Glossaire
Jonction
L'article 367 du CPC dispose "Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble".
La jonction est le cas échéant du pouvoir du juge de la mise en état, au visa de l'article 766 du CPC "Le juge de la mise en état procède aux jonctions et disjonctions d'instance
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs"
Journal d'annonces légales
Un journal d'annonces légales est un journal habilité à la parution des annonces légales, c'est à dire des annonces prêvues par la loi dans différents domaines, et dont la parution conditionne généralement la validité de certaines formalités.
L'habilitation tend à s'assurer que les tiers dont les droits risquent d'être affectés par l'acte dont la publicité doit être assurée, aient le moyen d'être informés dans des conditions qui préservent leurs droits et leur faculté de contestation.
Le décret 2021-462 du 16 avril 2021 modifiant le décret 2012-1547 du 28 décembre 2012 remplace (applicable au 1er juillet 2021) le mot "journal" par le mot "support" de telle manière qu'à compter de cette date les publications peuvent être électroniques
Ainsi par exemple en matière de droit des sociétés, la création, modification, dissolution doit être publiée dans un journal d'annonces légales (ainsi d'ailleurs que bien d'autres formalités).
De même en matière d'état civil, le changement de nom doit être publié.
Ces formalités de publicités sont fondamentales dans certains cas pour éviter que des actes occultes affectent les droits des tiers ou des parties à un contrat.
La loi prévoit parfois que, outre le journal d'annonces légales, certaines formalités sont également publiées dans un journal officiel (par exemple le BODACC) et parfois aussi au registre du commerce et des sociétés.
C'était le cas des cessions de fonds de commerce jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 6 aout 2015 (dite loi Macron) qui avait supprimé l'obligation de publicité des cession de fonds de commerce dans un journal d'annonces légales (et supprimé la surenchère du sixième des créanciers nantis) en ne maintenant que l'insertion au BODACC (modification de l'article L141-12 du code de commerce, de l'article L141-21 et de l'article 201 du CGI) … mais cette suppression de l’insertion dans un journal d’annonces légales a elle-même été supprimée, et l’insertion est donc réintroduite par la loi n° 2016-1524 du 14 nov. 2016 ( qui a modifié les articles L. 125-7, L. 141-12, L. 141-14, L. 141-18 et L. 141-21 du code de commerce), non pas pour des raisons d’utilité, mais sous la pression de la presse
En matière de procédure collective, les principales décisions (ouverture, plan, clôture, sanction, renouvellement de période d'observation ..) sont publiées dans un journal d'annonces légales et également au BODACC (série A, voir le site BODACC.FR, et voir le mot BODACC). C'est le greffe qui est en charge de ces publicités.
Si le débiteur en relève, ces mêmes décisions sont transcrites par le greffier au registre du commerce et des sociétés (et seront visibles sur son extrait dit KBIS sur lequel il est d'ailleurs possible de poser une surveillance qui permettra d'être informé de toute modification - voir le site INFOGREFFE-)
Les mentions au registre du commerce et l'insertion dans le journal d'annonces légales sont généralement informatives en matière de procédure collective.
C’est en effet souvent l’insertion au BODACC d’un jugement qui fait courir le délai de recours des tiers, et les autres mesures de publicité, ne fait que renforcer l'information des tiers,
Voir aussi Publicité
Journal officiel
La République Française dispose de plusieurs journaux officiels dont le rôle est de mettre à disposition du citoyen les informations légales ou juridiques dont il peut avoir besoin.
Le journal officiel publie par exemple les lois et décrets et est gratuitement disponible à la Préfecture.
Le BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) est un journal officiel dans lequel sont publiés les annonces civiles et commerciales, touchant notamment à la vie des sociétés et aux procédures collectives. Il est souvent le complément du journal d'annonces légales, plus facile à lire car le journal officiel est national et donc plus dense.
Voir le mot journal d'annonces légales.
Juge commis
C'est le juge de la procédure de rétablissement professionnel . Il est désigné suivant les mêmes modalités et les mêmes critères que le juge commissaire
Juge Commissaire (et juge commissaire suppléant)
Quelques points de la définition
La place du juge commissaire dans les procédures collectives
Le juge commissaire est un organe de la procédure collective
Désignation du juge commissaire
un ou plusieurs juges commissaires ?
