Glossaire

Immeuble

Généralités

Selon la loi, les biens sont "meubles" (voir ce mot) ou "immeubles".

Au sens du droit l'immeuble est un bien "immobile", qui ne peut être déplacé et est caractérisé par son lieu avec le sol. Cela peut recouper les constructions, les plantations, les terrains ..

Cela ne recoupe pas exactement la définition employée dans le language courant.

Par exemple en droit un appartement est un immeuble, même s'il ne constitue qu'une partie de "l'immeuble" au sens commun, ou un terrain est un immeuble même si aucune construction n'y est édifiée.

Le droit distingue

- les immeubles par nature, par exemple un terrain,

- les immeubles par destination, c'est à dire des biens qui sont initialement des meubles (voir ce mot) mais qui, une fois "incorporés" à l'immeuble ne peuvent plus être déplacés sans détérioration pour l'immeuble auquel ils ont été incorporés.

Par exemple une serre scellée dans une chape de béton deviendra immeuble par destination puisqu'il faut casser l'immeuble pour l'enlever, alors que si elle est simplement vissée dans le sol elle garde son statut de meuble.

La distinction est très importante, puisque l'immeuble par destination deviendra propriété du propriétaire de l'immeuble dans lequel il est incorporé, alors que le meuble qui reste démontable pourra être repris par exemple par un locataire en fin de bail.

En matière de clause de réserve de propriété, et plus généralement de revendication (voir ces mots) l'incorporation du meuble sera un obstacle à la restitution puisque ces dispositifs ne concernent que les meubles.

En liquidation judiciaire

En liquidation judiciaire, l'immeuble du débiteur est vendu par le liquidateur, sur ordonnance du juge commissaire qui statue après une audience à laquelle le débiteur est convoqué. La loi organise deux processus de vente; la vente dite de gré à gré si un candidat présente une proposition jugée correcte par le juge commissaire et la vente dans les formes de la saisie immobilière (c'est à dire aux enchères).

Voir le mot "saisie immobilière" et le mot "insaisissabilité".

Le cas particulier, en liquidation judiciaire, de la maison d'habitation du débiteur

L’article L642-18 est modifié en conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014 et pour les procédures ouvertes à compter du 1er Juillet 2014 : jusqu’alors, le texte précisait que lorsque la vente de la maison d’habitation de l’agriculteur était envisagée, le juge commissaire pouvait lui accorder des délais de grâce pour quitter l’immeuble. Cette faculté est étendue à tous les débiteurs personnes physiques.


Imparité

Pour qu'une juridiction composé de plusieurs magistrats puisse rendre une décision, il faut qu'une majorité puisse se dégager entre les avis de ces magistrats, il est nécessaire qu'ils soient en nombre impair.

Ainsi l'article L121-2 du code de l'organisation judiciaire prévoit que sauf disposition particulière les juges statient en nombre impair


Impécunieux / Impécuniosité

En langage commun, l'impécuniosité est le fait de ne pas avoir de fond ("d'argent").

En droit des procédures collectives, et plus précisément en liquidation judiciaire, la notion a une signification particulière qui correspond à la situation suivante:

S'il s'avère, après que la liquidation judiciaire ait été clôturée (par hypothèse pour insuffisance d'actif), que le droit fixe qui est un des éléments des honoraires du liquidateur, n'a pas pû être payé au minimum à hauteur de 1.500 € (article R663-41 du code de commerce), le Tribunal rend un jugement pour constater l'impécuniosité de la liquidation judiciaire (article L663-3 du code de commerce)

( ces textes font suite au précédent article L814-7 du code de commerce, complété initialement par les articles 18-1 et suivants du décret 85-1390 du 27 décembre 1985 dans sa version entrée en vigueur le 11 juin 2004, le fonctionnement du Fond étant précisé par les articles 18-2 et suivants, l'article 108 du décret 2004-518 du 10 juin 2004 qui instaure le mécanisme en son article 99 précisant qu'il est applicable pour les procédures ouvertes après la date de publication du dit décret, et l'article 109 précisant que le prélèvement qui alimente le fond sera effectué à compter du 1er juillet 2004: le décret est paru le 11 juin 2004 et ce sont donc les procédures ouvertes à compter du 12 juin 2004 qui sont concernées )

Le Tribunal est saisi de la constatation de l'impécuniosité sur requête du liquidateur, la demande est appelé à l'audience et le débiteur y est convoqué (ce qui est parfois difficile à comprendre puisque le dossier est préalablement clôturé)

En liquidation judiciaire, et contrairement au langage commun, il ne s'agit donc pas ici de dire que la liquidation judiciaire n'a aucun fond. Il s'agit de constater soit qu'elle n'a aucun fond soit qu'elle n' a pas suffisamment de fonds pour payer un minimum de 1.500 € d'honoraires au liquidateur (sachant que notamment les frais de greffe doivent être payés avant les honoraires du liquidateur a minima à hauteur de 200 € HT).

Par exemple une liquidation judiciaire qui dispose de petit matériel vendu aux enchères pour 500 € sera impécunieuse.

Le jugement de constat d'impécuniosité permet au liquidateur de solliciter un fonds d'indemnisation,  (dénommé FFDI c'est à dire Fonds de Financement des Dossiers Impécunieux), qui est géré par la Caisse des Dépôt et  est alimenté par une partie des intérêts produits par les dépôts des liquidateurs dans l'ensemble des liquidations judiciaires ouvertes en France (65% jusqu'au 1er juillet 2017 et 90% à compter du 1er juillet 2017)

Sur présentation du jugement d'impécuniosité, ce fonds versera une indemnité de 1.500 € (non assujettie à la TVA) au liquidateur qui a accompli sa mission sans être rémunéré de ses honoraires, ou si le liqudiateur a perçu un acompte, la somme nécessaire pour parvenir à 1.500 €.

L'impécuniosité peut en effet être totale (dans le cas le liquidateur n'a rien perçu et le FFDI lui versera 1.500 €) ou partielle (le liquidateur a perçu un acompte, inférieur à 1.500 €, et le FFDI lui versera la somme nécessaire pour qu'au total il perçoive 1.500 €. Evidemment si le liquidateur a perçu plus de 1.500 € d'honoraires, et même si cela ne couvre pas ce qui lui est du, le FFDI n'intervient pas et il n'y a pas lieu à constatation de l'impécuniosité.

En toute circonstance les liquidateurs sont astreints exactement aux mêmes ogligations que le dossier soit impécunieux ou pas, et leurs contrôles professionnels consistent notamment à vérifier que les tâches essentielles ne sont pas négligées au motif que le dossier est impécunieux: une telle situation, qui serait préjudiciable aux débiteurs, créanciers et salariés, sera évidemment critiquable et sanctionnable.


Inaliénabilité

C'est le fait de ne pas pouvoir aliéner, c'est à dire vendre

Un telle disposition peut découler d'une donation avec droit de retour, le donataire ne pouvant aliéner le bien pendant la durée de la donation (et auquel cas le donataire peut être autorisé judiciairement à en disposer si l'intérêt qui avait justifié de la clause a disparu ou si un intérêt plus important l'exige, cas dans lequel le liquidateur judiciaire du donataire peut aussi demander au donateur s'il accepte de renoncer à la clause Cass civ 1ère 19 décembre 2018 n°17-17551)

Une telle disposition peut également découler des termes d'une donation : le donateur impose par exemple au donataire de ne pas céder le bien reçu en donation. L'article 900-1 du code civil subordonne la validité de cette disposition à son caractère temporaire (par exemple la vie du donateur) et l'intérêt sérieux et légitime.

Le donataire peut demander à être autorisé à disposer du bien si l'intérêt a disparu ou si un intérêt supérieur l'exige. Cependant dès lors que l'inaliénabilité repose sur un intérêt personnel d'ordre moral et familial, le liquidateur du donataire ne peut formuler cette demande Cass civ 1ère 29 mai 2001 n°99-15776 Cass com 9 novembre 2004 n°02-18617 et a contrario Cass civ 1ère 4 juillet 2006 n°04-12825

En procédure collective, et plus exactement en cas de plan de sauvegarde ou de redressement  le tribunal peut, dans le jugement qui arrête le plan, décider qu'un certain nombre de biens seront inaliénables pendant la durée du plan L626-14 et R626-26  R626-27 et suivants qui organisent la publicité de l'inaliénabilité.

Cette disposition permet de s'assurer qu'en cas d'échec du plan, ce qui peut être constaté quelques années plus tard, et de liquidation judiciaire consécutive, les créanciers retrouveront des actifs qui pourront être vendus à leur profit, et a minima ceux qui sont déclarés inaliénables (généralement le fonds de commerce).

Il s'agit également d'éviter que le plan soit mis à profit pour "vider" le patrimoine du débiteur.

L'acte effectué en violation de l'inaliénabilité est nul Cass com 2 mai 2024 n°22-22968, en application de l'article L626-14 qui dispose "Tout acte passé en violation des dispositions du premier alinéa est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci." 

Si durant l'exécution du plan, le débiteur veut procéder à la vente, il devra obtenir l'autorisation du Tribunal (dans les formes de l'article R626-31) lequel peut donc veiller à la préservation du gage des créanciers (L626-14 et R626-30 pour la radiation)

Le créancier inscrit ou nanti sur le bien déclaré inaliénable peut former tierce opposition au jugement qui décide d'inaliénabilité Cass com 3 octobre 2018 n°17-14933 (pour un compte titre dont le titulaire était également le créancier nanti)

Enfin l'indivisaire n'est pas privé de la faculté d'assigner en partage Cass com 10 février 2015 n°13-24659


In bonis

Terme latin, toujours employé dans le language juridique, qui qualifie quelqu'un qui est "maître de ses biens" et n'est donc pas en procédure collective.


Incompétence

Généralités

Dans la terminologie juridique, c'est le fait de ne pas avoir reçu de la loi la qualité pour juger du litige.

La loi fixe en effet des règles de compétence territoriale, et par exemple un juge de MONTPELLIER ne sera par forcément compétent territorialement pour juger une entreprise dont le siège social est à VIENNE.

La loi fixe également des règles de compétence en fonction de la matière, et par exemple le Tribunal correctionnel sera compétent pour juger des délits mais pas pour prononcer un divorce.

En matière de procédure collective, le partage de compétence est essentiellement entre le Tribunal et le juge commissaire, et la loi indique, en fonction de la demande, lequel des deux est "compétent".

La procédure

Une partie qui estime que le juge saisi du litige est "incompétent" doit soulever ce qu'on appelle une "exception d'incompétence", suivant des règles précises, c'est à dire invoquer le fait que le juge ne peut pas statuer sur ce qu'on appelle le fond du litige.

Il s'agit d'une exception de procédure qui doit donc être soulevée avant toute fin de non recevoir ou défense au fond (article 74 du CPC) (on dit in limite litis Voir cependant le mot pour les procédures orales)

L'article 75 du CPC précise que la partie qui soulève une exception d'incompétence doit la motiver et désigner, à peine d'irrecevabilité la juridiction compétente.

Dans certains cas le juge peut d'office relever son incompétence (article 76 du CPC) "L'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas." complété par l'article 77 du CPC

(toutefois le juge de l'exécution peut soulever d'office son incompétence cf article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution)

Les suites de la décision d'incompétence

Si le juge s'estime compétent l'affaire suit son cours (articles 78 et suivants du CPC)

A l'inverse, si le juge se déclare incompétent, l'article 81 du CPC précise que la portée de la décision d'incompétence dépend de la nature de la juridiction effectivement compétente:

- si la juridiction compétente est une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge renvoie les parties à mieux se pourvoir, autrement dit à réïtérer la procédure devant la bonne juridiction

- si la juridiction compétente est une juridiction du même ordre, le juge la désigne et cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi désigné.

Dans ce cas l'article 82 du CPC prévoit que l'affaire est transmise par le greffe à la juridiction compétente, devant laquelle les parties sont invitées à poursuivre l'affaire.

Autrement dit, sauf texte spécial (par exemple des dispositions spécifiques règlementent la décision d'incompétence du juge commissaire dans le cadre de la vérification des créances), les parties n'ont pas de diligence particulière à mener si le juge se déclare incompétent au profit d'une juridiction de l'ordre judiciaire: l'affaire est transférée à cette juridiction.

La décision d'incompétence a évidemment pour effet de dessaisir le juge qui l'a rendu (sauf si l'incompétence ne porte que sur une partie du litige).

Sur la question de la compétence, la décision a autorité de la chose jugée Cass soc 25 février 1988 n°85-42470 (mais le juge des référés peut être saisi même si le Tribunal judiciaire ex TGI s'est déclaré incompétent), et si pour trancher sur la compétence le juge a du trancher une question de fond, sa décision aura également autorité sur cette question 79 CPC Cass civ 3ème 16 février 1977 n°76-10281, Cass civ 2ème 8 février 1978 n°76-14049

Précisions étant faite que l'article 79 du CPC dispose "Lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes.

Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond."

Incompétence du juge commissaire en matière de vérification des créances

Voir vérification des créances


Incompétence du juge commissaire (vérification des créances)

Voir vérification des créances


Indemnité de licenciement

voir "salarié", "AGS" et "licenciement"

C'est l'indemnité allouée au salarié en cas de licenciement, censée l'indemniser du préjudice qu'il subi en raison de la perte de son emploi.

L'indemnité de licenciement est calculée à partir de la rémunération brute perçue par le salarié avant la rupture de son contrat de travail.

Elle dépend de l'ancienneté du salarié, et est calculée d'après les clauses du contrat, de la convention collective et à défaut du droit du travail (code du travail). Elle est due à tout salarié en CDI licencié avec une ancienneté supérieure ou égale à 8 mois (antérieurement un an et encore antérieurement pendant longtemps l'indemnité de licenciement n'était due qu'aux salariés justifiant d'une ancienneté de 2 ans, et la majorité des conventions collectives n'ont pas été révisées depuis: ainsi dans la plupart des cas, pour les salariés bénéficiant d'une ancienneté inférieure à 2 ans mais supérieure à un an, l'indemnité légale est plus favorable que l'indemnité conventionnelle).

L'ancienneté est calculée en années entières et mois entiers (sauf si la convention collective en dispose autrement), préavis compris y compris s'il n'est pas travaillé.

L'indemnité légale (c'est à dire prévue au code du travail dans les cas où ni le contrat de travail ni la convention collective applicable ne prévoit autre chose qui soit plus avantageux pour le salarié) ne peut pas être inférieure à 1/4 d'un mois de salaire par année d'ancienneté, et de 1/3 de mois par année supplémentaire au delà de la dixième.

Au visa de l'article 2331 4° du code civil, elle bénéficie du privilège des salaires "pour la totalité de la portion inférieure ou égale au plafond visé à l'article L. 143-10 du code du travail (devenu L3253-2 et L3253-3 et suivants) pour le quart de la portion supérieure audit plafond" (article 2375 du code civil). Au delà elle est chirographaire. Cass soc 17 juin 2009 n°07-20588


Indicateur Banque de France

Voir Banque de France


Indivision

Quelques points de la définition

Définition de l'indivision

Indivision et fonds de commerce indivis

Le partage d'indivision

le cas des biens non partageables: enchères sans possibilité de basculement sur une vente amiable

Indivision et liquidation judiciaire : sortie de l'indivision

Le liquidateur ne peut vendre le bien

L'indivision peut être inopposable à la liquidation

Le liquidateur peut céder les parts d'indivision

Le liquidateur peut provoquer le partage

l'action n'échappe pas au dessaisissement et c'est bien le liquidateur le demandeur

il n'y a pas lieu de saisir le juge commissaire

le objectifs du partage et la question d'un bien insaisissable indivis

le fondement légal de l'action du liquidateur

le juge compétent : Tribunal judiciaire ex TGI et alternative du juge aux affaires familiales: arguments

L'action du liquidateur n'est pas exactement l'action oblique

Le Tribunal judiciaire ex TGI est compétent mais l'alternative du juge aux affaires familiales est parfois retenue : arguments pour le Tribunal judiciaire (ex TGI)

Le traitement des formalités préalables de l'article 1360 du code civil

Les indivisaires ont des possibilités d'action

Les indivisaires peuvent payer le passif

Les indivisaires peuvent provoquer le partage

Les indivisaires peuvent invoquer le droit commun: sursis à statuer ...

Les créanciers de l'indivision et les créanciers des indivisaires in bonis

Créance de l'indivision et procédure collective d'un indivisaire : pas de déclaration de créance

Créance de l'indivision dans la procédure collective

Le cas particulier de l'immeuble insaisissable

Définition

Situation dans laquelle plusieurs personnes physiques ou morales (société ..) sont propriétaires ensemble d'un bien: le bien est indivis entre elles, dans des proportions déterminées.

Par exemple des époux mariés sous le régime de la séparation de biens qui ont acheté ensemble un bien (pas exemple une maison) sont indivis à 50% chacun. Il se peut également que des époux mariés en communauté divorcent, ce qui provoque une indivision entre eux, le temps que la liquidation de la communauté soit réalisée.

Contrairement à une idée reçue, l'acquisition en indivision faite par deux époux séparés de bien, sauf disposition particulière, aura pour conséquence qu'ils seront copropriétaire indivis à raison de 50% chacun, peu important que leur paricipation effective à l'acquisition soit inégalitaire:  cela n'empêchera pas par la suite de faire valoir des créances entre eux, mais la propriété sera égalitaire Cass Civ 1ère 10 janvier 2018 n°16-25190

Par exemple encore dans le cadre d'une succession il est fréquent que les héritiers qui n'ont pas partagé les biens soient copropriétaires indivis (dans des proportions qui dépendent de leur nombre)

Indivision et fonds de commerce indivis

Un fonds de commerce peut se trouver indivis, notamment en raison du décès de l’exploitant : en suite du décès il se peut que le conjoint survivant recueille l’usufruit du fonds de commerce, et ses enfants la nu propriété.

Il se peut également qu’un fonds de commerce soit acquis par deux personnes ensemble, sans convention particulière et que seulement l’une d’elles l’exploite.

Les articles 815-3 et 815-5-1 du code civil posent des règles pour la gestion et les actes de disposition :

« Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. »

Sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l'un des indivisaires se trouve dans l'un des cas prévus à l'article 836, l'aliénation d'un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance, à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.

Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l'aliénation du bien indivis.

Dans le délai d'un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.

Si l'un ou plusieurs des indivisaires s'opposent à l'aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.

Dans ce cas, le tribunal de grande instance peut autoriser l'aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

Cette aliénation s'effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l'objet d'un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l'indivision.

L'aliénation effectuée dans les conditions fixées par l'autorisation du tribunal de grande instance est opposable à l'indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l'intention d'aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa.

Ces règles, et notamment les règles de majorité, ont pour pendant que les indivisaires peuvent être réputés exploitants du fonds de commerce – même s’ils ont donné mandat express ou tacite à l’un d’eux, et à ce titre devoir supporter les obligations et responsabilités attachés à la position d’exploitant

On pense ici au rapprochement avec la société de fait qui a pour conséquence que les deux « associés » ont qualité d’exploitants (Cass com 28 nov 1972 n°71-12738, Cass com 6 février 1979 n°77-14983, Cass com 17 juin 1980 n°78-16247, Cass com 27 avril 1993 n°91-14882).

Ainsi les co-indivisaires s’exposent à avoir la qualité de commerçants même s’ils ne sont pas inscrits, à être actionnés par les créanciers, voire parfois à une action en confusion des patrimoines menées par le liquidateur de celui d’entre eux qui exploite pour leur compte à tous.

Certes la confusion des patrimoines ne peut découler que de l’indivision, mais facilite l’action éventuellement menée par le liquidateur

Le raisonnement généralement tenu semble reposer sur une recherche : pour le compte de qui le fonds de commerce est-il exploité ?

C’est semble-t-il d’ailleurs ce raisonnement qui a amené la Cour de cassation à refuser l'extension de la liquidation (des biens, mais le raisonnement est transposable à la liquidation judiciaire), par confusion des patrimoines, aux coïndivisaires héritiers dans une espèce n’avaient donné aucun mandat de gestion à la veuve, titulaire de l’usufruit sur le fonds de commerce (Cass. com., 7 févr. 1989, n° 87-17.689 ).

Ainsi il semble d’ailleurs que la meilleure protection des indivisaires d’un fonds de commerce soit de le laisser exploiter par l’usufruitier, ou à défaut de cette possibilité de concéder une location gérance du fonds de commerce à l’un d’eux, de telle manière que les choses soient clairement posées.

Le partage d'indivision

L’indivision est un mode de propriété partagée d’un ou plusieurs biens, suivant une clé de répartition qui dépend de la situation (le pourcentage n’est pas nécessairement égalitaire)

Cette situation découle soit de l’achat en commun d’un bien (par contrat, ou en raison du régime matrimonial des époux, ici la séparation des biens) soit d’une dévolution par succession (les héritiers reçoivent ensemble un ou plusieurs biens et n’effectuent aucun partage).

Cette situation est toujours consentie, et la règle est que nul n’est tenu de rester dans l’indivision.

Autrement dit, à tout moment, un des indivisaires peut choisir de sortir de l’indivision et de recevoir sa part.

Le partage qui découle de cette prétention peut être amiable, en cas d’accord, ou judiciaire si les indivisaires ne trouvent pas d’accord.

En pratique le partage amiable peut consister (après inventaire réalisé par un notaire d’il y a des immeubles) en plusieurs combinaisons : vente d’un ou plusieurs biens pour en partage le prix, attribution en nature de lots composés par les indivisaires et dont chacun représente la part de l’indivisaire concerné. L'acte de partage est notarié si l'indivision comprend des immeubles (835 du code civil)

Le partage judiciaire est de la compétence du Tribunal judiciaire (ex Tribunal de Grande Instance), saisi par tout indivisaires.

Au visa de l’article 1360 du code de procédure civile, l'assignation doit mentionner :

Le tribunal ordonnera

  • soit la licitation (vente aux enchères publiques du tout pour en partager le prix),

  • soit le partage, en fonction de la nature partageable ou pas des biens (par exemple deux appartements indivis équivalents entre deux indivisaires peuvent donner lieu à un partage qui conduira à l’attribution à chacun d’un appartement.)

Le tribunal peut désigner :

  • un juge pour surveiller les opérations

  • un notaire pour assurer les opérations de liquidation et de partage, établir un acte de partage ou un procès-verbal de difficultés en cas de contestation, exposer le résultat des opérations dans un état liquidatif soumis à l'homologation du tribunal

L'objectif: le partage et ses conséquences en cas de bien non partageable: enchères sans possibilité de basculement vers une vente volontaire

Il se peut que le bien ne soit pas partageable, c'est à dire qu'on puisse donner à chaque co-indivisaire la pleine propriété d'une partie correspondant à ses droits: par exemple 3 indivisaires sur un immeuble comportant trois appartements équivalents: le partage va consister à attribuer à chacun un appartement en pleine propriété. Le liquidateur de celui qui est en liquidation vendra ensuite cet appartement, sans que cela ait de conséquence pour les autres.

Si le bien n'est pas partageable, l'action du liquidateur va entraîner la vente du bien, et c'est le prix qui sera partagé à proportion des parts de chacun.

Plus précisément l'article 1377 du code civil procède par renvoi, aux articles 1271 à 1281 du code civil pour les immeubles et aux articles R221-33 et suivants du code des procédures civiles d'exécution pour les meubles

Il s'agit donc pour les immeubles d'une vente aux enchères dans les formes prévues pour la vente des biens des majeurs ou mineurs sous tutelle, et les différents textes (notamment l'article 1278 du code civil) ne prévoit aucun renvoi aux articles R322-20 et suivants du code des procédures civiles d'exécution: il n'y a donc pas de possibilité à ce stade de procéder à une vente amiable sur autorisation judiciaire.

