusieurs juges à des commentaires sur les positions qu'ils ont prises pendant le délibéré. Pour cette raison seuls les juges participent au délibéré. IL est évidemment exclu que le ministère public y participe (Cass civ 2ème 23 avril 1986 n°84-16872 , et il est même exclu que le greffe y participe (Cass Civ 2ème 24 juin 1998 n°96-20659 Cass civ 3ème 24 juin 1998 n°96.15678. Evidemment la seule mention du nom du greffier ou du ministère public ne suffit pas à établir qu'ils ont participé au délibéré puisqu'ils ont siégé avec le tribunal. Par contre la mention du nom du greffier suivi de "présent lors des débats et du délibéré" entraîne la nullité du jugement Cass com 9 juillet 2013 n°12-22639

Ainsi la décision est prise par les juges seuls, et eux seuls présents. Le greffe n'intervient qu'ensuite pour la mise en forme de la décision déjà prise.

Voir le mot "audience"


Demande d'ouverture d'une procédure collective quelle procédure ? le tribunal peut-il s'écarter de la demande ?

Les critères de choix

Si l’état de cessation des paiements est constaté, on rencontre "l’aiguillage" redressement ou liquidation judiciaire. A défaut c'est la sauvegarde qui sera ouverte.

Redressement judiciaire = possibilités de redressement

Liquidation judiciaire = arrêt d’activité et pas de possibilité de redressement.

La procédure dont l'ouverture est demandée au tribunal: le tribunal peut-il s'écarter de la demande et ouvrir une autre procédure ?

Le tribunal ne peut statuer qu’à l’intérieur de ce qui lui est demandé (on dit de sa saisine), et ne peut statuer « ultra petita », c’est-à-dire au-delà de la cause qui lui est soumise. Il s’agit de dispositions générales de procédure, qui s’appliquent sauf quand un  texte particulier donne au juge le pouvoir de soulever d’office certains points de procédure (par exemple le juge peut soulever d’office son incompétence)

Et concernant le choix de la procédure, le Conseil Constitutionnel a progressivement déclaré inconstitutionnelle la majorité des dispositions permettant la saisine d’office du tribunal, qui existait dans les premiers textes (et en tout état il fallait une nouvelle convocation du débiteur, la saisine d’office ne pouvant s’opérer sur le champ).

A un temps subsisté dans l'article R631-11 alinéa 2 du code de commerce qui n'avait pas été censuré par le Conseil Constitutionnel, la disposition qui permettait au Tribunal saisi d'une demande de redressement judiciaire de se saisir d'office pour prononcer une liquidation judiciaire si les conditions sont réunies (sous réserve de convocation du débiteur dans les formes légales Cass com 13.05.2014 P 13-13745 et Conseil Constitutionnel N°2014 - 399 du 6 JUIN 2014).

Cependant cette faculté a été supprimée par le décret du 30 juin 2014, et désormais l'article R631-11 dispose que le le débiteur ne remplis pas les conditions du redressement judiciaire, sa demande est rejetée (évidemment sauf le cas où il demande subsidiairement la liquidation judiciaire, le cas échéant oralement à l'audience puisque la procédure est orale)

Donc :

- Le Tribunal est saisi d’une demande de redressement judiciaire, il ne peut pas prononcer de sa propre initiative la liquidation judiciaire sur le champs, même s’il apparait par exemple que l’entreprise n’a aucune activité. L'ordonnance du 26 septembre 2014 est venue apporter des précisions à ce sujet en modifiant les articles L631-7 et L641-1 du code de commerce: s'il apparait lors des débats sur l'ouverture du redressement que c'est la liquidation judiciaire qui est la procédure adaptée, le débiteur qui avait demandé l'ouverture d'un redressement judiciaire est invité à présenter ses observations sur l'éventualité d'un liquidation, et le tribunal peut alors ouvrir l'un ou l'autre des procédures. A priori cette "passerelle" ne s'applique que sur déclaration de cessation des paiements et pas sur poursuite d'un créancier.

 - Le Tribunal est saisi d’une demande de liquidation judiciaire et finalement il apparait que l’entreprise est viable : il ne peut pas prononcer le redressement judiciaire sauf si à l’audience la demande initiale évolue. Et comme la liquidation judiciaire peut-être catastrophique si l’entreprise est en activité, le Tribunal doit débouter le demandeur même s’il y a cessation des paiements puisqu’une des conditions de sa demande, à savoir l’impossibilité de se redresser, n’est pas remplie.

C’est la raison pour laquelle la loi permet, et la pratique retient le plus souvent une demande de redressement et subsidiairement de liquidation ou une demande de liquidation et subsidiairement de redressement judiciaire.

L’article R631-2 alinéa 2 du code de commerce dispose en effet « La demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est à peine d'irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire. »

Il existe un texte similaire pour la demande de liquidation : l’article R640-1 alinéa 2 qui dispose lui aussi : « La demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire présentée par un créancier est à peine d'irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire formée à titre subsidiaire. »

L'ordonnance du 26 septembre 2014 est venue apporter des précisions à ce sujet en modifiant l'article L641-1 du code de commerce: s'il apparait lors des débats sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire, il s'avère que c'est le redressement judiciaire qui est la procédure adaptée, le débiteur qui avait demandé l'ouverture d'une liquidation judiciaire est invité à présenter ses observations sur l'éventualité d'un redressement, et le tribunal peut alors ouvrir l'un ou l'autre des procédures. Mais reste que cette "passerelle" ne s'applique que sur déclaration de cessation des paiements et pas sur poursuites d'un créancier.

Ce n’est donc que si la demande est formulé par le créancier, ou si le débiteur demandeur s'en explique que le Tribunal peut effectuer des « passerelles » entre les deux procédures lors de l’examen à l’audience de la demande d’ouverture de la procédure.

A défaut, le Tribunal ouvre ou pas la procédure qui est demandée, mais pas une autre.


Demandeur

Celui qui demande. C'est celui qui engage le "procès", contre le "défendeur". Cela peut aussi être celui qui exerce un recours.

Parfois le "défendeur" élève à son tour, en réponse, une demande contre le demandeur. On appelle cette "demande en réponse" une demande reconventionnelle.


Deniers ou quittance

Une condamnation en "deniers ou quittance" est une condamnation dont le montant est fixé sous réserve de vérification du paiement pris en considération dans son calcul.

Par exemple Cass civ 3ème 8 juillet 2014 n°13-18157


Dépens

Ensemble des frais générés par le "procès", c'est à dire liés à l'instance et à l'exécution de la décision rendue.

Le juge peut, dans sa décision, mettre les dépens à la charge d'une partie (en principe celui qui est condamné).

Les dépens sont énumérés limitativement par les textes.

Il s'agit notamment de couvrir

- les frais d'huissiers relatifs à la délivrance de l'assignation, à la signification de la décision,

- les frais de greffe,

- les frais d'expertise

- une partie des frais et rémunération d'avocat (plaidoirie, émoluments tarifés, frais) à l'exception des honoraires.

Voir également le mot "article 700 CPC" et le cas d'une assignation en redressement ou liquidation judiciaire.

Pour le sort des dépens en cas de procédure collective voir créances postérieures


Dépollution

D'un côté la charge de la dépollution d'un site incombe à son dernier exploitant (articles L512-6-1 et L512-7-6 du code de l'environnement) et d'un autre la créance qui en découle n'est pas une créance utile à la procédure au sens des créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure

Cass com 5 février 2020 n°18-23961

L'arrêt doit être lu avec précaution car il précise que cette appréciation est à supposer que la créance soit postérieure (et à notre avis elle est antérieure car elle découle de l'exploitation)


Dépot de bilan

Terme communément et improprement employé pour la "déclaration de cessation des paiements" (voir ce mot qui contient le formulaire à remettre au greffe) qui est l'acte par lequel l'entreprise saisit le tribunal compétent de son état de cessation des paiements et lui demande de prononcer un jugement d'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire


Désignation des mandataires de justice (choix et critères)

Voir mandataires de justice


Désistement

C'est le fait :

- de renoncer à une instance, c'est à dire à un procès qu'on a engagé: c'est la désistement d'instance prévu aux articles 394 et suivants du CPC (le désistement d'appel ou d'opposition est régi par des textes spécifiques, articles 400 et suivants du CPC)

Le demandeur peut toujours se désister de sa demande (article 394 du CPC) ce qui doit être accepté par le défendeur s'il a présenté une défense au fond ou une fin de non recevoir (article 395). Le désistement est express ou implicite (article 397), les juges pouvant déduire de l'attitude d'une partie qu'elle renonce à poursuivre l'instance, mais ce type d'appréciation est assez périlleux car le désistement ne se présume pas. Ainsi l'absence à une audience, le fait de ne pas conclure dans le délai imparti, de ne pas accomplir les actes de procédure est sanctionné par la radiation mais ne suffit à caractériser le désistement. Il convient véritablement que la partie ait une attitude incompatible avec le déroulement de l'instance. 

Le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action (article 398) autrement dit, celui qui s'est désisté de l'instance peut en introduire une autre si elle n'est pas prescrite ( l'interruption de la prescription est non avenue en cas de désistement article 2243 du code civil). Celui qui se désiste doit, sauf convention contraire, payer les frais de l'instance éteinte (article 399 du CPC)

Le désistement d'appel emporte acquiescement au jugement, et a pour effet de dessaisir la Cour d'appel, qui ne peut donc réformer le jugement (Cass civ 2ème 5 décembre 2019 n°18-22504 pour un appel d'un jugement de liquidation judiciaire et des conclusions de désistement reçues par la Cour en cours de délibéré)

- de renoncer à une action, c'est à dire à l'exercice d'un droit: c'est le désistement d'action, qui est souvent manifesté dans un cadre transactionnel.

Bien souvent lorsqu'un partie souhaite se désister, ce n'est pas une décision prenant acte de ce désistement qui est prononcé, mais une décision de radiation (voir le mot "radiation")

Accepter cette pratique n'est pas toujours une solution protectrice pour les parties, puisque la radiation n'empèche pas les parties, tant que la péremption n'est pas acquise, de réintroduire l'affaire, c'est à dire de demander au greffe de remettre l'affaire sur la liste des affaires (qu'on appelle le rôle), alors que le désistement est la renonciation à l'exercice d'un droit.

La confusion entre les effets de la radiation et du désistement est donc absolument à éviter.


Dessaisissement de la juridiction

Quelques points de la définition

Généralités

Le privilège de juridiction

La suspicion légitime

La récusation

Le renvoi devant une autre juridiction si les intérêts le justifient

Généralités

Les règles de procédure permettent que la juridiction normalement compétente ne soit pas saisie ou soit dessaisie dans des circonstances dans lesquelles le justiciable pourrait avoir le sentiment -justifié ou pas- que la juridiction pourrait ne pas être impartiale.

Il existe donc ce qu'on appelle la délocalisation ou le dépaysement.

Cinq cas principaux existent : le "privilège de juridiction", la suspicion légitime, la récusation, le renvoi lorsque les intérêts en présence le justifient

Le privilège de juridiction

Voir ce mot. Il s'agit de permettre qu'une juridiction limitrophe de celle normalement compétente soit saisie, quand un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à la procédure.

La suspicion légitime

Le code de procédure civile (articles 356 et suivants, abrogés en 2017 et remplacés par les articles 342 suivants) organisent le renvoi pour suspicion légitime, quand des doutes existent sur l'impartialité de la juridiction. Par exemple pour une opinion de nature à naître un doute raisonnable sur l'impartialité du Président du Tribunal, en suite de propos dans la presse Cass civ 2ème 2 février 2023 n°21-18460 21-18507

La demande doit être formée avant la clôture des débats (article 342), par voie de requête (une déclaration au greffe est irrecevable Cass Civ 2ème 1er juillet 2021 n°20-14849 dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire) présentée au premier président de la Cour d'appel (article 344 et 343) qui demande ses observations à la juridiction saisie (article 345) et pendant l'instruction de la demande la juridiction n'est pas dessaisie sauf si le Premier Président de la Cour d'appel ordonne un sursis à statuer. L'ordonnance du Premier Président peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

(la procédure antérieure à la procédure actuelle, prévoyait un premier "filtrage" de la demande par le Président de la juridiction saisie, qui pouvait estimer la demande fondée ou pas  ... mais en tout état l'affaire était ensuite transmise au Président de la juridiction immédiatement supérieure,

Le premier président prend sa décision dans le mois (article 346): si la suspicion légitime est admise l'affaire est renvoyée devant une autre formation de la juridiction saisie ou une juridiction de même nature (article 347). En cas de rejet, l'auteur de la demande peut être condamné à une amende civile (article 348) jusqu'à 10.000 € et des dommages intérêts.

Le renvoi pour suspicion légitime n'est pas justifié s'il n'existe pas de doute sur l'impartialité des juges, et le fait qu'une requête aux fins de prise à partie ait été déposée contre ces juges ne constitue pas le doute en question et ne constitue pas un procès entre la partie qui invoque la suspicion légitime et les juges en question (pour une demande d'ouverture d'une procédure collective Cass Civ 2ème 6 décembre 2018 n°17-27634

L'article 347 précise le sort des actes de procédures accomplis et des décisions rendues, en cas de succès de la demande :  "est non avenue, quelle qu’en soit sa date, la décision rendue par la juridiction initialement saisie qui tranche tout ou partie du principal ou qui, sans trancher le principal, est exécutoire à titre provisoire". Ce qui, en cas de suspicion légitime au stade d'une demande de résolution du plan, ne peut atteindre la décision d'ouverture de la procédure collective Cass com 8 avril 2021 n°19-22580

La récusation

Les articles 341 et suivants du code de procédure civile organisent la récusation du juge (du siège ou du Parquet), dans les cas prévus à l'article L111-6 du code de l'organisation judiciaire (intérêt personnel ou familial à la contestation, lien de parenté ou héritier d'une partie, précédentes procédures avec l'une des parties, lien de subordination avec une des parties, amitié ou inimitié avec une partie, conflit d'intérêt)

Par exemple pour une opinion de nature à naître un doute raisonnable sur l'impartialité du Président du Tribunal, en suite de propos dans la presse Cass civ 2ème 2 février 2023 n°21-18460 21-18507

La procédure est la même que celle de la suspicion légitime. Les causes de récusation qui se manifestent à l'audience doivent être immédiatement soulevées Cass civ 2ème 27 février 2020 n°18-26083

Evidemment le juge récusé peut s'abstenir, c'est à dire se déporter et ne plus intervenir dans le litige.

Si le juge est récusé à l'issue de la procédure, il est remplacé (article 347)

Le renvoi d'une procédure collective devant une autre juridiction quand les intérêts en présence le justifient

Les articles L662-2 et R662-7 du code de commerce permettent, si les intérêts en présence le justifient, que l'affaire soit renvoyée devant une autre juridiction de la même cour d'appel.

En pratique, l'article L662-2 prévoit que si les intérêt en présence le justifient la Cour d'appel peut renvoyer l'affaire devant une autre juridiction compétente, dans le ressort de la même Cour d'appel (y compris si l'affaire relève d'un Tribunal de commerce spécialisé). Seule la Cour de Cassation peut décider de renvoyer devant une juridiction dépendant d'une autre Cour d'appel.

Concrètement c'est l'article R662-7 qui organise la saisine du premier président de la Cour d'appel (ou du premier président de la cour de Cassation) : le président de la juridiction initialement saisie, d'office (c'est à dire de sa propre initiative) peut transmettre le dossier par une ordonnance motivée soit au premier président de la cour d'appel soit au premier président de la Cour de Cassation s'il estime que l'affaire ne peut être transmise à une juridiction du ressort de la Cour d'appel. Il s'agit d'une décision d'administration judiciaire non susceptible de recours.

Par exemple une assignation en redressement judiciaire délivrée par une société dont le dirigeant est juge au tribunal de commerce concerné justifie la "délocalisation" vers une autre juridiction.

Le renvoi peut également être demandé par requête motivée, par le débiteur, le créancier poursuivant, le ministère public du tribunal initialement saisi ou le ministère public près la juridiction estimée compétente (et le cas échéant par demande conjointe des deux ministères publics) présentée par eux au premier président de la Cour d'appel (ou de la Cour de Cassation): dans ce cas le greffe du tribunal saisi notifie la requête (qui pourtant ne lui est pas déposée directement) aux parties et transmet le dossier au premier Président de la Cour d'appel (ou de la Cour de Cassation).

C'est le premier Président de la cour d'appel (ou de la Cour de Cassation) qui désigne la juridiction de renvoi, dans les 10 jours, après avis du ministère public de la juridiction qu'il envisage de saisir , et sa décision est notifiée aux parties par le greffe.

Dans l'attente du renvoi, le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire sous l'autorité d'un juge commis , pour prendre les actes conservatoires urgents visés à l'article L622-4 et ordonner l'inventaire en cas de procédure de liquidation judiciaire (on comprend que dans ces deux cas une procédure collective est ouverte)

Le même dispositif existe pour la désignation d'un mandataire ad-hoc (article R662-8)

La décision n'est pas susceptible de recours Cass civ 2ème 23 mars 2023 n°21-13093 


Dessaisissement du débiteur en procédure collective et droits propres

voir aussi le mot mandataires de justice changement de qualité

Quelques points de la définition

Généralités

Pendant la période d'observation de redressement judiciaire ou de sauvegarde

Les différentes missions de l'administrateur judiciaire et ses prérogatives correspondantes

Les prérogatives immuables de l'administrateur judiciaire

Prérogatives de l'administrateur judiciaire quelle que soit la mission

Prérogatives de l'administrateur judiciaire suivant les missions

Prérogatives de l'administrateur judiciaire précisées expressément dans sa désignation

Prérogatives du débiteur en fonction d'une mission d'assistance de l'administrateur judiciaire

Actes de gestion courante

Actes étrangers à la gestion courante

Actes de disposition étrangers à la gestion courante

Actes interdits

Sanction des actes accomplis en violation des règles

Sanction des actes accomplis en période d'observation interdits ou sans autorisation du juge commissaire

Sanction des actes accomplis en période d'observation sans l'administrateur judiciaire

La possible ratification de l'acte accompli au mépris du dessaisissement

Cas particulier des actions en justice et des actes de procédure

La mise en cause de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire dans les actions

En liquidation judiciaire

Présentation du dessaisissement

Nature juridique du dessaisissement

Sanction de l'acte accompli par le débiteur en liquidation

Le cas particulier des actes juridiques : l'inopposabilité

Cas particulier des actions en justice et des actes de procédure

Le vice de l'acte est-il régularisable ?

Par qui le dessaisissement peut-il être invoqué ?

La prescription de l'action en inopposabilité de l'action

Effets du jugement d'ouverture sur la capacité du débiteur au sens de l'article 531 du CPC (jugement en cours de délai de recours) délais et recours et prescription

Actes non atteints

droits personnels non patrimoniaux

Certains droits d'agir en justice et action pénale (mais les dommages et intérêts sont versés à la liquidation)

Actes de la vie courante et biens insaisissables

Actes conservatoires

Droit d'être salarié

Restrictions à l'activité du débiteur avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 Mai 2022 relative à l'entrepreneur individuel

La nouvelle activité du débiteur à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2022 relative à l'entrepreneur individuel (pour les procédure ouvertes sous ce régime)

Actes pour lesquels la solution est incertaine : succession ...