La durée de la mission et la fin de mission du juge commissaire
Le tribunal statue à la place du juge commissaire qui n'a pas statué dans un délai raisonnable
Le remplacement du juge commissaire
La récusation du juge commissaire
Le juge commissaire ne peut siéger dans la formation du tribunal
Mission générale du juge commissaire
Pouvoirs juridictionnels du juge commissaire
Compétence du juge commissaire
Procédure générale devant le juge commissaire
Les ordonnances du juge commissaire
Ordonnances présentation détaillée
Mode de saisine du juge commissaire
Procédure devant le juge commissaire
L'exécution provisoire des ordonnances du juge commissaire
Décisions rendues sans débat et décisions rendues après débat
Ordonnances : les mentions dans la décision
Comment une ordonnance devient définitive ?
Procédure particulière la vérification des créances
Procédure particulière les revendications
Procédure particulière les cessions en liquidation
Les rapports du juge commissaire
Forme du rapport, respect du contradictoire et mention du rapport dans le jugement
Sanction de l'absence de rapport
Les textes
Le recueil des obligations déontologiques du juge du tribunal de commerce détermine les règles de conduite
Les textes définissent les principes généraux de l’intervention du juge commissaire :
L’article L621-9 du code de commerce dispose « le juge commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence … »
L’article R621-21 du code de commerce précise comment le juge commissaire exerce le pouvoirs qu’il tient de L621-9 : « le juge commissaire statue par ordonnance … "
Quelle est la place du juge commissaire dans les procédures collectives ?
Le droit positif connaît trois procédures collectives, la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.
Chacune est régie par un corps de règles qui colle à l’objectif recherché, mais dans l’aspect procédural, les trois procédures collectives en vigueur sont toutes organisées selon le même fonctionnement.
Très souvent le législateur n’a d’ailleurs pas « répété » la même règle dans la partie SAUVEGARDE puis dans la partie REDRESSEMENT JUDICIAIRE puis dans la partie LIQUIDATION, et la loi fonctionne souvent par renvoi pour qu’il soit bien compris que les mêmes règles s’appliquent aux trois procédures.
Ce procédé est mal commode en pratique car il impose souvent des recherches fastidieuses mais a le mérite de dupliquer très exactement les mêmes modalités.
Par exemple un texte de la sauvegarde, l’article L621-4 du code de commerce précise que le tribunal qui ouvre la procédure désigne un ou plusieurs juges commissaire ; un texte du redressement judiciaire indique que cet article s’applique aussi au redressement, un autre texte de la liquidation précise qu’il s’applique également à la liquidation judiciaire.
Et on peut constater qu’il existe beaucoup de points communs entre les trois procédures collectives dans l’organisation procédurale.
Dans tous les cas la procédure est ouverte par un tribunal, qui est une formation de trois juges (le principe est toujours l’imparité pour qu’une majorité puisse se dégager), qui statue après des débats où le ministère public est présent ou appelé. On appelle jugement la décision du tribunal.
Ainsi le Procureur de la République ou l’un de ses substituts assiste aux débats et y fait des réquisitions. Il est évidemment exclu qu’il participe au délibéré, il est ce qu’on appelle une partie jointe et n’est pas membre du Tribunal.
Dans le jugement d’ouverture de la procédure, le tribunal nomme un (ou plusieurs) juge commissaire, lequel va être la principale juridiction de la procédure au fil de son avancement.
L’idée phare est que le juge commissaire est la juridiction de principe en matière de procédure collective, c’est-à-dire qu’il est compétent sauf dans les cas où la loi en dispose autrement.
C’est très important pour connaître les limites de la compétence du juge commissaire.
A priori pour un juge commissaire les limites viennent pour l’essentiel de la compétence des autres juridictions de la procédure collective, c’est-à-dire la plupart du temps du Tribunal, et très ponctuellement du Président du Tribunal
En effet parfois la loi attribue ponctuellement compétence au Tribunal et dans ce cas la loi le dit.
Par exemple l’article L626-1 du code de commerce dispose « lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan » : le juge commissaire est incompétent.
Pour être plus précis le tribunal a compétence pour deux catégories de décision :
- les décisions « étape » de la procédure collective : décision d’ouverture, décision de maintien en période d’observation, de renouvellement de la période d’observation, décision de conversion d’une sauvegarde en redressement judiciaire, d’un redressement en liquidation, décision de clôture.