Indivision et liquidation judiciaire: sortie de l'indivision

Le liquidateur ne peut vendre le bien indivis mais il peut participer à la vente avec les autres indivisaires

Par principe, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur ne peut vendre le bien indivis puisque le débiteur n'en est pas propriétaire.

Il peut cependant, avec tous les autres indivisaires, consentir à la vente du bien, les droits de la liquidation étant reportés sur la part de prix correspondant aux parts indivises du débiteur.

Même si le texte ne le prévoit pas expressément, il semble prudent que le juge commissaire statue sur l'autorisation donnée au liquidateur de ratifier, pour l'indivisaire débiteur, l'opération puisqu'il en dépendra la part de prix reçue et donc les droits des créanciers Cass civ 1ère 25 juin 2014 n°13-20312

L'article R641-30 du code de commerce prévoit pour sa part expressément que le juge commissaire convoque le conjoint indivis lorsque l'indivision résulte de la liquidation de communauté devient opposable aux tiers en cours de procédure collective. 

L'indivision peut être inopposable à la liquidation judiciaire

Si le débiteur qui change de régime matrimonial , en l'espèce pour passer d'un régime communautaire à un régime séparatiste, ou divorce avant le jugement d'ouverture, mais ne procède aux formalités d'opposabilité aux tiers (publication en marge de l'état civil, registre du commerce) que postérieurement, ou encore divorce après le jugement d'ouverture, les indivisaires ne peuvent se prévaloir de ce changement: le bien "indivis" sera réalisé par le liquidateur avant tout partage et son prix reviendra à la liquidation judiciaire comme s'il avait été un bien commun ( article 815-17 du code civil). Voir changement de régime matrimonial.

Le liquidateur peut céder les parts indivises

Le liquidateur peut céder les parts d'indivision de l'indivisaire en liquidation judiciaire. En effet un indivisaire (et ici représenté par son liquidateur) peut librement céder ses parts d'indivision (Cass civ 1ère 4 octobre 2005 n°03-12697)

Du strict point de vue de la procédure collective, il s'agit d'une cession des actifs du débiteur, régie par les articles L642-19 et suivants et R642-37-2 et suivants du code de commerce, qui requiert notamment une ordonnance du juge commissaire 

Il est fréquent que le co-indivisaire soit un membre de la famille du débiteur, et dans ce cas il semble nécessaire que ce soit, au visa de l'article L642-3 al 2 du code de commerce, le ministère public qui présente requête. En effet, par principe et sauf cette procédure dérogatoire qui nécessite une décision spécialement motivée (par exemple le fait que personne d'extérieur à la famille ne peut être intéressé), les proches du débiteur ne peuvent se porter acquéreur de ses actifs. 

Plus précisément, si du point de vue de la procédure collective l'opération est une cession, au regard du droit de l'indivision, le régime juridique de l'action dépend de deux questions:

- La vente de la part d'indivision à un tiers, c'est à dire à une personne qui n'était pas déjà indivisaire, est régie par le droit du contrat de vente. C'est l'action de droit commun visée à l'article 815-14 du code civil, et conformément à ce texte le projet de cession doit, à peine de nullité de la cession, être notifié aux indivisaires par acte extrajudiciaire (article 815-16 du code civil), de telle manière qu'ils puissent exercer leur droit de préemption

- la vente de la part d'indivision à un autre indivisaire est régie par l'article 883 du code civil  alinéa 2 et s'analyse en un partage "dès lors qu'elle fait cesser l'indivision en tout ou partie à l'égard d'un bien ou d'un indivisaire", c'est à dire si à la suite de l'opération soit un bien n'est plus indivis ou un ex-indivisaire ne fait plus partie de l'indivision (dans les autres cas c'est le droit de la vente qui s'applique). Ainsi notamment c'est l'article 889 du code civil qui s'applique à la lésion (plus du quart) ce dont les parties peuvent se prémunir en stipulant que la cession est faite aux risques et périls du cessionnaire ou présente un caractère aléatoire (article 891 du code civil) . Il est prudent de stipuler que le cédant est déchargé de toute garantie relativement à la valeur de la part indivise cédée et que le cessionnaire s'engage à en assumer toutes les charges connues ou inconnues. Il n'y a pas de droit de préemption des indivisaires dans ce cas de cession à un autre indivisaire.

La protection des créanciers est assurée par une faculté d'opposition à partage (article 882 du code civil) qui permet au créancier d'imposer que le partage se fasse en sa présence (et qu'il soit donc payé). Evidemment en cas de liquidation judiciaire une opposition d'un créancier antérieur à l'ouverture de la procédure collective serait irrecevable puisqu'il est représenté par le liquidateur, par hypothèse demandeur à la cession.

De même en droit commun une action paulienne des créanciers est possible si la cession est à vil prix ou avec une intention frauduleuse.

Dans tous les cas, il est opportun que la consistance le plus précise possible de l'emprise des droits cédés soit précisée dans l'offre du cessionnaire, et que le passif de l'indivision, qui viendra grever la valeur de chaque part indivise, soit déterminé avec le plus de précision possible ... mais là encore la prudence est de rechercher une cession "aux risques et périls du cessionnaire".

Par l'effet de la cession, le cessionnaire devient indivisaire aux lieu et place du cédant, et pourra notamment prétendre à sa part et/ou provoquer le partage (ces développements s'appliquent au cessionnaire de la totalité de la part indivise et pas à la cession des droits de l'indivisaire sur un bien déterminé)

Le liquidateur peut provoquer le partage de l'indivision

Le partage amiable ne relève pas du débiteur dessaisi Cass civ 1ère 7 novembre 2018 n°17-27272 

Le liquidateur est bien demandeur à l'action qui ne relève pas du débiteur

L'action en partage n'échappe pas au dessaisissement; autrement dit le débiteur en liquidation ne peut l'exercer, et l'action incombe au liquidateur (Cass com 3 decembre 2003 n°01-01390 et Cass com 1er Octobre 2013 n°12-20567)

En tout état le liquidateur peut provoquer le partage d'indivision  (cass civ 1ère 12 janvier 2011 n°09-17298) pour recevoir la part revenant au débiteur

Le juge commissaire n'a pas à être saisi

Il ne semble pas avoir besoin de saisir préalablement le juge commissaire, Cass com 3 octobre 2006 n°05-16463, Cass com 12 novembre 2008 n°07-17078 .

Pour autant la Cour de Cassation a jugé que le juge commissaire qui autorisait le liquidateur "en tant que de besoin" à assigner en partage ne commettait pas d'excès de pouvoir (Cass com 21 mars 2006 n°04-17953).

L'objectif le partage et le cas particulier du bien insaisissable

Voir le mot insaisissabilité

Le fondement légal de l'action du liquidateur:

Suivant que le liquidateur se positionne ès qualité de liquidateur du débiteur ou en qualité de représentant de la collectivité des créanciers, son action sera jugée comme relevant, dans le premier cas de l'article 815 du code civil, (sortie de l'indivision sur demande d'un indivisaire) et dans le second de l'article 815-17.(action d'un créancier d'un indivisaire)

La Cour de cassation semble admettre les deux visas:

- Cass com 3 octobre 2006 n°05-16463 vise l'article 815-17

Cass com 3 decembre 2003 n°01-01390 et Cass com 1er Octobre 2013 n°12-20567 visent l'article 815

Cependant on peut relever un piège de l'action fondée sur l'article 815 du code civil : l'action est irrecevable s'il s'agit du logement de la famille, sauf accord du conjoint, l'article 215 du code civil devant recevoir application Cass civ 1ère 3 avril 2019 n°18-15177. Cette décision est une fois de plus la marque de la très mauvaise imbrication du droit des procédures collectives dans le droit civil, et de la prééminence du droit civil chaque fois que possible.

Ainsi s'agissant du logement familial, le liquidateur sera inspiré de viser l'article 815-17 et par l'article 815.

Le juge compétent, et les dérogations par rapport aux textes et la mise à l'écart de l'action oblique des créanciers

L’action du liquidateur n’est pas exactement l’action oblique :

L'action d'un créancier au visa de l'article 815-17 du code civil est considérée par la Cour de Cassation (Cass civ 1ère 4 juin 2009 n°08-13009) comme l’action dite oblique de l’article 1341-1 du code civil (ex article 1166).

Les conditions de cette action oblique, au visa du texte, sont les suivantes :

« Lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »

Ainsi dans ce cas, le créancier exerce exactement l’action du débiteur négligent, et est soumis très exactement aux mêmes contraintes que lui (et encore que, comme indiqué plus bas, il est discutable que le juge compétent puisse être le juge aux affaires familiales si les indivisaires sont conjoints).

D’ailleurs la Cour de Cassation considère que pour exercer l’action oblique, le créancier agissant doit démontrer que son débiteur s'abstient d'exercer le droit dont il est titulaire (Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, n° 12-21.272), et il est conseillé en pratique au créancier de mettre en demeure son débiteur d'avoir à exercer son droit afin d'établir sa carence.

 En outre l’exercice de l’action oblique vaut mise en demeure pour le débiteur, lequel peut décider d’agir lui-même.

 En situation de liquidation judiciaire, par l’effet de dessaisissement, la question n’est pas de savoir si le débiteur est négligent ou pas : le débiteur ne peut agir.

C’est sur ce fondement que la Cour de Cassation écarte, en liquidation judiciaire d’un des indivisaires, l’action oblique d’un créancier, jugée impossible puisqu’il ne saurait être question de carence du débiteur, alors que c’est précisément une condition de l’action.

 La Cour de Cassation semble ainsi faire la distinction entre l’action oblique, exercée par hypothèse pas un créancier, et l’action du liquidateur, et écarte l’action oblique qui serait menée par un créancier en raison de la prétendue carence du liquidateur « pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur auquel aucun créancier ne peut se substituer pour recouvrer, fût-ce par voie oblique, une créance de la personne soumise à cette procédure collective » Cass com 3 avril 2001 n°98-14191.

 (Dans le même sens « l'action oblique nécessite, pour sa recevabilité, que ce soit le débiteur lui-même qui néglige d'exercer ses droits et actions, il s'ensuit que … est irrecevable à agir par la voie oblique, étant observé que, si le liquidateur judiciaire ne fait pas diligence, ce n'est pas par voie oblique que le créancier peut agir et qu'il lui appartient de demander le remplacement du liquidateur » CA Paris 19ème CH B 13 mars 1998 JCP E 1999 p 621 et commentaire de cet arrêt « une des conditions préalables à l'exercice de l'action oblique est que le débiteur néglige ses droits et actions et que cette négligence compromette à tel point les intérêts du créancier qu'il doit être autorisé à les exercer à sa place … Or, cette condition n'est plus remplie lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire puisqu'à compter du jugement de liquidation, il est dessaisi de tous ses droits au profit du seul liquidateur … compter de sa date, le jugement de liquidation judiciaire emporte de plein droit le dessaisissement du débiteur de ses droits et actions qui sont exclusivement exercés par le liquidateur. Du même coup, l'exercice de l'action oblique devient impossible car aucune négligence ne peut plus être constatée »

L’action du liquidateur n’est donc pas l’action oblique et est d’une autre nature : certes il agit en partage d’indivision soit aux lieu et place du débiteur, soit pour le compte des créanciers (et nous avons vu ci dessus que les deux fondements sont possibles) mais ce n’est pas en raison de la carence de ce dernier, c’est en raison des effets de la liquidation judiciaire, notamment le dessaisissement, et de sa mission d’ordre public de réalisation de l’actif.

L'action relève par principe du Tribunal judiciaire ex TGI et l'alternative du juge aux affaires familiales

Cependant cette question du juge compétent peut être source de questionnement si les indivisaires sont conjoints.

En effet  l'article L213-3 du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge aux affaires familiales connaît "2° Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence".

Ce texte se situe incontestablement dans un contexte de litige familial. Pourtant une très singulière décision de la Cour de Cassation (Cass civ 1ère 1er Juin 2017 n°15-28344) a jugé que "l'action par laquelle le créancier personnel d'un indivisaire provoque le partage d'une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l'action de ce débiteur" c'est à dire le juge aux affaires familiale.

Il s'agit d'une interprétation très (et sans doute trop) littérale de l'article L213-3  du code de l'organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales n'a certainement pas vocation à connaître des litiges entre un indivisaire et ses créanciers, au seul motif que l'indivision concerne deux conjoints. On peut ajouter que ce texte vise également le partage des intérêts des concubins, et le créancier n'est pas nécessairement informé de l'existence du concubinage, qu'il n'a aucun moyen de connaître: reconnaître au juge aux affaires familiales compétence dans un tel litige revient en réalité, dans certains cas, à un aléa sur la compétence: les concubins seraient libres ou pas par exemple de révéler leur concubinage pour invoquer ou pas l'incompétence de la juridiction saisie.

La raison serait que le juge aux affaires familiales connaisse exclusivement des litiges intra famille et de leurs suites, et que la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire ex TGI reste acquise pour les autres litiges et on peut penser que l'arrêt du 1er Juin 2017 n'est pas un arrêt de principe.

Il est en outre discutable que cette solution soit transposable à l'action du liquidateur, qui, comme indiqué ci dessus, n'est pas l'action oblique des créanciers mais une action attitrée, il serait donc logique que l’action en partage menée par le liquidateur échappe aux règles de compétence de ladite action oblique et relève de la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire ex TGI

Enfin et surtout il faut tenir compte de l'ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015 qui est venue modifier la compétence du juge aux affaires familiales postérieurement aux faits invoqués dans l'arrêt du 1er Juin 2017 et à l'entrée en vigueur de l'article L213-3 du code de l'organisation judiciaire (qui découle de la loi du 9 juillet 2010): en effet le nouvel article 267 du code civil précise que le juge aux affaires familiales statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux ... "s'il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties, notamment en produisant :

-une déclaration commune d'acceptation d'un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;

-le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255."

Ainsi la compétence du juge aux affaires familiales en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux est maintenant limitée exclusivement aux cas de désaccord entre époux (Dalloz Action droit et pratique de la procédure civile 2017/2018 n°122.681 et note 4.

Cet ajout par rapport au texte antérieur, destiné à restreindre la compétence du juge aux affaires familiales, vient conforter avec certitude l'analyse suivant laquelle ce juge n'est compétent que pour les litige familiaux donnant lieu à des désaccords sur le partage: ce n'est évidemment pas le cas dans le cadre d'une assignation en partage délivrée par le liquidateur, qui est totalement hors la compétence du juge aux affaires familiales délimitée par ce texte. 

Pour autant certaines juridictions semble retenir la compétence du juge aux affaires familiales, l'article L213-3 du code de l'organisation judiciaire devant, selon elle emporter cette compétence nonobstant l'article 267 du code civil.

D'ailleurs dans un autre domaine la Cour de Cassation admet que l'action du liquidateur n'obéit pas à toutes les règles de l'action de droit commun: les formalités préalables de l'article 1360 du code de procédure civile

La question peut se poser de savoir si le liquidateur qui agit sur le fondement de l'article 815 du code civil est tenu par les termes de l'article 1360 du code de procédure civile  et doit donc justifier de ses diligences préalables pour un partage amiable.

En premier lieu cela n'a de sens que si le bien est partageable et qui peut, à notre sens, se limiter à prévenir le débiteur d'avoir à proposer des solutions avant une assignation en partage. 

Le doute sur l'application du texte est cependant permis, car le texte n'est pas applicable à l'action d'un créancier d'un des co-indivisaires sur le fondement de l'article 815-17 du code civil (Cass Civ 1ère 11 septembre 2013 n°12-17173 ) et donc pas non plus au liquidateur d'un des co-indivisaires cass civ 1ère 13 janvier 2016 n°14-29534

L'avis majoritaire est que le liquidateur est dispensé d'avoir à justifier des formalités visées à l'article 1360 du code de procédure civile (démarches en vue de parvenir à un partage amiable) Cass civ 1ère 13 janvier 2016 n°14-29534

Le principe est en effet que le liquidateur qui provoque le partage pour le compte des créanciers n'est pas soumis aux règles de l'article 1360 du code de procédure civile qui impose à l'indivisaire qui sollicite le partage de préciser les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable, car dans ce cas le liquidateur mène son action pour le compte des créanciers, et cette action "oblique" en partage n'est soumise qu'à l'article 815-17 du code civil (Cass civ 1ère 13 janvier 2016 n°14-29534, Cass civ 1ère 25 septembre 2013 n°12-21272 pour un créancier). 

(on en tire que c'est a priori le liquidateur qui participe à la décision de limiter les enchères entre les indivisaires, comme le prévoit l'article 1378 du code de procédure civile)

Les indivisaires ont des possibilités d'action: le télescopage du droit des procédures collectives et du droit de l'indivision est en faveur du droit de l'indivision

Les indivisaires peuvent payer le passif de l'indivisaire pour éviter le partage

Les co-indivisaires peuvent, pour éviter l'action en partage initiée par le liquidateur, proposer de lui payer la totalité du passif de celui d'entre eux qui est en liquidation (article 815-17 du code civil alinéa 3). Ce processus suppose que le passif soit définitivement arrêté et si le liquidateur ne veut pas s'exposer à une demande de sursis à statuer il conviendra qu'il ait mené à bien la vérification des créances Cass civ 1ère 27 mai 2010 n°09-11460 Cass Civ 1ère 20 décembre 1993 n°92-11189 

La somme à payer pour éviter l'action en partage correspond au solde nécessaire pour payer le passif, déduction faite des sommes encaissées par le liquidateur Cass com 26 septembre 2007 n°06-12987 Cass com 22 février 2017 n°15-18657 ce qui implique évidemment à notre avis le paiement préalable des frais de justice (honoraires du liquidateur et autres frais engagés), et d'ailleurs ce ne sont pas simplement le passif et l'actif que le liquidateur doit verser aux débats mais "les comptes de la liquidation" Cass civ 1ère 9 juillet 2003 n°00-21747, c'est à dire notamment les dépenses de procédure

Les indivisaires peuvent provoquer le partage

Les co-indivisaires peuvent eux mêmes provoquer le partage, nonobstant la liquidation judiciaire de l'un (autre) d'entre eux.

Les indivisaires peuvent invoquer le droit commun de l'indivision: sursis à partage, attribution préférentielle et maintien de l'indivision

Les règles de droit commun de l'indivision qui doivent s'appliquer. Concrètement le liquidateur n'a pas plus de droit qu'un autre indivisaire et les règles du code civil s'appliquent.

Les demandes de maintien dans l'indivision et d'attribution préférentielle des indivisaires doivent être examinées préalablement (Cass com 20 septembre 2017 n°16-14295) à l'application des règles de la procédure collective, ainsi d'ailleurs que les demandes de sursis à partage (et l'attribution préférentielle de l'épouse, dans le cadre d'un divorce, ne peut être demandée qu'en présence du liquidateur Cass com 7 avril 2009 n°08-16510 )

L'article 815-1 du code civil envisage également des conventions passées entre les indivisaires, notamment de maintien dans l'indivision (prises à l'unanimité et par un écrit, au visa de l'article 1873-2 du code civil ,et encore sous réserve de la signification de l' article 1690 du code civil , s'il y a des créanciers, et de publicité au fichier foncier s'il y a un immeuble) et leur validité, déjà à envisager très restrictivement et notamment au regard d'une éventuelle action paulienne, doit également être examinée à notre avis à la lumière de la nullité de la période suspecte.

En tout état l'ex conjoint ou tout autre indivisaire peut solliciter l'attribution préférentielle du bien indivis (Cass com 30 janvier 2007 n°05-19787 Cass com 10 février 1998 n°96-13653) mais évidemment à charge de payer une soulte aux autres indivisaire (article 831 du code civil) Cass com 3 octobre 2006 n°05-16463 pour une vérification de l'aptitude de l'indivisaire à payer la soulte.

Ainsi les créanciers de l'indivisaire en procédure collective ne sont pas lésés par l'attribution préférentielle puisque la liquidation judiciaire recevra ce qu'elle aurait reçu si l'action en partage avait prospéré. L'attribution n'est d'ailleurs pas de droit, et est à l'appréciation du juge qui peut la refuser si elle met en péril le règlement des créancier qu'elle rend impossible.

Pour ce qui concerne le sursis à partage, les droits des créanciers sont potentiellement lésés, ce sursis pouvant être ordonné pour une période allant jusqu'à deux ans (article 820 du code civil) y compris en cas de liquidation judiciaire d'un des indivisaires Cass civ 1ère 10 février 1998 n°96-13653

Enfin les droits des créanciers sont encore plus atteints si le juge accorde le maintien dans l'indivision (articles 821, 821-1 et suivants du code civil) puisque dans ce cas le maintien peut être ordonné pour une période de 5 ans renouvelable (article 823 du code civil) . Pour un exemple de maintien dans l'indivision et d'attribution préférentielle à l'un des indivisaires qui mettent en échec la demande de sortie de l'indivision du liquidateur Cass com 20 septembre 2017 n°16-14295

Les créanciers de l'indivision et les créanciers des indivisaires in bonis

A priori les créanciers de l'indivision (et non pas les créanciers de l'indivisaire en procédure collective) peuvent faire vendre le bien nonobstant la liquidation de l'un d'eux Cass com 16 mai 2013 n°12-16216 (et ils n'ont pas de créance à faire valoir au passif du débiteur indivisaire, voir ci après)

L'appellation de créancier de l'indivision peut recouper à la fois les créanciers qui ont une créance à faire valoir sur le bien indivis (conservation par exemple) et, de manière moins académique les créanciers de tous les indivisaires (Cass com 18 février 2003 n°00-11008). Les créanciers de l'indivision n'ont pas à saisir le juge commissaire pour rechercher la saisie du bien indivis Cass civ 1ère 24 mai 2018 n°16-26378 et 17-11424

Par contre les créanciers de l'un des indivisaires in bonis peuvent solliciter le partage.

Procéduralement vis à vis de l'indivisaire en liquidation, certaines décisions ont considéré que l'action du créancier était conditionnée par la saisine du juge commissaire - ce qui est singulier Cass com 22 avril 1997 N°94-19420 - sauf évidemment si le liquidateur n'a pas entrepris le partage dans les trois mois (Cass com 6 juillet 1999 n°97-14096) ... mais tout cela est très étonnant puisque le liquidateur lui même n'a pas à saisir le juge commissaire pour provoquer le partage. D'ailleurs d'autres décisions plus récentes ne font pas allusion à autre chose que le commandement de droit commun (Cass civ 1ère 14 juin 2000 n°98-10577, Cass com 19 décembre 2000 n°97-17728, Cass com 28 juin 2005 n°02-20452), à la condition évidemment que le créancier soit créancier de tous les indivisaires (Cass com 11 décembre 2001 n°98-15022).

Créance sur l'indivision et procédure collective d'un indivisaire : pas de déclaration de créance

Dans tous les cas les créanciers de l'indivision ( et ça peut être un indivisaire), c'est à dire en réalité de tous les indivisaires sont payés par prélèvement sur le prix avant son partage, et sans qu'ils aient eu à déclarer créance au passif de celui qui est en liquidation (par exemple Cass com 2 Juin 2015 n°12-29405, Cass com 7 février 2012 n°11-12787, Cass 1er civ 13 décembre 2005 n°02-17778 Cass civ 1ère 26 juin 2019 n°17-26154 et avant les créanciers de l'un des indivisaires Cass civ 2ème 20 octobre 2022 n°21-10150

Créance de l'indivision dans la procédure collective

Tout indivisaire peut déclarer créance pour préserver les droits de l'indivision au passif (Cass Civ 1ère 14 Mars 2012 n°10-10006 Cass com 11 juin 2003 n°00-11913)

Voir également les mots "divorce" et "communauté"

Le cas particulier de l'immeuble insaisissable

Voir le mot


Information des salariés et cession de fonds de commerce ou de participation

Voir la page Cession information des salariés


Infractions spécifiques à la procédure collective

La loi organise le délit de banqueroute.