Le cas particulier des droits sociaux et mandats sociaux du débiteur en liquidation

Les obligations comptables et fiscales du débiteur

La conservation des archives

Le rôle du débiteur dans les aspects fiscaux et sociaux

Points communs entre sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires

La sanction des actes accomplis en période d'observation sans l'administrateur judiciaire ou en liquidation par le débiteur seul : l'inopposabilité

Critique des arguments au soutien de l'inopposabilité

La cas particulier des actions en justice et des actes de procédure (toutes procédures confondues) effectués nonobstant les règles de dessaisissement partiel ou total : la fin de non recevoir pour défaut de qualité, solution majoritairement retenue

Généralités: les notions applicables et leurs différences (nullité ou irrecevabilité)

Actions en justice et actes de procédure en période d'observation

Le domaine de l'assistance de l'administrateur

La sanction de l'acte accompli sans l'assistance d'administrateur judiciaire

La régularisation des actes accomplis en période d'observation

Actions en justice et actes de procédure en liquidation

La régularisation des actes accomplis en liquidation judiciaire

Par qui l'irrégularité (ou la nullité) peut-elle être invoquée ?

Généralités

C'est le fait d'être dessaisi d'une partie de ses droits.

En droit commun le processus est décrit par l'article 1159 du code civil "L'établissement d'une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant"

C'est une conséquence tout à fait caractéristique de l'ouverture d'une procédure collective, avec une portée modulable en fonction de la nature de la procédure ouverte (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) et éventuellement en fonction de la mission de l'administrateur judiciaire.

Le débiteur est « sous surveillance » et certains actes lui sont interdits, ou ne peuvent être faits qu’avec l’accord des mandataires de justice et le cas échéant du juge commissaire.

C'est une évidence, mais la cour de Cassation l'a précisé, le dessaisissement cesse quand la procédure collective est clôturée Cass com 6 mars 2019 n°16-26989

Enfin le dessaisissement concerne le seul débiteur, et, dans le cas où le débiteur est une personne morale, n'affecte pas les prérogatives de son dirigeant Cass com 6 Janvier 2021 n°19-19600 et 19-20414

Pendant la période d'observation, en procédure de sauvegarde et en redressement judiciaire: absence de principe de dessaisissement mais restrictions des prérogatives du débiteur

La période d'observation est avant tout conçue pour que l'activité soit poursuivie, et évidemment il n'est pas possible que le fonctionnement quotidien de l'entreprise soit compliqué par un dessaisissement qui amènerait le chef d'entreprise à solliciter à tout moment l'autorisation du juge commissaire ou l'accord de l'administrateur. Pour autant la période d'observation est également conçue pour amener l'entreprise à une solution, sous le contrôle du juge commissaire et avec l'intervention de l'administrateur judiciaire s'il en a été désigné un.

Ainsi il est effectué par les textes et la jurisprudence un "arbitrage" entre les actes que le débiteur peut accomplir seul, ceux pour lesquels l'administrateur doit intervenir, et ceux que le juge commissaire doit autoriser.

Cet "arbitrage" est modulé en fonction de la mission confiée à l'administrateur judiciaire.

Les différentes missions de l'administrateur judiciaire et ses prérogatives correspondantes

L'administrateur judiciaire dispose de prérogatives variables, qui dépendent de la mission qui lui est impartie par le jugement qui le désigne: plusieurs missions sont possibles, d'importance croissantes: administration (c'est l'administrateur qui gère), assistance (l'administrateur assiste le débiteur). La mission de surveillance (l'administrateur surveille la gestion du débiteur) a été supprimée des textes.

Par principe en procédure de sauvegarde l'administrateur judiciaire ne peut recevoir de mission d'administration ou de représentation (par différence au redressement judiciaire), et le débiteur n'a donc aucun dessaisissement (Par exemple Cass civ 3ème 30 novembre 2017 n°16-13019 et 16.13467). Le principe est posé par l'article L622-1 du code de commerce qui dispose que l'administration de l'entreprise est assurée par son dirigeant

Le tribunal peut cependant donner à l'administrateur une mission d'assistance pour certains actes, mais dans ce cas le jugement de désignation de l'administrateur le précise, et l'acte devra être accompli avec l'assistance en question. Le même article L622-1 du code de commerce permet au tribunal de modifier les actes correspondants. Le texte précise que l'administrateur judiciaire peut faire fonctionner les comptes bancaires si le débiteur est interdit d'émettre des chèques.

En redressement judiciaire la mission de l'administrateur judiciaire est plus modulable, et peut aller d'une mission de gestion à une mission d'assistance.

La mission de représentation est une mission de "remplacement" du débiteur, et dans ce cas tous les actes sont accomplis par l'administrateur.

Dans ce cas l'administrateur assure seul totalement l'administration de l'entreprise, et les actes effectués par le débiteur sont inopposables à la procédure, sauf ratification par l'administrateur judiciaire Cass com 19 mai 2021 n°19-23877

A l'inverse la mission de surveillance ne prive pas le débiteur de ses prérogatives. La mission d'assistance est la mission intermédiaire la plus fréquente; pour certains actes le débiteur est assisté de l'administrateur judiciaire. Certains auteurs évoquent plutôt une administration contrôlée qu'une dessaisissement. 

L'article L631-12 pose les règles qui permettent de déterminer l'emprise de la mission de l'administrateur judiciaire :

Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal.

Ce dernier les charge ensemble ou séparément d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. Lorsque le ou les administrateurs sont chargés d'assurer seuls et entièrement l'administration de l'entreprise et que chacun des seuils mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 621-4 est atteint, le tribunal désigne un ou plusieurs experts aux fins de les assister dans leur mission de gestion. Dans les autres cas, il a la faculté de les désigner. Le président du tribunal arrête la rémunération de ces experts, mise à la charge de la procédure.

Dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au débiteur.

A tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l'administrateur sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office.

L'administrateur fait fonctionner, sous sa signature, les comptes bancaires ou postaux dont le débiteur est titulaire quand ce dernier a fait l'objet des interdictions prévues aux articles L. 131-72 ou L. 163-6 du code monétaire et financier.3

Les prérogatives immuables de l'administrateur judiciaire:

Prérogatives de l'administrateur judiciaire quelle que soit la mission:

Quelle que soit sa mission, l'administrateur judiciaire dispose de prérogatives immuables, organisées par les textes: option sur la poursuite des contrats en cours, fonctionnement des comptes bancaires si le débiteur est interdit bancaire, préparation du plan, décision sur les revendications (ce n'est d'ailleurs pas le débiteur mais lui qui est destinataire de la demande de revendication, au visa de l'article R624-13 du code de commerce .(Cass com 2 novembre 2016 n°14-18898)) .. décision relative à la poursuite d'un bail Cass com 20 septembre 2017 n°16-15363

Prérogatives de l'administrateur judiciaire attachées à la mission:

Comme indiqué ci dessus, l'administrateur judiciaire peut recevoir plusieurs types de mission: administration (c'est l'administrateur qui gère), assistance (l'administrateur assiste le débiteur), (la mission de surveillance (l'administrateur surveille la gestion du débiteur) a été supprimée des textes). Evidemment ses prérogatives dépendent de la mission, et par un principe de vases communicants, ce qui relève de la mission de l'administrateur implique qu'il assiste le débiteur et ce qui n'en relève pas ne dépend que du débiteur : il convient schématiquement de procéder par soustraction dans un ensemble de prérogative qui sont conservées par le débiteur.

Il a été jugé par exemple qu'en cas de mission d'assistance, "cette mission emportait obligation pour l'administrateur judiciaire d'assister la société débitrice dans tous les actes de gestion au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires sous leur double signature" Cass com 4 juin 2013 n°12-17203. Cette décision n'est pas nécessairement calée sur la pratique.

De même l'administrateur judiciaire qui a reçu mission d'assistance doit participer aux procédures d'exécution et de recouvrement des créances du débiteur : "Attendu que pour déclarer valables les saisies-attributions, l'arrêt retient que l'administrateur judiciaire désigné par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société ... a reçu une mission d'assistance et qu'il en résulte que le débiteur, qui n'était pas dessaisi de l'administration de l'entreprise, pouvait procéder seul au recouvrement de ses créances en recourant à des mesures d'exécution forcée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'administrateur judiciaire avait été investi d'une mission d'assistance sans restriction, ce dont il résultait qu'il devait assister le débiteur pour tous les actes d'administration, comme les mesures d'exécution dont font partie les saisies-attributions, la cour d'appel a violé les textes susvisés"
Cass com 31 mai 2016 n°14-28056. Là encore cette décision est assez singulière, car nous verrons ci dessous que le recouvrement devrait être traité comme un acte de gestion courante.

Les actes expressément précisés dans la mission de l'administrateur ou qui en découlent nécessairement

Le jugement de désignation de l'administrateur judiciaire peut parfaitement préciser un domaine particulier d'intervention de l'administrateur judiciaire, par exemple pour sécuriser des actes sensibles spécifiques à l'entreprise. 

Les prérogatives du débiteur et les différentes catégories d'actes (analysés à partir de la mission classique d'assistance de l'administrateur judiciaire: il faudra donc moduler l'analyse en fonction de la mission)

On peut distinguer quatre catégorie d'actes, classés en graduation progressive de "restriction" pour le débiteur: les actes d'administration et de disposition qui relèvent de la gestion courante, les actes qui nécessitent l'intervention de l'administrateur judiciaire, les actes de disposition qui sortent de la gestion courante et les actes interdits en toute circonstance

1- Les actes de gestion courante et les droits et actions non compris dans la mission de l'administrateur sont accomplis par le débiteur seul

L'article L622-3 du code de commerce (texte de la procédure de sauvegarde rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-14) dispose "Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur."

En réalité ce texte vise plus exactement

- les actes d'administration et de disposition (comprendre ce qui affecte la propriété d'un bien) qui relèvent de la gestion courante de l'entreprise, qui sont accomplis par le débiteur seul (ou de l'administrateur s'il a mission de représentation), car les actes qui ne relèvent pas de la gestion courante sont encadrés (voir ci dessous). La notion d'acte de gestion courante n'est pas précisément définie par les textes, et varie en fonction de l'activité de l'entreprise: par exemple la vente d'un immeuble est un acte de gestion courante pour un promoteur et est un acte de disposition qui sort de la gestion courante pour un boulanger.

- les droits propres du débiteur, qu'il s'agisse de ses prérogatives dans le déroulement de la procédure collective (par exemple quand les textes prévoient qu'il est entendu, qu'il donne son avis, qu'il peut exercer des recours ...) qu'il exerce seul, ou des droits attachés à la personne (action à caractère personnel par exemple divorce ..)

La sauvegarde et le redressement judiciaire ne sont en effet pas conçus pour handicaper le débiteur, qu'il s'agit simplement d'encadrer notamment pour les actes importants et inhabituels.

Ainsi, par principe les "actes de gestion courante" sont accomplis par le débiteur seul (article L622-3 du code de commerce): le débiteur peut donc effectuer seul des commandes (Cass com 13 décembre 2017 n°16-18244), engager seul des actions en recouvrement (mais il est indiqué ci dessus que la Cour de Cassation est plutôt en sens contraire pour le recouvrement, en cas de mission d'assistance)...

Simplement la mission modulable de l'administrateur va positionner le curseur entre les actes que le débiteur peut accomplir et les autres: le tribunal pourrait lui allouer la mission de réaliser des actes déterminés.

2- les actes étrangers à la gestion courante qui ne sont pas des actes de disposition, et ceux expressément précisés dans la mission de l'administrateur relèvent de ce professionnel ou de son assistance

Les actes étrangers à la gestion courante qui ne sont pas des actes de disposition nécessitent l'intervention de l'administrateur judiciaire.

La notion de gestion courant est très mal définie en jurisprudence.

Cependant un certain nombre de contrats ont été jugés comme ne ressortant pas de la gestion courante:

- conclusion d'un contrat d'apprentissage 

- signature d'un contrat de professionnalisation (Cass soc 26 nov 2015 n°14-19680),

- un contrat de qualification (Cass soc 30 mai 2001 n°99-42769

- bail précaire (Cass com 29 sept 2015 n°14-17374)

- contrat de travail (Cass com 3 avril 1990 n°85-46530, Cass soc 31 mai 1994 n°92-44882 pour un footballeur professionnel, Cass Soc 30 mai 2001 n°99-42769Cass soc 26 nov 2015 n°14-19680), sauf peut-être s'il s'agit d'un remplacement Cass soc 21 sept 2005 n°03-41598) et a contrario Cass soc 6 décembre 2023 n°22-15580 qui indique qu'en l'absence d'administrateur le débiteur seul peut conclure un contrat de travail sans le visa du mandataire judiciaire ou l'autorisation du juge commissaire.

- Licenciement disciplinaire Cass soc 22 mars 2023 n°21-21315

- contrat d'avenir (CDD de deux ans) à temps partiel Cass soc 29 mai 2013 n°11-22834

- contrat passé avec un avocat auquel des diligences exceptionnelles ont été demandées par le débiteur, sans l'accord de l'administrateur judiciaire  "Mais attendu que l'arrêt relève que, par leur importance et leur nature, les diligences accomplies par la société SEDEX pendant la période d'observation à la demande de la société GE et non à la demande ou avec l'autorisation de l'administrateur chargé de l'assister, dépassaient de loin ce que le débiteur pouvait faire seul au titre des actes de gestion courante et qu'au vu du détail et du coût de ces diligences, le montant des sommes engagées au titre des actes de gestion dont le gérant de la société débitrice pouvait demander l'engagement sans se faire assister de l'administrateur et devant être payées à ce titre par priorité sur les autres créances pouvait être estimé à 4 000 euros" Cass com 30 mars 2010 n°09-10729

Le critère déterminant le plus pertinent semble être le caractère répétitif et/ou inclu dans l'objet social : l'acte exceptionnel ne relève pas de la gestion courante.

La Cour de Cassation a été amenée à préciser que la signature d'un contrat de travail est un acte qui ne ressort pas de la gestion courante, et doit donc être validée par l'administrateur judiciaire (cf par exemple Cass soc 26 nov 2015 n°14-19680), mais n'est pas un acte de disposition, et n'a donc pas à être autorisé par le juge commissaire: ce très important arrêt délimite bien les catégories d'actes (Cass soc 17 oct 2006 n°04-45827). De même un licenciement pour faute doit être accompli avec l'assistance de l'administrateur judiciaire (Cass soc 8 décembre 2016 n°15-19172)

L'acte qui devrait être conclu par l'administrateur judiciaire peut également être ratifié par lui a posteriori (Cass soc17 octobre 2006 n°04-45827 pour un contrat de travail, Cass soc 12 mars 1992 n°89-45236 pour un avenant à un contrat de travail)

3- les actes de disposition étranger à la gestion courante nécessitent l'autorisation du juge commissaire

Les actes de disposition (et uniquement de disposition) étrangers à la gestion courante doivent être autorisés par le juge commissaire (article L622-7 du code de commerce) sur requête du débiteur.

Ainsi un acte susceptible d'affecter la pérennité de l'activité, comme par exemple la cession d'un fonds de commerce, ne peut être effectué sans l'autorisation du juge commissaire. A priori le texte ne précise pas si les interdictions d'acquérir qui atteignent les proches du débiteur (voir la cession) sont applicables (on rappellera que pour les cessions d'entreprise ou les cessions d'actif en liquidation judiciaire l’offre ne peut émaner directement ou indirectement du débiteur, des dirigeants, des parents jusqu’au 2ème degré, des contrôleurs, et ces personnes ont interdiction d’acquérir pendant 5 ans tout ou partie des biens cédés. La sanction est lourde : l’acte contraire est annulé par le Tribunal, à la demande de tout interessé dans les trois ans de l'acte nul ( ou de sa publication s'il est soumis à cette formalité - article L642-3 du code de commerce). L'esprit du texte est sans doute qu'il ne puisse pas être contourné en période d'observation, mais cela ne semble pas avoir été jugé.

De même des compromis et transaction, ou la constitution de sûretés doivent être autorisés par le juge commissaire.

La signature d'un contrat de travail n'est pas un acte de disposition et n'a donc pas à être autorisé par le juge commissaire (Cass soc17 octobre 2006 n°04-45827).

La loi de 2014 a introduit dans l'article L622-7 du code de commerce une distinction supplémentaire: l'acte de disposition étranger à la gestion courante qui est "susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure", est autorisé par le juge-commissaire lequel doit avoir préalablement obtenu l'avis du ministère public. L'article R622-6 alinéa 2 précise que le greffe adresse copie de la requête au ministère public au moins 8 jour avant l'audience du juge commissaire (mais les actes correspondants ne sont évidemment pas listés par les textes, et seront identifiés par le demandeur ou le juge commissaire. En outre le juge n'est pas saisi par le débiteur seul, mais par le débiteur assisté de l'administrateur judiciaire (sauf s'il n'a qu'une mission de surveillance) lequel a priori est apte à déterminer l'incidence de l'acte.

4- les actes interdits par les textes ne peuvent être accomplis, même autorisés par le juge commissaire et/ou l'administrateur judiciaire

La sanction des actes accomplis en violation des règles

Voir également mandataires de justice changement de qualité

La sanction des actes accomplis en période d'observation, soit interdits soit sans autorisation du juge commissaire: la nullité

Les actes purement et simplement interdits - par exemple le paiement d'une dette antérieure - ou accomplis sans l'autorisation du juge commissaire alors qu'ils ne relèvent pas de la gestion courante, subissent la même sanction: l'article L622-7 du code de commerce dispose en son III "Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci."

En outre l'article L654-8 du code de commerce prévoit une sanction délictuelle pour l'auteur de l'acte non autorisé (2 ans d'emprisonnement et amende)

La sanction des actes accomplis pendant la période d'observation par le débiteur seul alors qu'ils auraient relevé de la mission de l'administrateur judiciaire: l'inopposabilité pour les "partenaires" (ou parties) de mauvaise foi

Voir l'inopposabilité

La possible ratification de l'acte accompli au mépris du dessaisissement

L'acte peut toujours être ratifié Cass com 9 mai 2018 n°16-20430 ... l'administrateur peut ratifier l'acte inopposable Cass soc 12 mars 1992 n°89-45236 pour un avenant à un contrat de travail, Cass soc 17 octobre 2006 pour un contrat de travail)

Le cas particulier des actions en justice

Voir le cas particulier des actions en justice

La mise en cause de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire pour les actions menées contre le débiteur

Les actions en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective

Les actions qui étaient en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure, et dans lesquelles le débiteur est en défense, sont suspendues par l'effet du jugement, et reprises, après que le demandeur ait déclaré sa créance, à la condition que la procédure ait été régularisée contre l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire: il s'agit d'éviter que le débiteur puisse être condamné sans que les mandataires de justice en soient informés, voire même que le débiteur se laisse condamner sans se défendre (article L622-22). A priori la régularisation n'est pas forcément nécessaire si le débiteur est demandeur à l'action (et en l'absence d'administrateur, en sauvegarde ou redressement judiciaire, l'intervention du mandataire judiciaire est inutile)

La Cour de Cassation a en outre précisé que même si la mise en cause des organes de la procédure était nécessaire, ce n'est pas pour autant que le débiteur ne peut, au titre de ses droits propres, exercer des recours (Cass com 8 sept 2015 n°14-14192).

Les actions engagées postérieurement au jugement

Les actions engagées doivent viser le débiteur et l'administrateur judiciaire, et il en est de même des voies de recours et des actes de notification et signification.

Le commandement de payer délivré au seul débiteur est nul Cass com 1er octobre 2002 n°99-14775 ainsi qu'un commandement de saisie Cass com 4 avril 2006 n°04-15833 ou le congé délivré au seul débiteur Cass com 27 septembre 2010 n°14-22644

En liquidation judiciaire: un dessaisissement étendu

Résumé de la notion de dessaisissement

Au visa de l'article L641-9 du code de commerce, la liquidation emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, et ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur 

Ainsi, en liquidation judiciaire, la plupart des actes sont accomplis par liquidateur et le débiteur est « dessaisi » de l’essentiel de ses droits, sauf évidemment ses droits « extra-patrimoniaux » et ce qu’on appelle les actions d’état (divorce, mariage par exemple). Il s’agit d’éviter des actes qui seraient préjudiciables pour les créanciers.