- Le tribunal est aussi compétent pour les décisions les plus importantes : arrêté d’un plan de redressement, cession d'entreprise en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, sanctions, homologations de transaction, fixation et report de la date de cessation des paiements, nullité de certains actes
Le Président du Tribunal reçoit lui aussi certaines prérogatives : à quelques reprises la loi attribue compétence au Président du Tribunal, par exemple l’article R663-34 du code de commerce attribue compétence au Président pour arrêter les honoraires des mandataires de justice.
Dans les autres cas la juge commissaire est la juridiction de la procédure collective.
Le plus simple est donc de fonctionner par différence : si aucun texte ne dit rien, c’est le juge commissaire qui est compétent.
Comme toute juridiction, le juge commissaire doit se garder de dépasser d’autres limites, et notamment deux principales :
- Première limite la loi : le juge ne peut pas dépasser les attributions qu'il reçoit de la loi.
Le juge commissaire qui prendrait une décision qui n’est pas prévue par la loi ou qui ne relèverait pas du pouvoir général qu'il tient de l'article L621-9 du code de commerce commettrait un excès de pouvoir et sa décision sera annulée si elle fait l’objet de recours.
Par exemple la décision du juge commissaire ne peut empiéter sur les prérogatives qui relèvent de la responsabilité des autres intervenants.
Ainsi le rôle du liquidateur est de répartir les fonds aux créanciers en respectant l’ordre des privilèges. C’est sa mission, et en cas d’erreur c’est sa responsabilité qui sera recherchée.
S’il rencontre une créance privilégiée dont le rang est difficile à déterminer, comme par exemple le privilège des douanes dont certains disent qu’il passe avant le privilège des salariés (379 code des douanes) mais dont d’autres disent qu’il passe après, le liquidateur ne peut se « couvrir » en demandant au juge commissaire de rendre une décision. Sa décision sera constitutive d’un excès de pouvoir et ne le protègera pas pour autant.
De même le juge commissaire ne pourrait imposer ses souhaits quand la loi ne le prévoit pas : il ne pourrait exiger d'un mandataire de justice qu'il mene une action ou au contraire lui en interdire une autre, ou encore influer sur le choix d’un avocat: ces décisions ne relèvent pas du pouvoir du juge commissaire mais de la décision, et par conséquence de la responsabilité, du seul professionnel.
Le pendant du pouvoir décisionnel est en effet la responsabilité et c’est celui qui est responsable qui décide. Si le mandataire est responsable, il doit pouvoir décider et il doit décider sans que le juge commissaire influe sur ses choix
- Seconde limite : la saisine du juge. Comme tous les juges, le juge commissaire ne peut pas statuer au-delà de sa saisine. La procédure civile appelle ça ultra petita, littéralement au delà de ce qui lui est demandé. Par principe le juge commissaire n’a pas de pouvoirs juridictionnels d’office, qui lui permettraient de prendre une décision si personne ne le lui demande. Il est donc tenu par sa saisine. Par exemple s’il est demandé l’admission d’une créance pour 10.000 €, le juge commissaire peut l’admettre ou refuser de l’admettre. Mais il ne peut de lui-même, c’est-à-dire d’office, l’admettre pour 12.000 € au motif qu’il se rend compte qu’il y a une erreur dans la demande.
Ainsi comme tous les intervenants le juge doit occuper toute sa place, pas plus pas moins.
Qui est le juge commissaire ?
Le juge commissaire est un organe de la procédure
Dans le cas du Tribunal de Grande Instance, les juges commissaires sont des magistrats professionnels.
Dans le cas du tribunal de commerce, les juges ne sont pas des magistrats professionnels mais sont élus parmi les commerçants et dirigeants d’entreprise du ressort. Cela peut permettre si nécessaire que le juge commissaire choisi exerce une activité proche de celle de l'entreprise en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, ce qui lui donne une perception très utile des difficultés de l'entreprise en question, des solutions à retenir, ainsi que de la technicité et la valeur des actifs.