Indépendamment de ce délit spécifique aux agissements du dirigeant ou du débiteur, les textes organisent une série de délits.

- article L654-8 du code de commerce: paiements d'une créance antérieure, paiement en violation des dispositions du plan,

- article L654-9 du code de commerce: soustraction ou dissimulation d'actif, déclaration de créance fictive,  

- article L654-10 du code de commerce: dissimulation d'actif par des proches du débiteur

(la procédure pour ces 3 délits est organisée par l'article L654-11)

- article L654-12 : infraction sanctionnant les mandataires de justice qui portent volontairement atteinte aux intérêt des créanciers ou du débiteur et utilisant à son profit les sommes détenues ou en se faisant attribuer des avantages indus, font des actes dans son intérêt personnel, se portent acquéreur des biens du débiteur (acte sur lequel la juridiction prononcera la nullité)

- article L654-13 : infraction sanctionnant le créancier qui bénéficie d'un avantage particulier après le jugement

- article L654-14 : infraction qui sanctionne le débiteur qui dissimule des actifs ou se reconnait débiteur de sommes qu'il ne doit pas ou le dirigeant condamné en comblement de passif pour ces actes

- article L654-15 : exercice d'une activité en violation d'une interdiction

Les règles de procédure sont fixées par les articles L654-16 et suivants

 

 

 

 

 


In limite litis

Expression latine signifiant " dès le commencement du procès".

Les exceptions de procédure (incompétence, litispendance, connexité, exceptions dilatoires, exceptions de nullité) doivent être soulevés in limine litis, (article 74 du CPC) c'est à dire avant toute défense au fond (cela peut être dans les mêmes conclusions mais cela doit être positionné avant). 

Il convient de relever qu'en procédure orale, il importe peu que la partie ait conclu au fond avant de soulever une exception de procédure, dès lors que l'ordre des moyens s'apprécie au stade de la plaidoirie : il suffit donc de plaider l'exception en premier Cass com 9 avril 1991 n°89-17564 (relativement imprécis) et Cass civ 2ème 16 octobre 2003 n°01-13036. ou Cass civ 2ème 1er octobre 2009 n°08-14135

(sauf semble-t-il pour l'exception d'appel en garantie) 

Contrairement à ce qui est parfois soutenu, le défendeur qui invoque une exception de procédure n'a pas à plaider cette exception avant le demandeur, l'ordre des débats restant celui fixé par l'article 440 du CPC c'est à dire le demandeur puis le défendeur 

Il s'agit d'éviter qu'un procès se déroule inutilement, si en réalité il s'avère dès le début que, pour des raisons de procédure, il ne peut perdurer.

Concernant les exceptions de nullité, il convient de distinguer: les exceptions de nullités pour vice de forme doivent être soulevées in limine litis ou en ou état au fur et à mesure qu'elles surviennent (article 112 du CPC) et non les nullités pour irrégularité de fond (article 118 du CPC) ni les fins de non recevoir (article 123 du CPC)


Inopposabilité

La notion d'inopposabilité est souvent retenue en procédure collective, pour pallier l'impossibilité de retenir une nullité sans texte: l'acte est déclaré inopposable à la procédure.

C'est parfois le cas en matière de dessaisissement. pour les actes effectués par le débiteur seul.

C'est par exemple également le cas en matière de revendication: le bien non revendiqué ne fait pas l'objet d'un "véritable" transfert de propriété au profit du débiteur en procédure collective: le droit de propriété du véritable propriétaire est frappé d'une simple inopposabilité des droits de celui qui a négligé de revendiquer dans les délais: il ne peut se prévaloir de sa propriété vis à vis de la procédure collective, mais pourra le faire entre les mains de l'acquéreur de mauvaise foi: si le liquidateur vend à un tiers un bien qui n'a pas été revendiqué dans les délais, il est fondé à le faire, mais si l'acquéreur savait parfaitement qu'il se portait acquéreur d'un bien qui était le propriété d'un tiers, il subira l'action du véritable propriétaire, qui n'a pas perdu sa propriété (Cass com 15 déc 2015 n°13-25566).

Ce n'est par contre pas le cas d'un acte effectué par le débiteur avant l'ouverture de la procédure collective mais non encore publié alors qu'il aurait dû l'être : il est sans doute opposable aux tiers, mais n'est pas jugé inopposable à la procédure collective dès lors que le liquidateur se prévaut du dessaisissement, c'est à dire d'un qualité qui n'est pas celle d'un tiers Cass Civ 3ème 4 octobre 2018 n°17-16764. On peut penser que le liquidateur aurait pu agir au nom des créanciers pour contourner la difficulté ou invoquer une nullité de la période suspecte.

L'inopposabilité se limite à la procédure collective, et n'a pas de conséquence par exemple vis à vis du cessionnaire de l'entreprise (Cass soc 5 novembre 2014 n°13-19662 pour une clause d'un contrat de travail conclu sans l'administrateur judiciaire, reconnue opposable au cessionnaire de l'entreprise)


Inopposabilité de la créance non déclarée (effet de la forclusion)

Quelques points de la définition

Le principe inopposabilité de la créance non déclarée

Durant la procédure collective

En phase d'exécution du plan

Après achèvement de la procédure

Après totale exécution du plan

En cas de clôture du redressement pour extinction du passif ou de sortie de la sauvegarde par constat de l'achèvement des difficultés

En cas de résolution du plan

En cas de clôture de la liquidation judiciaire

En cas de reprise des poursuites possibles: la prescription

Le sort des cautions

L'action contre l'assureur

La différence entre créance non déclarée et créance mal déclarée

L'aspect fiscal

Le principe: la créance non déclarée est inopposable à la procédure collective

Durant la procédure collective

L'article L622-26 du code de commerce pose un principe d'inopposabilité de la créance non déclarée au passif : "Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie"

(par exemple Cass com 20 mai 1997 n°95-11915, Cass com 3 novembre 2010 n°09-70312) et n'ayant pas fait l'objet d'un relevé de forclusion. (voir aussi forclusion) c'est à dire que le créancier ne pourra pas s'en prévaloir. Cass com 3 novembre 2010 n°09-70312 y compris durant le plan de redressement Cass com 6 juin 2018 n°16-23996 et y compris dans le cadre d'une compensation Cass com 3 mai 2011 n°10-16758, Cass com 19 juin 2012 n°10-21641

Cette situation découle des textes en vigueur depuis la loi de sauvegarde de 2005 et est une évolution par rapport aux droits antérieurs, suivant lesquels la créance non déclarée était éteinte, et est la conséquence d'une harmonisation européenne.

Antérieurement la loi disposait que la créance non déclarée était éteinte, ce qui est une conséquence plus grave, notamment à l'encontre des cautions, qui ne pouvaient être actionnées et qui, dans la nouvelle législation pourront être actionnées sans si elles démontrent que l'absence de déclaration de créance leur cause un grief (par exemple la perte de la subrogation). De même l'extinction de la créance privait le créancier qui avait omis de déclarer créance dans un redressement judiciaire suivi d'un plan, de la possibilité de déclarer créance en cas de résolution du plan et de liquidation judiciaire consécutive: l'extinction de la créance était définitive ( Cass com 3 Mai 2011, p 10-15913). Cette solution est maintenant assouplie en conséquence de l'inopposabilité de la créance qui remplace l'extinction

Ainsi la créance non déclarée ne disparait pas juridiquement, mais est ignorée dans les répartitions effectuées durant la procédure.

En phase d'exécution du plan

Le texte précise également que cette inopposabilité perdure après l'exécution d'un plan de redressement ou de sauvegarde: autrement dit, si le plan est intégralement exécuté, le créancier ne pourra plus exercer ses droits contre l'entreprise (ce qui n'était pas le cas dans les législations antérieures) (voir également Cass com 27 septembre 2017 n°16-19394 Cass com 9 septembre 2020 n°19-10206

En effet l'article L622-26 alinéa 2 du code de commerce dispose que les créances forcloses sont inopposables à la procédure pendant l'exécution du plan et après cette exécution: autrement dit le créancier ne pourra plus solliciter le paiement de sa créance. Cette solution ne semble pas être transposable en cas de clôture de la sauvegarde par sortie des difficultés ni du redressement judiciaire par extinction du passif  (encore que les auteurs soient divisés. Voir Etude Revue Procédures collectives 2013 n°29)

Le même article L622-26 prévoit que l'inopposabilité bénéficie à la caution personne physique durant l'exécution du plan de sauvegarde (et donc pas plan de redressement, ni après l'exécution). Pour plus de précisions voir le mot caution 

Après achèvement de la procédure collective

En cas de plan totalement exécuté

En cas de respect des engagements du débiteur dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement la loi prévoit que la créance non déclarée reste inopposable au débiteur même après l'exécution du plan (l'article L622-26 alinéa 2 pour la sauvegarde et L631-14 pour le redressement judiciaire). Ainsi la créance non déclarée et non relevée de forclusion ne pourra donner lieu à aucune poursuite (ce qui est une différence majeure avec la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif)

En cas de clôture du redressement judiciaire par extinction du passif et de sortie de la sauvegarde par constat de l'achèvement des difficultés

Cette solution d'inopposabilité de la créance non déclarée ne semble pas être transposable en cas de clôture pour extinction du passif du redressement judiciaire, ni de sortie de la sauvegarde par constat de l'achèvement des difficultés puisque le texte ne le prévoit pas : le créancier devrait donc pouvoir demander à être payer.

En cas de résolution du plan

En cas de résolution d'un plan non exécuté et d'ouverture d'une nouvelle procédure, la créance, qui n'a pas juridiquement disparu, peut donner lieu à une action du créancier: plus précisément  il peut déclarer créance au passif de la nouvelle procédure collective. Cass com 9 septembre 2020 n°19-10206

En effet sa créance, puisqu'elle n'est pas éteinte, et elle peut être invoquée dans la nouvelle procédure, sous réserve de la prescription.

En cas de liquidation judiciaire clôturée

Enfin après clôture pour insuffisance d'actif d'une liquidation judiciaire, d'une manière générale les créanciers ne retrouvent pas leurs droits de poursuite, (par principe) et il n'en est évidemment pas différemment pour ceux qui n'ont pas fait valoir leur créance. Sauf si le créancier forclos se trouve dans le cadre des exceptions prévues à l'absence de reprise des poursuites, il ne pourra donc pas reprendre les poursuites contre son débiteur

Il peut y avoir débat sur le sort de la créance non déclarée en cas de  clôture pour extinction de passif d'une liquidation judiciaire: tous les créanciers qui ont déclaré créance sont payés.

Dans ce cas, la créance, qui n'a pas juridiquement disparu, peut donner lieu à une action du créancier: il peut poursuivre le débiteur qui a bénéficié d'une clôture pour extinction du passif et agir en recouvrement de sa créance, l'absence de reprise des poursuites étant strictement limitée par l'article L643-11 à la clôture pour insuffisance d'actif

Dans les cas où la reprise des poursuites est possibles: la limite de la prescription

La limite aux possibilités de reprise des poursuites réside dans la prescription, et il y a débat sur l'application au créancier qui n'a pas déclaré créance de l'article L622-21 du code de commerce selon lequel par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective "les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus"

La question de savoir si le créancier forclos bénéficie de l'interruption des délais de prescription de l'article L622-21 du code de commerce se pose.

A priori le jugement d'ouverture a un effet suspensif du délai de prescription, et la prescription ne devrait donc pas courir tant que la procédure collective n'est pas clôturée, y compris pour les créanciers qui n'ont pas déclaré créance. Cependant certains auteurs soutiennent que ce texte ne bénéficie qu'aux créanciers qui ont déclaré créance, ce qui n'est pas une distinction qui découle expressément du texte. Il ne semble pas logique d'écarter le bénéfice de ce texte pour le créancier qui n'a pas déclaré créance, puisque, forclos ou pas, la suspension des poursuites s'impose à lui durant la procédure collective: logiquement il devrait donc pouvoir bénéficier de l'interruption de la prescription qui est le pendant de la suspension des poursuites.

Les cautions peuvent se prévaloir de cette inopposabilité dans certains cas.

Voir le mot Caution

L'action contre l'assureur est préservée

Nonobstant l'absence de déclaration de créance, et la créance n'étant pas éteinte, l'action contre l'assureur est possible et celui-ci doit indemniser la victime du débiteur Cass com 27 novembre 2019 n°18-13730

Voir aussi action directe

Débat sur la notion de créance non déclarée : distinction avec la créance irrégulièrement déclarée ? Le sort de la garantie de la créance

Par un singulier arrêt la cour de Cassation a retenu "Attendu que, pour rejeter la demande du débiteur, l'arrêt retient que la déclaration de créance ayant été déclarée irrégulière, la créance n'est pas éteinte mais seulement inopposable à la procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 624-2 du code de commerce, qui prévoit que le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, ne distingue pas entre les différents motifs de rejet d'une créance déclarée, de sorte que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu'une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est, au sens du texte précité, une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de la sûreté qui la garantissait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
  Cass com 4 mai 2017 n°15-25854

Cette décision assimile la créance non déclarée (ou plus exactement ici la créance mal déclarée puisque le signataire n'avait pas qualité, dont on sait qu'elle est inopposable, avec une créance qui a fait l'objet d'une décision de rejet, le juge commissaire l'écartant comme étant mal déclarée.

La conséquence est que le nantissement est invalidé lui aussi.

Le traitement fiscal

Les auteurs sont assez divisés sur le traitement fiscal de la créance non déclarée, tenant le fait que son sort définitif est dépendant de l'issue de la procédure collective: ce n'est par exemple que si le plan est totalement exécuté, ou si la liquidation est clôturée pour insuffisance d'actif que le créancier ne retrouve pas ses droits d'agir contre le débiteur, et ce n'est qu'en cas de prescription qu'il ne retrouve pas ses droits en cas de plan exécuté ou de clôture pour extinction du passif.

Il semble donc a priori fondé que dans les comptes du débiteur, la contrepassation de la créance, le produit exceptionnel qui en découle et la réintégration de la TVA déduite initialement (en cas de comptabilité d'engagement) soient différés jusqu'à ces évènements. C'est en tout état la position de certains auteurs.

Dans les comptes du créancier, les opérations symétriques (perte, TVA ...) pourraient être effectuées de la même manière.

Evidemment le débiteur ne verra pas d'urgence à générer des produits taxables, alors que le créancier se pressera de générer des pertes. 

Toute décision de comptabilisation devra être confortée par l'analyse d'un expert comptable, et après vérification de la position de l'administration fiscale et de la jurisprudence.


INPI

Institut National de la Propriété Insustrielle

Depuis mars 2017, l'INPI met gratuitement à disposition les comptes sociaux publiés, issus du registre du commerce (site inpi.fr)


Inscriptions et arrêt du cours de inscriptions

Voir arrêt du cours de inscriptions


Insolvabilité

C'est le terme employé dans le cadre de l'harmonisation Européenne pour désigner le traitement des difficultés des entreprises.

Un règlement d'exécution du 12 juin 2017 met en place des formulaires harmonisés pour l'Union Européenne (JOUE L 160/1 22 juin 2017)


Installation classée pour la protection de l'environnement et liquidation judiciaire

En application de l'article R512-39-1 du code de l'environnement,

"I.-Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. Ce délai est porté à six mois dans le cas des installations visées à l'article R. 512-35. Il est donné récépissé sans frais de cette notification.

II.-La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site. Ces mesures comportent, notamment :

1° L'évacuation des produits dangereux, et, pour les installations autres que les installations de stockage de déchets, gestion des déchets présents sur le site ;

2° Des interdictions ou limitations d'accès au site ;

3° La suppression des risques d'incendie et d'explosion ;

4° La surveillance des effets de l'installation sur son environnement."

Ainsi, la liquidation judiciaire d'une entreprise soumise aux articles L511-1 à L514-20 et R511-9 à R517-10 du code de l'environnement imposent à l'exploitant (et peut-être au liquidateur, même si le texte ne le précise pas) de notifier au préfet (avec copie à la direction régionale de l'environnement) la décision de liquidation judiciaire et les dispositions prises (ou s'il n'a pas pu en être prise, le fait que rien n'a pu être faut). Un formulaire spécifique existe. 

Certains auteurs soutiennent qu'à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire, le site pollué pourrait suivre le statut des biens qui n'ont pas de propriétaire connu (article 713 du code civil) ce qui nous semble un peut hâtif, pour deux raisons :

- A priori un bien non réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire appartient pour autant au débiteur. Même si le débiteur est une personne morale, la société est en liquidation au sens du droit des sociétés par l'effet de la clôture liquidation judiciaire (et plus tard le cas échéant à une indivision entre les associés) 

- SI les installations sont sur un terrain qui appartient à un tiers, le liquidateur résiliera le bail et (malheureusement) le bailleur devra s'en débrouiller. 


Instance en cours (et procédure collective)

Voir aussi le mot mandataires de justice changement de qualité, et suspension des poursuites

Quelques points de la définition

Interruption des instances en cours par le jugement d'ouverture : deux notions qui peuvent se cumuler

Au regard du temps : instance engagée avant le jugement d'ouverture

Interruption de toutes les instances auxquelles le débiteur est partie, en raison des règles de procédure civile : les conditions

Les trois types d'action

Les instance en cours au sens de la procédure collective menée contre le débiteur et tendant au paiement d'une somme d'argent,:  (et variante fiscale et sociale) mutation en action en fixation d'une créance

Au regard des parties

Au regard de l'objet: demande en paiement

Variante fiscale

Au regard de la nature: instance au fond

Le principe d'interruption

Obligation de signalement par le débiteur, modalités et sanctions

Reprise après déclaration de créance et traitement de l'instance en cours par le juge commissaire dans le cadre de la vérification des créances

Modalité procédurale de la reprise d'instance

Péremption de l'instance non reprise

Décision rendue sans les mandataires judiciaires : non avenue et créance inopposable

La mention de l'instance reprise sur l'état des créances

La décision rendue après reprise d'instance ne constitue pas un titre exécutoire

Les instances devant le juge administratif

Les instances devant la juridiction prud'homale

Les instances qui ne tendent ni au paiement ni à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement

Instance dont l'objet est indivisible

Interruption des instances en cours par le jugement d'ouverture de la procédure: 

La loi organise une double interruption des instances en cours auxquelles le débiteur est partie au jour du jugement d'ouverture de la procédure :

- toutes les instances sont interrompues par l'effet du jugement (sous certaines conditions) en application des règles de procédure civile

- avec un traitement particulier pour celles dans lesquelles le débiteur en procédure collective est défendeur et qui tendent à la condamnation au paiement, et un traitement particulier pour les instances prud'homales  en application des règles du droit des procédures collectives.

Interruption de toutes les instances dans lesquelles le débiteur est partie en application des règles de procédure civile : les conditions

En application de l'article 369 du CPC  les instances auxquelles le débiteur est partie (qu'il soit en demande ou en défense) sont interrompues par "l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur"

Autrement dit la sauvegarde et le redressement judiciaires interrompent l'instance si un administrateur judiciaire est nommé avec fonction d'assistance ou mission de gestion, et la liquidation judiciaire emporte interruption de l'instance.

Pour plus de détail voir interruption de l'instance 

Le principe d'interruption

La loi prévoit que les instances en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective sont interrompues de plein droit par le jugement (par l'effet de l'article 369 du CPC).

En liquidation judiciaire la Cour de Cassation considère que seul le liquidateur, qui représente le débiteur, peut se prévaloir de l'interruption de l'instance Cass com 13 décembre 2017 n°16-21375 mais manifestement la jurisprudence n'est pas totalement stabilisée sur cette question

Le jugement d'ouverture a pour effet d'interrompre l'instance et pas de rendre la demande irrecevable Cass com 8 décembre 2021 n°20-10075

Notion temporelle: instance engagée avant le jugement d'ouverture de la procédure collective

Au sens du dispositif régissant les instances en cours, la notion recoupe avant tout une procédure initiée avant le jugement d'ouverture. Cass com 7 février 2012 n°11-15528, Cass com 19 juin 2012 n°11-18282 prises a contrario

Une action engagée postérieurement au jugement d'ouverture n'est pas une instance en cours Cass com 25 octobre 2023 n°22-18075

Ainsi pour que l'action soit en cours il faut que l'assignation soit non seulement délivrée mais en outre enrôlée.(article 757 du CPC) le juge doit être saisi et l'assignation mise au rôle  Cass com 12 janvier 2010 n°08-19645

Il convient que le jugement d'ouverture de la procédure intervienne avant l'ouverture des débats (Cass com 14 février 1995 n°93-14198) à défaut de quoi l'instance sera réputée valablement poursuivie (article 371 du CPC). Cass com 3 février 2021 n°19-15885

A l'inverse les actes et décisions rendues sans le respect de l'interruption de l'instance sont non avenus (article 372 du CPC). Pour plus de précision

L'instance est alors reprise volontairement (intervention volontaire) par l'administrateur judiciaire ou le liquidateur, et à défaut sur citation (en intervention forcée) (article 373 du CPC) Voir ci dessous

Il importe peu que l'instance ait été radiée,(Cass com 8 avril 2015 n°14-10172) mais évidemment un instance dont le demandeur s'est désisté n'est plus en cours, pas plus qu'une instance en délibéré. Cass soc 17 avril 2019 n°17-28567 et Cass soc 17 avril 2019 n°17-28566, la juridiction n'ayant pas rouvrir les débats en cas de procédure collective ouverte en cours de délibéré. 

(la péremption d'instance doit être constatée par le juge devant laquelle elle se déroule, et l'instance est donc en cours tant que la péremption n'est pas constatée par cette juridiction, le juge commissaire ne pouvant lui même retenir la péremption

Au visa de l'article 371 du CPC, l'interruption de l'instance en cours s'impose si le jugement d'ouverture de la procédure est intervenu avant l'ouverture des débats (et donc a contrario par si le jugement d'ouverture intervient après ouverture des débats) Cass com 3 avril 2019 n°17-27529

Les trois types d'action en cours

On peut distinguer trois types d'action, qui suivront un sort différent :

- les actions qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent.

- les instances qui tendent au paiement d'une somme d'argent, qui sont "mutées" en action en fixation de la créance,

- les action prud'homales,

Les instances en cours qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent ou à la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement

Après avoir subi l'interruption prévue par la procédure civile, et au visa de l'article L622-23 du code de commerce, ces instances sont poursuivies après mise en cause des mandataires de justice (ce texte est rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L641-1 du code de commerce

C'est notamment le cas d'une action en résolution ou annulation menée sur le fondement du code de la consommation, dès lors qu'elle ne tend ni à réclamer une somme d'argent ni au paiement, ni à la résolution pour défaut de paiement Cass com 7 octobre 2020 n°19-14422 ou d'une action en référé d'une SCI pour une action en rétablissement d'une voie d'accès Cass civ 3ème 20 avril 2023 n°21-19379

Les instances en cours au sens des règles de la procédure collective, menées contre le débiteur et tendant au paiement d'une somme d'argent : mutation vers une action tentant à la fixation d'une créance ( une "variante" pour les créances fiscales et sociales)

L’article L622-22 du code de commerce impose au débiteur d’informer son adversaire de l’ouverture de la procédure, sous la sanction, si c'est sciemment, de l’interdiction de gérer (article L653-8)

Notion de partie

Il s'agit d'instance menée contre le débiteur Cass com 10 mai 2005 n°04-11338 Cass com 27 mai 2008 n°06-20483 tendant à obtenir une décision sur le principe et le montant d'une créance sur le débiteur Cass com 2 octobre 2012 n°11-21529

Ce n'est pas le cas par contre des instances dans lesquelles le débiteur est demandeur ou pour les créances dont il est titulaire, qui ne sont pas des instances en cours au sens du texte (Cass civ 3ème 7 septembre 2017 n°16-19874) : à ce sujet voir le dessaisissement .