Concrètement les actes qui ont une incidence financière favorable pour les créanciers relèvent du dessaisissement, c'est à dire doivent être accomplis par le liquidateur, et s'ils sont accomplis par le débiteurs il ne seront pas "valables" (en droit ils seront inopposables aux créanciers représentés par le liquidateur): : par exemple le débiteur ne peut valablement vendre un actif, résilier un contrat, encaisser une somme d'argent, renoncer à un droit dont l'exercice constituerait un actif, participer à un partage amiable d'indivision Cass civ 1ère 7 novembre 2018 n°17-27272.  

Pour autant le dessaisissement ne peut être invoqué pour remettre en cause un virement effectué par le débiteur avant le jugement de liquidation, meme débité après la liquidation judiciaire Cass com 6 mars 2024 n°22-19906 

En liquidation judiciaire c'est le liquidateur qui a qualité pour procéder au recouvrement des sommes dues au débiteur Cass com 18 janvier 2023 n°21-17581 ,demander l'autorisation de transiger, et le débiteur, dessaisi, ne peut présenter requête en transaction Cass com 26 février 2020 n°18-21117 et n'a pas à être partie à une action en fixation de son loyer commercial Cass com 14 juin 2023 n°21-11588

Le liquidateur a également qualité pour se constituer partie civile ès qualité contre le président d'une association, qui a accompli un faux de nature à entraîner un retard dans la constatation de la cessation des paiements Cass crim 1er avril 2020 n°19-80375 ou pour agir en responsabilité contre l'avocat du débiteur intervenu pourtant dans le cadre du droit propre du débiteur Cass com 8 février 2023 n°21-16954

Le liquidateur est également investi du pouvoir de solliciter auprès de l'acheteur le paiement de ventes effectuées par le débiteur avant la liquidation (en l'espèce payées au dirigeant au lieu d'être payées à la société venderesse) Cass com 14 septembre 2022 n°20-20895  ou exercer une action en annulation de prêt et de vente Cass com 23 mai 2024 n°21-18706

A l'inverse les actes qui relèvent d'un droit personnel peuvent être accomplis par le débiteur seul : le débiteur peut évidemment se marier, divorcer, voter sans le liquidateur.

Les droits "processuels" c'est à dire la faculté pour le débiteur de se présenter devant le juge commissaire ou le tribunal de la procédure collective, l'exercice par le débiteur des voies de recours contre les décisions du tribunal de la procédure collective, ou contre les décisions du juge commissaire, relèvent évidemment du débiteur seul, qui n'a pas besoin du liquidateur pour les exercer. (en cas de personne morale voir le mot)

Au delà de ces catégories d'actes, les actes "de vie courante" ne sont pas exercés par le liquidateur (loyer personnel du débiteur, dépenses familiales ou d'éducation des enfants ...).

De même il est évidemment admis que le débiteur puisse être salarié durant la liquidation judiciaire. Ses créanciers ne pourront saisir ses salaires, et seul le liquidateur peut, le cas échéant, saisir la part saisissable au profit des créanciers. Cependant d'une part les éventuelles saisies du liquidateur ne peuvent justifier à elles seules que la procédure de liquidation ne soit pas clôturée, car cela reviendrait à la rendre perpétuelle, et d'autre part en pratique les saisies des liquidateurs sont rares sauf si les enjeux le justifient.

La restriction principale qui s'impose au débiteur est qu'il ne peut exercer une activité qui l'exposerait, alors qu'il est déjà sous l'emprise d'une procédure collective non clôturée, à se trouver une seconde fois et simultanément en procédure collective: tant que la liquidation n'est pas "terminée" (on dit clôturée) il ne peut donc être commerçant, artisan ou exercer une profession indépendante.

La jurisprudence n'a pas tranché toutes les situations et certains actes doivent, par prudence, être soumis au liquidateur. A priori le débiteur exerce librement des prérogatives de dirigeant de personnes morales.

Nature juridique du dessaisissement

Le dessaisissement attaché à la liquidation judiciaire n'est pas un changement de capacité au sens de l'article 370 du CPC et n'emporte donc pas interruption de l'instance Cass com 26 février 2020 n°18-18283 ni de la prescription (par exemple pour le recouvrement d'une créance due à l'entreprise en liquidation Cass com 20 octobre 2021 n°20-11004

C'est à notre avis un changement de qualité pour agit ( voir Mandataire changement de qualité pour agir pour plus de précision)

Précisions sur le sort de l'acte accompli en violation du dessaisissement

Pour les actes juridiques: l'inopposabilité

Voir l'inopposabilité

Pour les actions en justice et les actes de procédure:

Voir le cas particulier des actions en justice

Le "vice" de l'acte accompli au mépris des règles du dessaisissement est-il régularisable ?

La question "subsidiaire" est celle de la régularisation: la jurisprudence semble s'attacher à ce que l'acte de procédure soit régularisé à l'intérieur du délai pour l'accomplir par la partie, mais avec des interprétations "flottantes":

Par exemple le pourvoi en cassation exercé par le débiteur seul pourrait être régularisé à l'intérieur du délai de dépôt du mémoire (Cass com 28 mai 2013 n°11-23586) et non pas seulement à l'intérieur du délai de pourvoi, mais l'appel exercé par le débiteur seul peut être régularisé à l'intérieur du délai d'appel Cass com 18 janvier 2023 n°21-17581  

L'acte juridique vicié peut toujours être ratifié Cass com 9 mai 2018 n°16-20430

De même l'accord du mandataire de justice pour le paiement d'une prestation peut, dans certains cas, permettre de présumer que les prestations ont été accomplies sous son contrôle Cass com 3 octobre 2006 n°03-17024 dans un cas où le prestataire avait préparé un plan de redressement, ce qui relève de la mission de l'administrateur.

Par qui le dessaisissement peut-il être invoqué ?

La Cour de Cassation a longtemps considéré chaque fois que la question se posait que dès lors que le dessaisissement est une mesure de protection de l’intérêt des créanciers, seul le détenteur de cet intérêt à agir, à savoir le liquidateur, peut s’en prévaloir.

Par exemple Cass com 22 janvier 2002 n°98-22206Cass com 14 décembre 2010 n°10-10774, Cass com 22 janvier 2013 n°11-18904: Cass civ 3ème 2 mars 2022 n°20-16787

« Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées par Mme X (liquidateur amiable)... au nom de la société, l'arrêt retient que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée et que l'action en réparation, qui présente un caractère patrimonial, fait partie des droits et actions du débiteur frappés par le dessaisissement et n'entre pas dans la sphère des droits propres ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur judiciaire peut s'en prévaloir de sorte que les sociétés Orange n'ont pas qualité pour l'invoquer, la cour d'appel a violé les textes susvisés; »

Ainsi, selon cette position, personne d’autre que celui qui incarne l’intérêt des créanciers ne pouvait invoquer le dessaisissement pour se dégager d’un acte juridique. Entre les parties l’acte reste donc valable, et rien ne semble s’opposer à son exécution forcée après la clôture de la procédure, puisque plus personne n’incarne l’intérêt des créanciers pour le contester.

Il est en tout état totalement exclu que le débiteur se prévale de son propre dessaisissement pour se dégager d’un acte qu’il a effectué (par hypothèse postérieur à l’ouverture de la procédure et qui ne subit donc pas l’absence de reprise des poursuites après clôture).

Cependant il semble que la position de la Cour de Cassation, a minima pour les actes de procédure, permettant aux parties d'invoquer l'irrecevabilité de l'appel du débiteur seul, et soit amenée à évoluer pour une large possibilité d'invoquer le dessaisissement.

Par exemple Cass com 13 novembre 2013 n°12-28572 pour le défaut de qualité pour relever appel, soulevé par l'intimé

Mais, a contrario, le Conseil d'Etat considère que l'irrecevabilité de la réclamation fiscale effectuée par le débiteur seul, ne peut être soulevée que par le liquidateur CE 10 février 2023 n°456829 

La prescription de l'action en inopposabilité de l'acte accompli nonobstant le dessaisissement

Le délai de prescription est celui du droit commun, c'est à dire régie par le code civil (Avis Cass com du 4 octobre 2016 n°14-29272 relatif à une action menée dans les anciens textes régissant les procédures collectives, transposable au droit positif) 

Ainsi l'action en inopposabilité de l'acte accompli nonobstant le dessaisissement doit être menée par le liquidateur dans les délais de prescription de droit commun (Cass Com 19 décembre 2018 n°17-13647) c'est à dire en principe 3 ans (en l'espèce de chaque paiement, Cass com 16 juin 2021 n°20-15048 qui évoque la nullité au lieu de l'inopposabilité)

L'effet du jugement d'ouverture de la procédure sur la capacité du débiteur au sens de l'article 531 du CPC (jugement en cours de délai de recours), les délais de recours et de prescription

Voir les voies de recours et surtout mandataires de justice changement de qualité qui détaillé les modalités de l'interruption de l'instance

Les actes non atteints par le dessaisissement

Les droits personnels non patrimoniaux

Les actes qui relèvent d'un droit personnel ne sont pas atteints par le dessaisissement et peuvent être accomplis par le débiteur seul : le débiteur peut évidemment se marier, divorcer, voter sans le liquidateur. Voir également succession

Certains droits d'agir en justice et action pénale (mais les dommages et intérêts sont versés à la liquidation)

Le débiteur peut relever appel d'un jugement de divorce et même d'une décision qui, bien qu'ayant une connotation pécuniaire, fixe les créances entre ex époux dans le cadre de la liquidation de leur communauté post divorce (Cass com 22 février 2017 n°15-17939)

Le débiteur peut également se constituer seul partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il a été victime (mais s'il forme une demande d'indemnisation il doit être assisté du liquidateur) Cass crim 9 mars 2016 n°14-86631 rendu au visa de l'article L641-9 du code de commerce, Cass crim 30 janvier 2019 n°17-86344, Cass crim 24 juin 2020 n°18-85540

(l'article L641-9 dispose "II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public". ce qui est assez mystérieux. Sans doute faut-il faire un parallèle avec l'article 706-43 du code de procédure pénale et d'envisager les actions pénales qui peuvent entraîner la responsabilité du dirigeant, qui serait, pour cette raison, peu enclin à les engager)

Le débiteur peut également verser un cautionnement dans le cadre d'une procédure pénale pour escroquerie qui le vise (on se demande avec quels fonds !) mais si ce cautionnement doit être restitué c'est son liquidateur qui l'appréhendera Cass crim 29 avril 1996 n°95-85159

Enfin la Cour de Cassation considère que le seul le débiteur peut engager une action tendant à l'indemnisation de préjudice résultant de déficit fonctionnel et de souffrances endurées, le liquidateur étant irrecevable (pour autant l'indemnisation sera perçue par le liquidateur) Cass com 17 avril 2019 n°17-18688 . Cette décision, qui se comprend humainement, et est fondée sur le caractère corporel du préjudice subi, est extrêmement singulière en droit, aucune distinction légale ne venant interférer sur le dessaisissement du débiteur pour de telles actions, et la prudence est à notre avis que l'action soit engagée par le débiteur et le liquidateur, car un revirement de jurisprudence n'est pas impossible, tenant l'absence de fondement d'une telle solution. On peut ajouter que le législateur a su préciser que le débiteur peut seul se constituer partie civile dans le cas d'une infraction dont il est victime, ce qui n'est pas précisé en matière de dommage corporel.

De même le préjudice moral subi par la débiteur échappe au dessaisissement Cass com 9 juin 2022 n°21-12348 et de ce fait le liquidateur est irrecevable à agir sur ce fondement. Cass Com 17 janvier 2024 n°21-25443

Mais il n'en demeure pas moins que les dommages et intérêts alloués au débiteur sont versés au liquidateur Cass com 9 juin 2022 n°21-12348 Cass plénière 15 avril 1983 n°80-13339 Cass com 5 février 2002 n°99-11903 (cette solution sera à tempérer pour l'entrepreneur individuel, suivant que son patrimoine personnel est ou pas concerné par la procédure collective, sauf dans les cas où le préjudice réparé est de nature professionnelle).

Enfin le débiteur dispose de droits propres de participer et contester les décisions rendues dans le cadre de la procédure collective (le cas échéant exercés par un mandataire désigné aux lieu et place des dirigeants au visa de l'article L641-9 lesquels sont alors dépourvu de qualité Cass Com 2 mai 2024 n°22-19705  Cass com 2 mai 2024 n°22-19706  Cass com 2 mai 2024 n°22-19707)

Les droits "processuels" c'est à dire la faculté pour le débiteur de se présenter devant le juge commissaire ou le tribunal de la procédure collective, (vérification des créances, instances en cours, cessions d'actif, sanctions ... et toute matière où la loi que le débiteur est convoqué ou entendu) l'exercice par le débiteur des voies de recours contre les décisions du tribunal de la procédure collective, ou contre les décisions du juge commissaire, relèvent évidemment du débiteur seul, qui n'a pas besoin du liquidateur pour les exercer (par exemple Cass com 24 janvier 2018 n°16-21701  ou Cass com 1er juillet 2020 n°19-11134 pour les recours contre une décision dans le cadre de la vérification des créances, ou Cass com 24 janvier 2018 n°16-50033 pour le recours contre une transaction autorisée par le juge commissaire .. Cass com 5 octobre 2010 n°09-16602 pour un recours contre une vente,  Cass com 8 juillet 2003 n°01-02050 pour le recours contre un relevé de forclusion. Cass com 24 mai 2023 n°21-22398  pour le recours contre une décision qui, après reprise d'instance, fixe une créance au passif. 

Le débiteur doit être attrait à la procédure, par exemple de recours contre une décision statuant sur un relevé de forclusion, et l'appel est caduque si la déclaration ne lui est pas signifiée, même si elle l'a été au liquidateur Cass civ 2ème 21 décembre 2023 n°21-23178 

Ceci étant le débiteur ne peut, à l'occasion de ces actes, solliciter reconventionnellement des dommages et intérêts Cass com 14 juin 2023 n°21-24143 

Si le débiteur est une personne morale, il est attrait en la personne de son représentant légal en exercice (Cass com 9 septembre 2020 n°18-25447) et bien entendu le dirigeant ne peut représenter la société si un mandataire ad-hoc a été désigné à cette fin Cass com 2 mai 2024 n°22-19704

La Cour de Cassation a en outre précisé que même si la mise en cause des organes de la procédure était nécessaire (par assignation en intervention forcée), ce n'est pas pour autant que le débiteur ne peut, au titre de ses droits propres, exercer des recours (Cass com 8 sept 2015 n°14-14192). Dans le même esprit, la Cour de Cassation a jugé que le débiteur était recevable à former seul un pourvoi, contre une décision qui a une incidence sur son passif, et que ce pourvoi n'est pas irrecevable, mais qu'il convenait de "mettre en cause" le liquidateur pour régulariser la procédure Cass com 16 janvier 2019 n°16-26989

Voir également le monopole d'action et ses exceptions et saisie immobilière

Les actes de la vie courante et la gestion des biens insaisissables

Au delà de ces catégories d'actes, les actes "de vie courante" ne sont pas exercés par le liquidateur (loyer personnel du débiteur, dépenses familiales ou d'éducation des enfants ...), mais ils ne peuvent être exécutés par le débiteur que sur les fonds qu'il détient au titre de subsides accordés par le juge commissaire ou au titre des biens insaisissables.

Les actes conservatoires

Cass civ 3ème 2 mars 2022 n°20-16787

Le droit d'être salarié

De même il est évidemment admis que le débiteur puisse être salarié puisque l'article L641-9 du code de commerce lui fais seulement défense d'exercer une activité qui serait susceptible de générer une seconde procédure collective alors que la première n'est pas clôturée (renvoi à L640-2)

Cependant, si une saisie sur ses salaires est envisagée par un créancier il est représenté par son liquidateur Cass Com 19 décembre 2018 n°17-25715

La question du versement de ses salaires devrait certainement être réglée en faisant appel aux règles du dessaisissement: le salaire devrait être versé au liquidateur, à charge pour lui de reverser la part non saisissable au débiteur (ou plus si le juge commissaire l'ordonne dans le cas de subsides). Mais la pratique ne retient pas ce processus, ne serait-ce que pour ne pas démotiver le débiteur qui cherche à se reconstruire.

Pour autant a minima, le salaire du débiteur en liquidation peut être saisi par le liquidateur : voir le mot saisie

En pratique d'une part le liquidateur ne peut différer la clôture de la procédure au seul prétexte qu'il existe des salaires à saisir, car cela tendrait à rendre la procédure perpétuelle, et d'autre part les saisies des liquidateurs sont rares sauf les cas où les sommes en jeu sont significatives, mais même dans ce cas, à notre avis ce sont les saisies qui ne peuvent durer que le temps de la procédure, et pas la durée de la procédure qui doit être prolongée au prétexte que des salaires existent et sont saisissables. Autrement dit la seule perception de saisies sur salaires ne doit pas justifier le maintien de la liquidation judiciaire. Voir le mot liquidation durée

Les restrictions à l'activité du débiteur avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2022 relative à l'entrepreneur individuel

La restriction principale pour le débiteur durant la procédure de liquidation est qu'il ne peut exercer une activité qui l'exposerait, alors qu'il est déjà sous l'emprise d'une procédure collective non clôturée, à se trouver une seconde fois et simultanément en procédure collective: tant que la première procédure de liquidation n'est pas "terminée" (on dit clôturée) il ne peut donc reprendre une activité de commerçant, artisan ou professionnel indépendant. Il ne peut d'ailleurs pas s'immatriculer au RCS pour une nouvelle activité Cass com 3 mai 1994 n°92-10401

La nouvelle activité du débiteur à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 (15 mai 2022) relative à l'entrepreneur individuel (pour les procédure ouvertes sous ce régime)

Voir cependant le nouveau statut de l'entrepreneur individuel, applicable à compter du 15 mai 2022

L681-2 VII. - Lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, l'entrepreneur individuel peut exercer une nouvelle activité professionnelle. Un nouveau patrimoine professionnel est alors constitué. Ce patrimoine professionnel n'est pas concerné par la procédure ouverte.

Le débiteur ne peut constituer plus de deux patrimoines distincts de son patrimoine personnel.

La faculté d'exercer une nouvelle activité professionnelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent VII ne s'applique pas au débiteur qui, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, a fait l'objet, depuis moins de cinq ans, d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ou d'une décision de clôture d'une procédure de rétablissement professionnel.

Il ne semble pas y avoir de limitation en matière de domaine de la nouvelle activité, de sorte que l'entrepreneur individuel en liquidation peut reprendre la même activité. Ce qui est logique dans une perspective de rebond, et sera ponctuellement mal perçu par les créanciers impayés de la même activité soumis à la liquidation judiciaire.

Le nouveau patrimoine professionnel n'est pas sous l'emprise de la liquidation judiciaire du précédent L681-2

Les actes pour lesquels il n'est pas certain que le dessaisissement s'applique

La jurisprudence n'a pas tranché toutes les situations et certains actes doivent, par prudence, être soumis au liquidateur.

Voir par exemple les successions et l'option successorale

Il en est de même de l'action en réduction de donation partage qui échappe au dessaisissement Cass com 2 mars 2022 n°20-20173

La particularité des droits sociaux et mandats sociaux du débiteur en liquidation

Les prérogatives du débiteur dirigeant ou mandataire social d'une personne morale

La Cour de cassation considère sans équivoque que le dessaisissement du débiteur n'atteint pas ses prérogatives de dirigeant d'une personne morale, car ces prérogatives ne sont pas de nature patrimoniales.