Le juge commissaire a deux ans d’ancienneté dans le Tribunal (article L722-14 du code de commerce, qui organise des dérogations) et ne peut être parent ou allié du débiteur (article L621-5 du code de commerce)
Désignation
Que la procédure collective ouverte soit une sauvegarde, un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, dans tous les cas, le jugement désignera un juge commissaire (et le cas échéant un juge commissaire suppléant) qui est un membre du Tribunal. Son nom est mentionné dans le jugement.
Le juge commissaire a deux ans d’ancienneté dans le Tribunal (article L722-14 du code de commerce, qui organise des dérogations) et ne peut être parent ou allié du débiteur (article L621-5 du code de commerce)
Un ou plusieurs juges commissaires sont désignés par le tribunal qui ouvre la procédure de sauvegarde (L621-4 alinéa 1), de redressement judiciaire (L631-9 qui rend le texte de la sauvegarde applicable) ou de liquidation (L641-1 II) dans le jugement d'ouverture. Les commentateurs considèrent parfois que la désignation de plusieurs juges commissaires ne doit intervenir que dans les dossiers importants, c’est manifestement l’esprit du texte, mais la loi ne le dit pas et la pratique est parfois d'en désigner plusieurs pour faciliter la présence de l'un d'eux en toute circonstance pour statuer sur les requêtes présentée
Un ou plusieurs juges commissaires
Un ou plusieurs juges commissaires sont désignés par le tribunal qui ouvre la procédure de sauvegarde (L621-4 alinéa 1), de redressement judiciaire (L631-9) ou de liquidation (L641-1 II). Les commentateurs disent que la désignation de plusieurs juges commissaires ne doit intervenir que dans les dossiers importants, c’est manifestement l’esprit du texte, mais la loi ne le dit pas.
Le juge commissaire suppléant
A tout moment le Tribunal peut également désigner un juge commissaire suppléant (a priori un seul puisque c’est ce que dit le texte, sans assortir cette restriction de sanction) : en sauvegarde article R621-10 du code de commerce, en redressement judiciaire article R631-16, et en liquidation judiciaire article R641-1. Ce juge suppléant remplacera le juge commissaire au cas par cas, chaque fois que nécessaire
Durée de la mission : le juge commissaire est en fonction jusqu’à la fin de mission du dernier des mandataires de justice en place.
Le juge commissaire est en fonction jusqu’à la fin de mission du dernier des mandataires de justice en place (au sens de l'article R631-43 pour la sauvegarde et le redressement judiciaire et de l'article L643-11 pour la liquidation judiciaire), y compris le commissaire à l'exécution du plan.
article R621-25 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R631-16.
La mission perdure donc pendant la phase d'exécution du plan. Etant précisé que si le plan est résolu la mission du juge commissaire prend nécessairement fin puisque la procédure n'est pas poursuivie Cass com 25 octobre 2023 n°22-13185 (l'arrêt précise malencontreusement que le juge commissaire ne peut plus être saisi "lorsque la résolution du plan n'est pas suivi d'une procédure de liquidation", ce qui laisse à penser qu'a contrario le juge commissaire pourrait être saisi si la liquidation judiciaire est prononcée, mais il convient de préciser que la liquidation étant alors une nouvelle procédure collective, le juge commissaire n'est pas le même.
Pour la liquidation judiciaire c'est, là encore, la fin de mission du liquidateur qui met un terme à la mission du juge commissaire article R641-13
Le tribunal statue à la place du juge commissaire s'il n'a pas statué dans un délai raisonnable
Pour revenir à la procédure collective, L'article R621-21 du code de commerce prévoit que le Tribunal peut statuer si le juge commissaire n'a pas statué dans un délai raisonnable, ce qui n'est que peu pratiqué, et qui en tout état peut poser de sérieux problèmes si la voie de recours contre la décision est normalement portée devant le Tribunal (et ne s'applique d'ailleurs pas à la vérification des créances (Cass com 19 mars 2002 n°00-11219), puisque dans ce cas un degré de juridiction est "perdu".