Les instances prud'homales, qui sont pourtant en cours, ne sont cependant pas non plus concernées voir le mot vérification des créances salariales

Les voies d'exécution, et notamment les saisies immobilières ne sont évidemment pas des instances en cours Cass com 27 septembre 2017 n°16-17285 et ne sauraient donc dispenser le demandeur de subir la vérification des créances

En principe l'instance n'est interrompue qu'au profit de la partie en procédure collective.

Notion d'enjeu de l'instance: instance qui tend au paiement d'une somme d'argent

L'action doit tendre à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (que ce soit sur une demande principale ou re-conventionnellle formulée avant le jugement d'ouverture), et c'est précisément le fondement de la reprise des poursuites après déclaration de créance: l'action ne tendra plus au paiement mais à la fixation de la créance, ce qui, traduit dans la procédure collective, revient au même.

Par exemple une instance en résolution d'un contrat n'est pas une instance en cours au sens du texte (Cass com 13 septembre 2017 n°16-12249) sauf le cas où la résolution est la sanction du non paiement (par exemple pour la clause résolutoire insérée dans le bail Cass civ 3ème 13 avril 2022 n°21-15336

De même l'instance en référé expertise n'est pas une instance en cours Cass com 8 avril 2021 n°19-25507

A l'inverse toute instance au fond qui tend au paiement est une instance en cours (y compris une instance prud'hommale Cass soc 2 février 2022 n°20-15520, pourtant particulière dès lors que la déclaration de créance est inutile) et ne peut, de ce chef, donner lieu à condamnation au paiement Cass com 8 mars 2023 n°21-20738

Variante fiscale et sociale

En matière fiscale et sociale, la notion d'instance en cours est élargie aux procédures dans lesquelles le débiteur conteste la demande de paiement de l'administration.

Il y instance en cours dès lors que le débiteur a introduit une réclamation contentieuse (fiscale) Cass com 15 octobre 2002 , 99-17031, Cass com 18 janvier 2005 n°02-20931 ou une opposition à mise en demeure (sociale) Cass com 14 mai 2008 n°06-20590 qui prive l'administration de la possibilité d'émettre un titre exécutoire ou de l'exécuter.

Il en sera de même d'une demande de dégrèvement , Cass com 18 janvier 2005 n°02-20931 ou de demande de décharge.

Par contre un contrôle fiscal en cours n'est pas une instance en cours Cass com 11 juin 2002 n°98-18237 , ni un redressement : un contentieux doit exister.

Notion d'instance au fond: instance devant le juge du fond

La jurisprudence considère que seule une instance devant une juridiction du fond est une instance en cours pouvant donner lieu à fixation de la créance: c'est pour cette raison qu'un pourvoi en cassation n'est pas une instance en cours, ni un référé (Cass civ 3ème 18 sept 2012 n°11-19571, Cass com 29 septembre 2015 n°14-17513, Cass com 2 octobre 2012 n°11-21529 puisque la décision à intervenir n'aura pas autorité sur le fond, et donc en cas de référé la demande devient irrecevable par l'effet du jugement d'ouverture et de la suspension des poursuites Cass com 26 juin 2019 n°18-167877

Une instance en référé n'est donc pas une instance en cours (Cass com 11 décembre 2019 n°18-19425  Cass com 6 octobre 2009 n°08-12416 , et sur l'appel d'une ordonnance de référé, la Cour ne doit pas dire l'appel sans objet mais doit infirmer l'ordonnance qui condamne le débiteur, depuis en procédure collective, à payer et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en raison de l'interdiction des poursuites Cass com 19 septembre 2018 n°17-13210 Cass com 26 juin 2019 n°18-16777

Il semble que l'instance devant le juge de l'exécution soit une instance en cours. Cass com 31 mai 2011 n°09-68204

Instances en cours qui tendent au paiement : ce que disent exactement les textes sur l'information, la déclaration de créance, le relevé de forclusion du créancier et les sanctions et l'obligation de signalement par le débiteur des instances en cours

Les textes organisent :

Une pratique très critiquable consistait pour les débiteurs à temporiser dans les contentieux en cours, sans informer le demandeur de l'existence de la procédure collective, le temps que le délai de déclarer créance expire. A l'expiration du délai pour déclarer créance, le contentieux ne pouvait être poursuivi puisque le créancier n'avait pas déclaré créance.

L’information de la partie adverse du débiteur (article L622-22 du code de commerce)

« Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci. »

Ce texte, introduit par l'ordonnance de 2014, tend à mettre un terme à une pratique récurrente antérieure de certains conseils des débiteurs, qui consistait à temporiser dans les instances en cours les opposant à des créanciers, sans leur signaler l’ouverture de la procédure collective, le temps que le créancier soit forclos pour déclarer créance, pour ensuite à lui opposer la forclusion.

Pour autant, alors que le projet d'ordonnance prévoyait une information écrite (ce qui était problématique en procédure orale) cette précision n'a pas été retenue.

En outre l’obligation n’est pas assortie de sanction automatique, et notamment de l’octroi systématique d’un relevé de forclusion (dont on peut cependant imaginer qu’il sera probablement accordé avec souplesse). Le texte prévoit cependant un nouveau cas d’interdiction de gérer si le débiteur a « sciemment » manqué à son obligation de prévenir son adversaire (L653‐8 al 2)

L’information des mandataires de justice (article L622-6 du code de commerce)

« Dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent. Cet inventaire, remis à l'administrateur et au mandataire judiciaire, est complété par le débiteur par la mention des biens qu'il détient susceptibles d'être revendiqués par un tiers. Le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée y fait en outre figurer les biens détenus dans le cadre de l'activité à raison de laquelle la procédure a été ouverte qui sont compris dans un autre de ses patrimoines et dont il est susceptible de demander la reprise dans les conditions prévues par l'article L. 624-19.
Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie.
 »

Le relevé de forclusion facilité pour le créancier lié dans une instance en cours et qui n’a pas été averti (article L622-26 du code de commerce)

« A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. »

Evidemment le relevé de forclusion n’est pas automatique et encore faut-il que le créancier démontre que l’absence de déclaration de créance est causée par l’omission sur la liste établie par le débiteur (qui n’est d’ailleurs pas exactement assimilable à l’état des instances en cours)

La sanction du débiteur qui n’a pas signalé l’existence d’une instance en cours (article L653-8 du code de commerce)

Si le débiteur ne respecte pas cette obligation, de manière délibérée, il peut faire l'objet d'une interdiction de gérer (L653-8 alinéa 2 du code de commerce)

« Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22. »

Le mot « sciemment » rend évidemment la démonstration compliquée.

Reprise des instances qui tendent au paiement après déclaration de créance, aux seules fins de fixation de la créance. Traitement de l'instance en cours par le juge commissaire dans le cadre de la vérification des créances

Les instances en cours sont ensuite reprises, "en présence" des mandataires de justice (sur la loi applicable en cas de procédure dans un autre pays européen Cass com 4 octobre 2023 n°22-12128

Le terme "reprise" indique à notre avis que le débiteur reste partie à la procédure, au titre de son droit propre : comme en matière de vérification de créance il est logique que les créances soient fixées à son contradictoire Cass com 12 novembre 2008 n°07-12914, Cass com 27 mars 2007 n°05-18159, et il pourra d'ailleurs exercer seul des recours Cass com 10 janvier 2006 n°04-16494, Cass com 3 mai 2006 n°04-16494, Cass com 12 novembre 2008 n°07-12914

Cependant les instances reprises mais ne peuvent plus tendre à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent Cass civ 3ème 28 septembre 2023 n°22-19475 (le seul fait que la décision indique qu'elle est opposable aux organes de la procédure, en raison de leur comparution à l'instance ne suffit pas à prononcer l'admission de la créance s'il n'est pas justifié de la déclaration de créance, et la décision qui y procéderait serait "non avenue" de ce chef (cf article 372 du CPC qui s'applique si l'instance est poursuivie sans mise en cause des organes de la procédure, voir ci dessous) Cass com 27 septembre 2016 n°14-24107)

Elles ne peuvent tendre qu'à la fixation de la créance du demandeur (laquelle échappera donc à la vérification des créance), y compris si entretemps l'entreprise a fait l'objet d'un plan Cass com 7 septembre 2022 n°20-20404 et 20-20538

(Voir notamment L622-22 applicable à la sauvegarde qui organise la reprise de l'instance à laquelle sont appelés le mandataire judiciaire et s'il en a été désigné un l'administrateur judiciaire (texte rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L641-3 et au redressement judiciaire par l'article L631-14)

"Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant."

Cette reprise est donc conditionnée par la déclaration de créance du demandeur Cass com 5 mai 2015 n°14-10631 ou a minima la justification de la mention de la créance sur la liste des créances déclarées et vérifiées.

(et le délai de péremption d'instance est normalement interrompu, encore qu'il devrait à notre avis être possible de soutenir que s'agissant d'une diligence qui dépend du créancier, s'il ne déclare pas créance l'instance devrait se périmer)

Le texte dispose en effet: (article R622-20 du code de commerce) "L'instance interrompue en application de l'article L. 622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L. 624-1 et mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan."

Il appartient à la juridiction saisie de vérifier l'existence de la déclaration de créance Cass com 25 juin 2002 n°98-22179 et sa régularité (par exception à la compétence de principe du juge commissaire sur cette question) Cass com 23 novembre 2004 n°02-15642. Il convient toutefois de préciser que l'article R622-23 du code de commerce (que l'article R631-27 rend applicable à la liquidation judiciaire) prévoit que la déclaration de créance mentionne l'existence du litige en cours, mais l'absence de cette mention n'est pas sanctionnée Cass com 26 mars 2013 n°12-13673 et Cass com 2 juin 2015 n°13-26815 14-11101

La juridiction saisie s'assure du montant déclaré et en fixe son montant, notamment évidemment dans le cas où la somme n'est pas contestée Cass com 13 septembre 2023 n°21-25229

Si la déclaration de créance n'a pas été effectuée, le juge ne peut que se borner à constater l'interruption de l'instance, sans pour autant rejeter la créance Cass com 9 décembre 2020 n°19-15727, et déclarer les demandes irrecevables Cass com 20 octobre 2021 n°20-13829

Si la juridiction statue sans reprise d'instance dans les conditions prévues par les textes, et condamne le débiteur (qui initialement n'était pas en procédure collective), le jugement est nul et non avenu Cass com 9 septembre 2020 n°18-25365  Cass com 24 mars 2021 n°19-22122

La jurisprudence considère que la déclaration de créance constituera la somme maximale sur laquelle la juridiction saisie pourra se prononcer, et qu'il ne lui sera pas possible d'arrêter une créance supérieure Cass com 13 mai 2014 n°13-11296  Cass com 16 octobre 2007 n°06-16459 (pour les intérêts) Cass com 24 avril 2007 n°05-17452  Cass com 27 mai 2003 n°00-17931  Cass com 20 mars 2001 n°98.16256

Il n' a pas lieu à intérêts puisque la procédure collective en arrête le cours. Cass com 24 mai 2016 n°12-20723 

mais par contre le juge commissaire n'a absolument pas à statuer (y compris sur une déclaration provisionnelle de 2 euros cf Cass com 31 mai 2016 n°14-24115, c'est à dire qui ne préserve pas les droits du créancier dans l'instance en cours, ce moyen n'ayant semble-t-il pas été évoqué devant la bonne juridiction, qui est celle du litige en cours.

Concrètement, la partie qui avait assigné le débiteur en paiement avant le jugement d'ouverture de la procédure, doit déclarer sa créance "estimée" c'est à dire le montant de sa demande dans le cadre du contentieux, veiller à ce que les mandataires de justice interviennent à la procédure ou les y attraire, et reprendre la procédure.

- Le juge de l'instance en cours ne pourra pas condamner le débiteur à payer (par exemple Cass com 30 janvier 2019 n°17-27494), mais fixera le montant de la créance, qui sera automatiquement porté sur l'état des créances, sans subir la procédure de vérification des créances.

- La créance échappe à la vérification des créances et le juge commissaire ne peut que constater qu'une instance est en cours (et même il est probable qu'il ne soit même pas nécessaire que cette créance soit portée sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire dans le cadre de l'article R624-2 du code de commerce puisque le dernier alinéa de cet texte prévoit que le greffe complète cette liste en fonction du résultat des instances en cours (voir la vérification des créances) Cass com 14 mars 1995 n°93-12489

 "lorsqu'une créance fait l'objet d'une instance en cours, il n'appartient pas au juge-commissaire de se prononcer sur elle, à quelque moment que ce soit ; que le moyen, qui soutient que le juge-commissaire conserve le pouvoir de fixer une telle créance avant le dépôt de l'état des créances, n'est pas fondé ;" Cass com 11 octobre 2016 n°14-19798

Ainsi le juge commissaire qui statuerait sur l'admission de la créance excède ses pouvoirs:

"Attendu que pour admettre, à titre définitif, le trésorier au passif de la société pour la somme de 244 548,55 euros, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que l'impôt a été établi dans le délai prévu par l'article L. 621-103 du Code de commerce, que dès lors le trésorier est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 74 du décret du 27 décembre 1985, que la circonstance qu'une demande de plafonnement ait été déposée le 21 décembre 2000 n'est pas de nature à faire obstacle à l'admission définitive sollicitée puisque celle-ci est soumise à des conditions alternatives -établissement d'un titre exécutoire ou fin de la contestation- dont la première est satisfaite en l'espèce . Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une demande de dégrèvement constituant une réclamation contentieuse telle que prévue par l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel, qui devait seulement constater qu'une telle réclamation était en cours, a violé les textes susvisés ;Cass com 12 juillet 2004 n°03-11418 et dans le même sens Cass com 18 Janvier 2005 n°02-20931

En outre le juge commissaire qui constate, même par erreur, qu'une instance est en cours, est dessaisi et ne peut plus statuer sur la créance, toute demande formulée devant lui est irrecevable Cass com 29 juin 2022 n°21-10981

Le caractère exécutoire de la décision de première instance rendue dans le cadre de l'instance en cours ne permet pas au juge commissaire de statuer sur la créance en l'état d'un recours, l'instance étant, de ce fait, toujours en cours. Cass com 12 avril 2005 n°03-20633

Le juge commissaire ne peut que constater qu'une instance est en cours, même d'ailleurs dans le cas singulier où cette instance est radiée mais non atteinte de péremption (Cass com 8 avril 2015 n°14-10172, Cass com 31 janvier 2017 n°15-16123). De même le juge commissaire qui dans une première décision dans le cadre de la vérification des créances, constate que la contestation ne relève pas de sa compétente, puis dans une seconde décision rendue après que la juridiction compétente n'ait pas été saisie, rejette la créance, excède ses pouvoirs, dès lors qu'il ne pouvait que constater qu'une instance était en cours Cass Com 31 janvier 2017 n°15-16123

Pour autant on ne peut revenir sur la décision définitive du juge commissaire qui prononcerait l'admission alors qu'il y a en réalité une instance en cours, et à l'inverse la décision définitive par laquelle le juge commissaire constate, même par erreur, qu'une instance est en cours, rend irrecevable toute nouvelle demande devant lui Cass com 18 novembre 2014 n°13-24007. Etant précisé que si le juge commissaire admet (par erreur) la créance au montant fixé dans le cadre de l'instance en cours, le débiteur n'a pas d'intéret légitime à contester sa décision Cass com 29 mai 2019 n°18-14761

La décision par laquelle le juge commissaire "se déclare incompétent pour statuer sur la déclaration de créance" doit en réalité être interprétée comme une décision de constat d'une instance en cours Cass com 10 mai 2005 n°03-17855.

Les imprécisions de la décision du juge commissaire peuvent conduire, s'il se déclare incompétent par erreur au motif erroné qu'une instance est en cours, à ce que le juge commissaire soit définitivement dessaisi (si sa décision est définitive) alors même qu'aucune instance n'est en cours "cette ordonnance devenue irrévocable et revêtue de l'autorité de la chose jugée quant à sa disposition, fût-elle erronée, constatant qu'une instance était en cours, avait dessaisi le juge-commissaire et rendait irrecevable toute demande formée devant lui pour la même créance" (Cass com 6 juillet 2010 n°09-16403). Les demandes formulées par la suite devant le juge commissaire sont donc irrecevables Cass com 30 novembre 2010 n°10-11971

Le juge commissaire qui, sur l'état des créances, constate par erreur qu'une instance est en cours (par exemple au motif qu'un référé est en cours, ce qui n'est pas une instance en cours) est dessaisi et ne peut statuer sur une demande d'admission de la créance (Cass com 18 novembre 2014 n°13-24007). Cass com 12 avril 2005 n°03-16754 Cass com 12 avril 2005 n°03-16755

On tire de cet arrêt de la Cour de Cassation que le débiteur est irrecevable à contester devant le juge commissaire le montant ou la validité de la déclaration de créance, et que la décision -qualifiée par erreur d'instance en cours - devra être mentionnée sur l'état des créances comme une instance en cours: l'appréciation du juge commissaire a autorité et s'impose au débiteur.

Une fois que le juge commissaire a constaté qu'une instance est en cours, il est dessaisi Cass com 17 mai 2017 n°15-22377 Cass com 29 mai 2019 n°18-14761 même si par la suite cette instance s'achève sans fixer la créance Cass com 8 juillet 2008 n°07-16563

"après avoir relevé que l'ordonnance du 2 décembre 1998 avait constaté l'existence d'une instance en cours et que l'ordonnance du 8 janvier 2002 avait statué sur les mêmes créances fiscales, l'arrêt énonce exactement que cette première ordonnance faisait obstacle à une nouvelle décision du juge-commissaire portant sur les mêmes créances et que la constatation de l'existence d'une instance en cours ne conférait pas le pouvoir à ce dernier de se prononcer, à l'issue de cette instance, sur l'admission de la créance" Cass com 12 avril 2005 n°03-16754

(il est également possible, nonobstant l'ouverture de la procédure, de solliciter l'exéquatur d'une sentence arbitrale limitée à la reconnaissance de la dette Cass com 12 novembre 2020 n°19-18849)

Un cas particulier pour les instances en paiement menées devant le juge administratif ?

D'une manière assez singulière, la Conseil d'Etat a émis un avis (CE avis du 20 janvier 1992 n°130250,) et jugé (CE 7ème et 2ème sous sections réunies 24 novembre 2010 n°328189)  que le juge administratif pourrait statuer sur la reconnaissance et l'évaluation des droits d'une collectivité publique, sans avoir à se soumettre au processus des instances en cours, c'est à dire sans attraire les mandataires de justice à la procédure et sans qu'il soit nécessaire que la créance soit déclarée.

Ceci étant, et pour critiquable qu'elle soit, cet avis, s'il était suivie, aurait pour conséquence qu'un principe de créance serait fixé contre le débiteur, mais que la collectivité ne pourrait s'en prévaloir dans le cadre de la procédure collective, au même titre que toute créance non déclarée au passif

L'avis ébauche cette solution, en précisant bien que les règles de la procédure collective devront recevoir application, une fois que le juge administratif aura statué.

"Il résulte de ces dispositions qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées. La circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 70 du décret du 27 décembre 1985 est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance.

Il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance." ( Avis 10 janvier 1992 précité)

"que la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle ou n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par le code de commerce, est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; qu'il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives mentionnées ci-dessus réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que ni la liquidation judiciaire de la société ACMR ni la circonstance que la CCI n'avait pas déclaré sa créance ne faisaient obstacle à la condamnation de la société ACMR à verser une indemnité à la chambre en réparation des désordres affectant le ponton flottant " CE 7ème et 2ème sous sections réunies 24 novembre 2010 n°328189

Il aurait été bien préférable que le Conseil d'Etat retienne un processus compatible avec les règles de la procédure collective, plutôt qu'une solution qui conduit la collectivité publique à un impasse total, et la conduit à bénéficier d'une condamnation qu'elle ne pourra pas faire valoir. 

En réalité, il n'existe pas de raison de soustraire la décision administrative du processus légal, et à notre avis la décision rendue en s'affranchissant des règles de la procédure collective est non avenue (voir plus bas)

Modalités procédurales de la reprise d'instance en paiement

La reprise d'instance après déclaration de créance suppose que les mandataires de justice deviennent partie à l'instance en fonction de leur rôle respectif.

Et d'ailleurs, "En l'absence de déclaration de créance, les conditions de la reprise d'instance ne sont pas réunies, même si la créance du créancier forclos n'est pas éteinte ; en l'espèce, l'instance demeure interrompue jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire". Cass avis 8 juin 2009 n°09-00002

Le texte précise que l'initiative de la reprise de l'instance appartient au créancier (R622-20), ce qui ne règle pas totalement le sort d'une procédure en cours dans laquelle c'est le débiteur qui est appelant ... mais le texte ne semble pas distinguer

Le créancier doit modifier ses écritures pour demander la fixation de sa créance aux lieu et place de la condamnation du débiteur, étant précisé que la juridiction peut en tout état d'office rectifier Cass com 4 avril 2006 n°05-10416.

"Si la procédure collective est ouverte entre la jugement qui statue sur la demande de condamnation du débiteur au paiement et l'appel de ce jugement par le créancier, ce dernier doit, dès ses premières écritures d'appel demander fixation de sa créance au passif, aux lieu et place de la condamnation. A défaut il est irrecevable. 5. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

6. Pour fixer à la somme de 920 000 euros la créance de la société Allianz Iard dans la procédure collective de la société Demax, l'arrêt retient que dans des conclusions du 24 février 2020, la société Allianz Iard sollicitait la confirmation du jugement frappé d'appel, ce qui emportait condamnation financière de la société Demax alors que la procédure collective la concernant a été ouverte le 29 janvier 2019, mais qu'avant que la cour ne statue, dans ses dernières écritures du 21 octobre 2020, elle a opportunément ajusté sa demande pour solliciter uniquement la fixation de la créance dans la procédure collective, ce qui tend à la même prétention que celle initialement formulée, sauf à tenir compte de l'élément juridique nouveau et en déduit que l'irrecevabilité ne sera pas retenue.