Ainsi le débiteur en liquidation exerce librement ses mandats de représentation d'une personne morale sans que le liquidateur interfère dans ces actes.

C'est à dire que non seulement que le fait pour une personne physique d'être en liquidation judiciaire ne lui interdit pas de rester dirigeant d'une personne morale mais que le liquidateur ne peut avoir de prétention d'exercer les fonctions de dirigeant à la place de la personne en liquidation judiciaire: " le jugement de liquidation judiciaire d'une personne physique emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, notamment des parts dans le capital d'une société mais ne le dessaisit pas de ses fonctions de représentant légal de cette société" (Cass com 27 novembre 2001 n°97-22086), "M. X..., mis en liquidation judiciaire à titre personnel, n'était pas dessaisi de ses fonctions de représentant légal" (Cass com 15 fevrier 2005 n°03-10894), "si la procédure de redressement judiciaire emportait dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, elle n'avait pas d'effet sur la personne du débiteur qui avait conservé le pouvoir de représenter la SCI" (Cass Civ 3ème 19 décembre 2007 n°06-18811), "le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions concernant son patrimoine étant exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'il en résulte que le liquidateur n'a pas qualité pour exercer les actions liées aux fonctions de gérant du débiteur, qui concernent le patrimoine de la personne morale gérée" (Cass Com 19 juin 2012 n°11-19775, Cass civ 3ème 19 décembre 2007 n°06-18811 Cass com 15 février 2005 n°03-10894 )

C'est la transposition des principes applicables par exemple aux personnes en curatelle (Cass civ 2ème 7 avril 2016 n°15-12739)

Il en découle par exemple que le débiteur doit exercer personnellement sa faculté de retrait d'une société dans laquelle il détient des parts, mais que c'est le liquidateur qui en percevra le prix Cass com 22 novembre 2023 n°22-17691 pour des parts sociales du Crédit Agricole, dont la détention est imposée aux titulaires d'un compte. 

Les prérogatives du débiteur associé d'une personne morale

De même, certaines juridictions considèrent que le liquidateur d'une personne physique n'a pas vocation à exercer les droits de vote que la personne physique détient en qualité d'associé d'une société. Il s'agirait en effet de droits attachés à la personne du débiteur, certains auteurs évoquant même le "fonctionnement démocratique des personnes morales".

Cette position est discutable quand les décisions soumises aux assemblées ont une connotation patrimoniale, mais semble être la position majoritaire (Cass com 18 octobre 2011 n°10-19647 )

La Cour de Cassation a quand même considéré que l'action en remboursement d'un compte courant d'un associé en liquidation judiciaire est un recouvrement de créance qui relève du liquidateur (Cass com 23 septembre 2014 n°13-15437), et que le liquidateur peut également agir en remboursement des droits sociaux (Cass com 13 décembre 2011 n°11-11667) ou contester de l'état liquidatif d'une personne morale dans laquelle le débiteur est associé ( Cass com 6 septembre 2017 n°16-10711 et 16-12451 pour une SCP d'huissier)

Les obligations comptables et fiscales du débiteur / dirigeant

Conservation des Archives :

Le jugement ne décharge pas le débiteur: dirigeant de ses obligations comptables prévues par les textes en vigueur, tant fiscales que sociales, en matière de conservation des documents.

En cas de liquidation judiciaire, les locaux de votre entreprise sont susceptibles d’être restitués rapidement au bailleur, et dans ce cas les archives restant sur place seront considérées comme ne devant pas être préservées.
Il vous appartient donc, sous votre responsabilité, de prendre des dispositions pour conserver personnellement les archives qui pourraient notamment être nécessaires :

- à la préservation de votre responsabilité, en particulier fiscale et sociale.
- à la vérification des créances
- aux recouvrements sur les débiteurs de votre entreprise
- à la poursuite des contentieux en cours, et le cas échéant à l’engagement des contentieux à envisager.

La durée de conservation des archives n'est pas affectée par la procédure collective et c'est donc la durée de prescription légale qui est applicable (généralement 5 ans, mais il existe des délais spécifiques). Les archives sociales (livre de paye et livre d'entrée du personnel) méritent d'être conservées sans limitation de durée pour faciliter le cas échéant la reconstitution de carrière d'un ancien salarié.

Obligations comptables et fiscales

Le liquidateur tient la comptabilité des opérations qu'il réalise, et effectue les déclarations de TVA correspondant strictement à ces opérations (ventes d'actif).

Au delà, le jugement d'ouverture de la procédure collective, y compris de liquidation judiciaire ne décharge pas le débiteur de ses obligations comptables prévues par les textes en vigueur, tant fiscales que sociales, en matière d'établissement des documents.

La tenue de la comptabilité et les déclarations fiscales (IR /IS) continuent à incomber au débiteur: il lui appartient donc de remettre à son expert comptable s'il en a missionné un, les documents qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission (documents habituels), ainsi que ceux découlant de la procédure collective, de telle manière que les documents comptables produits intègrent les informations découlant de l’accomplissement de la mission des mandataires de justice (état des créances qui permet le cas échéant de déterminer les créances non déclarées, recouvrements, cessions d’actif, intérêts produits par les placements à la Caisse des Dépôts..).

Bien évidemment ces documents lui seront communiqués à première demande par les mandataires de justice .

En toute circonstance le liquidateur judiciaire ne peux être tenu responsable du défaut d’établissement des déclarations sociales ou fiscales, quelles qu’elles soient, s’il n’est pas établi que le débiteur, au lieu de les adresser directement, ne lui a pas remis les documents et informations nécessaires à leur établissement.

Le "contribuable, personnellement tenu, fût-il en redressement ou liquidation judiciaire, de l'obligation fiscale de déclarer annuellement l'ensemble de ses revenus" est donc en charge de ces déclarations (Cass crim 11 mars 2009 n°08-83684) et "il n'entre pas dans la mission légale du liquidateur judiciaire, différente de celle d'un mandataire social, de faire dresser les comptes sociaux jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire et la cessation de l'activité, ni de déposer la liasse fiscale correspondante destinée à déclarer le résultat de l'exercice comptable en vue des impositions sur le bénéfice des sociétés"  Cour d'appel de Paris 13 décembre 2007 3ème chambre B N° 06/18680 jurisdata 2007-355494. Voir également Cass crim 11 janvier 1996 n°95-80979.

Il avait d'ailleurs été jugé que l'établissement des liasses fiscales résultant de l'arrêt de l'activité incombait au liquidateur, sous l'empire de l'ancien texte qui disposait que la liquidation judiciaire entrainait la dissolution de la société Cass com 26 janvier 2010 n°08-12186. A contrario, dès lors que désormais c'est la clôture de la liquidation qui entraîne la dissolution de la société, le liquidateur n'a pas à établir les comptes d'arrêt d'activité. L'article L641-3 du code de commerce dispose d'ailleurs expressément que les comptes incombent aux dirigeants

Pour ce qui concerne l'ISF, la liquidation judiciaire n'a pas pour effet de faire perdre au débiteur le droit de propriété sur ses biens, malgré le dessaisissement et le débiteur doit donc mentionner dans ses actifs le produit d'une action menée par le liquidateur Cass com 18 octobre 2017 n°16-11180

En outre le Conseil d'Etat au jugé que " dès lors que l'obligation de déclarer ses revenus est une obligation personnelle incombant au seul titulaire de ces revenus dont la méconnaissance est passible de poursuites pénales, le contribuable placé en liquidation judiciaire demeure tenu de procéder lui-même à cette déclaration. Dans ces conditions, la mise en demeure de l'administration fiscale de déposer une déclaration de revenus doit être adressée au contribuable lui-même et non, le cas échéant, au liquidateur désigné dans le cadre de la procédure collective. Il en va autrement de la déclaration de revenus catégoriels se rattachant à l'activité objet de la liquidation judiciaire qui doit être remplie par le liquidateur et pour laquelle la mise en demeure de l'administration fiscale doit par conséquent être adressée au liquidateur." CE 28 Juillet 2017 n°398632

Cet arrêt est salutaire pour les liquidateurs, encore qu'il est particulièrement équivoque: la notion de "titulaire" des revenus est mal définie tenant le fait que les revenus du débiteur sont perçus par le liquidateur ès qualité, et la notion de "revenus catégoriels se rattachant à l'activité" est tout aussi vague, tenant le fait que la liquidation implique un arrêt de l'activité. La superposition du droit des procédures collectives avec les droits périphériques est une fois encore mal organisée. Mais en tout état le fait est que les liquidateurs ne sont pas en charge de déclarer les revenus du débiteur, et se limitent à porter à la connaissance de l'administration fiscale le montant des intêrets perçus à la Caisse des dépôts pour le compte du débiteur

Pour autant, en application de l'article L641-9 du code de commerce, c'est bien au liquidateur que doit être adressé les propositions de rectification suite à un contrôle fiscal, les avis de mise en recouvrement CE 9ème et 10ème chambres réunies 7 avril 2023 n°456830 et entre ses mains que la procédure commencée antérieurement au jugement d'ouverture doit être poursuivie CE 20 décembre 2017 n°403267 

En tout état, et avec beaucoup de prudence, il faut semble-t-il considérer qu'un ancien arrêt qui avait condamné un administrateur pour ne pas avoir réuni l'assemblée d'approbation des comptes, est obsolète Réponse ministérielle JO Sénat 

Voir également les mots "sanctions" et "subsides"

Points communs entre sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires

La sanction des actes accomplis en période d'observation sans l'administrateur judiciaire ou en liquidation par le débiteur seul : l'inopposabilité

En droit commun l'inopposabilité est la sanction retenue par l'article 1156 du code civil qui dispose

L'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.

Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.

L'inopposabilité comme la nullité de l'acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l'a ratifié.

C'est schématiquement la sanction retenue en procédure collective.

En période d'observation: inopposabilité aux tiers de mauvaise foi .. mais sans doute aussi aux autres tiers.

Il est logique que les actes interdits ou accomplis sans l'autorisation du juge commissaire alors qu'elle aurait été nécessaire soit nuls (voir la sanction de la nullité): en effet c'est la loi qui fixe les limites, et n'importe quel interlocuteur de l'entreprise peut, dès lors qu'il est informé de l'ouverture de la procédure collective, identifier les actes interdits ou ceux qui nécessitent l'accord du juge commissaire.

Il aurait été moins logique que le tiers soit censé connaître le partage de compétence entre le débiteur et l'administrateur judiciaire, pour les actes de gestion courante: en effet ce partage est modifiable à tout moment par le tribunal. Pour cette raison l'article L622-3 ( renvoi par L631-14 pour le redressement judiciaire) prévoit que l'acte accompli par le débiteur seul, alors qu'il aurait fallu l'intervention de l'administrateur judiciaire, est valable vis à vis du tiers de bonne foi, c'est à dire qui ignorait le détail de ce partage de compétence.

Pour le tiers de mauvaise foi l'acte sera inopposable à la procédure, c'est à dire qu'il ne pourra s'en prévaloir (Cass com 9 avril 2013 n°12-17963 pour une donation)

Le clivage mauvaise foi / bonne foi est une bonne protection pour le contractant qui a traité avec le débiteur seul, alors qu'il s'avère a posteriori que l'intervention de l'administrateur judiciaire aurait été nécessaire.

Mais très curieusement la jurisprudence semble parfois ignorer cette distinction, peut-être parce que le texte n'est pas invoqué.

Par exemple dans l'arrêt Cass soc 26 nov 2015 n°14-19680 la Cour de Cassation juge qu'est inopposable à la procédure collective, et surtout à l'AGS, un contrat de professionnalisation conclu sans l'intervention de l'administrateur judiciaire, alors nous semble-t-il que la bonne foi du salarié n'est pas discutée. (voir encore Cass com 8 sept 2015 n°14-13273 pour un acte de vente signé par le débiteur seul ou Cass soc 8 décembre 2016 n°15-19172 pour un licenciement, certes pour faute grave).

Pourtant la bonne foi se présume (Cass com 13 septembre 2011 n°10-24126)

L'inopposabilité se limite à la procédure collective, et n'a pas de conséquence par exemple vis à vis du cessionnaire de l'entreprise (Cass com 5 novembre 2014 n°13-19662 pour une clause d'un contrat de travail conclu sans l'administrateur judiciaire, reconnue opposable au cessionnaire de l'entreprise)

En liquidation judiciaire

Malgré une ancienne réponse ministérielle de 1992 qui disait le contraire et quelques arrêts de Cour, la plupart des décisions et des auteurs considèrent que les actes accomplis en violation du dessaisissement du débiteur ne sont pas frappés de nullité, notamment en application de la règle « pas de nullité sans texte ».

Ces actes sont considérés comme étant inopposables à la procédure collective, ce qui en réalité pose un autre problème puisque la procédure collective n'a pas de personnalité au sens juridique du terme.

La sanction retenue par la jurisprudence pour l’acte passé par le débiteur nonobstant le dessaisissement attaché à la liquidation judiciaire est en effet généralement son inopposabilité à la procédure collective Com. 16 oct. 2012, no 10-25.387 , « Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les actes juridiques accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, ne sont pas frappés de nullité mais d'inopposabilité à la procédure collective du débiteur, ce dont seul le liquidateur judiciaire peut se prévaloir, la cour d'appel a violé le texte susvisé » ou Cass com 22 février 2017 n°15-13899, Cass com 26 avril 2000 n°97-10335 voir également Cass civ 1ère 28 novembre 2018 n°17-31144 

Voir également Cass com 13 septembre 2023 n°22-10249 pour une donation d'immeuble consentie malgré le dessaisissement, pour laquelle il est refusé au liquidateur la possibilité de publier au service de la publicité foncière la propriété du débiteur dessaisi. Ce qui posera certainement des problèmes insolubles quand le même liquidateur cherchera à réaliser le bien du chef du débiteur qui a accompli une donation qui lui est opposable.

Pourtant il peut y avoir débat pour savoir si le dessaisissement est un défaut de qualité du débiteur pour engager son patrimoine et un défaut de capacité à agir : le second cas, envisageable pourrait selon nous, en raison des règles de droit commun de capacité qui régissent la formation des contrats, conduire à une nullité, que la Cour de cassation semble être en chemin pour adopter en ce qui concerne les actes de procédure accomplis par le débiteur seul (Cass com 21 février 2012 n°10-10457).

Il n’y a certes pas de nullité sans texte, et c’est là encore un domaine dans lequel il aurait été souhaitable que le législateur se prononce. En tout état les inconvénients sont majeurs et la situation du contractant du débiteur est des plus inconfortable, puisqu’en cas de cession de l’immeuble par le débiteur, l’acheteur ne pourra se prévaloir du transfert de propriété, sans égard pour sa bonne foi. 

Ainsi la solution de l'inopposabilité n'est pas forcément la plus pertinente en droit ... mais force est de constater que c'est celle retenue généralement par la jurisprudence.

Le tiers contractant :

- ne peut se prévaloir de l'acte inopposable contre la liquidation

- ni invoquer de sa possession de bonne foi en matière mobilière Cass com 16 septembre 2014 n°13-11737 pour des dividendes d'actions acquises du débiteur

- ni invoquer sa bonne foi pour prétendre avoir ignorer le dessaisissement notamment au motif que le jugement n'avait pas encore été publié Cass Com 2 avril 1996 n°92-19912 et Cass com 18 janvier 2000 n°97-20587 , Cass com 11 décembre 2001 n°99-12290 ou Cass com 19 mai 2004 n°02-18570 pour le banquier qui avait le débiteur effectuer des retraits sur le compte courant).

 Par exemple

- pour un bail Cass com 20 décembre 2018 n°17-25918 et Cass com 2 juin 2004 n°03-10741-  

- pour un prêt Cass com 1er Février 2000 n°96-19456-

- pour une donation Cass com 15 novembre 2005 n°04-17112

- pour une promesse de vente Cass com 21 novembre 2006 n°05-18207

Dès lors que le prêt consenti durant la procédure collective est inopposable à celle-ci, la question est de savoir si le prêteur pourra, quand la procédure sera terminée, exiger le remboursement du débiteur puisque la dette n'est pas soumise à la procédure.

A priori l'interdiction de reprise des poursuites inhérente à la clôture de la liquidation judiciaire. ne concerne ni les créances postérieures au jugement ni les créances hors procédure. 

C'est ce qui est jugé en matière de clôture pour extinction de passif  Cass com 19 septembre 2018 n°16-21443 pour un prêt consenti pendant la liquidation judiciaire nonobstant le dessaisissement, Cass com 17 Mai 2017 n°15-27333 Cass com 17 mai 2017 n°15-25139 

Certains auteurs limitent cependant la reprise des poursuites en cas de clôture pour insuffisance d'actif aux dettes postérieures éligibles au statut protecteur , c'est à dire nées régulièrement, ce qui exclurait alors le prêt consenti nonobstant le dessaisissement. Ce faisant ils calquent le régime de la reprise des poursuites post clôture à celui des poursuites pendant la procédure collective, puisque seules les créances éligibles au statut de créances postérieures en bénéficient. Cette distinction est assez compréhensible au regard de l'article L643-11 du code de commerce qui indique que "Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur": par hypothèse les créanciers qui n'avaient pas de droit de poursuite pendant la procédure n'en ont pas plus après sa clôture, ce qui concerne bien les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs non éligibles au statut protecteur des créances postérieures.

Evidemment en tout état cette distinction n'a pas lieu d'être pour les procédures ouvertes antérieurement à la loi de sauvegarde où le critère d'utilité n'existait pas pour les créances postérieures, qui bénéficiaient toutes de l'absence de suspension des poursuites

- pour une vente Cass com 24 janvier 2006 n°02-15295 et 04-18270   Cass com 11 avril 2012 n°11-10998 ou un compromis de vente Cass com 21 novembre 2006 n°05-18207. Le notaire rédacteur de l'acte engage le cas échéant sa responsabilité Cass Civ 1ère 12 juillet 2012 n°11-14265.

 pour une cession de bail rural cass com 9 janvier 2001 n°96-20161

Un arrêt semble mettre à néant cette distinction en toute circonstance, le créancier titulaire d'une créance inopposable à la procédure pouvant reprendre les poursuites post clôture pour insuffisance d'actif  Cass com 2 mai 2024 n°22-21148 qui ne semble pas distinguer suivant le texte applicable

La régularisation est possible, dans l'intérêt des créanciers :

- Cass com 2 juin 2004 n°03-10741 pour un bail 

- Cass com 20 février 2001 n°97-18062 pour la ratification d'une acquisition (auquel cas le liquidateur doit en percevoir le prix Cass com 12 juillet 2011 n°10-19430 )

Mais la ratification suppose que les créanciers y trouvent intérêt, ainsi la ratification d'une acquisition n'impose pas celle du prêt, Cass Com 24 mars 2004 n°02-18045  ou Cass com 19 mai 2004 n°01-13596 dans une espèce où le liquidateur a appréhendé et vendu le bien acquis par le débiteur nonobstant le dessaisissement, mais n'a pas payé le prêt consenti pour cette acquisition.

D'ailleurs, même sans ratification, dans le cas d'une acquisition, le bien entre dans le patrimoine du débiteur, et est sous l'emprise de la liquidation Cass com 19 mai 2004 n°01-13596 ce qui permettra au liquidateur de l'appréhender pour le vendre.