En sauvegarde ou en redressement judiciaire (L621-9 alinéa 3), le juge commissaire empêché peut-être remplacé par le Président du Tribunal (L621-9 alinéa 3). Cela ne veut pas dire que le Président peut signer une ordonnance à la place du juge commissaire, ça veut dire que c’est lui qui rendra la décision de remplacement du juge commissaire, qui est une ordonnance (cette procédure ayant remplacé en 2009 le remplacement par jugement, pour faciliter les opérations, en suite de la suppression de certains tribunaux de commerce, le nouveau dispositif étant applicable aux procédures en cours, cf ordonnance 2008-1345 du 18 décembre 2008 article 173). Cette ordonnance est une mesure d'administration qui n'est pas susceptible de recours (cf article 537 du CPC)
Ce remplacement n’est pas ponctuel, c’est définitif, quand il s’avère que le juge commissaire ne pourra plus siéger (par exemple en raison d’une démission ou d’un non renouvellement). A priori cette faculté pour le Président a été oubliée dans la partie liquidation de la loi.
Le remplacement du juge commissaire
Toujours en sauvegarde ou en redressement judiciaire (L621-9 alinéa 3), le juge commissaire empêché peut-être remplacé par le Président du Tribunal (L621-9 alinéa 3).
A priori cette faculté pour le Président a été oubliée dans la partie liquidation de la loi ( et les avis sont partagés sur les conséquences de cet oubli : compétence du Tribunal par réciprocité des formes par rapport à la désignation: c'est notre avis)
Le remplacement du juge commissaire ordonné par le Président n’est pas ponctuel, c’est définitif, quand il s’avère que le juge commissaire ne pourra plus siéger (par exemple en raison d’une démission ou d’un non renouvellement).
Il n'est donc plus prévu par les textes que ce soit un jugement du tribunal de la procédure collective qui statue sur le remplacement du juge commissaire: cette entorse à la réciprocité des formes a été instaurée au moment de la réforme de la carte judiciaire qui a entraîné la suppression de nombreux "petits" tribunaux de commerce: pour éviter des formalités lourdes et coûteuses, il a été décidé que, par une ordonnance "globale" c'est à dire pour un ensemble de dossiers, le Président peut remplacer un juge commissaire par un autre.
Ce remplacement ne veut pas dire que le Président peut signer une ordonnance à la place du juge commissaire, ça veut dire que c’est lui qui rendra la décision de remplacement du juge commissaire, qui est une ordonnance.
Décider du remplacement ne veut pas dire se substituer ponctuellement
Que le Président puisse, par ordonnance décider que tel juge en remplacera tel autre dans telle ou telle procédure collective ne veut pas dire que le Président est compétent pour signer une ordonnance à la place du juge commissaire, ça veut simplement dire que c’est lui qui rendra la décision de remplacement du juge commissaire, qui est une ordonnance.
Le Président qui signerait une ordonnance à la place d'un juge commissaire serait incompétent et à notre avis sa décision constitue un excès de pouvoir (mais encore faut-il que ce soit constaté à l'occasion de l'exercice d'une voie de recours).
Le juge commissaire peut être récusé
Comme tous les magistrats, le juge commissaire peut être récusé dans les conditions visées à l’article 341 du code de procédure civile, lequel renvoi à l’article L111-6 code organisation judiciaire qui dispose : Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée :
1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;
2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;
3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;
4° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;
5° S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;
6° Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;
7° S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;
8° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties.
Les magistrats du ministère public, partie jointe, peuvent être récusés dans les mêmes cas
Le juge commissaire a également la même responsabilité que les magistrats professionnels, c’est-à-dire plus précisément que c’est l’Etat qui est responsable en cas de faute, sauf les cas où le juge commet une faute détachable de sa fonction, ce qui est évidemment rarissime.
On peut citer un exemple, évidemment tout à fait exceptionnel, de circonstance dans laquelle le juge a commis une faute détachable de sa fonction : « Après avoir relevé que le juge-commissaire avait eu recours à une procédure grossièrement inadéquate, à la régularité de laquelle il ne pouvait croire de bonne foi et violé le principe de la contradiction, la cour d'appel a pu retenir qu'il s'était rendu coupable de méconnaissances graves et inexcusables des devoirs essentiels du juge dans l'exercice de ses fonctions et avait commis une succession d'erreurs tellement grossières qu'un magistrat normalement soucieux de ses devoirs n'y aurait pas été entraîné, lesquelles avaient causé un préjudice important à un créancier. La cour d'appel, saisie d'une procédure de prise à partie, a légalement justifié sa décision de condamnation du juge à des dommages-intérêts » (Cass. com., 10 mai 1995 : JurisData n° 1995-001021).