7. En statuant ainsi, alors que la demande de fixation de la créance de la société Allianz Iard constituait une prétention, qu'elle n'était pas destinée à répliquer aux conclusions de l'appelant ni à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la révélation d'un fait, la procédure collective et la déclaration de créance de la société Allianz Iard étant antérieures aux premières conclusions déposées par celle-ci, la cour d'appel, qui ne pouvait que déclarer irrecevable cette prétention, a violé le texte susvisé."
Cass civ 2ème 20 octobre 2022 n°21-16907

Procéduralement il y a donc lieu à assignation en intervention forcée des mandataires de justice, le texte de l'article L622-22 (texte de la sauvegarde applicable au redressement judiciaire et dont le principe est applicable à la liquidation cf L641-3) prévoyant que les instances sont "reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés"

Plus concrètement il y a lieu d'assigner en intervention forcée le mandataire judiciaire en redressement ou sauvegarde (Cass com 26 mai 1999 n°96-12619), le commissaire à l'exécution du plan si le plan a été adopté entre-temps, ou le liquidateur si la liquidation a été prononcée ( et sans ce cas si le même professionnel était partie en qualité de mandataire judiciaire il convient à nouveau de régulariser la procédure Cass com 16 septembre 2008 n°07-15985

Concernant l'administrateur judiciaire, le terme "le cas échéant" employé par l'article L622-22 pourrait avoir deux significations: soit l'administrateur est appelé à la procédure s'il en est désigné un, soit il est appelé à la procédure en fonction de l'étendue du dessaisissement du débiteur et de la mission de l'administrateur. 

Les textes réglementaires viennent répondre à cette interrogation:

- pour la sauvegarde l'article R622-20 précise "L'instance interrompue en application de l'article L. 622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L. 624-1 et mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan. ": la nécessité d'attraire l'administrateur dépend de sa mission.

- pour le redressement judiciaire l'article R631-22 précise que l'administrateur est mis en cause quelle que soit sa mission

Les textes ne précisent pas si les mandataires de justice peuvent intervenir volontairement à la procédure et si cette intervention satisfait au texte qui prévoit qu'ils sont "appelés". On voit mal le mandataire de justice contester la validité de sa présence à l'instance, mais le débiteur insatisfait de la décision rendue le pourrait peut-être.

(le débiteur est partie à l'instance nonobstant le dessaisissement Cass Com 25 septembre 2019 n°18-10722 )

Evidemment le créancier devra justifier de la déclaration de créance Cass Com 7 janvier 1992 n°89-15819 Cass com 27 septembre 2016 n°14-24107  ce que la juridiction peut vérifier d'office Cass com 29 avril 2003 n°01-15271 ,Cass com 28 mars 2000 n°97-20671 Cass com 25 juin 2002 n°00-16967

La juridiction devra s'assurer de la régularité de la déclaration de créance, et notamment la juridiction devra s'assurer que la déclaration de créance n'a pas été contestée avec succès dans le cadre de la vérification des créances Cass civ 3ème 21 novembre 2007 n°06-18138 (on suppose sur la forme, sinon le dispositif ne serait pas respecté) et le cas échéant surseoir à statuer, cette dernière solution ne s'imposant pas dès lors qu'il semble (curieusement) admissible que la juridiction se prononce sur la validité de la déclaration de créance Cass com 7 décembre 2004 n°02-13838

La déclaration de créance, qui doit évidemment être effectuée dans le délai légal sauf relevé de forclusion, doit mentionner l'existence de l'instance en cours et la juridiction saisie (R622-23, R631-27 et R641-25), encore que le défaut de mention ne soit pas sanctionné Cass com 26 mars 2013 n°12-13673 

Etant précisé qu'évidemment l'assignation en intervention des mandataires de justice ne vaut pas déclaration de créance Cass com 4 mai 2017 n°15-23493.

La péremption de l'instance non reprise

Voir interruption de l'instance

La décision sur une instance en paiement rendue sans que les mandataires soient attraits à la procédure ou sans que la créance ait été déclarée : non avenue ... et la créance inopposable

La jurisprudence a longtemps été hésitante sur le traitement de la décision rendue dans le cadre de l'instance en cours sans mise en cause des mandataires de justice ou sans que la créance ait été déclarée.

A priori la décision qui serait rendue en méconnaissance des dispositions légales est "non avenue" Cass com 8 juin 2010 n°09-13419 pour une instance continuée sans que les mandataires de justice y soient appelés, Cass com 11 octobre 2011 n°10-20604 pour une créance non déclarée dans les délais. Voir également Cass com 14 septembre 2022 n°21-12235

Cependant un autre arrêt Cass civ 1ère 28 septembre 2011 n°10-18320 évoque la nullité (en l'espèce d'une sentence arbitrale) en raison de la violation de la règle d'ordre public de l'extinction d'une créance déclarée (alors qu'en droit c'est une inopposabilité) mais en réalité la nullité de l'ancien code de procédure civile a été remplacée par la caducité.

Et un troisième arrêt Cass com 1er avril 2003 n°00-14932 voit un motif de cassation de la décision rendue sans qu'il soit justifié de la déclaration de créance (ce qui est différent d'une décision "non avenue"), mais sous l'empire des textes antérieurs. Selon certaines décisions, il faudrait donc contester la décision rendue en méconnaissance de la règle de droit, à défaut de quoi elle aurait autorité Cass civ 2ème 25 octobre 2007 n°06-19151, mais en réalité cette décision est rendue en méconnaissance de l'article 372 du CPC qui, précisément, déclare caduque une décision définitive.

Enfin d'autres décisions considèrent que la décision est inopposable à la procédure collective, de sorte que la créance n'y sera pas considérée Cass com 27 février 2007 n°05-19585. Cette inopposabilité est également évoquée dans une décision Cass com 19 novembre 2013 n°12-26400 à propos de laquelle la juridiction saisie avait fixé la créance sans le contradictoire du liquidateur (étant précisé qu'en l'espèce la procédure était un référé et n'était donc pas une procédure en cours, ce qui a amené la Cour de Cassation à préciser que la créance devait subir la vérification des créances).

En réalité, il semble pertinent de se reporter ici à l'article 372 du CPC qui dispose "Les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.".

Ainsi, et dès lors que le jugement d'ouverture de la procédure collective provoque l'interruption de l'instance (article 369 du CPC) jusqu'à ce que la créance soit déclarée (L622-22) il n'y a aucune raison que ce texte ne s'applique pas.

C'est désormais la position de la Cour de Cassation : la décision obtenue est non avenue (Cass com 27 septembre 2016 n°14-24107  Cass civ 3ème 7 avril 2016 n°14-29227 14-29311   Cass com 26 janvier 2010 n°09-11288      Cass soc 29 février 2000 n°97-45669  Cass civ 1ère 5 mai 1998 n°94-16754 et 87-16439  Cass com 14 mars 1995 n°92-22118,   Cass com 11 mai 1993 n°91-12232  Cass com 29 octobre 1991 n°90-11297  Cass soc 4 avril 1990 n°87-42677  Cass soc 13 avril 1999 n°96-44734 et Cass com 8 juin 2010 n°09-13419 (précité) et Cass com 11 octobre 2011 n°10-20604 (précité), Cass com 8 décembre 2021 n°20-18940 - cas dans lequel la liquidation judiciaire a été prononcée après clôture des débats dans le cadre de l'instance en cours, et n'aurait donc pas du, à notre avis, entraîner d'interruption de l'instance -, Cass civ 3ème 12 janvier 2022 n°20-23599

Etant précisé que le bénéficiaire de l'interruption de l'instance peut renoncer au caractère non avenu de la décision Cass com 16 juin 2004 n°01-16404 Cass com 30 juin 2004 n°02-18814

Pour autant reste à savoir comment le caractère non avenu d'une décision est constaté.

Sur cette notion voir également mandataires de justice et changement de qualité

La créance fixée par la décision non avenue est inopposable à la procédure collective Cass com 27 février 2007 n°05-19585 et la créance n'est pas portée sur l'état des créances Cass com 22 janvier 2002 n°99-13831; le fait que la décision soit passée en force de chose jugée est sans incidence Cass com 14 septembre 2022 n°21-11645

La mention de la créance sur l'état des créances

Dans un premier temps, le créancier déclare créance, ce qui est une condition de la reprise de l'instance qui conduira à la fixation de sa créance.

La déclaration de créance et l'existence de l'instance sont constatées par le juge commissaire qui en fait mention sur l'état des créances au visa de l'article L624-2 du code de commerce, lequel est déposé au greffe et publié au BODACC (article R624-8)

Quand la juridiction saisie aura statué, deux textes doivent recevoir application, qui peuvent être perçus comme contradictoires :

- La décision rendue étant mentionnée sur l'état des créances à la demande du mandataire judiciaire article R622-20 qui dispose en son alinéa 2 "Les décisions passées en force de chose jugée rendues après reprise d'instance sont à la demande du mandataire judiciaire portées sur l'état des créances par le greffier du tribunal ayant ouvert la procédure".).

- le créancier, s'il a eu gain de cause, en avisera le greffe (article R624-11) de telle manière que l'état des créances soit complété en tenant compte de cette décision (article R624-9), ce dernier corps de  texte étant à notre avis général à toute décision rendue par une autre juridiction que le juge commissaire, alors que le premier est spécifique à la reprise d'une instance en cours.

"Le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision d'une autre juridiction passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal qui a ouvert la procédure une expédition de cette décision.

Le greffier avise le mandataire judiciaire ainsi que l'administrateur et le commissaire à l'exécution du plan, s'il y a lieu, de toute modification ainsi apportée à l'état des créances"

Les modalités de contestation des initiatives du greffe ne sont pas précisées.

Ce qui est par contre jugé est que l'instance peut perdurer après l'adoption du plan, le créancier ne perdant nullement son droit de poursuite et pouvant alors recouvrer sa créance Cass Com 14 septembre 2022 n°21-11937

La décision rendue après reprise d'instance ne constitue pas un titre exécutoire

La Cour de Cassation considère que la décision rendue après reprise d'instance, qui fixe la créance, ne constitue pas un titre exécutoire Cass com 4 juillet 2018 n°16-22986 Cass com 20 octobre 2021 n°19-25907

De fait la décision, par nature, ne condamne pas le débiteur à payer.

Le cas particulier des instances prud'homales

Voir vérification des créances salariales

Nonobstant l'article L625-3 du code de commerce qui dispose "Les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés. Le mandataire judiciaire informe dans les dix jours la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure." la Cour de Cassation considère que ces instances "ne sont ni suspendues, ni interrompues, et que le représentant des créanciers (mandataire judiciaire) qui n'a pas informé de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire les salariés et la juridiction saisie, ne peut valablement se prévaloir d'une inopposabilité de la décision rendue" (Cass soc 8 juin 2016 n°13-23811). Ainsi le mandataire judiciaire qui n'est pas informé de l'instance en cours en subira les suites.

Etant précisé que l'instance reprise, comme toute autre, ne pourra donner lieu à condamnation à paiement, mais à mention de la créance sur l'état (en réalité en l'espèce à prise en charge par l'AGS dans les limites de sa garantie) Cass soc 13 mars 2024 n°22-11708

Le cas particulier des instances dont l'objet est indivisible

La cour de cassation considère que dès lors que l'objet de l'instance est indivisible, et même s'il ne s'agit pas d'une instance en paiement, le mandataire judiciaire doit être mis en cause (par exemple pour une saisie immobilière en cours, au stade du pourvoi en cassation quand la procédure collective a été ouverte Cass com 24 janvier 2017 n°15-23044


Institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise et délégués du personnel)

Quelques points de la définition

Audition par le tribunal

A l'ouverture de la procédure collective

durant la procédure collective

information et consultation

Audition par le Tribunal

La loi prévoit que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel sont entendus par le Tribunal aux principales étapes de la procédure collective

A l'ouverture de la procédure

L'audition a lieu lors des débats en chambre du conseil qui précèdent l'ouverture de la procédure collective (article L621-1 du code de commerce pour la sauvegarde, L631-7 qui renvoie à L621-1 pour le redressement judiciaire, L641-1 qui renvoie à L621-1 pour la liquidation judiciaire).

Matériellement, à ce stade de la procédure, qui n'est pas encore ouverte, et le texte de l'article R621-2 du code de commerce prévoir que le greffier du Tribunal "avise" le chef d'entreprise d'avoir à réunir le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel d'avoir à désigner les personnes qu'ils  habilitent pour être entendues pour eux (et à exercer le cas échéant les recours contre le décisions rendues). Le greffe adresse copie de cet "avis" directement au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel.

Les personnes désignées sont portées sur un procès verbal de désignation, déposé au greffe

Durant la procédure collective

Une fois la procédure collective ouverte, le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont entendus, et là encore le texte (article L661-10 du code de commerce) prévoit la désignation des personnes qui s'exprimeront pour les institutions représentatives des salariés.

* en cas de remplacement des dirigeants ou de cession forcée de ses parts, ordonnée par le Tribunal (en redressement judiciaire article L631-19)

* en cas de prononcé de la liquidation judiciaire en cours de redressement judiciaire (article L622-10 du code de commerce), d'arrêt de l'activité, de conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire. 

* pour l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement (article l626-9 pour le plan de sauvegarde et L631-19 pour le redressement judiciaire

* pour la modification du plan (article L626-26 et L631-19 pour le redressement judiciaire.) mais a priori pas en cas de résolution du plan.

* pour l'adoption d'une cession d'entreprise (article L 642-5 du code de commerce complété par l'article R642-3 qui renvoie à l'R626-17 du code de commerce)

Information et consultation

Evidemment l'audition des institutions représentatives du personnel n'a de sens que si elles ont été préalablement informées, outre le fait qu'il convient de préserver les prérogatives offerts par le droit du travail, et la loi organise donc leur information et leur consultation, notamment dans les cas suivants:

* bilan économique et social (article L623-3 du code de commerce) sur lequel elles sont en outre consultées (article L626-8) sauf pour la sauvegarde.

* propositions de plan de sauvegarde ou de remboursement (article L623-3 pour l'avancement des travaux de l'administrateur et L626-5 pour les propositions de plan en sauvegarde et L631-18 en redressement judiciaire (mais l'état des réponses des créanciers, dressé par le mandataire judiciaire, n'est pas adressé aux institutions représentatives des salariés L 626-7 du code de commerce)

* licenciements en période d'observation (L631-17) ou dans le cadre d'un plan de redressement (L631-19) ou même d'une liquidation judiciaire (L641-4)

* offres de cession d'entreprise (L642-2 du code de commerce)

 

Voir également le représentant des salariés qui peut pallier l'absence d'institutions représentatives du personnel


Insuffisance d’actif

Généralités

C’est le fait de ne pas disposer de sommes nécessaires au paiement total des créanciers.

Le montant de l’insuffisance d’actif est le montant de la somme qui manque pour assurer le paiement intégral des créanciers

En procédure collective

Dans le cadre de sanctions le dirigeant peut être condamné à "combler" (c'est le terme employé: on dit action en comblement) tout ou partie de l'insuffisance d'actif, c'est à dire qu'en raison de ses fautes il doit indemniser les créanciers en versant la somme entre les mains du liquidateur (voir les sanctions)

Une cause de clôture de la procédure collective

Dans le cadre de la clôture de la liquidation judiciaire, la clôture pour insuffisance d'actif, c'est à dire en constatant qu'il n'est pas possible de payer intégralement les créanciers, et une des causes d'achèvement de la procédure (voir le mot clôture)

La notion comptable

Généralement, quand c'est possible, on fait appel à la notion d'actif net comptable (actifs réels (c'est à dire sans les frais d'établissement) – dettes et généralement – provisions pour risques + écart de conversion actif). La Cour de Cassation évoque parfois les "capitaux propres négatifs" (Cass com 6 octobre 2009 n°06-15141 Cass com 22 janvier 2013 n°11-27420, Cass com 12 juillet 2004 n°02-17111) ce qui est une notion facile à vérifier puisqu'elle figure au bilan (passif) et qui, finalement, revient au même puisque l'entreprise qui n'a plus de capitaux propres ne peut absorber de risque, et ses dettes excèdent ses actifs (capitaux propres = actif - dettes)


Interdiction bancaire (et procédure collectives)

Généralités sur l'interdiction bancaire (d'émettre des chèques)

Est interdit bancaire toute personne qui a émis un chèque sans provision, c'est-à-dire sans suffisamment d'argent sur le compte bancaire concerné et n'a pas pu ou n'a pas voulu procéder à ce qu’on appelle sa régularisation c’est-à-dire à son paiement.

Est également interdit bancaire toute personne qui est co-titulaire d'un compte joint ou d'un compte indivis sur lequel un autre co-titulaire a émis un chèque sans provision non régularisé, et pour lequel n'a pas été désigné au préalable un responsable unique en cas de chèque sans provision.

L'interdiction bancaire est décidée par la banque qui gère le compte sur lequel n'ont pu être débités un ou plusieurs chèques sans provision, malgré une ou plusieurs tentatives de régularisation, ou par le juge.

Elle est enregistrée pendant 5 ans au fichier central des chèques (FCC), dont les données sont accessibles à l'ensemble des établissements bancaires.

L'interdiction concerne tous les comptes personnels détenus dans toutes les banques, et implique la perte immédiate du droit d'émettre des chèques, sous peine de sanction pénale (peine de prison jusqu’à 5 ans et/ou amende jusqu’à 375.000 €).

L’interdiction a des conséquences limitées à l'interdiction d'émettre des chèques et pas l’utilisation des autres services bancaires comme carte de crédit, carte de retrait ou ordre de virement.

Elle dure 5 ans maximum et prend fin, sauf décision de justice contraire, dès lors que les personnes concernées s'acquittent de leurs dettes envers les bénéficiaires des chèques sans provision.

Interdiction bancaire et procédures collectives

Durant la période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, l'interdiction bancaire va rendre impératif la désignation d'un administrateur judiciaire qui aura seul qualité pour signer les chèques nécessaires.

L'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement entraîne levée de plein droit de l'interdiction d'émettre des chèques. Cette levée est définitive, même si par la suite le plan est résolu pour inexécution, puisqu'il ne s'agit pas d'une suspension de l'interdiction pour la durée du plan.

En cas de liquidation judiciaire, l'interdiction est suspendue à la clôture de la liquidation, par simple production du jugement de clôture auprès de l'établissement bancaire qui a provoqué l'interdiction (article R643-22 du code de commerce). Cette suspension est le complément logique de l'absence de reprise des poursuites par les créanciers. En réalité le terme "suspension" est d'ailleurs inadapté puisqu'en réalité l'interdiction "cesse".

A contrario, dans les cas où les créanciers recouvrent leurs droits de poursuite à la clôture de la procédure, (par exemple faillite personnelle) l'interdiction est maintenue.


Interdiction d'acquérir

Par principe, l’offre d'acquisition ne peut émaner directement ou indirectement du débiteur, des dirigeants, des parents jusqu’au 2ème degré, des contrôleurs, et ces personnes ont interdiction d’acquérir pendant 5 ans tout ou partie des biens cédés. La sanction est lourde : l’acte contraire est annulé par le Tribunal, à la demande de tout interessé dans les trois ans de l'acte nul ( ou de sa publication s'il est soumis à cette formalité - article L642-3 du code de commerce)

Cette interdiction d'applique aux cessions d'entreprise, et aux cessions d'actif en liquidation (voir la cession). Le texte ne précise pas si elle s'applique également aux actes de disposition en période d'observation et on peut donc penser que la réponse est négative


Interdiction de gérer

Voir faillite personnelle et surtout les sanctions qui présentent une étude détaillée où la définition est volontairement déportée

Tableau des cas de faillite personnelle et/ou d'interdiction de gérer

Sanction

Auteur

Article

Faits

 

Faillite personnelle ou à défaut interdiction de gérer (L653-8 alinéa 1)

 

- Personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, agriculteurs et toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (sauf  celles qui sont soumises à des règles disciplinaires dépendant d’un ordre professionnel ou assimilé.)

 

- Personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

 

- Personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales

Absence volontaire de coopération avec le liquidateur

L653-5 5°

Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement

 

Absence de comptabilité ou irrégularité comptable

L653-5 6°

Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables

 

Anomalies dans la poursuite d’activité

L653-3 I 1°

Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements

 

L653-5 2°

Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds

 

L653-5 1°

Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi

 

Actes anormaux dans l’intérêt de tiers

L653-5 3°

Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale

 

L653-5 4°

Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers

 

L653-5 7°

Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée

 

Détournement ou dissimulation d’actif

L653-3 I 3°

Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

 

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

L653-3 II 1°

Avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s'ils étaient compris dans un autre de ses patrimoines

 

L653-3 II 2°

Sous le couvert de l'activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité

 

L653-3 II 3°

Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

 

Tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale

L653-4 1°

Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres

 

L653-4 2°

Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel

 

L653-4 3°

Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

 

L653-4 4°

Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

 

L653-4 5°

Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

 

Dirigeant de la personne morale ou entrepreneur individuel à responsabilité limitée

L653-6

Ne pas avoir acquitté les dettes mises à leur charge en application de l'article L. 651-2.

 

(les couleurs signalent des faits identiques, mentionnés à des textes différents pour des auteurs différents)

Interdiction de gérer

 

- Personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, agriculteurs et toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (sauf  pour celles qui sont soumises à des règles disciplinaires dépendant d’un ordre professionnel ou assimilé.)

 

- Personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

 

- Personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales

 

Absence de remise au liquidateur des documents utiles au déroulement de la procédure

 

 

L653-8

 

Ne pas avoir remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture

 

 

 

L653-8

 

Avoir sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22

 

 

Non déclaration de la cessation des paiements

 

 

 

L653-8

 

Avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

 

 

 


Interdiction de l'accroissement de l'assiette d'une sureté

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, le nouvel article L622-21 dispose que le jugement d'ouverture de la procédure collective :

"interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.

Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.

Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances."

Les clauses parfois dites " d'arrosage"  permettant l'augmentation de l'assiette des suretés (notamment gage stock ou nantissement de comptes titres) sont donc désormais inefficaces. 


Interdiction de paiement des dettes anterieures et exceptions

Quelques points de la définition

Généralités

L'interdiction de principe: paiements par le débiteur interdits

L'interdiction ne vise ni les tiers ni l'AGS, et les salariés ont un régime particulier

Trois exceptions au principe devenues 5 pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021

Le cas particulier des créances des producteurs agricoles

L'interdiction ne met pas en échec le paiement des effets de commerce

Les paiements au crible de l'interdiction

Interdiction de l'utilisation des fonds du débiteur

Utilisation possible des fonds "libres" du débiteur

Paiement possibles par des tiers

Sanctions du paiement interdit

Effet de l'interdiction sur les cotisations

Généralités

La procédure collective repose dans un premier temps sur le "gel" des dettes antérieures, et dans un  second temps sur un paiement encadré par la loi de ces dettes, dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement, ou des répartitions effectuées par le liquidateur.

Le "gel" des créances antérieures se traduit par une règle d'interdiction des paiements des créances antérieures: à compter du jugement d'ouverture de la procédure, les créanciers sont soumis à la procédure de vérification des créances, subissent les délais de la procédure et seront payés égalitairement ou dans le respect de l'ordre des privilèges dans le cadre de la solution de la procédure (plan ou liquidation).

Le principe est posé par l'article L622-7

L'interdiction de principe

Le principe est posé par l'article L622-7 du code de commerce, également applicable au redressement et à la liquidation judiciaire.

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17

Evidemment (mais cela a été plaidé) l'interdiction ne vise que le paiement des dettes dues par le débiteur et pas celles qui lui sont dues ! Cass civ 3ème 10 juin 2021 n°20-15685 

L'interdiction de principe ne vise que les paiements effectués par le débiteur: ni les tiers ni l'AGS ne sont concernés par l'interdiction. En outre les salariés ont un statut particulier

L'interdiction concerne évidemment du seul paiement par le débiteur en procédure collective, les paiements effectués par les tiers ne sont pas interdits, ces tiers étant libres d'invoquer ou pas la subrogation.