En conséquence de l'inopposabilité, le liquidateur est en droit de considérer que l'acte contraire à l'intérêt des créanciers doit être tenu comme non effectué, et que :

- les choses soient remises en l'état : il peut par exemple demander à la banque de reverser sur le compte les sommes prélevées par le débiteur seul Cass com 19 mai 2004 n°02-18570 précité et Cass com 16 juin 2021 n°20-15048 sans qu'il soit possible de compenser avec une créance 

- le paiement effectué entre les mains du débiteur expose le contractant à payer une seconde fois entre les mains du liquidateur Cass com 12 juillet 2011 n°10-19430

A l'inverse, la rétractation de la liquidation judiciaire ne fait pas disparaître les effets du dessaisissement au jour où l'acte a été fait : la banque qui avait refusé de payer des chèques émis par le débiteur seul n'a pas à les payer sur seconde présentation ultérieure à la rétractation ... ce qui est finalement une solution assez singulière puisque si la liquidation est rétractée, l'acte n'est plus inopposable à personne Cass com 2 avril 1996 n°93-13776

Le traitement de l'inopposabilité par la jurisprudence est assez singulier : a priori un acte inopposable reste valable, notamment vis à vis des tiers, et ne peut être invoqué entre les parties. C'est ce qui est jugé pour l'action paulienne.

Pour autant, en matière de dessaisissement, la jurisprudence semble plutôt considérer que le bien cédé dont la cession est inopposable n'est pas sorti, vis à vis de la liquidation, du patrimoine de la liquidation . Par exemple Cass civ 1ère 12 juillet 2012 n°11-14265 ou Cass com 11 avril 2012 n°11-10998 pour une vente d'immeuble et un bail 

On peut cependant relever un arrêt qui considère qu'en présence d'une inopposabilité, le liquidateur doit poursuivre la vente forcée du bien (en l'espèce un immeuble) Cass com 17 février 2009 n°08-10231

D'autres arrêts permettent au liquidateur de solliciter à nouveau le paiement du bien vendu (dont on suppose alors qu'il ne remet pas en cause la vente) Cass com 12 juillet 2011 n°10-19430 Cass com 22 février 2017 n°15-13899, Cass com 5 novembre 2013 n°12-25228 la demande d'inopposabilité de la vente étant incompatible avec celle du paiement Cass com 22 février 2017 n°16-12425

La critique des arguments avancés par les partisans de l'inopposabilité

Un argument généralement avancé par les prétendants de la solution de l'inopposabilité tient à la sévérité de la sanction pour les contractants du débiteur, qui peuvent avoir conclu avec celui-ci dans l'ignorance du dessaisissement : il serait, selon eux, excessivement sévère que le contrat soit frappé de nullité alors que le contractant s'est engagé de bonne foi.

En réalité cet argument ne semble pas être déterminant pour deux raisons:

- la première tient aux conséquence de l'inopposabilité, qui en pratique ne sont pas tellement différentes de celles de la nullité; par exemple si le débiteur a vendu un bien malgré le dessaisissement, le liquidateur pourra le vendre en ignorant la première vente, ou exiger à nouveau le paiement du prix: on voit mal concrètement que le traitement du contractant soit plus favorable que dans une hypothèse de nullité (mais cependant l'inopposabilité d'une hypothèque posera problème si le liquidateur vend le bien: pourra-t-il en obtenir radiation - ce qui serait logique mais ne semble pas procéduralement évident, ou le droit de suite s'exercera-t-il ce qui serait la mise à néant des conséquences du dessaisissement ?)

- la seconde tient au fait que le dessaisissement est une information parfaitement accessible par les publicités attachées au jugement de liquidation : le contractant du débiteur est bien plus protégé par la publicité du dessaisissement que par la survenue de la cessation des paiements, parfaitement occulte tant qu'elle n'est pas constatée par le jugement d'ouverture de la procédure. Pourtant la loi organise la nullité des actes effectués en période suspecte, sans égard particulier pour le contractant. On voit mal pour quelle raison la nullité serait écartée dans un cas où le jugement d'ouverture de la procédure, cause du dessaisissement est publié, alors que la nullité est retenue dans des cas où le contractant ne peut connaître le risque qu'il prend.

L'argument "complémentaire" avancé est qu'il n'existe pas de nullité sans texte: mais en réalité le droit commun des contrats organise des règles de formation du consentement qui exigent la capacité à agir, et le code de procédure civile prévoit la nullité des actes de procédure : les textes existent donc en droit commun.

Ainsi il serait logique, dans l'hypothèse où il serait considéré que le dessaisissement est une incapacité, que le traitement des actes frappés du dessaisissement s'oriente vers une nullité de l'article 117 du CPC pour les actes de procédure et vers les vices du consentement en matière contractuelle.

Certaines cours d'appel ont d'ores et déjà admis que pour ce qui concerne les actes de procédure, le dessaisissement était sanctionné par la nullité de l'article 117 du code de procédure civile en raison du défaut de capacité. Par exemple Cour d'appel de Bastia le 27 Avril 2011 (10.00513) a jugé que le dessaisissement attaché à la liquidation judiciaire était constitutif d'un défaut de capacité à agir, sanctionné par la nullité visée à l'article 117 du CPC

(l'avantage de la nullité est qu'elle est interruptive de prescription et de forclusion, ce qui permet une régularisation au delà du délai pour effectuer l'acte, au sens de l'article 2241 du code civil, ce qui n'est pas le cas de la fin de non recevoir)

Le cas particulier des actions en justice et actes de procédure (en sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires): la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité (solution généralement retenue)

Généralités: les notions applicables et leurs différences (nullité ou fin de non recevoir)

L'inopposabilité qui est la sanction retenue pour les actes juridiques effectués soit en période d'observation sans l'administrateur judiciaire, soit en liquidation judiciaire par le débiteur et nonobstant le dessaisissement est une sanction qui s'accommode mal des règles de la procédure civile.

En effet un acte de procédure est nul ou pas, recevable ou pas.

Le code de procédure civile sanctionne:

- par la nullité le défaut de capacité ou de pouvoir pour représenter une personne morale (article 117 CPC: nullité de fond)

- par le fin de non recevoir de l'irrecevabilité le défaut de droit d'agir et notamment pour défaut de qualité (article 122 CPC fin de non recevoir)

La différence de domaine peut paraître ténue entre les deux notions : le débiteur en liquidation judiciaire est-il incapable, auquel cas l'acte accompli par lui est nul, ou a-t-il simplement perdu la qualité pour exercer des droits qui sont confiés au liquidateur, auquel cas l'acte accompli par lui est irrecevable ?

La différence de conséquence est à l'inverse déterminante :

La nullité est paradoxalement plus "confortable" sur ses conséquences puisqu'en visa de l'article 2241 du code civil l'acte nul est interruptif de prescription et de forclusion, ce qui n'est pas le cas de l'acte frappé de fin de non recevoir

La nullité de fond peut être régularisée jusqu'à ce que le juge statue (article 121 du CPC) mais peuvent être invoquées sans qu'un grief soit nécessaire (article 119 du CPC), ce qui est également le cas de l'irrecevabilité (articles 126 du CPC et 124 du CPC)

A priori que ce soit l'assistance de l'administrateur judiciaire ou le dessaisissement du débiteur au profit du liquidateur semblent plus relever d'une notion de qualité pour agir que d'une notion de capacité.

On peut déjà relever que l'esprit des textes est que le défaut de capacité d'agir en justice, notion retenue pour la nullité, est à rapprocher de la notion de capacité de jouissance visée par le code civil, dont le défaut est constaté :

- par exemple pour un groupement dépourvu de personnalité ou une personne physique décédée.

- quand la loi le prévoit: par exemple pour le mineur, dont les droits sont exercés par le représentant légal, lequel dispose, au visa de l'article 382-1 du code civil du "pouvoir", notion qui se retrouve dans l'article 117 du CPC qui vise la nullité, ou pour le majeur sous tutelle, "incapable", cette dernière notion se retrouvant encore dans l'article 117.

L'attribution par la loi d'une qualité pour engager certaines actions (et en procédure collective à un mandataire de justice) semble plus relever de la qualité pour agir visée à l'article 122 , cette qualité étant suivant les cas laissée au débiteur qui n'est donc pas incapable.

On peut ajouter que l'article L641-9 du code de commerce, qui organise le dessaisissement en liquidation judiciaire, n'évoque pas l'incapacité du débiteur mais du dessaisissement pour l'administration et la disposition de ses biens, et précise que ces droits sont exercés par le liquidateur: même si c'est assez équivoque, on peut penser à une question de qualité plus que de capacité.

Ainsi il nous semblerait plus pertinent que ce soit le défaut de qualité pour agir, et donc la fin de non recevoir, qui sanctionne l'acte accompli par le débiteur sans l'assistance de l'administrateur judiciaire ou par le débiteur en liquidation judiciaire

Ce n'est pas aussi limpide en jurisprudence, et les deux notions sont employées tour à tour, sans véritable argumentation et parfois même avec des confusions entre les deux, certains arrêts évoquant la nullité dont la conséquence serait l'irrecevabilité, ce qui est évidemment incompatible. Il semble cependant que ce soit la fin de non recevoir qui soit la notion à la fois la plus adaptée et celle retenue par le courant jurisprudentiel actuel.

On peut ajouter que si en liquidation judiciaire cela devait être la fin de non recevoir qui était retenue, il serait a fortiori logique qu'il en soit de même en période d'observation où le dessaisissement est moins rigoureux : pourtant la nullité est retenue en période d'observation !

On peut donc espérer une clarification définitive, non aboutie pour l'instant, même si un arrêt Cass com 13 décembre 2023 n°22-13528 évoque expressément la fin de non recevoir (et la régularisation) 

En période d'observation

Le domaine de l'assistance de l'administrateur

(il est ici fait abstraction des droits propres du débiteur d'exercer des voies de recours contre les décisions rendues dans le cadre de sa procédure collective pour laquelle il n'est évidemment pas dessaisi, voir)

Le clivage entre la gestion courante et les actes sortant de la gestion courante doit être conservé (ce développement part du postulat que l'administrateur a une mission d'assistance car s'il a une mission de représentation le débiteur n'a aucune prérogative)

(Evidemment a fortiori si l'administrateur judiciaire n'a qu'une mission de surveillance le débiteur peut agir seul, notamment en sauvegarde Cass civ 3ème 30 novembre 2017 n°16-13019 et 16.13467) C'est également le cas s'il n'y a pas d'administrateur judiciaire, la présence du mandataire judiciaire est inutile.

L'action en recouvrement d'une créance est considérée comme un acte de gestion courante que le débiteur peut engager seul (mais de manière assez contradictoire la Cour de Cassation considère que la saisie attribution nécessite l'assistance de l'administrateur judiciaire Cass com 31 mai 2016 n°14-28056, ce qui amène, par prudence, à privilégier l'intervention de l'administrateur judiciaire)

Par contre une action en responsabilité contre un tiers devrait être considérée comme un acte qui sort de la gestion courante et devrait nécessiter que l'administrateur intervienne à la procédure, soit en qualité de demandeur aux côtés du débiteur (Cass com 27 mai 2014 n°13-14406), soit par intervention volontaire pour la régulariser.

En tout état a priori le débiteur peut défendre seul pour autant que l'administrateur soit régulièrement à la procédure, et n'est donc pas tenu de subir la position de ce dernier Cass com 18 janvier 2023 n°21-18492

La sanction de l'acte accompli sans l'assistance d'administrateur judiciaire

L'action, ou la voie de recours, est irrecevable si le débiteur la mène seul (Cass com 28 mai 2013 n°11.23586, Cass com 27 mai 2014 n°13.14406) c'est à dire que c'est la fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir qui est retenue.

Par exemple pour un appel sans l'administrateur judiciaire Cass civ 2ème 28 juin 2018 n°17-20447 , pour la voie de recours exercée par le débiteur seul ( Cass com 28 mai 2013 n°11-23586 pour un pourvoi en cassation relativement à une action en concurrence déloyale); sauf régularisation avant que le juge statue et avant toute forclusion.

Ces décisions présupposent que l'absence de l'administrateur judiciaire à l'acte constitue une fin de non recevoir, en l'espèce au sens de l'article 122 du CPC pour défaut de qualité à agir (seul), ce qui, comme déjà indiqué est a priori la solution la plus logique.

Cependant certains arrêts considèrent en pareille circonstance qu'il s'agit d'une nullité de fond de l'acte de procédure (117 du CPC) pour défaut de capacité ou de pouvoir de la personne qui représente la personne morale

Par exemple : l'assignation délivrée au seul débiteur sans tenir compte de la mission de l'administrateur judiciaire est nulle (au visa de l'article 118 CPC inobservation de règles de fond des actes de procédure) si elle n'est pas régularisée (et n'est pas valablement régularisée en cause d'appel par la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan qui a succédé à l'administrateur judiciaire Cass com 22 mars 2018 n°16-27562

Voir également Cass com 12 juin 2001 n°97-20623 qui retient la nullité de l'acte d'appel et évoque clairement le défaut de "pouvoir" du débiteur.

Il y a donc un flou évident dans l'appréciation de la conséquence pour un acte de procédure de l'absence de l'administrateur judiciaire, entre la nullité pour vice de forme en raison du défaut de capacité ou défaut de pouvoir de représenter la personne morale et la fin de non recevoir pour défaut de qualité pour agir.

Ce flou existe également en liquidation judiciaire, mais la fin de non recevoir semble y être retenue dans les décisions les plus récentes, ce qui a fortiori devrait donc être retenu en période d'observation où le dessaisissement n'est pas aussi étendu qu'en liquidation ..  l'absence de cohérence laisse encore plus perplexe.

Voir également le mot instances en cours 

La régularisation des actes

Voir ci après.

En liquidation judiciaire

Il semble que ce soit la fin de non recevoir qui soit retenue dans les décisions les plus récentes. Par exemple Cass com 18 janvier 2023 n°21-17581 qui précise que la fin de non recevoir est d'ordre public et doit être relevée d'office (mais Cass civ 3ème 7 décembre 2023 n°22-21409 qui considère en matière d'expropriation que le défaut de notification au liquidateur est une fin de non recevoir qui n'est pas d'ordre public) 

La nullité pour défaut de capacité ou de pouvoir de représenter la personne morale: a priori solution abandonnée.

Certaines décisions, a priori anciennes, évoquent la nullité de l'acte effectué par le débiteur seul, ou de manière extrêmement imprécises écartent les textes sur les fins de non recevoir mais sans évoquer expressément la nullité.

On peut citer:

Cass com 28 juin 1994 n°92-14960 qui retient la nullité d'une signification effectuée par le débiteur seul,

-Cass com 10 décembre 2003 n°00-19230 qui sans évoquer la nullité écarte les textes sur la fin de non recevoir (mais évoque cependant l'irrecevabilité et pas la nullité !)

- Cass civ 2ème 3 novembre 2005 n°03-20797 pour l'absence de régularisation par le liquidateur d'un appel formé par le débiteur seul nonobstant le dessaisissement, considéré comme nul

Mais un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 21 février 2012 (p 10-10457) retenait lui aussi la "capacité à agir", tout en visant pourtant l'article 122 du code de procédure civile, c'est à dire en faisant manifestement un amalgame entre la nullité et la fin de non recevoir.

La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité: a priori solution actuellement retenue

Si la jurisprudence ne semble cependant pas aboutie et est en évolution, avec des confusions entre le défaut de qualité à agir, qui est une fin de non recevoir (122 CPC), et le défaut de capacité qui est sanctionné par la nullité de l'article 117 CPC, il semble cependant que ce soit la fin de non recevoir qui soit la notion vers laquelle s'est maintenant fixée la Cour de Cassation.

On peut citer  Cass com 13 avril 2010 n°09-11851 et Cass com 14 décembre 2010 n°10-10792, puis un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 13 novembre 2013 (n°12-28572) rendu en matière de saisie immobilière, sur un moyen de défaut de qualité, bien que dépourvu de motivation, semble dégager cette évolution en indiquant "que les intimés sont recevables à invoquer le défaut de qualité du débiteur à interjeter appel seul d'une décision concernant son patrimoine" (et c'est ici un défaut de qualité qui est évoqué, la Cour de Cassation semblant considérer que le dessaisissement n'est pas un défaut de capacité, ce qui ne nous semble pas totalement limpide, cette solution étant par exemple reprise incidemment dans un arrêt qui condamne un notaire en responsabilité Cass civ 1ère 29 juin 2016 n°15-17591)

Un arrêt Cass com 13 novembre 2013 n°12-28572 évoque clairement le défaut de qualité, ainsi qu'un arrêt du 14 décembre 2010 n°10-10792 qui retient clairement la notion de fin de non recevoir pour défaut de qualité, Un arrêt Cass com 1er octobre 2002 n°99-14039 ayant déjà évoqué l'irrecevabilité et les textes de la fin de non recevoir, ainsi que des arrêts Cass com 17 décembre 2003 n°02-15731 ,  Cass com 3 juillet 2007 n°05-17668 , Cass com 21 février 2012 n°11-12235 pour un pourvoi incident

Un autre arrêt Cass com 8 mars 2017 n°15-19606 semble mettre un terme à l'emploi de la nullité, en évoquant une fois encore clairement le défaut de qualité et les textes sur la fin de non recevoir.

C'est finalement le même flou qu'en présence d'un administrateur judiciaire, qui a été entretenu, ce qui est fort regrettable (mais évidemment c'est la fin de non recevoir qui est retenue en liquidation, a fortiori doit elle l'être en période d'observation), cette solution étant finalement moins favorable que la nullité puisqu'au visa de l'article 2241 alinéa 3 du code civil l'acte nul est interruptif de prescription et de forclusion, ce qui n'est pas le cas de l'acte irrecevable.

Il conviendra d'être attentif aux décisions à venir de la Cour de Cassation, étant observé qu'a priori le moyen le plus pertinent au regard des règles de procédure civile serait sans doute plutôt la fin de non recevoir pour défaut de qualité pour agir.

(un très singulier arrêt Cass com 27 mars 2007 n°05-18159 avait admis que le débiteur la possibilité d'être présent à une instance d'appel, nonobstant sa liquidation judiciaire, tenant le fait qu'il était partie en première instance. Cette curieuse décision n'a pas été reproduite)

La régularisation

Une procédure engagée par le débiteur seul, et qui ne ressort pas de la gestion courante, peut être régularisée par l'intervention de l'administrateur judiciaire.

De même une action engagée par le débiteur seul peut être régularisée par l'intervention du liquidateur.

Cependant l'incertitude plane sur les délais de régularisation, même si on part du postulat que l'irrégularité est une fin de non recevoir tirée d'un défaut de qualité et pas une nullité tirée d'un défaut de capacité. Cette régularisation doit intervenir  :

- soit avant que le juge statue, ce qui serait l'application classique de l'alinéa 1 de l'article 126 du Code de Procédure Civile qui dispose : "dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. ".

- soit dans les délais d'exercice de l'action dès lors que l'alinéa 2 de l'article 126 du CPC précise que la fin de non recevoir ne sera pas valablement évoquée si "avant toute forclusion la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance"

C'est la solution qui semble être retenue

Par exemple dans le délai pour conclure en appel ou Cass com 14 décembre 1999 n°97-15361, ou encore Cass com 28 mai 2013 n°11-23586 pour le dépôt d'un mémoire devant la Cour de Cassation qui, retient bien une fin de non recevoir, Cass com 27 mai 2014 n°13-14406 qui évoque une irrecevabilité (et donc une fin de non recevoir) , Cass com 5 avril 2016 n°14-13247 et 14-22733 qui évoquent une question de recevabilité et donc encore une fin de non recevoir Cass com 13 novembre 2013 n°12-28572

Autrement dit, si le débiteur effectue un acte de procédure il a tout intérêt à ce que le mandataire de justice soit informé dans les délais, faute de quoi ses initiatives conservatoires seront dépourvues d'effet. 

(il ne sera pas question en matière d'appel de refaire un second appel, l'article 911-1 du CPC l'interdisant pour les appels irrecevables.