Cette décision doit être vue comme l'exception: le juge commissaire par principe n'engage par sa responsabilité dans les erreurs qu'il peut commettre, et n'engage que l'Etat.
Le juge commissaire dans la formation du tribunal : le juge commissaire ne peut sièger dans la formation du tribunal
Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, le juge commissaire pouvait sièger dans la formation du tribunal, sauf lors des audiences ayant à connaître des demandes de sanction.
En application de l'ordonnance du 12 mars 2014 et du décret du 30 juin 2014 applicables à compter du premier juillet 2014, (s'agissant d'une disposition de procédure elle est d'application immédiate) le dispositif qui était jusqu'alors applicable aux instances relatives aux sanctions est étendu : le juge commissaire ne peut siéger, à peine de nullité, dans les formations du tribunal ayant à connaître du déroulement de la procédure collective dont il est juge commissaire (L662-7 du code de commerce).
Il en est de même du juge commis dans la procédure de rétablissement professionnel (R645-16)
Cette interdiction avait vocation à s'appliquer au juge commissaire suppléant, faute de distinction légale (à notre avis), et d'ailleurs c'est ce qui a été confirmé par l'article L662-7 du code de commerce tel qu'il découle de la loi du 18 novembre 2016: ainsi et avec certitude le juge commissaire suppléant ne peut sièger dans les formations du tribunal connaissant des procédures collectives dans lesquelles il est juge commissaire suppléant, ouvertes à compter du 20 novembre 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016 (article 114-II XVI)
Il convient cependant de préciser qu'en application de l'article 430 du CPC l'irrégularité affectant la composition du tribunal doit être soulevée lors des débats, faute de quoi aucune nullité ne pourra ultérieurement être invoquée
Le texte ne le précise pas, mais il semble évident que le juge commissaire suppléant est concerné par la mesure.
Mission générale du juge commissaire
Le juge commissaire a une mission générale de surveillance de la procédure . Le juge commissaire pourra également recevoir le chef d’entreprise ou tout autre acteur de l’entreprise, soit à son initiative, soit à sur demande et s’il l’estime opportun
Il prendra par des décisions appelées ordonnances, les décisions les plus courantes
Notamment le juge commissaire prendra des décisions pour donner aux mandataires de justice les autorisations qui leur sont nécessaires pour l'avancement de la procédure et l'exécution de leur mission.
Le juge commissaire a des pouvoirs juridictionnels
La mission essentielle du juge commissaire est juridictionnelle.
Ce pouvoir est organisé de la manière suivante :
- une procédure générale qui va s’appliquer chaque fois qu’il n’existe pas de texte particulier,
- quelques procédures dérogatoires.
La procédure générale: présentation
Le siège de la matière est l’article R621-21 du code de commerce, qui donne le fonctionnement de principe et qui va organiser les modalités de décision du juge, mais aussi les voies de recours car en droit français, sauf exception toute décision peut faire l’objet de recours, c’est-à-dire être examinée au moins par un autre juge
« Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête, sauf s'il en est disposé autrement.
Si le juge-commissaire n'a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d'une partie ou du ministère public. Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public. Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe. Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l'ordonnance. L'examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés »
Au moins six informations ressortent de ce texte :
Première information : La décision du juge commissaire s’appelle une ordonnance.
Deuxième information : le juge commissaire est saisi par tout intéressé (parfois un texte va préciser qui doit le saisir, en principe pour préciser qu’il est saisi par les mandataires). Comme déjà indiqué, le juge ne peut aller au-delà de sa saisine, et par principe le juge commissaire ne peut se saisir lui-même,
Troisième information : le juge commissaire doit statuer dans un délai raisonnable, à défaut de quoi le Tribunal peut-être saisi à sa place
Quatrième information : les ordonnances du juge commissaire sont déposées au greffe. C’est à partir de là que la décision est publique c’est-à-dire que toute personne peut en demander copie au greffe, le cas échéant pour exercer des recours.
Cinquième information : le greffe communique l’ordonnance aux mandataires de justice (en pratique il leur remet copie), et les notifie aux personnes concernées (en pratique par courrier RAR). Le greffe joue ici un rôle important puisque même si le juge commissaire ne précise pas à qui l’ordonnance doit être notifiée, le greffe doit notifier l’ordonnance.