C'est évidemment cette notion qui permet le paiement par l'AGS des créances des salariés, l'AGS étant subrogée dans les droits des salariés

Concernant les salariés et avant même intervention de l'AGS, l'article L625-8 organise le paiement des créances superprivilégiées par l'administrateur judiciaire dès que le mandataire judiciaire a établi le relevé de ces créances (et sur ordonnance du juge commissaire, ce qui en réalité est peu usité). Une provision est également possible le temps matériel que les relevés soient établis. L'esprit du texte est que ces règlements bénéficient aux salariés présents dans l'entreprise et pas à ceux bénéficiaires d'une condamnation prud'homales, et d'ailleurs les textes évoquent clairement la vérification des créances salariales, à laquelle échappent les litiges en cours. 

Initialement trois exceptions au principe, auxquelles deux se sont ajoutées pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021

Indépendamment des paiements qui ne sont pas frappés d'interdiction parce qu'ils sont effectués par des tiers, il est précisé par le texte (le même article L622-7 )  que :

- les paiements sont interdits à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.

- les interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.

- Le juge-commissaire peut aussi autoriser le débiteur à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l'activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d'option est justifiée par la poursuite de l'activité.

(même si le texte ne le précise pas ici, il convient, dans le même esprit, de relever que L'article L624-16 organise, lui aussi, le paiement d'une dette antérieure pour faire échec à une action en revendication ou en restitution "Dans tous les cas, il n'y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. Le juge-commissaire peut également, avec le consentement du créancier requérant, accorder un délai de règlement. Le paiement du prix est alors assimilé à celui des créances mentionnées au I de l'article L. 622-17." (texte rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-18 et à la liquidation judiciaire par l'article L641-14)

En application de l'ordonnance du 15 septembre 2021, applicable aux procédures ouvertes postérieurement au 1er octobre 2021, (Article 15)  l'article L622-7 du code de commerce qui permet au juge commissaire d'autoriser les actes de disposition et certains paiement en période d'observation est modifié pour des questions de terminologie "sûreté réelle conventionnelle" au lieu de "hypothèque, gage, nantissement", ajout exprès de :

- la possibilité de payer un transporteur exerçant une action sur le fondement de la loi Gayssot (ce qui permet de contrer la position de la Cour de Cassation, et notamment l'arrêt Cass com 20 octobre 2021 n°20-16231 qui admet l'annulation du paiement.

- la possibilité pour le juge commissaire d'autoriser le débiteur, après avoir recueilli les observations du ministère public, à exercer les droits prévus à l'article 1699 du code civil . lequel dispose "celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite."

Voir également vérification et paiement des créances salariales

Le cas particulier des créances des producteurs agricoles

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2021 (et non pas 1er octobre 2021 comme c'est le cas des autres dispositions) l'ordonnance du 15 décembre 2021 est venue créer un nouvel article L624-21 inséré dans une section spécifique aux créances des producteurs agricoles, qui ne contient que cet article et dispose:

"Les sommes dues aux producteurs agricoles par leurs acheteurs sont payées, nonobstant l'existence de toute autre créance privilégiée à l'exception de celles garanties par les articles L. 3253-2 et L. 3253-5 du code du travail, à due concurrence du montant total des produits livrés par le producteur agricole au cours des quatre-vingt-dix jours précédant l'ouverture de la procédure."

Il ne s'agit pas de la création d'un privilège agricole mais d'un paiement préférentiel.

Le texte n'indique pas à quel moment ces créances sont payées, mais on suppose qu'il sera particulièrement efficace en liquidation judiciaire. Le jeu de ce texte en cas de plan n'est pas précisé. Ce texte tend à harmoniser le dispositif des procédures collectives avec l'article 2332-4 du code civil

L'interdiction ne peut tenir en échec le processus de paiement des effets de commerce

Les effets de commerce (chèques, lettres de change ...) ont leurs propres règles qui régissent le transfert de la provision dont ils sont le support.

Par exemple l'émission du chèque a pour effet de transmettre la provision au bénéfice du porteur, dès que le chèque est matériellement remis au bénéficiaire.

Au jour du jugement d'ouverture d'une procédure collective il se peut donc que le chèque soit émis, mais que la banque ne l'ait pas encore payé.

Pour autant, dès lors que le chèque était provisionné au jour où il a été remis au bénéficiaire, le jugement ne met pas en échec le transfert de la provision: autrement dit, la banque doit payer le chèque, même postérieurement au jugement. sans qu'il s'agisse du paiement interdit d'une créance antérieure.

Pour éviter des arrangements entre l'émetteur du chèque et le bénéficiaire, la jurisprudence considère qu'en cas de litige le bénéficiaire doit démontrer qu'il a bien reçu le chèque avant le jugement d'ouverture de la procédure (par exemple par l'enveloppe d'envoi): la date mentionnée sur le chèque ne suffit pas (Cass com 31 janvier 2006 n°04-15315) 

Enfin une banque qui passe un chèque émis en débit, puis le contrepasse faute de provision, n'effectue pas le paiement prohibé de sa créance antérieure Cass com 2 mars 2022 n°20-20181

Voir également compte bancaire

Les paiements au crible de l'interdiction: quels paiements ?

Interdiction de l'utilisation des fonds du débiteur affectés à la procédure collective

L'interdiction porte sur l'utilisation des fonds du débiteur, qui doivent être strictement utilisés dans le respect des règles de la procédure, et de l'égalité des créanciers: ainsi ce sont les paiements effectués par le débiteur et les organes de la procédure collective (administrateur judiciaire, liquidateur) hors les circonstances d'application est de la loi qui sont interdits et sanctionnés.

Mais évidemment si le liquidateur verse une provision à un créancier dans le cadre d'une autorisation du juge commissaire, ou si l'administrateur règle un créancier pour retirer un gage dans le cadre d'une autorisation donnée par ce juge, ils n'effectuent pas des paiements interdits.

Le débiteur ne peut, en violation du dessaisissement en liquidation, ou en utilisant la trésorerie de l'entreprise en redressement ou sauvegarde, payer un créancier antérieur, et la bonne foi du créancier qui ignore l'existence de la procédure collective est indifférente sur la sanction.

Est par exemple frappée de l'interdiction des paiements le paiement de dommages et intérêts dus par l'avocat en procédure collective, à sa collaboratrice dont il a rompu fautivement le contrat Cass civ 1ere 21 octobre 2020 n°19-11459

Utilisation possible par le débiteur des fonds dont il dispose librement ?

On peut se demander si par contre le débiteur pourrait payer un créancier antérieur avec les sommes qu'il est autorisé à utiliser, c'est à dire les subsides qui lui sont accordés ou par exemple la part non saisissable de ses salaires s'il est devenu salarié: le texte n'en dit rien, et la jurisprudence ne semble pas s'être penché sur cette question - marginale en réalité - mais à notre avis le débiteur dispose librement de ces sommes.

Liberté totale des paiements par les tiers

Enfin, et en tout état, si les paiements effectués par le débiteur ou les mandataires de justice sont "interdits", les tiers peuvent parfaitement payer un créancier.

Il peut d'agir du règlement d'un engagement dune caution ou d'un codébiteur, du règlement dans le cadre d'une action directe, d'un règlement volontaire -par exemple par un membre de la famille du débiteur - ou d'un règlement pour éviter des poursuites effectuées par d'anciens associés (Cass com 3 octobre 2006 n°04-13987)

Dans ce cas celui qui a payé peut s'il le souhaite faire valoir la subrogation dans les droits du créancier.

Il peut également s'agit d'un règlement dans le cadre d'une cession de créance: un tiers "achète" au créancier la créance dont il est titulaire au passif du débiteur. Cette pratique existe et donne lieu d'ailleurs à des regroupements de créance, certains organismes se portant acquéreurs d'un volume significatif de créance du même débiteur, ce qui leur permet de peser sur le sort de celui-ci notamment dans le cadre d'un plan, ou de spéculer sur la durée de la procédure.

Une sanction à la violation de l'interdiction: la nullité.

Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci (article L622-7 III)

Voir également Cass com 20 octobre 2021 n°20-16231 sur la prescription du remboursement en conséquence de l'annulation du paiement.

Effet de l'interdiction sur les cotisations

Dès lors que le paiement est interdit, il ne peut être tiré argument du fait que l'entreprise n'est pas à jour de ses cotisations Cass civ 2ème 1er décembre 2022 n°21-11997


Interdiction des actions en paiement et voies d'exécution

Voir le mot arrêt des poursuites


Interdictions (du débiteur en procédure collective)

La loi organise certaines interdictions, quand le débiteur est expressément sanctionné par un jugement, pour des actes anormaux:  voir le mot "faillite personnelle"

Par contre les "rumeurs" décrivent souvent des sanctions, notamment d'interdiction de "travailler" qui seraient la simple conséquence d'une liquidation judiciaire: cela n'existe pas. Voir l'étude détaillée sous le mot "sanction"


Intérêt (et arrêt ou maintien du cours des intérets)

Quelques points de la définition

Généralités

Le principe: arrêt du cours des intérêts

Conséquences pour la caution

L'exception : maintien du cours des intérêts pour les contrats à un an et plus

Quels intérêts ? Calcul

Déclaration de créance au titre des intérêts à échoir

Traitement des intérêts à échoir en cas de plan de redressement ou de sauvegarde

Traitement des intérêts en liquidation judiciaire

Généralités

L'intérêt est le revenu du capital.

Par exemple le prêt d'une somme d'argent engage l'emprunteur à rembourser le capital, c'est à dire la somme prêtée, selon l'échéancier et les modalités convenus, et les intérêts calculés en fonction de la somme encore due et d'un taux d'intérêt et de modalités de calcul fixés dans le contrat.

Les intérêts en cas de procédure collective: le principe d'arrêt du cours des intérêts

Le jugement d'ouverture de la procédure emporte (évidemment uniquement pour les créanciers antérieurs au jugement) arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

La règle de principe est posée par l'article L622-28 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-14 et à la liquidation judiciaire par l'article L641-3.

Evidemment la règle ne concerne que les intérêts postérieurs au jugement, les intérêts échus n'étant pas remis en cause (par exemple pour des intérêts majorés dus par un assureur Cass civ 2ème 25 janvier 2024 n°22-15299 (et d'ailleurs si une procédure de sauvegarde est ouverte, le jugement emporte arrêt du cours des intérêts, mais si par la suite le jugement est rétracté, rétroactivement le créancier a droit aux intérêts, peu important qu'ultérieurement, et de manière indépendante une nouvelle procédure collective soit ouverte, en l'espèce un redressement judiciaire Cass com 17 octobre 2018 n°17-17635)

Il s'agit notamment de faciliter le redressement de l'entreprise s'il est possible et de ne pas alourdir la dette au détriment des autres créanciers, par l'effet mathématique de la durée de la procédure (évidemment les intérêts "échus" c'est à dire qui étaient déjà dus au jour du jugement sont pris en considération).

Ainsi l'un des avantages significatifs de la procédure collective, en matière de redressement judiciaire ou de sauvegarde, sera de permettre de rembourser les créanciers de manière échelonnée dans le temps sans alourdir la dette principale Evidemment en situation de liquidation judiciaire, l'avantage est moins marqué puisque l'entreprise ne proposera pas de plan, mais l'absence d'intérêt évitera d'alourdir le passif au détriment des créanciers.

Les intérêts à échoir au jour du jugement d'ouverture de la procédure, qu'il s'agisse d'une sauvegarde, d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire (y compris post cession Cass com 5 février 2020 n°18-19044), ne seront donc pas admis au passif, et ne pourront être demandés dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement.

La terminologie employée par le texte "arrêt du cours des intérêts" et pas "suspension" ne laisse pas de doute sur le fait que la procédure collective emporte irrévocablement perte du droit aux intérêts à échoir, quels que soient les errements de la procédure: le cours des intérêts, arrêté durant la période d'observation, ne reprend pas en phase d'exécution du plan Cass com 10 décembre 2002 n°99-20478 ni en cas de conversion en liquidation judiciaire (laquelle en tout état emporte également arrêt du cours des intérêts) Cass com 7 février 1989 n°87-14003 rendu sous l'empire de la loi de 1985 mais transposable. A priori il ne devrait pas y avoir rétroactivement d'intérêt en cas de résolution du plan et de nouvelle procédure.

De même l'arrêt du cours des intérêts est définitif et ne prend pas fin avec la cession d'entreprise Cass com 5 février 2020 n°18-19044 

Conséquence de l'arrêt du cours des intérêts sur la caution

Voir le mot caution

L'exception en procédure collective à l'arrêt du cours des intérêts: les contrats à un an ou plus

La loi prévoit une exception majeure: pour les prêts et contrats comportant un échelonnement d'un an ou supérieur à un an, le cours des intérêts est poursuivi au taux contractuel.

L'article L622-28 du code de commerce organise en effet l'arrêt du cours des intérêts "à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus"

(par exemple a contrario sur le crédit vendeur dans le cadre de la vente d'un fonds de commerce Cass com 9 juin 2021 n°18-21940 )

Il est donc clair que les intérêts continuent à courir y compris si le contrat à plus d'un an (Cass com 19 mars 1996 n°92-20897, Cass com 28 septembre 2004 n°02-13885)  y compris s'il a fait l'objet d'une déchéance du terme, puisque ce qui compte n'est pas que la dette soit à échoir à plus d'un an au jour du jugement, c'est qu'à l'origine le contrat soit pour une durée supérieure à un an (Cass com 16 avril 1991 n°89-19868 Cass com 6 juillet 1993 n°91-14556

Les intérêts concernés sont tous intérêts de retard, mais sauf les intérêts majorés en cas de procédure collective, qui ne sont pas admissibles car dépendant de la situation procédurale Cass com 7 février 2024 n°22-17885

A contrario la simple tolérance, même ayant dépassé la durée d'un an (par exemple découvert en compte courant) ou l'ouverture de crédit en compte courant pour une durée indéterminée qui se traduit par un découvert permanent du compte courant ne remplissent pas les conditions de maintien du cours des intérêts (Cass com 6 mai 1997 n°94-13772 Cass com 23 avril 2013 n°12-14283) : le contrat n'est pas conclu pour une durée supérieure ou égale à un an (et d'une manière assez singulière c'est la durée initiale fixée à la convention d'origine qui est retenue, nonobstant les avenants ultérieurs Cass com 29 avril 2003 n°99-15544) voir également Cass com 30 aout 2023 n°22-10036 pour une avance de trésorerie.

En pratique un découvert bancaire ne donnera plus lieu à intérêt pénalité ou majoration à compter du jugement d'ouverture, alors qu'un prêt à moyen terme donnera lieu à maintien des intérêts, calculés selon les règles et taux du contrat.

En outre le terme "conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus" ne permet pas d'englober un crédit bail (Cass com 29 mai 2001 n°97-11151), sauf évidemment si les échéances sont différées de plus d'un an

Domaine d'application de la règle et son principe à toutes les situations.

Le processus s'applique tant à la déclaration et la vérification des créances qu'aux instances en cours qui tendent à la fixation de la créance qui ne pourront s'en affranchir pour admettre des intérêts qui ne rentreraient pas dans les conditions du texte.

Quels intérêts ?

Les intérêts au sens strict

Les intérêts dont le cours continue à courir sont calculés dans les conditions du contrat. Cependant L'article L622-28 exclu l'anatocisme.

L'exception à l'arrêt du cours des intérêts s'applique à toutes les catégories de créance, conventionnelles ou judiciaires; privilégiées ou chirographaires, et à tous les types d'intérêts, conventionnels ou moratoires, en ce compris les intérêts découlant d'une décision de justice (Cass com 16 novembre 2010 n°09-71935  Cass com 21 janvier 2003 n°99-21560), les intérêts de retards et majorations (Cass com 7 décembre 2004 n°02-13838 interprété a contrario)

les intérêts et pénalités à connotation de clause pénale

Il peut s'agit notamment de la clause par laquelle le taux d’intérêt contractuel est majoré en cas de défaillance de l’emprunteur, qui a vocation à s'appliquer (sauf si elle est rédigée de telle manière qu'elle ne s'applique qu'en cas de procédure collective) Cass com 2 juillet 2013 n°12-22284 "l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts, édictée à l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise, aux termes mêmes de ce texte, tous intérêts, sans en exclure les intérêts de retard prévus par ces conventions ; que la clause pénale prévoyant leur calcul à un taux supérieur à celui du prêt s'applique, sous réserve de l'exercice du pouvoir de modération du juge, même en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de l'emprunteur, à moins que cette clause de majoration n'aggrave sa situation qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective ; qu'ayant retenu que la clause litigieuse sanctionnait tout retard de paiement, ce dont il résulte qu'elle concernait tout débiteur, qu'il soit ou non soumis à une procédure collective" ...

Voir aussi Cass com 2 juillet 2013 n°12-22284, Cass com 15 novembre 2016 n°14-29885 (second moyen) et Cass com 16 juin 2021 n°20-13989 "Vu les articles L. 622-25, L. 622-28, L. 631-14 et R. 622-23, 2° du code de commerce 
Il résulte de ces textes que l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts, édictée à l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise, aux termes même de ce texte, tous intérêts, sans en exclure les intérêts de retard prévus par ces conventions."
et l'indemnité contractuelle .

Voir également le mot clause pénale pour plus de détail et les pouvoirs du juge commissaire.

Les clauses dites de recouvrement

Voir clause de recouvrement pour plus de détail

La déclaration de créance au titre des intérêts à échoir

Voir aussi le mot déclaration de créance

Le créancier dont la créance bénéficie du maintien des intérêts doit déclarer la créance du principal de sa créance ( le capital) et préserver les intérêts à venir (on dit à échoir).

L'article R622-23 indique que la déclaration de créance contient :

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté

Evidemment si le créancier est en mesure, dès la déclaration de créance, de calculer les intérêts à échoir, il peut en indiquer le montant et n'est alors pas tenu d'en indiquer les modalités de calcul qui découlent du contrat Cass Com 7 novembre 2018 n°17-22194 à propos d'une banque qui a déclaré une créance à échoir comprenant le capital restant du et les intérêts calculés jusqu'à la fin du contrat. Voir également Cass com 13 février 2019 n°17-26361

Autrement dit, l'intention de se prévaloir d'intérêts à échoir découle de la seule indication du mode de calcul de ces intérêts avec une mention permettant de percevoir qu'il s'agit des intérêts dont le cours n'est pas arrêté

La préservation de ces intérêts découle de deux points: d'une part il doit être clair dans la déclaration de créance que le créancier entend revendiquer des intérêts à venir (exigence très atténuée par l'article R622-23), et d'autre part le mode de calcul de ces intérêts doit être détaillé. Par exemple Cass com 5 juillet 2023 n°22-12310

Intention de se prévaloir d'intérêts à échoir

Une mention "outre intérêts",  "outre intérêt pour mémoire" (Cass com 15 mars 2005 n°03-18607 Cass com 5 avril 2006 n°14-20169  Cass com 13 juin 2006 n°05-12259 Cass com 21 janvier 2003 n°99-16810  Cass com 21 janvier 2003 n°99-16810  Cass com 13 novembre 2007 n°06-16696) ou "intérêts à échoir" est insuffisante pour préserver les intérêts (Cass com 31 janvier 2017 n°15-15030)

Le créancier doit donc avant tout indiquer clairement dans sa déclaration de créance qu'il sollicite son admission pour des intérêts dont le cours n'est pas arrêté (Cass com 31 janvier 2017 n°15-15030 pour la mention "intérêts de l'article L622-28 du code de commerce" jugée insuffisante) et ne peut, sans la moindre allusion aux intérêts dans sa déclaration de créance, se contenter de lui annexer l'acte de prêt Cass com 12 juillet 2004 n°02-20132

Indication du mode de calcul des intérêts

La déclaration de créance des intérêts à échoir doit être suffisamment précise pour permettre de les calculer.

Comme par hypothèse le créancier ignore à ce moment quand il sera payé, il ne lui est pas possible de déclarer créance pour une somme déterminée: il doit donc déclarer créance au titre des intérêts en indiquant dans sa déclaration tous les paramètres qui permettront en temps utile de procéder au calcul ( taux, mode de calcul ..) Voir par exemple Cass com 8 mars 2017 n°15-22722 Cass com 22 mars 2017 n°15-19481  Cass com 20 avril 2017 n°15-12978.

Le maintien des intérêts est en effet subordonné à la mention expresse dans la déclaration de créance du mode de calcul des intérêts (article R622-23 du code de commerce).

Ainsi il n'appartient pas au juge de prescrire une mesure d'instruction s'il éprouve une hésitation sur le montant des intérêts. Il a par exemple été jugé "aux termes de l'article 146, alinéa 2, du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve. Ayant relevé que, malgré la demande de production de pièces qui lui avait été adressée, la coopérative n'avait pas indiqué, période par période, le montant du principal de sa créance sur lequel devaient être calculés les intérêts qu'elle réclamait, ni la durée pendant laquelle ce calcul devait être effectué, la cour d'appel a pu en déduire que, la coopérative n'ayant pas elle-même fourni les éléments nécessaires au calcul du montant de sa créance d'intérêts, celle-ci devait être rejetée." Cass com 1er juillet 2020 n°19-11623

"Vu les articles L. 622-25, L. 622-28 et R. 622-23 du code de commerce :

7. Il résulte de ces textes que la seule mention dans une déclaration de créance, du montant non échu de cette créance et de l'indication du seul taux des intérêts de retard ne peut, en l'absence de toute précision sur les modalités de calcul des intérêts dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant ces modalités, valoir déclaration des intérêts dont le cours n'était pas arrêté.

8. Pour admettre la créance de la banque au titre des intérêts à échoir du prêt, l'arrêt relève que si la déclaration de créance à hauteur de la somme de 714 285,72 euros à échoir, mentionne seulement en marge, dans une rubrique « modalités de calcul des intérêts », taux contractuel de 5,20 %, elle se réfère à un décompte, qui s'y trouve joint, faisant apparaître une somme de 2 187,87 euros au titre des intérêts sur la somme de 178 571,43 euros correspondant aux échéances échues impayées, intérêts calculés au taux de 5,20 % du 30 juin 2018 au 24 septembre 2018. Il retient qu'il s'ensuit que les modalités de calcul des intérêts à échoir au titre du prêt sont déterminées de façon suffisante sur la déclaration de créance et le décompte qui s'y trouve annexé, et auquel la déclaration de créance se réfère, du moins en ce qui concerne les intérêts à échoir sur la somme de 178 571,43 euros au taux de 5,20 % à compter du 25 septembre 2018, sachant que ce taux découle de l'application de l'article 6.3 de la convention de prêt également jointe à la déclaration de créance.

9. En statuant ainsi, alors que la déclaration de créance, qui ne contenait elle-même aucune précision sur les modalités de calcul des intérêts de retard, ne comportait pas davantage de référence expresse à un décompte énonçant ce mode de calcul, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Cass com 23 novembre 2022 n°21-14116

Indication combinée de l'intention de se prévaloir d'intérêts et du mode de calcul

La déclaration de créance au titre du capital accompagnée d'une mention "avec poursuite des intérêts au taux contractuel de ... % " satisfait à la double exigence d'indication de l'intention de se prévaloir d'intérêts et du mode de calcul Cass com 14 mars 2018 n°16-26350

Prise en considération de l'intention du créancier et des pièces qui accompagnent la déclaration de créance

La Cour de Cassation est assez souple pour prendre en considération l'intention du créancier et rectifier le cas échéant les maladresses de terminologie (pour un exemple Cass com 28 juin 2005 n°04-14578)

Ainsi, idéalement la déclaration de créance comporte une ventilation des différents chefs de créance, et notamment du principal, des intérêts et/ou des créances échues et des créances à échoir et/ou des créances bénéficiant de garanties et des créances chirographaires. Mais ce n'est pas une obligation (Cass com 5 mai 2015 n°14-13213), encore qu'en pratique c'est évidemment quasiment nécessaire pour les besoins de la vérification des créances.