Par qui l'irrégularité (ou la nullité) de l'acte peut-elle être invoquée

Voir par qui


Différences sauvegarde et redressement judiciaire

Voir le texte


Dirigeant

Quelques points de la définition

Généralités

Dirigeant et procédures collectives

Notion de dirigeant

L'adresse du dirigeant

Par principe le dirigeant ne relève pas des procédures collectives

La responsabilité du dirigeant

Le rôle du dirigeant durant la procédure collective

La cession des parts du dirigeant durant la procédure collective

Généralités

Le dirigeant d'une personne morale (société ou autre groupement) est habilité à engager la société dans des actes et à la représenter. C'est par exemple lui qui a qualité pour signer un contrat, représenter la société en justice ... Le dirigeant peut évidemment déléguer certains de ses pouvoirs.

Suivant la forme sociale, la loi et/ ou les statuts (c'est à dire le contrat entre les associés, actionnaires ou sociétaires) régissant l'organisation et le fonctionnement de la personne morale fixent les modalités de direction: gérant pour les SARL ou les SCI, Directeur général pour les SA, Président pour les associations ...

Dirigeant et procédure collective

La notion de dirigeant

Le dirigeant de droit est celui qui est désigné par la loi.

Il s'agit du dirigeant en fonction (celui qui a démissionné, même si sa démission n'est pas publiée au registre du commerce n'est pas considéré comme dirigeant de droit au regard de certains aspects du droit des procédures collectives (voir parts sociales)

Le dirigeant de droit ne saurait être exonéré de sa responsabilité si, en pratique, il n'exerce pas ses prérogatives de direction ( Cass com 31 janvier 1995 n° 92-21548 pour un administrateur ) ou s'il les a déléguées ( cas du président qui délégué au directeur général Cass com 2 novembre 2016 n° 15-11426

Evidemment les organes de direction sont des dirigeants (gérant, président du conseil d'administration, directeur général).

La Cour de Cassation reconnaît également cette qualité aux membres du conseil d'administration: "Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 225-35, alinéas 1er et 3, du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, veille à leur mise en œuvre, se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société, règle par ses délibérations les affaires qui la concernent et procède aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns, la cour d'appel en a exactement déduit que, bien qu'ils n'assument pas la direction générale de la société, les administrateurs ont la qualité de dirigeants de droit au sens de l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause" (Cass com 31 mai 2011 n°09-13975 pour une action en comblement de passif, Cass com 31 mai 2011 n°09-14026  Cass com 31 mai 2016 n° 09-67661  Cass com 31 mai 2016 n°09-16522 )

Les membres du conseil de surveillance d'une SA ne sont pas, pour leur part, des dirigeants de droit Cass com 12 juillet 2005 n°03-14045 et ne sont donc pas à ce titre exposés à la sanction de l'interdiction de gérer Cass com 8 janvier 2020 n°18-23991

Enfin le dirigeant ne saurait être condamné pour des faits postérieurs à sa démission, même non publiée Cass com 23 mai 2024 n°22-21656 23-12803 

Le dirigeant de fait est caractérisé par le fait d'avoir effectué des actes positifs de gestion ou de direction, en matière financière, commerciale, ou salariale ( Cass com 24 juin 2008 n° 07-13431  Cass com 15 mars 2005 n°03-19577 pour des relations exclusives avec les banques, Cass com 20 avril 2017 n°15-23600 pour des relations avec les banques, la signature de marchés sans aucune subordination ) et d'avoir avoir sans être dans le cadre d'un lien de subordination qui aurait entravé son indépendance , ce qui, évidemment est moins courant pour un salarié ou un mandataire ( Cass com 13 février 2007 n°05-20126 pour un cas où l'indépendance n'a pas été reconnue Cass com 27 mars 2007 n°05-17311 pour un directeur salarié dont l'indépendance n'a pas été retenue et Cass com 8 mars 2017 n° 15-17936. Il est passible de sanctions comme le dirigeant de droit Cass com 2 juin 2021 n°20-13735

La personne physique dirigeante de la personne morale dirigeante de la personne morale elle même en procédure collective

Le "dirigeant du dirigeant" n'est pas lui même dirigeant de la personne morale en procédure collective.

Cependant, au terme de l'article L227-7 du code de commerce, il encourt les mêmes sanctions (Cass com 13 décembre 2023 n°21-14579)

Au sujet du dirigeant de la personne morale en procédure collective, trois questions peuvent se poser: le dirigeant relève-t-il lui même des procédures collectives, la responsabilité du dirigeant et son rôle durant la liquidation

L'adresse du dirigeant

L'huissier qui délivre une assignation en responsabilité au dirigeant est fondé à utiliser l'adresse figurant au K BIS de la société, et à préciser avec effectué des recherches infructueuses sur l'annuaire Cass com 5 décembre 2018 n°17-22785

Trop souvent les dirigeants ne se soucient pas de tenir à jour leur adresse personnelle au K BIS: c'est une erreur qui peut être grave.

Le dirigeant ne relève pas par principe des procédures collectives

Le dirigeant ne relève pas lui même des procédures collectives, sauf évidemment s'il exerce à titre individuel une activité passible de procédure collective (Cass com 15 novembre 2016 n°14-29043 pour le dirigeant d'une société agricole). Encore faut-il d'ailleurs qu'il s'agisse réellement d'un exercice individuel, l'inscription en qualité de travailleur indépendant ne constituant pas une preuve de cet exercice (Cass com 20 septembre 2017 n°15-24644)

A défaut il relève le cas échéant du surendettement des particuliers, si les conditions sont remplies.

La responsabilité du dirigeant durant la liquidation

En matière de procédure collective, la contrepartie de la fonction du dirigeant est la potentielle responsabilité. Voir les SANCTIONS.

Le rôle du dirigeant durant la liquidation

Voir le mot "dissolution" et le mot "liquidation amiable"

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, la loi prêvoyait que le jugement de liquidation judiciaire d'une société entraîne sa dissolution. Et la dissolution entraînant la liquidation au sens du droit des sociétés, vont donc se superposer la liquidation judiciaire et la liquidation au sens du droit des sociétés.

En conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014, pour l’application de l’article 1844-7 (au 7°) du code civil c’est la clôture de la liquidation qui emporte dissolution de la société et plus la liquidation judiciaire (article 100 de l’ordonnance).

En tout état, la primauté de la liquidation judiciaire a pour effet que c'est le liquidateur "de la liquidation judiciaire" qui va réaliser les actifs, payer les créanciers. Ce n'est donc que si le liquidateur "judiciaire" clôture la liquidation judiciaire pour extinction du passif, c'est à dire s'il reste des sommes après paiement de tous les créanciers, que la liquidation au sens du droit des sociétés (avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014) a véritablement un enjeu. En effet dans ce cas le liquidateur judiciaire va remettre l'excédent au liquidateur au sens du droit des sociétés, à charge pour lui de le répartir aux associés (postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, les fonds seront remis à la société).

Dans les autres cas, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, la liquidation au sens du droit des sociétés consistait, en parallèle avec la liquidation judiciaire, à gérer la vie sociale. En théorie, mais c'est rarement effectué, les assemblées annuelles doivent être tenues jusqu'à ce que la liquidation judiciaire soit clôturée, ce qui permettra de constater l'absence d'actif disponible et conduira à la radiation de la société du registre du commerce.

Logiquement, dès lors que (jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014) la liquidation judiciaire entraîne la dissolution de la personne morale, les fonctions des dirigeants (par exemple le gérant de la société) devraient prendre fin automatiquement, à charge pour la société de désigner un liquidateur au sens du droit des sociétés, qui sera le représentant légal de la société (voir les mots "liquidateur" et "dessaisissement").

Cependant, pour simplifier ces opérations, et avant même l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, la loi prêvoyait deux aménagements à la liquidation au sens du droit des sociétés, en cas de liquidation judiciaire:

- pour éviter un coût inutile, la société n'est pas tenue de désigner un liquidateur, et le dirigeant peut rester en fonction.

- pour prendre en considération le fait que le siège social de la société est généralement abandonné (le bail est résilié et les locaux ont été libérés par le liquidateur judiciaire) et éviter que des courriers ou des actes d'huissier continuent à être adressés à un lieu sur lequel la société n'a plus de droits, la loi prévoit qu'à compter du jugement de liquidation judiciaire le siège de la société est réputé être au domicile du dirigeant.

La dirigeant qui restait en fonction est responsable du déroulement de sa mission, et il doit donc être vigilant pour protéger sa responsabilité (conservation des archives, tenue des assemblées, tenue des comptes sociaux ..).

Toutes ces complications sont maintenant terminées puisque depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, la dissolution est répoussée jusqu'à la clôture de la liquidation.

L'article R662-1 du code de commerce, issu de l'ordonnance du 30 juin 2014 précise en outre "4° Les notifications et lettres adressées au débiteur, personne morale de droit privé, peuvent l'être au domicile de son représentant légal ou du mandataire ad hoc désigné conformément au II de l'article L. 641-9." ce qui permet de solutionner les cas dans lesquels le bail du local hébergeant la société est résilié.

Le dirigeant reste donc en fonction ( et singulièrement la Cour de cassation juge que son contrat de travail éventuel est suspendu en l'absence de rupture ou de licenciement par le liquidateur, cet aspect de la décision n'étant pas motivé) Cass soc 28 septembre 2022 n°20-14453

Ce qui n'empêche pas le cas échéant la désignation d'un mandataire aux lieu et place des dirigeants au visa de l'article L641-9 du code de commerce 

La cession, durant la procédure collective, des parts du dirigeant de la personne morale

Voir le mot parts sociales

Voir également le mot responsabilité du dirigeant et les sanctions


Dirigeant de fait

Dans certaines circonstances, une personne qui n'est pas dirigeant "de droit" d'une entreprise (par exemple gérant d'une SARL) peut se comporter comme s'il était dirigeant.

Par exemple quelqu'un qui, bien que n'étant pas dirigeant, reçoit les clients, passe les commandes, établi les devis, a une procuration à la banque, embauche et dirige les salariés, prend des initiatives dans les décisions de fonctionnement de l'entreprise, peut être considéré comme se comportant comme un dirigeant.

Par exemple :

- est dirigeant de fait la personne qui exercice "en toute indépendance, une activité positive de direction dans la société" Cass com 12 juillet 2005 n°03-1405, ou qui "décidait seul du recrutement des salariés, et que, s'il ne disposait pas d'une délégation de signature, il prenait seul les décisions portant sur les modalités de paiement des heures supplémentaires ou des primes dues aux salariés" Cass com 21 novembre 2018 n°17-22433

- est dirigeant de fait celui qui "engagé librement des dépenses au nom de la société " Cass com 28 janvier 2004 n°01-16355, c'est à dire a pris des initiatives en tout indépendance Cass com 9 juin 2022 n°19-24026 Cass com 6 juillet 2022 n°20-14168

- est dirigeant de fait le franchiseur qui  "détenait les documents comptables, sociaux et bancaires nécessaires à la gestion de la société Cpfl, avait conservé la signature bancaire de celle-ci et préparait tous les documents administratifs et les titres de paiement signés ensuite par la société Cpfl, établissait les déclarations fiscales et sociales et contrôlait l'embauche du personnel l'immixtion de la société Brmc dans la gestion de la société Cpfl dépassait les obligations, résultant du contrat, à la charge du franchiseur et que la société Brmc était le dirigeant de fait " Cass com 9 novembre 1993 n°91-18351

Cette appréciation dépend évidemment de la taille et de l'organisation de l'entreprise.

Evidemment une personne mandatée par le dirigeant de droit, qui a reçu une délégation de pouvoir, n'est pas, sauf actes positifs de gestion et de direction dépassant ses fonctions, dirigeant de fait Cass com 24 janvier 2018 n°16-23649, ni un salarié qui ne dépasse pas ses fonctions Cass com 9 juin 2022 n°21-13588. De la même manière celui qui prend des initiatives de gestion, mais sans indépendance, n'est pas dirigeant de fait Cass com 5 octobre 2022 n°21-14770

Si le Tribunal retient la qualification de dirigeant de fait à l'encontre d'une personne, il pourra prononcer contre cette personne les mêmes sanctions que contre un dirigeant de droit (pour un exemple Cass com QPC 7 février 2024 n°23-40016


Dirigeant et contrat de travail (cumul)

A priori l'idée de voir un dirigeant être également salarié de l'entreprise qu'il dirige est singulière.

En principe le dirigeant n'est pas salarié, et bénéficie d'un statut social spécifique (adhésion et cotisations sociales notamment au RSI). D'ailleurs la rémunération du dirigeant n'est pas soumise aux cotisations sociales des salariés et notamment la cotisation patronale AGS (ou parfois appelée FNGS) n'est pas payée.

En contrepartie le dirigeant ne bénéficie pas de l'AGS, ni des prestations chômage en cas de liquidation judiciaire de la personne morale.

Des exceptions peuvent se présenter dans des cas pour lesquels la caractéristique majeure du contrat de travail, à savoir la subordination (le fait d'être "sous les ordres" de son employeur), est maintenue:

On peut citer deux types d'exemples:

- le salarié qui devient dirigeant et conserve de manière distincte son activité et sa rémunération de salarié et sa fonction de dirigeant: l'antériorité de son contrat de travail lui permet de l'invoquer vis à vis de l'AGS et le cas échéant du chômage (la situation sera d'ailleurs la même pour la femme du gérant, associée égalitaire, et dont le mari est lui même associé égalitaire - c'est à dire que le couple détient la totalité du capital social - dès lors que le contrat de travail est antérieur à la constitution de la société et surtout que l'absence de lien de subordination n'est pas démontrée cf Cass Soc 2 mars 2016 n°14-23602 ou Cass soc 25 septembre 2019 n°17-14953 (il convient de préciser à ce sujet d'une part que par principe le contrat de travail est suspendu le temps du mandat, sans disposition contraire, et d'autre part que c'est dans ce cas à celui qui conteste la subordination - en l'espèce l'AGS - d'en rapporter la preuve Cass soc 25 septembre 2019 n°17-31125). La renonciation au bénéfice du contrat de travail doit être claire et non équivoque Cass soc 18 mai 2022 n°20-15113

- le dirigeant qui n'est pas majoritaire dans le capital de la personne morale et est par ailleurs salarié: en principe la qualité de salarié est admise par l'AGS et le régime chômage (et là encore il faut veiller à ce que les rémunérations soient bien distinctes, la rémunération de salarié étant présentée sur une fiche de paye faisant bien état du paiement des cotisations attachées à la qualité de salarié et notamment de la cotisation AGS (dite FNGS).

Il peut s'agir :

* de gérant de SARL,

* de membres du directoire, directeur général, de président directeur général, d'administrateur, dans les SA

* du président ou du dirigeant désigné par les statuts dans une SAS

* du gérant non associé dans les SNC (dans ce cas il ne suffit pas d'être minoritaire, il ne faut pas être associé, tenant la responsabilité des associés)

* des associés ou mandataires rémunérés dans les SCOP

* des associés commanditaires dans les sociétés en commandite

* du gérant non associé dans les entreprises unipersonnelles (par exemple Cass Soc 22 janvier 2020 n°17-13498 pour un gérant non associé dont le contrat de travail est postérieur à sa prise de gérance)

* du président, du directeur, secrétaire ou trésorier d'une association

* de l'administrateur membre d'un GIE

Dans tous les cas, une étude est effectuée par l'AGS pour apprécier le lien de subordination et généralement un dossier devra être rempli par le salarié. La préservation du cumul d'une fonction de dirigeant avec celle de salarié est parfois importante pour l'intéressé, et dans ce cas il faut l'étudier préalablement à la mise en place d'un contrat et d'un système de rémunération. Pour l'assurance chomage, il est même possible d'utiliser la procédure dite du rescrit social, qui consiste à interroger préalablement l'assurance chômage pour avoir une réponse qui l'engagera par la suite.

La Cour de Cassation considère que le fait pour le titulaire d'un contrat de travail, de détenir avec son frère la majorité du capital et d'assurer la direction de la société avec les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances était incompatible avec le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail Cass soc 27 juin 2017 n°16-15814, et il en est de même de l'associé unique Cass soc 16 janvier 2019 n°17-12479 ou du dirigeant de fait Cass soc 24 novembre 2021 n°20-18488

L'article L311-3 du code de la sécurité sociale donne des indications sur l'affiliation des dirigeants au régime général des salariés: notamment en cas de collège de gérance, les gérants ne doivent pas détenir ensemble plus de la moitié du capital social, peut important le fait que l'un d'entre eux ne soit pas associé (voir Cass Civ 2ème 31 mai 2018 n°17-18518)

"11° Les gérants de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée à condition que lesdits gérants ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les parts appartenant, en toute propriété ou en usufruit, au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité et aux enfants mineurs non émancipés d'un gérant sont considérées comme possédées par ce dernier ;

12° Les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme et les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des institutions de prévoyance, des unions d'institutions de prévoyance et des sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ;

13° les membres des sociétés coopératives de production ainsi que les gérants, les directeurs généraux, les présidents du conseil d'administration et les membres du directoire des mêmes coopératives lorsqu'ils perçoivent une rémunération au titre de leurs fonctions et qu'ils n'occupent pas d'emploi salarié dans la même société"

Le dirigeant reste en fonction pendant la durée de la procédure.

La Cour de cassation a eu l'occasion de se pencher sur le cas d'un dirigeant qui était initialement salarié, dont le contrat de travail a été suspendu à compter du moment où il a reçu son mandat social, cessant d'effectuer les tâches inhérentes à son contrat de travail. Selon la Cour de Cassation le liquidateur n'avait pas à licencier ce salarié. Cass soc 28 septembre 2022 n°20-14453,

Cette décision ne solutionne pas le sort de ce salarié dont le contrat restera en déshérence, y compris post clôture de la liquidation judiciaire, qui entraînera elle même expiration du mandat social mais ne permettra pas la reprise du contrat de travail. Les délais AGS seront naturellement expiré. Il semblerait a priori plus logique que le liquidateur licencie le salarié en prenant en compte son ancienneté acquise au jour de la suspension. 


Dispense de vérification des créances

Voir vérification des créances


Dispositif

La "dispositif" d'une décision de justice est la partie de la décision dans laquelle est indiqué ce qui est décidé. C'est à la fin de la décision, généralement précédé d'une mention "par ces motifs".

Le "dispositif" est expliqué par ce qui précède dans la décision, qu'on appelle "les motifs" ou la motivation.

Toute décision de justice contient une motivation et un dispositif.


Dissolution

La dissolution est la fin du contrat de société.

(voir les mots "société" et "liquidation amiable"

Hors cas de procédure collective,

les causes de dissolution peuvent être:

- contractuelle, c'est à dire prévues dans les statuts. Par exemple l'arrivée du terme quand la durée pour laquelle la société a été constituée expire, est une cause de dissolution. De même la réalisation ou l'extinction de l'objet de la société est une cause de dissolution. Par exemple une société constituée pour une opération précise de promotion est dissoute quand l'opération est terminée, et une société constituée pour exploiter un immeuble encours la dissolution si l'immeuble est détruit.

- légale c'est à dire que la survenue de certains évènements est susceptible de donner lieu à la constatation de la dissolution. Par exemple si à la suite de cessions de parts la société de trouve n'avoir qu'un associé, certaines formes sociales sont incompatibles avec cette situation et nécessite une pluralité d'associés. C'est le cas des sociétés civiles professionnelles, qui encourent la dissolution si elles n'ont qu'un associé pendant plus d'un an.

- décidée par les associés qui peuvent, dans les formes et conditions de majorité d'une assemblée extraordinaire, voter la dissolution

- décidée judiciairement, c'est à dire prononcée par un juge, notamment en cas de paralysie de la société en raison d'une mésentente entre associés.