Sixième information : un recours contre la décision du juge commissaire est possible devant le Tribunal dans les 10 jours de la communication ou de la notification, par déclaration au greffe ou courrier RAR adressé au greffe.
Un des piliers du droit Français est a minima le double degré de juridiction et le droit pour tout justiciable de voir la cause examinée au moins par deux juridictions de degré différents. C’est en principe le rôle des Cours d’appel.
On a donc une particularité dans les ordonnances du juge commissaire : « l’appel » – en réalité ça s’appelle le recours – contre l’ordonnance du juge commissaire est généralement porté devant le Tribunal qui joue donc un rôle de juridiction d’appel.
Il y aura même une seconde particularité car la plupart du temps le jugement qui sera rendu par le Tribunal pourra faire l’objet d’un appel devant la Cour, c’est à dire qu’alors que le principe en droit Français est le double degré de juridiction, dans bien des cas ici on en aura 3 : juge commissaire, tribunal puis Cour d’appel.
Une précision salutaire était initialement donnée par l’article R621-22 du code de commerce : le juge commissaire ne peut siéger à peine de nullité dans la formation du tribunal qui examinera le recours contre son ordonnance : évidemment le Tribunal doit être totalement libre d’infirmer la décision du juge commissaire et les juges présents doivent être impartiaux. Depuis l'article L662-7 écarte le juge commissaire de la formation du tribunal en toute circonstance.
Une autre précision très importante donnée par la loi : l’article R661-1 du code de commerce dispose que les décisions et ordonnances rendues en matière de procédure collective sont exécutoire de plein droit à titre provisoire. (des exceptions existent)
On veut privilégier la rapidité : "exécutoire": la décision peut être exécutée avant même d’être définitive, "de plein droit" même si le juge ne le précise pas.
"à titre provisoire" évidemment si dans le cadre d’un recours l’ordonnance est réformée elle ne pourra plus être exécutée .. mais souvent c’est trop tard.
Si on regarde bien les textes du code de commerce, cette procédure de principe, qui va s’appliquer chaque fois qu’il n’existe pas un texte spécifique, n’est pas complétement décrite par le code de commerce.
Il manque au moins encore deux précisions : au terme de quel « processus » est prise la décision du juge commissaire, et quelles sont les mentions que doit contenir une ordonnance ?
C’est le code de procédure civile qui contient les règles applicable à toute décision rendue par un juge civil, et c’est là qu’on va trouver les précisions qui nous manque.
Ainsi en principe il doit y avoir débat contradictoire devant le juge commissaire, après convocation des parties.
Les débats ne sont pas publics à la différence de ce qui se passe en principe devant les juridictions. On appelle ça des audiences de cabinet.
Il s’agit de procédures sans représentation obligatoire, c’est-à-dire que les parties peuvent se présenter sans avocat, mais par contre si elles sont représentées elles doivent donner un mandat écrit sauf si le mandataire est avocat.
(la profession d’avocat a un monopole de représentation des parties en justice, et une personne qui n’est pas avocat et qui représente régulièrement une ou plusieurs parties enfreint ce monopole)
La procédure est dite orale, c’est-à-dire que les parties ne sont pas obligées de présenter des conclusions écrites et peuvent s’expliquer oralement.
D’où la nécessité de la présence du greffier qui peut noter si nécessaire les prétentions des parties.
L’ordonnance, comme toute décision de justice est écrite, doit retracer le cheminement du juge pour parvenir à la décision :
- rappeler au moins sommairement les faits et les prétentions des parties, c’est-à-dire ce que chacun a demandé
- contenir une motivation : on doit en comprendre la raison, en droit et en fait
- se terminer par ce qu’on appelle un dispositif qui est la solution qui est à la suite des motifs, généralement précédée de l’expression PAR CES MOTIFS
Le visa des textes sera important, c’est la mention "VU l’article … du code de commerce".
Le but de ces mentions est double : celui auquel la décision ne donne pas raison doit pouvoir vérifier qu’il a bien été écouté, et il doit pouvoir comprendre en quoi il a été jugé qu’il avait tort.
Deuxième objectif : en cas de recours, le juge du recours doit pouvoir se faire son propre avis et donc comprendre ce qui a emporté la décision.