Cependant le plus important est que les pièces qui accompagnent la déclaration de créance permettent d'en comprendre la totalisation et la Cour de Cassation juge que rien n'oblige le créancier à distinguer par exemple le montant du capital et des intérêts: le juge dans l'admission de la créance peut effectuer cette distinction pour les besoins de l'arrêté de l'état des créances et rétablir le calcul d'intérêt pour substituer les modalités de calcul à la somme déclarée Cass com 28 février 2018 n°16-24867

De même la Cour de Cassation admet que la déclaration de créance fasse expressément référence pour le mode de calcul des intérêts aux pièces qui lui sont annexées Cass com 7 mars 2006 n°04-19201

Attention à la formulation de l'admission de la créance

Dans l'admission de la créance sur l'état des créances: la simple mention "outre intérêt" est insuffisante (Cass com 13 janvier.2015 n°13-21504), même si la déclaration de créance mentionne les modalités de calcul des intérêts.

La nature de la créance d'intérêt à échoir : une créance antérieure

Malgré quelques tentatives infructueuses, il n'y a pas débat sur le fait que la créance des intérêts à échoir qui deviennent exigibles après l'ouverture de la procédure collective reste une créance antérieure au jugement: le fait générateur est antérieur et la créance par voie d'accessoire se rattache à la créance principale

Le traitement des intérêts préservés, en cas de plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire

- le plan va évidemment inclure les intérêts échus dus au jour du jugement

- le plan peut comporter une proposition de suppression des intérêts, à la condition que les créanciers l'acceptent

- le plan peut prévoir un maintien de l'échéancier contractuel: les intérêts à échoir, s'ils ont été correctement déclarés au passif, sont payés dans le respect de l'échéancier. Seules les échéances qui avaient été suspendues pendant la période d'observation sont décalées, en principe en fin d'échéancier. Mais ce décalage génère légitimement des intérêts qui, sauf remise acceptée expressément par le créancier, doivent être prévus dans le plan: le plan ne peut imposer au créancier de renoncer aux intérêts produits par la suspension du paiement du prêt pendant la période d'observation: la terminologie employée dans les projets de plan consiste en principe à indiquer que l'échéancier qui avait été suspendu durant la période d'observation sera repris à compter de l'adoption du plan et décalé de la durée de la période d'observation, ce décalage entrainant à la charge du débiteur l'application des intérêts de retard correspondant à la durée de la suspension des paiements inhérents à la période d'observation, au taux contractuel prévu pour les intérêts de retard, à l'exception de tous autres intérêts de retard (sauf évidemment s'ils sont contractuellement prévus, ce qui est en principe non envisagé). L'article L622-28 exclu l'anatocisme

- si l'échéancier initial est plus court que la durée du plan, le plan peut prévoir que les créances à échoir seront remboursées non plus selon l'échéancier mais suivant la durée du plan: l'échéancier est allongé. Il peut en être de même si le créancier refuse les propositions et si le tribunal lui impose des délais de remboursement plus longs que l'échéancier initial.

Dans ce cas le plan doit inclure :

- a minima les échéances échues au jour du jugement d'ouverture de la procédure, les échéances suspendues durant la période d'observation, les échéances qui étaient à échoir au jour de l'arrêté du plan et les intérêts de retard générés par la durée de suspension de la période observation, à l'exclusion de tout autre intérêt de retard: le cumul de ces sommes sera l'assiette des dividendes à verser (a priori c'est le taux des intérêts de retard qui s'applique et pas le taux d'intérêt du contrat, sauf évidemment accord du créancier)

- a priori également le paiement des intérêts (là encore intérêts de retard stipulés au contrat et pas uniquement les intérêts) sur la période "supplémentaire" par rapport à l'échéancier initial n'est du que si le créancier a pris la précaution de déclarer à ce titre une créance éventuelle. C'est ce qui a été jugé par la Cour de Cassation dans un arrêt Cass com 2 février 1993 n°91-13558 : la banque a déclaré créance au titre des intérêts de retards à échoir, et la Cour de cassation valide la décision par laquelle cette créance est admise au motif que "les retards de remboursement des prêts étant la conséquence des délais imposés par le Tribunal dans le jugement arrêtant le plan de continuation, la créance d'intérêts moratoires conventionnels devait être admise au passif, en l'absence de faute du créancier". C'est également en ce sens qu'a statué la Cour de Cassation en jugeant "le créancier, qui a consenti au débiteur, avant son redressement judiciaire, un prêt pour une durée d'au moins un an et auquel sont imposés par le plan de continuation des délais de remboursement plus longs que ceux contractuellement prévus, a droit au paiement des intérêts prévus par le contrat à raison de l'allongement de ces délais ; que la cour d'appel qui a retenu que les intérêts de retard contractuels étaient dus jusqu'à la dernière échéance du plan relative à la créance de la ...  a légalement justifié sa décision .. Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que le juge-commissaire a réservé la fixation des intérêts dont le cours n'était pas arrêté, de sorte que la décision d'admission au passif n'a pas autorité de la chose jugée de ce chef ; Attendu, enfin, que la société .. s'est bornée à prétendre dans ses conclusions d'appel que les modalités d'application du plan de continuation devaient s'appliquer à la créance déclarée ; que la cour d'appel a constaté que la déclaration de créance mentionnait le calcul des intérêts dont le cours n'était pas arrêté" Cass com 14 octobre 1997 n°95-14824 : clairement les intérêts sont dus sous la seule condition qu'ils aient été correctement déclarés au passif et admis lors de la vérification des créances. " le créancier qui a consenti au débiteur, avant son redressement judiciaire, un prêt pour une durée d'au moins un an et auquel sont imposés par le plan de continuation des délais de remboursement plus longs que ceux contractuellement prévus, a droit au paiement des intérêts prévus par le contrat à raison de l'allongement de ces délais" (sous réserve évidemment de déclaration de créance) Cass com3 décembre 2003 n°02-14966

Une autre décision est particulièrement éclairante sur la situation des intérêts:

Un " plan de continuation a été arrêté ... prévoyant le remboursement à 100 % sans intérêt du passif en dix dividendes annuels d'égal montant, ... précisant que le remboursement des prêts consentis à M. X... par le Crédit industriel et commercial (CIC) ... interviendra selon les modalités arrêtées par le plan sur dix ans mais avec l'intérêt des contrats d'origine".

Le débiteur engage des recours pour qu'il soit jugé que les prêts seront remboursés sans intérêt. La Cour de cassation rejette cette prétention au motif que la banque avait correctement déclaré au passif les intérêts à échoir, outre le fait que "le bilan économique et social comportant le projet de plan signé de M. X... contient la mention selon laquelle le remboursement de ces deux prêts interviendra avec un intérêt, celui des contrats d'origine, s'agissant de prêts conclus pour une durée supérieure à un an, conformément aux dispositions de l'article L. 621-48 du code de commerce et que M. X... n'a pu se méprendre sur le sens de ces mentions" mais la décision est cassée, précisément au motif que les juges n'avaient pas vérifié si les intérêts avaient été admis au passif à l'issue de la vérification des créances Cass com 13 novembre 2007 n°06-17707

Si le plan ne prévoit rien, ce sont bien en tout état les intérêts mentionnés dans la déclaration de créance (et admis au passif), et donc a priori calculés sur la durée du contrat, qui sont dus  Cass com 25 avril 2001 n°96-22035 mais il semble préférable que le plan prévoit expressément comment seront traités les intérêts pour que le créancier qui se positionne sur le plan sache parfaitement à l'avance comment sera traité la créance. Une réponse ministérielle ancienne va dans le même sens (JO SENAT 08.02.1990 page 284 )

Le traitement des intérêts préservés en liquidation judiciaire

Le liquidateur qui prévoit une répartition aux créanciers va demander au créancier de calculer les intérêts dus à la date prévisible du paiement. Ainsi le créancier aura, par sa déclaration de créance, préservé le calcul à venir des intérêts en indiquant le taux et les modalités de calcul, et la somme exacte sera calculée sur la durée exactement due.

Le cours des intérêts cesse au jour du paiement du principal Cass com 1er juillet 2020 n°19-10331


Intéret au taux légal sur une dette (point de départ)

En matière d'obligation contractuelle ou plus exactement de préjudice résultant de l'inexécution d'un contrat

Dans le cas d’un impayé le premier réflexe à avoir est de mettre le débiteur en demeure de payer, par courrier recommandé avec accusé de réceptions pour en ménager la preuve. 

Cette formalité permettra de justifier d’une tentative préalable, si par la suite un contentieux doit être engagé, et fera marquera le point de départ des intérêts de retards dus par le débiteur (et évidemment sauf dispositions contractuelles différentes notamment sur le taux d’intérêt).

 L’article 1231-6 du code civil (ex 1153-1) dispose en effet

« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. »

A défaut de mise en demeure c'est l'assignation qui sera le point de départ de calcul des intérets.

Entre professionnels (visés par le texte) l’article L441-6 du code de commerce, il n’est pas prévu de mise en demeure, « les pénalités de retard pour non paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats «  Cass com 3 mars 2009 n°07-16527

Certaines matières particulières

Ponctuellement la loi aménage d'autres points de départ des intérets moratoires (chèque impayé date de présentation, fin de la tutelle, ouverture de la succession pour l'action en rapport, divorce pour les récompenses, date des avances pour les sommes avancées par le mandataire, jour où l'apport devait être réalisé pour les apports en société cf article 1842 ancien du code civil, jour du paiement pour le paiement de l'indu, au jour de la remise en compte courant pour les comptes courants, ...)

En matière indemnitaire (décision de justice)

A l'inverse de ce qui se passe au visa de l'article 1231-6 qui est relatif à l'exécution d'un contrat, et même si le jugement ne le précise pas, la condamnation au principal emporte condamnation aux intérets au taux légal à compter de la date de la décision (article 1231-7 du code civil), et ce même si aucune demande en ce sens n'était formulée.

"En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
"

Le même texte ouvre donc la faculté pour le juge d'en décider autrement, ce qui, en matière indemnitaire (par exemple un accident de la circulation) peut donner lieu à condamnation à des intêrets à compter de l'accident (Cass civ 2ème 20 juin 1990 n°89-10347) mais qui en réalité revient en principe à fixer le point de départ des intérets au jour de l'assignation (Cass civ 2ème 23 janvier 1991 n°89-18001), ce qui est alors présenté comme constituant réparation complémentaire faisant partie intégrante des dommages intérets accordés à titre principal.

Ainsi toute somme due à la suite d'une décision de justice emporte intérêts au taux légaux si le paiement intervient dans les deux mois à compter de la signification de la décision si elle est exécutoire.

Le calcul est effectué à partir du taux (un taux pour les créances des particuliers et un taux pour les créances des professionnels) calculé par jour (sur la base d'une année qui en tout état est comptée pour 365 jours)

Au delà de deux mois (à compter de la signification) le taux est majoré de 5 points.

Si le débiteur ne paie pas dans un délai de 2 mois suivant la date d'application du jugement, les intérêts sont majorés au-delà de ces 2 mois.


Interprétation

Voir requête en interprétation


Interruption de l'instance

En général

L'instance peut être interrompue en raison de diverses circonstances. L'interruption a lieu soit de plein droit, soit après notification de l'évènement qui la provoque

Interruption de plein droit

L'article 369 du CPC dispose

L'instance est interrompue par :

- la majorité d'une partie ;

- la cessation de fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire ;

- l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

Etant précisé que le droit des procédures collectives organise en outre l'interruption de certaines instances.

Interruption après notification d'un évènement

L'article 370 du CPC dispose

A compter de la notification qui en est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par :

- le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible ;

- la cessation de fonctions du représentant légal d'un incapable ;

- le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d'ester en justice.

Le temps de l'interruption

L'article 371 du CPC dispose 

En aucun cas l'instance n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats.

Dans le cas d'un jugement d'ouverture c'est la date du prononcé qui compte.

Cf également Cass com 3 avril 2019 n°17-27529, Cass civ 2ème 16 mai 2019 n°18-14681 et pour un jugement d'ouverture Cass civ 2ème 18 décembre 2003 n°02-10765 ou Cass civ 2ème 25 mai 2022 ,n°19-12048 19-15052

Effet de l'interruption 

L'article 376 du CPC dispose

L'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge.

Celui-ci peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l'instance et radier l'affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti.

Il peut demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d'instance.

Les actes et décisions postérieurs à l'interruption

L'article 372 du CPC dispose

Les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

Pour plus de précision voir  jugement non avenu

Modalités de la reprise d'instance

L'instance interrompue est reprise après régularisation de la procédure au regard de la nouvelle situation de la partie (par exemple mise en cause des héritiers, intervention d'un nouveau représentant légal, changement d'avocat ...)

L'article 373 du CPC dispose

L'instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense.

A défaut de reprise volontaire, elle peut l'être par voie de citation.

L'article 374 dispose

L'instance reprend son cours en l'état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue

Voir jugement non avenu pour plus de détail

L'article 375 dispose

Si la partie citée en reprise d'instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants.

L'instance pourra être reprise, y compris en cas de décision irrégulière rendue par la juridiction saisie, dès lors que cette décision est "simplement" non avenue (voir  jugement non avenu) et que l'interruption n'a pas pour effet de dessaisir le juge ... le tout sauf péremption (voir ci après).

Péremption de l'instance reprise

La question peut se poser de savoir si entre l'interruption et la reprise d'instance la péremption est susceptible d'être acquise.

A priori l’interruption de l’instance emporte l'interruption du délai de péremption (article 392 du CPC)

Le délai de péremption court à nouveau à l’encontre de la seule partie qui a bénéficié de l’interruption (Cass Civ 2ème 10 mars 2005 n° 03-12437)  et, pour cette partie, uniquement à compter du jour où l’instance est reprise (Cass civ 3ème 27 mars 2002, n° 00-20732)

En effet l'interruption de l'instance et, partant du délai de péremption ne profite qu'à la partie bénéficiaire de l'interruption de sorte que l'autre partie doit veiller à accomplir des actes interruptifs Cass civ 2ème 10 janvier 2008 n°07-10974 et donc reprendre l'instance dans le délai de deux ans.

Interruption de l'instance par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective (voir instance en cours

"Mais attendu qu'ayant rappelé que, selon l'article 369 du nouveau code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le redressement judiciaire avait interrompu l'instance et, partant, le délai de péremption au profit de la seule partie qui y était soumise et que le GAN ne pouvait s'en prévaloir, de sorte que les mandataires judiciaires de la société le Cabinet Jeanne étaient fondés à soutenir que l'instance était périmée, faute pour le GAN d'avoir accompli les diligences dans le délai de deux ans ;" Cass civ 2ème 28 juin 2006 n°04-16316

Qu'en statuant ainsi, alors que le redressement judiciaire de la SCI n'avait interrompu l'instance et, partant, le délai de péremption, qu'au profit de cette seule partie, de sorte que, le créancier ne pouvant s'en prévaloir, la SCI et les mandataires judiciaires étaient fondés à soutenir que l'instance était périmée, faute pour lui d'avoir accompli dans le délai de deux ans les diligences nécessaires à sa reprise régulière, Cass com 11 avril 2018 n°16-20149

Le cas particulier des instances en paiement

Au visa de l'article L622-22 , l'ouverture de la procédure interrompt l'instance en paiement, jusqu'à ce que le créancier ait déclaré créance, en suite de quoi elle a vocation à être reprise.

La Cour de Cassation juge que la reprise d'instance doit intervenir dans les deux ans, non pas de la déclaration de créance mais du jugement d'ouverture de la procédure collective Cass com 11 avril 2018 n° 16-20149 qui précise que seul le débiteur en procédure collective (et les mandataires de justice) peuvent se prévaloir de l'interruption de l'instance. 

Voir également

Cass com 23 octobre 2019 n°18-10700 qui est plus équivoque et dispose, dans un cas où plus de deux ans s'étaient écoulés entre la déclaration de créance et la reprise d'instance ce qui rend difficile de cerner la solution et le point de départ de la péremption (ouverture de la procédure ou déclaration de créance ) 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Deloitte et associés a assigné la société Go On Media en paiement de factures d'honoraires le 1er juillet 2013 ; que cette dernière ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 11 juillet 2013, la société Deloitte et associés a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de la société BTSG 2, désignée mandataire judiciaire ; que l'affaire devant le tribunal a fait l'objet d'un retrait du rôle le 25 mars 2015 ; que le juge-commissaire a, par une ordonnance du 15 septembre 2015, constaté qu'une instance était en cours ; que le 6 janvier 2016, la société Deloitte et associés a assigné en intervention forcée le mandataire judiciaire et demandé la fixation de sa créance à la procédure collective de la société Go On Media ; que cette dernière a opposé la péremption de l'instance ;

Attendu que pour rejeter la demande de péremption d'instance, l'arrêt, interprétant une lettre adressée le 16 juillet 2015 au mandataire judiciaire par la société Deloitte et associés, visant à lui transmettre des pièces dans le cadre de la procédure en paiement, retient que la volonté de poursuivre cette instance était caractérisée à cette date, interrompant le délai de péremption, de sorte que, lors de l'intervention forcée du mandataire judiciaire, effectuée le 6 janvier 2016, le délai de deux ans prévu à l'article 386 du code de procédure civile pour la péremption d'instance n'était pas expiré ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le créancier, qui avait déclaré sa créance le 31 juillet 2013, interrompant ainsi le délai de péremption, avait, en appelant en cause dans ce délai le mandataire judiciaire, accompli toutes les diligences nécessaires à la reprise régulière de l'instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;"

Cass civ 2ème 10 janvier 2008 n°07-10974 qui fait incontestablement courir le délai de péremption, pour le créancier, du jugement d'ouverture

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'interrompt l'instance, et le délai de péremption, qu'au profit de la personne soumise à cette procédure, la cour d'appel en a justement déduit qu'il appartenait à la banque d'effectuer toutes diligences utiles pour reprendre l'instance dans le délai de deux ans et que, ne l'ayant pas fait, l'instance en paiement se trouvait périmée ;

Il y a donc débat pour savoir si le délai de péremption est interrompu par la déclaration de créance et recommence à courir à compter de celle-ci ou si ce délai court, vis à vis du créancier, à compter du jugement d'ouverture, à charge pour le créancier d'avoir déclaré créance et repris l'instance dans les deux ans. C'est cette dernière solution qui semble prévaloir, encore qu'il faut bien constater qu'en application de l'article L622-22 "les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant."  ce qui permet de soutenir que c'est à compter de la déclaration de créance que le délai de péremption recommence à courir.

N'oublions pas cependant que l'instance est suspendue pendant la durée de la procédure collective et pourra, y compris en l'absence de déclaration de créance (dès lors que la créance non déclarée est simplement inopposable) reprendre l'instance, si elle n'est pas périmée, dans les quelques cas où les textes l'admettent

Précisions sur l'interruption de l'instance en raison d'une procédure collective Voir instance en cours et procédure collective

 


Interruption de la prescription et nullités de forme (article 114 du CPC) ou pour irrégularité de fond (dites parfois nullités de fond, article 117 du CPC)

Voir le mot prescription 


Intervenant

Voir intervention


Intervenant forcé

Voir intervention


Intervenants extérieurs et techniciens dans les procédures collectives

Généralités

Les "intervenants extérieurs" sont les professionnels qui interviennent dans le déroulement des procédures collectives, sans être les mandataires de justice désignés.

Pour reprendre la classification posée par la Chancellerie (circulaire ministérielle du 12 mars 2004 (NOR JUSC0420062C) complétée par la circulaire du 22 avril 2022, on peut distinguer trois catégories d'intervenants extérieurs

- ceux qui, en tout état, interviennent dans le cadre de la vie d'une entreprise : expert comptable, commissaire aux comptes, techniciens divers. Leurs relations avec l'entreprise en procédure collective relève des contrats en cours s'il s'agit de poursuivre un contrat en cours avant l'ouverture de la procédure collective, et se régule selon les règles du dessaisissement s'il s'agit d'un contrat nouvellement passé par l'entreprise, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective. A priori, a minima en sauvegarde ou en redressement judiciaire, ces conventions relèvent de la gestion courant et n'ont pas à être autorisées, et sont payées en rang de créance postérieure

- ceux dont l'intervention est rendue nécessaire pour le bon déroulement de la procédure collective et qui n'accomplissent pas des tâches relevant des missions des mandataires de justice

- ceux qui interviennent en sous traitants des mandataires de justice.

La frontière entre les deux dernières catégories est évidemment une question d'appréciation de l'étendue de la mission des mandataires de justice, pour déterminer si le prestataire intervient aux lieu et place du mandataire de justice, auquel cas il est légitime que ce soit lui qui le rémunère puisqu'il est lui même déjà rémunéré par l'entreprise pour accomplir sa mission et qu'il n'y a aucune raison pour que l'entreprise rémunère deux intervenants pour la même tâche, ou si au contraire le prestataire apporte une réelle compétente et une prestation qui ne relève pas des prestations attendues du mandataire de justice et pour lesquelles il est rémunéré, auquel cas il est légitime que ce soit le débiteur en procédure collective qui en assume le coût.

Pour cette raison, la désignation d'un intervenant en sous traitance d'un mandataire de justice est soumise à autorisation judiciaire (du président du tribunal) et celle d'un intervenant nécessaire à la procédure qui n'accomplit pas les tâches des mandataires de justice est soumise à autorisation (du juge commissaire) ce qui permet un contrôle d'opportunité et l'appréciation des délimitations de cette frontière

A ce sujet un indicateur peut être de chercher si l'intervenant apporte une plus value par rapport au mandataire de justice dans l'exercice normal de sa mission ou si l'objet de son intervention est d'une technicité particulière. Et la notion "d'exercice normal" peut s'apprécier au regard des honoraires des mandataires de justice : s'il sont rémunérés pour accomplir une tâche, elle relève de leur fonction, et ce n'est pas nécessairement le cas à l'inverse.

Les intervenants extérieurs qui interviennent en sous-traitance des mandataires de justice

Par principe les mandataires de justice ne peuvent sous traiter les diligences pour lesquelles ils sont désignés (pour un exemple de rédaction d'un avenant à un contrat par un avocat Cass com 30 juin 2021 n°20-13722)

Si une juridiction désigne un mandataire de justice, c'est pour que ce soit lui qui accomplisse les diligences prévues par la loi, sous sa responsabilité, et le tarif applicable est prévu pour le rémunérer (voir les honoraires).

Ces principes sont posés par les articles L811-1 pour les administrateurs judiciaires et L812-1 pour les mandataires judiciaires : "Les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois déléguer tout ou partie de ces tâches à un mandataire judiciaire salarié, sous leur responsabilité. Ils peuvent, en outre, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.

Lorsque les mandataires judiciaires confient à des tiers des tâches qui relèvent de la mission que leur a confiée le tribunal, ils les rétribuent sur la rémunération qu'ils perçoivent."