Dans tous les cas, la dissolution entraîne la liquidation de la société. Ce terme de liquidation n'est évidemment pas à confondre avec celui de liquidation judiciaire: la société dissoute est en liquidation au sens du droit des sociétés. Pour distinguer les situations on parle parfois de liquidation "amiable" (voir ce mot)

Dissolution et procédure collective

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la l'ordonnance du 12 mars 2014 (c'est à dire pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014) la loi prêvoyait que le jugement de liquidation judiciaire (et évidemment pas la sauvegarde ou le redressement judiciaire)  entraînait la dissolution de la société (ancien article 1844-7-7 du code civil, ce qui pour autant n'avait pas pour effet, en cas d'associé unique, une transmission universelle du patrimoine Cass com 12 juillet 2005 n°02-19860 et Cass com 12 juillet 2005 n°03-14809) voir également Cass com 21 avril 2022 n°20-10809

La liquidation judiciaire, c'est à dire la procédure collective, se superposait alors avec la liquidation au sens du droit des sociétés, qu'on appelle parfois "liquidation amiable" pour différencier les deux (voir ce mot).

Pour un exemple Cass com 21 avril 2022 n°20-10809 et le sort des parts sociales

Cette situation posait de nombreux problèmes:

- de représentation de la société, qui ne pouvait plus être représentée par ses dirigeant mais devrait désigner un liquidateur au sens du droit des sociétés (avec les frais que cela comportait) y compris pour exercer valablement des recours contre les décisions de la procédure collective : cette première difficulté avait été aménagée par la loi de 2008 qui avait prévu que par exception, les dirigeants restaient en fonction malgré la liquidation judiciaire

- de sort de la société si la liquidation judiciaire était clôturée pour extinction du passif: tous les créanciers étaient payés mais la société ne pouvait reprendre son activité puisque la liquidation au sens du droit des sociétés n'était pas remise en cause ( ce que la Cour de Cassation confirmait)

Pour mettre un terme à ces difficultés l'ordonnance de 2014 a modifié les textes: désormais c'est la clôture de la liquidation judiciaire, uniquement en cas d'insuffisance d'actif, qui emporte dissolution de la société Cass com 21 avril 2022 n°20-13625


Dividende

Le terme a plusieurs significations.

En droit des sociétés

Le dividende est la part de résultat attribué à une action (une fois que l'organe compétent (AG ou autre) l'a déterminé Cass com 13 septembre 2017 n°16-13674 Cass com 4 février 2014 n°12-23894 Cass civ 1ère 10 septembre 2015 n°14-15572 Cass com 10 février 2009 n°07-21806 et après approbation des comptes Cass com 28 novembre 2006 n°04-17486

En procédure collective

En matière de procédure collective, le dividende est le règlement que reçoivent les créanciers en exécution d'un plan.

En droit positif (c'est à dire actuel), les dividendes sont dits "portables" c'est à dire que le débiteur doit les payer spontanément (par différence à des situations où ils sont dits "quérables" c'est à dire où ils ne sont payés que s'ils sont demandés.

Dans le cadre d''un plan, c'est le commissaire à l'exécution du plan qui distribue les dividendes aux créanciers, en application du plan.

Parfois le terme est employé pour désigner le prorata de la répartition qui revient aux créanciers en liquidation judiciaire.


Dividendes et répartitions non encaissés (en procédure collective)

Le créancier personne physique peut avoir déménagé à une adresse que le commissaire à l'exécution du plan en charge du paiement des dividendes ou liquidateur en charge des répartitions ne parvient pas à trouver, il peut également être décédé.

Le créancier personne morale peut être lui même en liquidation judiciaire, voire même en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en liquidation amiable, radié du registre du commerce ...

Le changement de situation juridique du créancier n'affecte pas l'existence de sa créance: les héritiers peuvent se prévaloir de la créance de leur ayant droit, le liquidateur judiciaire du créancier peut, ès qualité, recouvrer les créances de l'entreprise en liquidation, le liquidateur amiable également, et post radiation du registre du commerce (en cas de disparition de la personnalité morale) une quasi indivision permet aux associés d'appréhender une créance omise dans la liquidation au sens du droit des sociétés.

Ainsi, le fait que le chèque de dividende envoyé par le commissaire à l'exécution du plan et de répartition envoyé par le liquidateur ne soit pas encaissé et soit lui revienne, soit se périme par expiration d'un délai d'un an (délai d'encaissement d'un chèque) n'a pas pour effet l'extinction de la créance.

Il en est de même s'il advient que la société créancière est radiée du registre du commerce, car les associés deviennent alors propriétaires indivis de la créance dans les cas où la société a perdu la personnalité morale (pour plus de précision voir radiation)

Ainsi si un règlement émis dans le cadre de la procédure collective du débiteur n'est pas encaissé, la seule solution pour concilier le fait que les droits du créancier ne sont pas éteints, et que le débiteur, pour remplir ses obligations dans le plan ou le liquidateur pour effectuer une répartition conforme que textes, est que la somme soit consignée à la Caisse des Dépôts et consignations (ce qui est prévu par les règles professionnelles des professionnels, article 1022.2 de l'arrêté ministériel du 18 juillet 2018)

En effet tant que la somme est entre les mains du commissaire à l'exécution du plan elle n'est pas sortie du patrimoine du débiteur (Cass com 14 octobre 2014 n°13-13994)

Ainsi dans la limite de la prescription ( à notre avis 5 ans de la consignation) le créancier ou son ayant droit pourra en demander versement direct sans intervention du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, lequel ne sera certainement plus en fonction).

La Caisse des Dépots et consignations a d'ailleurs une procédure très précise de consignation, qui comporte tous les éléments d'identification du créancier.

Au delà du délai de prescription de la créance, une question se pose avec acuité depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui emporte réforme de la plupart de délais de prescriptions: en effet d'une part la créance se périme par 5 ans, et d'autre part c'est au bout de 30 ans que la somme tombe dans le domaine public et est attribuée à l'Etat.

Ainsi, si antérieurement à la loi de 2008, où le délai de prescription de la créance était généralement de 10 ans, il avait été soutenu qu'à aucun moment le débiteur ne pouvait faire constater la "disparition" de la créance, ni par le liquidateur, ni par le juge commissaire ou le Tribunal, qui auraient été radicalement incompétents pour priver le créancier d'un droit de propriété sur sa créance, les données ont maintenant changé puisqu'entre 5 ans de la consignation (ou plus exactement de la clôture de la liquidation, prescription de la créance, encore qu'il faut établir que le créancier a pu connaître ou aurait pu connaître son droit) et 30 ans ( tombée de la somme dans le domaine public) les sommes consignées ont un statut "intermédiaire" qui se prolonge.

Certains invoquent le fait qu'en droit civil la consignation n'est pas un paiement et que le débiteur peut toujours la retirer tant que le créancier ne l'a pas acceptée (article 1261 du code civil) pour envisager que le débiteur puisse en demander reversement. D'une part la consignation libère le débiteur ( article 1257 du code civil) mais d'autre part elle n'entraîne pas transfert de propriété sur la somme. Cette situation troublante amène des commentateurs à soutenir que postérieurement à la prescription de la créance le débiteur pourrait demander la déconsignation de la somme à son profit: évidemment c'est la Caisse des Dépôts et consignations qui décidera si la situation se présente. Le dernier article qui semble permettre de soutenir cette thèse est l'article 1937 du code civil: la consignation pourrait petre assimilable à un dépôt, et dans ce cas le dépositaire n'a que deux choix: verser le dépôt au destinataire ou le restituer à celui qui le lui a déposé


Divorce (et changement de régime matrimonial) et procédures collectives

Voir également les mots "conjoint", "communauté", "indivision" , séparation de corps et "séparation des biens"

Quelques points de la définition

Généralités

Changement de régime matrimonial avant le jugement d'ouverture et risque de nullité de la période suspecte

Changement de régime matrimonial pendant la procédure collective

Divorce et liquidation du régime matrimonial avant le jugement d'ouverture et risque de nullité de la période suspecte

Divorce avant le jugement mais non publié avant le jugement d'ouverture

Divorce avant le jugement d'ouverture mais sans liquidation du régime matrimonial avant le jugement

Divorce pendant la procédure collective

Le traitement des créances entre époux

Alternative de soumission à la procédure collective ou d'attente de la clôture

Créances non alimentaires

créances alimentaires: portée de la dispense de la déclaration de créance

le cas particulier de la prestation compensatoire

Le danger pour l'ex conjoint de ne pas déclarer créance en cas de plan de son débiteur

Généralités

Le divorce et les prétentions de changement de régime matrimonial sont évidemment des événements sur lesquels la procédure collective d’un des conjoints a une interférence. 

- Souvent les difficultés financières ont des conséquences sur la vie familiale du débiteur qui se dégrade.
- Il se peut également que les époux, sentant venir des difficultés financières importantes, tentent de mettre certains biens à l’abri de la future procédure collective.

La procédure collective amène donc des demandes de modification de régime matrimonial, voire de divorce, ce qui peut avoir des conséquences en terme de pension alimentaire, de prestation compensatoire et de contribution à l’entretien des enfants, c'est-à-dire de créances, mais aussi de diminution des biens qui seront affectés au paiement des créanciers.

Plusieurs situations :

Changement de régime matrimonial avant le jugement d’ouverture de la procédure et risque de nullités de la période suspecte

Quand ils sentent que les difficultés financières vont conduire l’un des époux à la procédure collective, les conjoints peuvent être tentés de changer de régime matrimonial, pour protéger certains biens.

C’est par exemple le passage d’un régime communautaire avec un partage de communauté très favorable à celui des époux qui ne sera pas atteint par la procédure collective.

L’habillage retenu est généralement la donation déguisée, et en tout état la loi permet aux mandataires de justice de rechercher la nullité d’un partage défavorable accompli alors que l’état de cessation des paiements était déjà caractérisé, voire même dans certains cas dans les 6 mois qui ont précédé l’état de cessation des paiements (notion de nullité des actes de la période suspecte (voir ce mot), de contrat commutatif déséquilibré et éventuellement d’acte à titre gratuit)

Tout ce qui aura été fait dans une idée de préparation de l’ouverture de la procédure collective, pour que des biens échappent à l’emprise des créanciers, peut être annulé par le tribunal de la procédure collective, à la demande des mandataires de justice.

Il n’y a pas de délai pour l’engagement de cette action.

Changement de régime matrimonial pendant la procédure collective :

Le changement de régime matrimonial est un acte à double connotation : personnel et patrimonial.
Il s’agit souvent pour le conjoint in bonis (traduction celui qui n’est pas en procédure collective) de préparer une future activité dont il veut éviter qu’elle génère des biens communs.

La demande doit émaner à la fois du débiteur et du mandataire de justice (administrateur ou liquidateur suivant les cas), sauf le cas où il s’agit d’une séparation judiciaire des biens, auquel cas les mandataires de justice sont attraits à la procédure.
La présence des mandataires de justice est garante que l’intérêt des créanciers a été préservé, et en tout état le changement ne produira ses effets que pour le futur.

C'est-à-dire que si les époux passent en cours de procédure collective d’un régime communautaire à un régime séparatiste, le changement de régime sera sans effet pour les créanciers antérieurs. voir l'arrêt Cass iv 1ere 13 janvier 2016 n°14-29631 qui admet la tierce opposition du liquidateur et évoque l'inopposabilité du changement de régime matrimonial

Divorce et liquidation du régime matrimonial avant jugement d’ouverture de la procédure collective et risque de nullité de la période suspecte

Le divorce est un droit propre du débiteur, qu'il peut exercer seul nonobstant le dessaisissement. Plus précisément, le débiteur peut engager la procédure ou y défendre, en ce compris l'aspect patrimonial et la prestation compensatoire (Cass com 16 janvier 2019 n°17-16334 Cass com 20 octobre 2021 n°20-10710

- Au nom de l’intérêt des créanciers, les mandataires de justice peuvent former tierce opposition au jugement homologuant la convention de partage Cass com 20 octobre 2021 n°20-10710, et notamment au jugement de divorce qui alloue une prestation compensatoire (en l'espèce un bien personnel au débiteur). Cass com 20 octobre 2021 n°20-10710

Ils devraient pouvoir exercer l'action paulienne devant le juge aux affaires familiales (L213-3 du code de l'organisation judiciaire dans les 5 ans de la transcription du divorce en marge de l'état civil) ainsi que l'action oblique de l'article 1341-1 du code civil. Le liquidateur peut donc former tierce opposition à une jugement par lequel est allouée une prestation compensatoire sous forme d'abandon de propriété sur un immeuble, mais ne peut pas, sans que cette attribution lui ait été déclarée inopposable, saisir le juge commissaire pour vendre l'immeuble Cass com 16 janvier 2019 n°17-16334

- Après des hésitations, il est également admis que les mandataires de justice peuvent demander la nullité des conventions défavorables au conjoint susceptible d'être soumis à la procédure collective, sur la base des textes spécifiques régissant la période suspecte (voir ce mot) Cass com 7 novembre 2006 n°04-18650 et/ou interviennent dans la procédure de tierce opposition formée par un créancier en cas de règlement défavorable au débiteur Cass civ 1ère 5 novembre 2008 n°06-21256 Cass civ 2ème 21 février 2002 n°00-11114
On se trouve donc dans la même configuration que s’il y avait un changement de régime matrimonial et un partage favorable à l’époux in bonis.

Toutefois la formulation de l'article 1144-3 du CPC

"La convention de divorce précise la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire

Lorsque ceux-ci sont soumis à la publicité foncière, l'attribution est opérée par acte dressé en la forme authentique devant notaire, annexé à la convention" combinée avec celle de l'article L632-1 du code de commerce qui exclue de la nullité les paiements selon un mode communément admis fait hésiter certains sur la possibilité, désormais, de rechercher la nullité de l'attribution des biens dans le cadre de la convention de divorce .. mais c'est à notre sens oublier que l'article L632-1 se limite aux modes de paiement "communément admis dans les relations d'affaires" ce qui ne semble pas viser une convention matrimoniale.

Bien entendu il n’est par contre pas concevable que les mandataires de justice puissent demander nullité du divorce qui est une décision strictement personnelle au débiteur.

Divorce avant le jugement d'ouverture de la procédure sans liquidation ultérieure du régime matrimonial

Les époux ont divorcé avant le jugement, mais jamais la communauté n'a été liquidée et partagée, soit que les ex époux aient négligé d'y procéder, soit qu'ils n'aient jamais trouvé d'accord.

Par les effets du divorce, la communauté est dissoute et les biens communs "basculent" dans un statut d'indivision post communautaire. Dans certains cas les créanciers d'un des époux pourront appréhender tous les biens, ce qui est expliqué plus bas.

Mais en tout état, a priori, les biens sont maintenant indivis, ce qui revient à considérer que le liquidateur d'un des époux peut exiger le partage, et la vente pour sortir de l'indivision si les biens ne sont pas partageables. L'autre époux peut lui aussi exiger la vente pour recevoir sa part d'indivision.

Voir le mot indivision

Divorce antérieur au jugement d'ouverture mais non encore publié au jour du jugement d'ouverture: les effets à l'égard des tiers commencent postérieurement

Entre les époux, le divorce produit ses effets au jour du jugement, était toutefois précisé que, dans un régime communautaire, la dissolution de la communauté peut, suivant les circonstances et l'époque du divorce, résulter :

  • de l'ordonnance de non conciliation, sauf demande de report à une date antérieure (par exemple à la date à laquelle les époux ne cohabitaient plus).
  • de la date à laquelle le jugement de divorce est définitif
  • de la convention homologuée (par hypothèse antérieure au divorce) en cas de divorce par consentement mutuel 

( ce qui met un terme au droit de revendication de la qualité d'associé par le conjoint commun en biens cesse au visa de l'article 1832-2 du code civil).

La situation à l'égard des tiers, et ici en particulier des créanciers, est celle qui leur est "opposable" au jour du jugement d'ouverture de la procédure.

Or la loi prévoit que le divorce doit faire l'objet de mesures de publicité pour que les tiers en soient avertis: publicité en marge de l'état civil notamment : ainsi si le divorce est prononcé avant le jugement d'ouverture de la procédure mais n'est pas encore publié, il n'est pas opposable aux créanciers. Si les ex époux étaient mariés sous le régime de la communauté, la liquidation pourra appréhender les biens qui étaient dans la communauté, malgré le divorce prononcé qui n'est pas publié (par exemple Cass com 27.09.2016 n°15-10428)

En effet, comme ça sera le cas (ci après - Au terme de l’article 815-17 du code civil les créanciers qui auraient pu agir sur les biens communs s’il n’y avait pas eu le divorce, peuvent soit poursuivre la saisie et la vente des biens indivis, soit sont payés par prélèvement sur l’actif avant tout partage.) si la liquidation du régime matrimonial n'intervient qu'après le jugement d'ouverture de la procédure collectives, à l’égard des tiers le divorce ne produit effet qu’à compter de sa mention en marge de l’état civil. Tant que le divorce n’est pas transcrit les dettes sont communes et le divorce est inopposable à la procédure collective

Divorce pendant la procédure collective

Il n’est évidemment pas question que la procédure collective interdise au débiteur de divorcer.

Mais par le divorce, les biens qui étaient communs aux époux deviennent indivis jusqu’au partage et il n’est pas non plus question que par un divorce plus ou moins de complaisance, les créanciers n’appréhendent que 50% d’un patrimoine indivis au lieu de 100% d’un patrimoine commun.

Pour éviter cette difficulté il est acquis que :

- à l’égard des tiers le divorce ne produit effet qu’à compter de sa mention en marge de l’état civil. Tant que le divorce n’est pas transcrit les dettes sont communes.
- Au terme de l’article 815-17 du code civil les créanciers qui auraient pu agir sur les biens communs s’il n’y avait pas eu le divorce, peuvent soit poursuivre la saisie et la vente des biens indivis, soit sont payés par prélèvement sur l’actif avant tout partage.

Ainsi, si le débiteur divorce après le jugement d’ouverture de la procédure, ou si le divorce est opposable aux tiers après le jugement d'ouverture, les créanciers – et donc ici le liquidateur pour leur compte - pourront agir sur les biens qui étaient communs et qui sont devenus indivis, dont il appréhenderont non pas la part du conjoint débiteur (50%) mais la totalité (par exemple Cass com 26 janvier 2016 n°14-13851).

De sorte que si le liquidateur entend réaliser le bien, dans les formes de la liquidation judiciaire, sans égard pour l'indivision post communautaire : le bien est sous l'emprise de la communauté avant d'être indivis Cass com 27 septembre 2016 n°15-10428 idem en cas d'indivision successorale post procédure collective Cass com 19 février 2013 n°11-23033

Le droit de divorcer n'est pas atteint par le dessaisissement.

Toutefois la procédure de divorce dite "divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat déposé au rang des minutes d'un notaire" prévue par l'article 229-1 du code civil et qui ne comporte aucune homologation et aucun contrôle judiciaire a priori peut interpeller sur les conditions dans lesquelles le liquidateur peut et/ou doit intervenir et de l'application à son égard du délai prévu à l'article 229-4

A priori le liquidateur doit intervenir à la convention aux côtés de l'époux dont il est le liquidateur et le délai lui est applicable. Aucun texte ne précise que le liquidateur devra être autorisé par le juge commissaire.