Cependant il convient de procéder à des tempéraments, posés par les mêmes textes, et la circulaire ministérielle du 12 mars 2004 (NOR JUSC0420062C) déjà évoquée pose parfaitement les choses :

- la loi du 6 aout 2015  introduit le statut des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires salariés, et évidemment un professionnel désigné peut, sous sa responsabilité, confier certaines diligences à un autre professionnel qui est son salarié

- il peut être opportun que certaines diligences exceptionnelles soient, en raison de leur ampleur (par exemple recouvrement d'un compte client exceptionnellement important ou relevant d'une technicité particulière, recours à un controleur de gestion ...), confiées à un tiers: dans ce cas les textes (précités) disposent que les professionnels peuvent "lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches". La décision du président est absolument nécessaire (Cass crim 26 septembre 2001 n°00-86525) , et a priori la situation doit rester l'exception.

Etant précisé qu'il est particulièrement mal venu que l'intervenant extérieur soit un juge commissaire d'une juridiction voisine (Recommandation Ministère de la justice 1/2024)

Certains professionnels recourent à des services salariés externalisés dans des sociétés sous-traitantes (ou des GIE) dont ils sont généralement associés avec d'autres confrères, ce qui permet de mutualiser les diligences sociales.

Le débat peut exister pour savoir s'il est ou pas nécessaire dans ce cas précis, de solliciter l'autorisation présidentielle, mais on voit mal en quoi le "bon déroulement de la procédure" serait systématiquement invoqué et retenu.

En tout état, à la lettre du texte et en droit, c'est bien là un tiers qui assume les diligences du professionnel désigné en ses lieu et place, et on ne peut s'affranchir de l'autorisation judiciaire.

Et ce même si, de fait, les professionnels concernés s'en exonèrent volontiers, à tort à notre avis, en considérant que c'est indirectement eux, puisqu'ils sont associés du tiers en question. En tout état le tiers doit être rémunéré par le professionnel, et pas par la procédure collective, qui assume déjà les honoraires du dit professionnel

Les intervenants extérieurs nécessaires au déroulement de la procédure qui n'effectuent pas les tâches des mandataires judiciaires

Le bon déroulement de la procédure collective peut nécessiter des diligences qui n'entrent pas dans la compétence habituelle ou la mission habituelle du professionnel, confiées à des tiers, rémunérés par la procédure collective. (par exemple Cass com 13 décembre 2017 n°16-15962) : experts, sapiteurs, techniciens ...

Ainsi

- établir les documents de paye, attestations employeur, certificats de travail ne relève pas de la mission habituelle du mandaraire judiciaire (ou du liquidateur). Si le débiteur ne peut accomplir ces tâches en interne, il est justifié de faire appel à un prestataire (par exemple l'expert comptable en charge des opérations de paye. Les diligences professionnelles (IFPPC) précisent d'ailleurs " Dès l’ouverture de la procédure, le mandataire judiciaire ou le liquidateur s’efforce d’obtenir du chef d'entreprise, ou de ses services, et de l’expert-comptable, ou du prestataire chargé de la paie, tous éléments utiles à l’établissement des relevés de créances salariales.Il en vérifie la cohérence." ... "A défaut de justification suffisante de la qualité de salarié, ou de l’existence et du montant d’une créance, le mandataire judiciaire ou le liquidateur n’inscrit pas la créance prétendue sur le relevé et en avise immédiatement l’intéressé".

Il convient à ce sujet de rapeller que le mandataire judiciaire n'est pas un prestataire spécialisé dans la gestion de la paye, et qu'il n'est d'ailleurs rémunéré que pour l'établissement des relevés de créances salariales présentés à l'AGS our portés sur les états des créances. Le débiteur et/ou ses conseils sont en charge de lui remettre une infirmation exploitable.

- mener une action en responsabilité, une constitution de partie civile, défendre à des procédures prud'homales, mettre en place un PSE pour un effectif important... fait appel à des compétences et des diligences qui ne relèvent pas ipso facto du professionnel, et même si légalement il n'est pas toujours nécessaire qu'il recoure à un avocat ou un conseil, il n'est pas critiquable d'en missionner un, rémunéré par la procédure collective.

C'est en effet le recours aux "techniciens" qui est encadré: l'article L621-9 du code de commerce prévoit

« Le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.
Lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L. 621-4 de désigner un ou plusieurs experts.
Les conditions de la rémunération de ce technicien sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. » et l'article R621-23 du code de commerce prévoit « Avant de désigner un technicien en application de l'article L. 621-9, le juge-commissaire recueille les observations du débiteur.
Dès l'achèvement de la mission du technicien, le juge-commissaire arrête sa rémunération en fonction notamment des diligences accomplies, de la qualité du travail fourni et du respect des délais impartis.
Lorsque le juge-commissaire envisage de fixer cette rémunération à un montant inférieur au montant demandé, il doit au préalable inviter le technicien à formuler des observations.
Le juge-commissaire délivre au technicien, sur sa demande, un titre exécutoire
. »

En outre l'article R641-11 dispose « A l'exception de l'article R. 621-20 et du premier alinéa de l'article R. 621-23, les dispositions des articles R. 621-17 à R. 621-24 et R. 622-18 sont applicables aux organes de la procédure et aux contrôleurs. », et les commentateurs (L’essentiel, Droit des entreprises en difficulté, N°8 Décembre 2009 commentaires page 6) tirent de ce dernier texte qu’en liquidation, le juge commissaire n’a pas à recueillir les observations du débiteur.

(il semble cependant que le juge doit respecter l'article 493 du CPC (ce qui impose au juge d'exposer en quoi il n'appelle pas la partie visée par la requête) s'il entend désigner un technicien qui sera chargé d'établir un rapport sur les éventuelles fautes d'une personne désignée) mais la personne désignée pour établir un rapport n'a pas le statut d'expert judiciaire et n'est donc pas soumis aux dispositions d'une expertise judiciaire Cass com 24 mars 2021 n°19-21457 Cass com 5 octobre 2022 n°22-13290 Cass com 5 juillet 2023 n°22-13287

Voir également les règles professionnelles des mandataires judiciaires articles 513-1 et suivants qui disposent notamment que " 513.1 Sous réserve des dispositions prévues infra à la sous-section 3, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire veillent à ce que l’intervenant mandaté par ses soins, y compris l’avocat, n’ait aucun lien de parenté ou de dépendance, directe ou indirecte, avec lui, ni avec les diverses parties à la procédure, et il s’efforce de procéder à une mise en concurrence préalable."

Les honoraires de l'intervenant se limitent expressément à ce qui a été autorisé par le juge commissaire (voir le cas des honoraires du commissaire priseur désigné  pour établir l'inventaire, qui sont à la charge de la procédure, à l'exclusion de toute autre diligence qui n'aurait pas été autorisée par le juge commissaire Cass com 21 octobre 2020 n°19-17434 )

Le cas particulier des avocats

Le recours aux avocats n'est pas le recours à un intervenant "classique" (pour plus de détail voir le mot avocat)


Intervenant volontaire

Voir intervention


Intervention

Généralités

L'intervention est l'acte de procédure par lequel une personne qui n'est pas partie à un procès va en devenir partie : soit c'est un acte volontaire du tiers concerné qui considère qu'il doit participer à la procédure, et dans ce cas il s'agit d'une intervention volontaire, soit c'est un acte d'une partie au procès, qui attrait le tiers à la procédure en cours, et il s'agit d'une intervention forcée

C'est la définition posée par l'article 66 du CPC, l'article 63 du CPC précisant que l'intervention est une demande incidente, ce qui suppose qu'elle soit dénoncée aux parties initiales (article 69 CPC)

L'intervention est régie par les articles 325 et suivants du CPC : elle doit se rattacher aux prétentions des parties par un lien suffisant, et peut donner lieu à disjonction si elle risque de retarder la décision sur le litige initial (326 CPC "Si l'intervention risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout, le juge statue d'abord sur la cause principale, sauf à statuer ensuite sur l'intervention" )

Procéduralement l'intervention est un acte de la procédure initiale sur laquelle elle vient s'immiscer et n'est pas une instance distincte. Le lien d'instance existant entre les parties initiales est étendu au tiers. Les actes de procédure déjà effectués doivent lui être dénoncés, et il doit pouvoir les contester, y compris un rapport d'expertise antérieur (Cass com 19 décembre 2013 n°12-20252)

L'intervention forcée

Une personne qui n'était pas partie à une procédure peut être assignée en "intervention forcée" par une partie, qui l'oblige à venir participer (l'acte est effectué suivant les formes d'introduction de l'instance, donc a priori une assignation, article 68 CPC mais en procédure orale cela peut être une simple convocation du greffe)

Par exemple une partie qui est garantie par une assurance va appeler son assureur en intervention forcée pour qu'elle puisse à terme le garantir

En cause d'appel l'intervention forcée est possible si l'évolution du litige le justifie (car cela prive l'intervenant d'un degré de juridiction) article 455 du CPCce qui n'est pas le cas si l'assuré fait l'objet d'une procédure collective, cette circonstance ne constituant pas une évolution du litige qui justifie la mise en cause de l'assureur Cass civ 2ème 11 février 2021 n)18-16535

L'intervention forcée est régie par les articles 331 et suivants du CPC

L'article 331 du CPC prévoit deux cas :

"Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement."

Le texte ajoute 

"Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense."

Dès lors qu'il s'agit d'étendre le litige au tiers, ce dernier ne peut soulever d'exception d'incompétence territoriale (article 333 CPC)

Comme déjà indiqué, l'intervention est un acte de la procédure initiale, dont elle est un incident : en matière d'intervention forcée, le processus administratif est assez singulier, car l'assignation en intervention, qui doit être dénoncée à la fois au tiers et aux autres parties, reçoit en principe un numéro de répertoire attribué par le greffe, qui est différent de celui de l'instance initiale : la pratique a pris l'habitude de demander la "jonction".

L'instance est en effet unique, et les termes même de l'article 331 du CPC sont absolument sans équivoque : le tiers est mis en cause et appelé à l'instant par la partie qui aurait pu agir contre lui dans une instance principale, ou mis en cause pour que le jugement issu de l'instance à laquelle il est attrait lui soit commun, et il doit être appelé en temps utile car il se greffe sur une instance en cours. 

En réalité, et nonobstant la pratique il ne peut donc s'agit d'une jonction au sens procédural du terme,

La juridiction n'a d'ailleurs pas la possibilité de refuser cette "jonction".

En effet "Mais attendu qu'il résulte des articles 63 et 66 du code de procédure civile que l'intervention forcée constitue une demande incidente qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires, de sorte qu'elle n'entraîne pas la création d'une nouvelle instance ;

Et attendu qu'ayant relevé que M. X... avait assigné M. et Mme Z... et les notaires en intervention forcée dans la procédure principale diligentée à l'encontre de Mme Y..., et exactement retenu qu'il ne pouvait dès lors soutenir qu'il existait deux instances différentes, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait" Cass civ 2ème 25 juin 2015 n°13-27470 et 14-21713 qui rejette le pourvoi contre une décision de jonction.

Certains praticiens ne sollicitent pas la jonction, et se contentent de solliciter que le juge déclare recevable la mise en cause du tiers, la juge bien fondée, et le condamne dans le cadre de l'instance principale

Le juge ne pourra que déclarer l'intervention irrecevable si les conditions ne sont pas remplies mais ne peut refuser la "jonction" si elle est demandée

L'intervention volontaire

C'est le terme employé pour qualifier un plaideur qui n'est pas partie à une procédure, et qui n'est donc ni demandeur ni défendeur, mais qui estime qu'il a intéret à y participer, soit pour venir soutenir une partie (ce qu'on appelle alors l'intervention volontaire accessoire), soit pour y faire valoir ses propres intérêts (ce qu'on appelle alors intervention volontaire principale).

Il procède à une "intervention volontaire" par laquelle il s'inclue dans le procès et y jouera alors un rôle similaire aux parties.

L'intervention volontaire est régie par les articles 328 et suivants du CPC et pour les procédures devant le Tribunal judiciaire (ex TGI, l'article 783 du CPC devenu 802 du CPC précise que l'intervention volontaire peut être postérieure à l'ordonnance de clôture.

En procédure orale, comme c'est le cas devant le Tribunal de commerce, et en procédure collective, l'intervention volontaire ne nécessite pas d'acte de procédure particulier et l'intervenant peut développer oralement sa position à l'audience, la juridiction devant alors provoquer un débat contradictoire (l'intervenant peut également prendre des conclusions écrites).

En procédure écrite, l'intervention volontaire prend la forme d'une défense au fond (cf article 68 du CPC) : conclusions notifiées aux parties (sauf si elle est dirigée contre une partie défaillante auquel cas il faut recourir à l'assignation).

L'intervention volontaire peut être principale, c'est à dire consister à élever une prétention propre à l'intervenant, ou accessoire, c'est à dire venir au soutien d'une partie.

Pour ces raisons la recevabilité de l'intervention principale est autonome alors que celle de l'intervention accessoire dépend de celle de la partie au soutien de laquelle elle est formulée : si cette partie est irrecevable l'intervenant accessoire le sera également. De la même manière, l'intervenant principal devient partie et dispose de voie de recours autonome, alors que l'intervenant accessoire est irrecevable à exercer un recours si la partie au soutien de laquelle il est intervenu y renonce Cass civ 2ème 21 février 2013 n°11-17623 Cass com 8 décembre 1980 n°79-13272 Cass civ 3ème 22 juin 2016 n°14-24793 Cass civ 2ème 25 juin 1998 n°98-60079, Cass com 29 mai 1984 n°83-11014

A priori l'intervention volontaire est possible dans tout type de procédure, contentieuse ou gracieuse, au fond ou en référé. En procédure collective elle n'est pas écartée, y compris devant le juge commissaire

L'intervention volontaire n'est cependant pas toujours recevable.

Schématiquement, l'intervenant principal sera recevable s'il aurait eu qualité pour saisir le juge (article 329 du CPC), et l'intervenant accessoire est recevable si la partie au soutien de laquelle il intervient est elle même recevable.

En procédure collective, l'intervention volontaire principale n'est par exemple pas possible devant le juge commissaire statuant en matière de revendication dès lors que l'intervenant (en l'espèce un factor) n'avait pas qualité pour saisir le juge commissaire de la revendication, réservée par l'article L624-7 du code de commerce (revendiquant, débiteur, mandataires de justice) Cass com 28 janvier 2018 n°16-20589


Intuitu personae

Généralités

C'est le terme d'origine latine qui signifie "qui repose sur la personne". Concrètement un contrat intuitu personae a été expressément conclu en fonction de la personne du contractant, qui ne peut être remplacé par un autre car il a été très précisément choisi.

Par exemple un contrat de travail est un contrat intuitu personae et une autre personne que le salarié ne pourrait pas venir travailler à sa place en prétendant exécuter les obligations du salarié.

l'intuitu personae en procédure collective

En procédure collective la notion d'intuitu personae se confronte aux dispositions légales permettant au tribunal d'ordonner la cession forcée d'un contrat: par exemple dans le cadre de la cession d'une entreprise, le tribunal va préciser quels sont les contrats dont la cession est nécessaire, qui sont donc cédés le cas échéant contre la volonté de l'autre contractant que le débiteur.

Relativement aux contrats intuitu personnae il peut être choquant d'en ordonner la cession à un tiers, qui n'est pas celui choisi.

Concernant les contrats de travail, la question est réglée par les textes puisque l'article L1224-1 du code du travail a instauré un transfert automatique et obligatoire des contrats.

La jurisprudence est plus hésitante pour d'autres contrats, et notamment le contrat de franchise, au moins quand il s'agit de remplacer le franchiseur en redressement judiciaire par un autre (voir revue l'ESSENTIEL MAI 2014 n°069)

Le débat peut effectivement exister pour des contrats à forte connotation personnelle pour lesquels certains pensent que la cession forcée n'est pas possible, précisément en raison du fait que le contractant a été choisi en fonction de sa personne.

A priori cette distinction n'a pas véritablement lieu d'être (on peut faire l'analogie entre la procédure collective et la transmission universelle du patrimoine pour laquelle la notion d'intuitu personae ne semble pas être prise en considération Cass com 8 novembre 2017 n°16-17296), sauf des cas très marginaux où non seulement l'engagement du contractant repose véritablement sur la personne de l'autre contractant mais également où la convention ne pourrait être exécutée par un autre.

Par exemple on voit mal un écrivain, un compositeur ou un musicien en remplacer un autre, choisi spécifiquement pour son talent et ses particularités, et dans ce cas la cession du contrat sera impossible.

Au delà de ces considérations, certains auteurs - et certaines juridictions - pensent que le contrat de franchise ne pourrait pas faire l'objet d'une cession forcée ( voir revue l'Essentiel mai 2014 n°69 TGI de Strasbourg 20.12.2013 2013/003929 qui reprend des arrêts de Cour d'appel notamment Versailles 28 Mars 1996, CA Paris 15 décembre 1992, CA Orléans 14 Septembre 2000) mais en réalité ces décisions se comprennent plus en cas de procédure collective du franchiseur que du franchisé, la cession d'entreprise faisant échec par principe aux droits particuliers du contractant (préemption, surenchère ..). Il semble en outre que l'évolution tende à admettre la cession du contrat de franchise, si les conditions légales sont réunies, c'est à dire si le cession est nécessaire à la poursuite de l'activité ... ce qui est une évidence si c'est le franchiseur qui est cédé (voir JCP Entreprise 6.11.2014 page 19)

Certains considèrent d'ailleurs que ce n'est pas sur la notion d'intuitu personnae que porte en réalité le débat, mais sur le fait de savoir si le contrat est un contrat de fourniture de biens ou de services (domaine de l'article L642-7 du code de commerce), et si les obligations contractuelles peuvent ou pas, être réalisées par le contractant "cédé". Cela fait peu de doute concernant la franchise, qui devrait pouvoir, selon nous, faire l'objet d'une cession forcée dans le cadre d'une cession d'entreprise. 


Inventaire

Quelques points de la définition

Généralités

En sauvegarde

En redressement judiciaire et liquidation judiciaire

En liquidation judiciaire simplifiée

En rétablissement professionnel

Généralités

Dans tous les cas, l'inventaire servira en cas de vente de ces biens, pour vérifier que la totalité des biens sont pris en considération et, par rapprochement avec la prisée réalisée par le professionnel, de s'assurer que le prix proposé est pertinent.

Il servira également en cas de revendication, pour vérifier si les biens revendiqués étaient présents dans l'entreprise (mais évidemment l'absence d'inventaire n'est pas un obstacle à la revendication, et il semble même que certaines Cours d'appel jugent - Poitiers notamment- qu'un inventaire incomplet qui ne permet pas d'instruire une demande de revendication inverse la charge de la preuve, le liquidateur devant rapporter la preuve que le bien revendiqué n'était pas présent)

L'inventaire des biens présents sera également un élément d'investigation si la comptabilité de l'entreprise fait état d'actifs immobilisés qui ne se retrouvent pas dans l'entreprise: le chef d'entreprise devra pouvoir justifier du sort des biens manquants, et s'ils ont été vendus du paiement effectif dans les comptes de l'entreprise ainsi que d'une facture.

A défaut les biens manquants peuvent le cas échéant être considérés comme détournés, ce qui peut occasionner le prononcé de sanctions (voir ce mot)

En sauvegarde

Dans la procédure de sauvegarde, l'article L621-4 dispose en son alinéa 6 "Si le débiteur en fait la demande, le tribunal désigne, en considération de leurs attributions respectives telles qu'elles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6. Dans le cas contraire, l'article L. 622-6-1 est applicable".

Ainsi, l'absence d'intervention par principe d'un professionnel pour dresser l'inventaire fait partie des faveurs accordées au débiteur par le législateur pour l'inciter à révéler précocément ses difficultés: l'article L622-6 du code de commerce pose le principe de l'existence de l'inventaire, et l'article L622-6-1 les modalités d'établissement: par principe il est établi par le débiteur, qui le dépose ensuite au greffe (R622-4-1). Il est dérogé à ce principe d'établissement par le débiteur dans deux cas :

- si le tribunal a pris la décision de désigner, dans le jugement d'ouverture, un professionnel pour le réaliser (auquel cas il est établi suivant les mêmes modalités qu'en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire ( article R622-4).

- le débiteur n'entreprend pas les opérations d'inventaire dans les 8 jours ( ce dont il doit informer les organes de la procédure R622-4-1) : le juge commissaire peut alors désigner un professionnel (article L622-6-1 alinéa 2)

En redressement et liquidation judiciaires

Dans le jugement de redressement judiciaire (article L631-9 du code de commerce qui renvoie à l'article L621-4 de la sauvegarde en précisant que la phrase "si le débiteur en fait la demande" n'est pas applicable) ou de liquidation judiciaire, (article L641-1 pour la liquidation) le Tribunal désigne un huissier, un expert ou un commissaire priseur pour réaliser un inventaire et une prisée (c'est à dire une évaluation) des biens du débiteur (la loi du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice a inséré le mot "s'il y a lieu" dans l'article L641-2 du code de commerce prévoyant l'inventaire en liquidation judiciaire simplifiée, ce qui le rend facultatif)

L'article R631-18 prévoit que le greffe avertit la personne désignée de sa désignation

Dans ce cas les honoraires du commissaire priseur éventuellement désigné sont à la charge de la procédure, à l'exclusion de toute autre diligence qui n'aurait pas été autorisée par le juge commissaire Cass com 21 octobre 2020 n°19-17434

En liquidation judiciaire simplifiée

La loi prévoit la possibilité pour le Tribunal de désigner le liquidateur pour établir l’inventaire (L641‐2 du code de commerce), mais dans ce cas, la prisée reste confiée à un professionnel si la valeur des biens le justifie (L644‐1‐1).

L’honoraire du liquidateur pour la réalisation de l’inventaire est de 100 € forfaitaires (R663‐27‐1)

A priori cette disposition, introduite par l'ordonnance de 2014, n’est pas véritablement une amélioration puisque la prisée restera confiée à un technicien, ce qui est évidemment logique puisque cela dépasse la compétence du liquidateur, et il est manifeste que l’intervention de deux personnes au lieu d’un est un facteur de complication, sans minoration proportionnelle de coût.

"Vu les articles L. 621-9 et L. 641-1, II, alinéa 7, du code de commerce :

5. Si, en application du second de ces textes, il appartient au tribunal qui ouvre la liquidation judiciaire de désigner, aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l‘actif du débiteur, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté, il résulte de la généralité du premier, qu'en cas de nécessité, le juge-commissaire a compétence pour résoudre les difficultés liées à l'établissement de l'inventaire en désignant un technicien aux fins de le compléter."
Cass com 24 mai 2023 n°20-21949

En rétablissement professionnel

dans sa demande de rétablissement professionnel le débiteur précise en complément de l’inventaire les modalités d’évaluation de ses biens (R640‐1‐1)


Irrecouvrabilité

Situation d’une créance qui ne pourra pas être payée. L’irrecouvrabilité de la créance permet, selon le statut fiscal de récupérer la TVA et de passer la créance en pertes.

Dans la plupart des cas le seul fait que le débiteur soit en liquidation judiciaire suffit à justifier de l'irrecouvrabilité d'une créance (mais en réalité c'est plus précisément et avec certitude le jugement de clôture pour insuffisance d'actif), mais certains créanciers sollicitent la délivrance d'un certificat d'irrecouvrabilité, qui n'est en réalité bien souvent pas nécessaire au regard des règles fiscales.

Par exemple concernant la TVA, l'article 272 du code général des impots donne la faculté au contribuable qui ne veut pas attendre le jugement de clôture pour insuffisance d'actif de son débiteur de récupérer la TVA dès le jugement de liquidation judiciaire. Il dispose en effet : "Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire.". Le titulaire de la créance peut donc passer la créance en pertes et récupérer la TVA.