(l'attribution préférentielle de l'épouse, dans le cadre d'un divorce, ne peut être demandée qu'en présence du liquidateur Cass com 7 avril 2009 n°08-16510 )

Les dispositions patrimoniales du divorce, arrêtées sans la présence du liquidateur ont dans un premier temps été considérées comme inopposables à la procédure collective par la Cour de Cassation puis à la suite d'un revirement de jurisprudence ont été déclarées opposables au liquidateur sauf pour lui à exercer une tierce opposition Cass com 16 janvier 2019 n°17-16334 qui doit être examinée au regard de la fraude aux droits des créanciers et une éventuelle collusion des époux Cass civ 1ère 13 mai 2015 n°14-10501

Pour plus de précisions voir le mot indivision

Créances entre ex époux: attention à la procédure collective de l'ex conjoint:

Voir aussi le mot déclaration de créance

La fixation des créances du conjoint suivent le même sort que les autres, et notamment la suspension des poursuites: ainsi une créance de pension alimentaire fixée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, sans que le liquidateur ait été mis en cause, est inopposable à la procédure collective Cass com 22 janvier 2002 n°99-13831

Les règles de la procédure collective se combinent généralement assez mal avec celles du divorce.

Alternative de soumission à la procédure collective et d'attente de la clôture

En premier lieu même arrêtées postérieurement au jugement d'ouverture, ces créances ne bénéficient pas du statut de créances postérieures. (et surtout si elles sont fixées avant le jugement d'ouverture Cass com 8 octobre 2003 n°00-14760 pour une pension alimentaire dont les échéances sont postérieures)

Le conjoint bénéficie d'une alternative :

- déclarer créance et se soumettre aux règles de la procédure collective ou

- attendre que celle-ci soit clôturée pour reprendre les poursuites (mais dans ce cas ses créances sont inopposables à la procédure collective.

- Ou encore être payé sur les fonds dont le débiteur dispose librement (subsides et rémunération)

En effet, concernant ces créances:

- soit elles sont déclarées au passif et suivent le sort de tous les autres créanciers (mais dans ce cas doivent être déclarées dans les délais Cass com 16 février 1999 N°95-22324

- soit elles bénéficient par exception de la reprise des poursuite après clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, puisque l'article L643-11 au -1 2° prévoit une exception pour les créances attachées à la personne du créancier (mais quand même avec une incertitude sur la définition des créances attachées à la personne du créancier).

Ces deux traitements peuvent d'ailleurs être cumulatifs; c'est à dire que le créancier participe aux répartitions au titre des créances qu'il a déclarées, mais pourra continuer à recouvrer sa créance après la clôture, et cette stratégie semble beaucoup moins risquée compte tenu de l'absence de définition de la créance attachée à la personne du créancier qui seule permet la reprise des poursuites après clôture de la liquidation.

- soit le créancier peut exécuter sur les seules sommes dont dispose librement le débiteur

Pour une prestation compensatoire voir Cass com 13 juin 2019 n17-24587

Les créances non alimentaires

Les créances notamment de récompense doivent être déclarées au passif pour bénéficier des dividendes. A défaut ces créances sont inopposables à la procédure collective

Les créances alimentaires : alternative entre déclaration de créance et attente de la clôture et portée de la dispense de déclaration de créance

En cas de liquidation judiciaire, pour les créances alimentaires (pensions alimentaires, contribution à l'entretien des enfants), l'alternative peut également exister entre la déclaration des créances du conjoint, et la solution qui consiste à attendre la clôture de la liquidation pour faire valoir ses droits: en effet la clôture de la liquidation permet, par exception, aux créanciers ayant des créances attachées à la personne, de les faire valoir.

Mais en outre:

- l'article L622-24 dispense expressément ces créances de déclaration de créance

- l'article L622-7 du code de commerce n'interdit pas le paiement des dettes alimentaires antérieures pour lesquelles il prévoit une exception expresse : il semble donc que même si ces dettes alimentaires ne sont pas déclarées au passif, elles peuvent être payées durant la procédure. Il y a simplement débat sur les fonds qui peuvent être affectés à ces paiements, et il semble raisonnable que ce soient les subsides alloués au débiteur qui soient utilisés. Dans tous les cas le créancier peut ainsi cumuler les modes de paiements: de droit commun sur les subsides, et au même titre que les autres créanciers sur les biens de l'"entreprise".

La dispense de déclaration de créance prévue par la loi était d'importance à l'époque où les textes prévoyaient que la créance non déclarée était éteinte. (voir Cass com 8 octobre 2003 n°99-21682 , Cass com 30 juin 2004 n°03-10986 ou Cass com 19 novembre 2003 n°01-00431 pour une prestation compensatoire)

Elle est moindre maintenant où la créance non déclarée est simplement inopposable à la procédure collective.

On peut s'interroger pour savoir pour quelle raison la dispense de déclaration de créance subsiste dans de telles conditions. Il ne faut en effet pas se méprendre : ce n'est pas parce qu'elle est dispensée de déclaration de créance que la créance en question sera prise en considération dans la procédure collective.

En réalité la créance non déclarée peut être payée par le débiteur (puisqu'il existe une exception à l'interdiction de paiement), mais uniquement sur les subsides dont il dispose (Cass Com 1er février 2005 n°01-13943 et Cass com 15 novembre 2005 n°04-17112 pour une prestation compensatoire, Cass com 23 novembre 2004 n°03-12928 pour une contribution à l'entretien des enfants Cass com 8 octobre 2003 n°00-14760 et Cass crim 9 juin 2004 n°03-84029 pour le délit d'abandon de famille

A l'inverse la créance déclarée alors qu'elle bénéficiait de la dispense, doit être considérée selon les règles de la procédure collective Cass com 13 juin 2006 n°05-17081

Le statut particulier de la prestation compensatoire

En premier lieu, la fixation de la prestation compensatoire relève du juge aux affaires familiales, et le liquidateur ne peut, par voie de tierce opposition à un partage, la contester Cass com 13 décembre 2023 n°22-19870

Pour le surplus, il y a véritablement débat pour savoir si la prestation compensatoire est ou pas une créance de nature alimentaire, et il semble acquis qu'elle est de nature mixte, alimentaire pour partie, et indemnitaire pour le solde (Cass civ 1ère 29 juin 2011 n°10-16096)

Sur l'alternative dont dispose le créancier voir cass com 13 juin 2019 n°17-24587

Sur la dispense de déclaration de créance

Dès lors qu'il est admis que la prestation compensatoire, qu'elle soit versée en capital ou sous forme de rente, est pour partie à connotation alimentaire, elle bénéficie de la dispense légale de déclaration de créance fixée à l'article L622-24 

Voir ci dessus pour les conséquences  

Sur la date de naissance de la créance

La Cour de Cassation juge que c'est le fait que la décision qui prononce le divorce soit passée en force de chose jugée qui est constitutive de la créance de prestation compensatoire Cass com 8 octobre 2003 n°01-17970, ce qui à l'époque où la détermination du statut de créance postérieure était uniquement chronologique permettait d'en fixer le statut. De même, à l'époque où les textes prévoyaient que les créances non déclarées étaient éteintes, la Cour de Cassation faisait échapper la prestation compensatoire non déclarée au passif à cette sanction, au visa de la dispense légale de déclaration de créance

La jurisprudence ne tire pas expressément les conséquences de ce statut mixte (voir par exemple Cass com 8 oct 2003 n°99-21682 ou Cass com 4 avril 2006 n°04-16672)

Le danger des plans

La danger existe par contre en cas de plan de redressement à ne pas déclarer la créance découlant du divorce ( par exemple des dommages intêrets, qui au surplus ne son pas des créances alimentaires).

En effet une créance non déclarée au passif du débiteur est inopposable au débiteur pendant la durée du plan, et le reste après si le plan est correctement exécuté. Il n'existe pas d'exception pour les créances des ex conjoints (cass com 10 février 2015 n°13-24659) et il est constant que les créances découlent et naissent du divorce lui même et pas du partage ultérieur.


Doctrine

 La doctrine est l'ensemble des ouvrages, articles et prises de position des auteurs spécialistes du droit.

Les plaideurs s'appuient souvent sur la loi, sur la jurisprudence (ensemble des décisions de justice) mais également sur la doctrine qui permet de mettre en exergue, surtout si les textes sont imprécis, la position de spécialistes dans leur manière d'appréhender une question, ou d'interpréter un texte de loi, ou encore de comprendre certaines décisions de justice.


Dol

Généralités

Au visa de l'article 1137 du code civil "Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation."

Dol et procédure collective,

La question peut se poser de savoir si le fait pour un contractant de ne pas révéler à son futur partenaire le fait qu'il fait l'objet d'une procédure collective est constitutif de dol.

A priori le texte pris à contrario permet de penser que l'existence d'une procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde ne devrait pas être déterminant, et l'existence d'une procédure de liquidation est déterminante puisque le contractant ne peut contracter sans son liquidateur.

On peut d'ailleurs faire la transposition avec la règle de dessaisissement : le contrat qui ne nécessite ni l'accord du juge commissaire ni la présence de l'administrateur judiciaire est a priori un contrat qui se situe dans le cadre de l'activité courante du débiteur et on voit mal en quoi l'existence de la procédure collective serait déterminante. En outre l'information est accessible notamment sur le site internet du BODACC.

Il ne nous semble donc pas qu'en soi, le fait pour le débiteur de ne pas préciser qu'il fait l'objet d'un redressement ou d'une sauvegarde soit constitutif de dol , sauf évidemment s'il a fait une déclaration erronée en ce sens (à rapprocher des marchés publics).

Le but de la procédure est de permettre à l'entreprise de se redresser, les contrats ne peuvent être résiliés du seul fait de son ouverture, et il serait très pénalisant de faire peser sur le débiteur une obligation de renseignement systématique de ses partenaires.

La question ne semble pas avoir été jugée


Dommages et intérets

En droit Français, il n'est pas possible de contraindre un justiciable à exécuter un acte qu'il refuse d'exécuter, même s'il s'y est engagé, par exemple par contrat. Ce qu'on appelle la contrainte part corps, c'est à dire le fait d'incarcérer quelqu'un pour le contraindre à exécuter cet acte, n'existe plus.

Le juge peut ordonner à une partie d'effectuer un acte, il peut même fixer ce qu'on appelle une astreinte (c'est à dire une "pénalité" qui va s'appliquer tant que l'acte n'est pas effectué: par exemple 100 € par jour de retard à compter de ...), mais si finalement l'acte n'est pas exécuté, le juge ne pourra que traduire cette inéxécution en somme d'argent: les dommages intérets.

Aussi, tout préjudice qui découle de la violation d'une obligation légale ou contractuelle, se résoud en dommages intérets, c'est à dire qu'une somme sera allouée par le juge, pour compenser le préjudice en découlant.

L'allocation de dommages et intérets supposera la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien ce causalité entre le faute et le préjudice.

Le principe de fixation du montant est le suivant : la somme allouée doit réparer "tout le préjudice, rien que le préjudice".

En ce sens la réparation d'un préjudice matériel est assez facile à chiffrer: par exemple la perte d'un bien sera chiffrée à la valeur de ce bien. Par contre la réparation d'un préjudice moral ou corporel est plus difficile à encadrer dans des critères.

Dans le secteur des entreprises c'est souvent la fixation par les juridictions commerciales de préjudices liés à des actes de concurrence, ou par les Conseil des Prud'hommes de dommages intêrets alloués aux salariés pour des préjudices découlant d'anomalies pûrement formelles (par exemple retard d'un jour dans l'accomplissement d'une formalité), qui donne lieu à le plus de "polémiques" tant il est difficile d'apprécier la réalité et l'importance du préjudice et d'en fixer la juste indemnisation.


Double désignation de mandataires de justice

Voir mandataires double désignation


Droit de rétention

Quelques points de la définition

En droit commun

En procédure collective

La déclaration de créance

Le retrait contre paiement et les autres prérogatives attachées au droit de rétention

Le cas particulier de la rétention d'un immeuble

Le droit de rétention de l'expert comptable

En droit commun

Le droit de rétention est, littéralement le droit de « retenir » un bien (et pas sur un fonds de commerce, le nantissement n'étant pas un gage conférant un droit de rétention Cass Com 26 novembre 2013 n°12-27390, jusqu’à l’exécution d’une prestation, et plus particulièrement en principe jusqu’au paiement d’une somme convenue)

Le droit de rétention suppose le cumul de plusieurs circonstances : son titulaire est créancier, a un pouvoir de blocage c'est à dire prive le propriétaire de la jouissance du bien - et de retenir le bien corporel - et il existe une connexité entre la créance et la rétention (même contrat par exemple)

Initialement ce droit permettait au créancier de « retenir » les effets ou les biens mobiliers de leur débiteur pour faire pression sur celui-ci pour obtenir le paiement des sommes dues.

Par exemple dans certaines circonstances, le créancier va pouvoir retenir les biens qui font le support du contrat : l’hôtelier peut retenir les effets de son client pour exiger d’être payé de ses prestations, le garagiste peut retenir le véhicule qui lui a été confié en réparation ou gardiennage, le dépositaire ou l’entrepôt peuvent retenir les biens qu’ils sont chargés de conserver ou gardienner.

Dans d’autres cas, le droit de rétention peut être concédé pour garantir une obligation sans rapport avec l’objet du droit : un bien est par exemple donné en gage en garantie de l’exécution d’une prestation ou du paiement d’une somme prêtée par ailleurs.

Le mécanisme est conçu en droit commun pour que le droit de rétention soit opposable aux autres créanciers du débiteur, et en tout état son titulaire détient physiquement les biens et est évidemment le mieux placé. Le titulaire peut, dans certaines circonstances, être autorisé à vendre les biens aux enchères, et sont droit est alors reporté sur le prix.

Le processus a évolué avec le temps, et désormais, à côté du droit de rétention « réél » existe ce qu’on appelle un droit de rétention « fictif » également dénommé « sans dépossession »: le débiteur conserve le bien donné en gage et le créancier ne détient pas physiquement le bien, mais est, par contrat, titulaire d’un droit de rétention convenu.

Le contrat de gage est régi par les articles 2336 et suivants du code civil et l’article 2337 précise que l’opposabilité au tiers est conditionné soit par la dépossession soit par une publicité : il s’agit d’éviter que d’autres créanciers soient trompés sur la solvabilité de leur débiteur.

Le gage sans dépossession fait l’objet d’une publicité au greffe du tribunal de commerce, sur un registre spécial, dont les extraits peuvent être demandés.

En droit des procédures collectives :

La déclaration de créance

N'étant pas une sûreté, le droit de rétention n'a pas à être mentionné dans la déclaration de créance Cass com 20 mai 1997 n°95-11915.

le retrait contre paiement et les autres prérogatives attachées au droit de rétention

Voir le gage

Le cas particulier de la rétention d'un immeuble

Le droit de rétention peut porter sur un immeuble Cass com 30 janvier 2019 n°17-22223Cass com 6 octobre 2009 n°08-19458 Cass civ 3ème 16 décembre 1998 n°97-12702 le rétenteur étant alors fondé à "conserver" la jouissance de l'immeuble tant que sa créance n'est pas payée, sans qu'il soit nécessaire que la publicité foncière soit accomplie. La rétention se matérialise alors par le fait d'occuper l'immeuble, d'en détenir les clefs, d'empêcher le propriétaire d'y accéder, d'y procéder aux opérations d'entretien ... Le rétenteur peut consentir un droit d'occupation à tiers de son chef (bail par exemple) sans pour autant perdre la détention vis à vis du propriétaire.

L'immeuble peut être vendu nonobstant le droit de rétention, mais sera opposable aux tiers, ce qui complique considérablement la vente, y compris par le liquidateur.

Dans ce cas le liquidateur peut, comme en matière de gage, soit payer le rétenteur pour retirer le bien, soit procéder à la vente du bien dans les formes de l'article L642-20-1 dans les 6 mois pour provoquer le report de la rétention sur le prix ( la demande d'attribution judiciaire semble réservée au gagiste, et ne serait pas applicable en matière immobilière Cass com 28 juin 2017 n°16-10591

Le cas particulier du droit de rétention de l'expert comptable

La question se pose souvent en procédure collective, de savoir si l'expert comptable non payé peut retenir la comptabilité du débiteur et exiger d'être payé pour la remettre.

L'expert-comptable dispose en effet, comme toute personne dépositaire d'un bien, du droit de rétention jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû.

Cependant ce droit ne s’exerce que pour la production de l’expert comptable objet de la facturation impayée (journaux, grands livres, bilans), et ne peut en aucun cas porter sur des documents déjà payés, ni sur des documents non produits par l’expert comptable comme par exemple les pièces comptables, relevés de banque …

 Au terme de l’article 168 du décret 2012-432 du 31 mars 2012 qui règlemente la profession d’expert comptable, l’exercice du droit de rétention est strictement encadré

Par ailleurs l'article L622-5 du code de commerce dispose  '"Dès le jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de leur examen".

Une fois que l'expert comptable a fourni les documents "pour examen", par hypothèse il ne les retient plus, et l'article L622-7 qui organise les suites du droit de rétention,  et notamment le paiement pour retirer la chose retenue, ne devrait pas jouer. 

Cependant la question n'est pas tranchée avec certitude. Mais la mise en échec du droit de rétention de l'expert comptable face aux dispositions de l'article L622-5 correspond à la position exprimée dans une réponse ministérielle de 2016. (question n°61202 assemblée nationale)


Droit de suite

Voir les mots surenchère, privilège, radiation des inscriptions, purge hypothèque

Les sûretés spéciales, c'est à dire les garanties prises par un créancier sur un bien déterminé permettent notamment à ce créancier d'être payé dans de meilleures conditions que la plupart des autres créanciers si le bien est vendu.

Pour éviter des ventes à vil prix qui diminueraient les droits de ces créanciers, ils bénéficient d'un droit de suite et d'un droit de surenchère (voir ce mot).

Le droit de suite, comme son nom l'indique, est la concrétisation du fait que la créance du créancier inscrit n'est pas attachée à la personne du débiteur mais au bien support de l'inscription: autrement dit, la créance suit (d'où le nom de droit de suite) l'immeuble ou le fonds de commerce en quelques mains qu'il passe et le tiers acquéreur du bien, (tiers par rapport à la créance) qui en devient propriétaire est tenu des créances garanties par ces sûretés (Code civil articles 2461 à 2474). En cas de procédure collective le titulaire du droit de suite doit faire valoir sa créance dans le délai applicable aux créanciers du débiteur Cass com 14 juin 2023 n°21-15864

Evidemment le droit de suite est une très bonne garantie pour le titulaire de l'inscription, et un risque très important pour l'acheteur d'un bien, qui en a déjà payé le prix, et qui s'expose à être recherché malgré tout pour le paiement d'une créance qui incombe à son vendeur (ce qui existe dans le cas où le prix de vente du bien, bien que sincère et correct ne permet pas de payer les créances des créanciers inscrits)

AInsi la loi a conçu une procédure permettant au tiers détenteur d'éviter le droit de suite, tout en ménageant les droits du créancier inscrit: il s'agit de la purge qui offre aux créanciers inscrits, s'ils estiment que le prix est insuffisant au regard de la valeur réelle du bien, la possibilité d'effectuer une surenchère (Code civil articles 2462 et 2475 et suivants) : soit le créancier fait surenchère, soit il est réputé considérer que le prix est correct, et le droit de suite est mis en échec.

Concrètement quand le bien est vendu, si le créancier n'est pas intégralement payé car le prix ne le permet pas, il est prudent de "purger" (voir le mot purge) le droit de surenchère du créancier ce qui va reporter ses droits sur le prix. Si la purge n'est pas faite, le créancier conserve un droit de suite sur le bien, même s'il a changé de propriétaire, et pourra donc être payé sur le bien.

La purge, en reportant les droits sur le prix, met en échec le droit de suite et libère totalement l'acheteur du poids des dettes garanties par le bien acheté.


Droits propres et dessaisissement

Voir dessaisissement


Droits sociaux location

Voir location de droits sociaux


Durée de la liquidation judiciaire

Voir Liquidation judiciaire durée