Enfin l’ordonnance doit permettre d’identifier les parties, le nom du juge, elle doit être datée et signée par le juge devant lequel se sont déroulés les débats (par exemple si les débats se déroulent devant le juge commissaire suppléant, il faut que ce soit lui qui signe)
Il est d’usage que les mandataires proposent aux juges commissaires des projets d’ordonnance conformes, ce qui est parfaitement admis, mais bien entendu il est également fréquent que les juges peuvent s’ils le veulent rédiger leurs ordonnances : dans les deux cas la décision est l’œuvre du juge.
Pour préciser la compétence du juge commissaire, le plus pratique serait de faire un catalogue de ce qui relève de sa compétence : c’est pratiquement impossible et il faut s’en tenir avant tout à l’article l’article L621-9 « le juge commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence » qui donne au juge commissaire une compétence générale.
Bien entendu parfois des textes donnent des indications.
Sans que la liste soit exhaustive, cette procédure générale va s’appliquer dans les cas suivants :
- certaines décisions d’organisation de la procédure : par exemple le juge va désigner les contrôleurs (L621-10), arrêter les comptes rendus de fin de mission des mandataires (R626-38 )
- les décisions courantes de la procédure: ordonner le paiement provisionnel d’un créancier (L622-8), prononcer la résiliation de contrats en cours (L622-13 III) relever un créancier de sa forclusion (L622-26), viser les créances salariales qui seront soumises à l’AGS (L625-1),
- les décisions de la période d’observation que ce soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire : autoriser les actes de disposition (L 622-7), le paiement de dettes antérieures (L622-7), autoriser des prêts nécessaires à la poursuite d’activité (L622-17 III 2°),
- certaines décisions en période d’observation en redressement judiciaire : licenciements (L631-17, car il n’y a pas d’autorisation en sauvegarde ni en liquidation), rémunération du dirigeant (pas d’autorisation en SVG.L631-11
Au-delà de cette procédure de principe, plusieurs procédures présentent des particularités de procédure ou de voie de recours.
Les pouvoirs du juge commissaire sont tellement étendus qu’en effet dans certains cas une procédure particulière est prévue.
On peut citer les trois domaines principaux de ces particularités :
- article L624-2 pour l’état des créances
- article L624-17 pour les revendications
- article L 642-18 et suivants pour les cessions d’actif en liquidation
Les décisions du juge commissaire: des ordonnances
Généralités
L'ordonnance est la décision d'un juge, à la différence du jugement qui est la décision d'un tribunal qui est une formation composée de plusieurs juges (en principe un président et deux assesseurs).
Les ordonnances, qui sont forcément des décisions écrites, sont déposées au greffe, où elles sont publiques.
Ordonnances en matière de procédure collective: résumé rapide
Voir les mots "voies de recours".
En matière de procédure collective, l'ordonnance relève la plupart du temps du juge commissaire et dans certains cas limitativement énumérés par la loi du Président du Tribunal.
Le juge commissaire est la juridiction principale de la procédure collective et rend par ordonnance les décisions nécessaires à son bon déroulement. Il est en principe saisi par les mandataires de justice.
La plupart du temps le juge commissaire statue (c'est à dire rend sa décision) après avoir entendu, ou en tout cas fait convoquer par le greffe, les parties interessées à sa décision, qui peuvent soit s'exprimer oralement devant lui soit lui remettre un dossier écrit. Les parties peuvent se présenter assistées d'un avocat ou seules. Ses audiences ne sont pas publiques et se tiennent généralement dans un bureau situé au Tribunal, en présence du greffier.
Une fois qu'elle est rendue, l'ordonnance est déposée au greffe, où elle est publique, c'est à dire que toute personne peut en demander copie.
L'ordonnance du juge commissaire est déposée au greffe du tribunal de la procédure collective.
Suivant les cas elle fait également l'objet de publicité (par exemple l'état des créances, qui résulte d'une décision du juge commissaire, est publié au BODACC). Les délais de recours courent alors de cette publicité.
Elle est également communiquée (par courrier) aux mandataires de justice, et notifiée par le greffe, par courrier recommandé avec accusé de réception, aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectées (article R621-21 du code de commerce). Dans ce cas le délai de recours court de cette notification (et pour les tiers, c'est de la date de la décision qu'il court).
L'ordonnance devient définitive, et ne peut donc plus être remise en cause, par l'expiration des délais de recours (en principe 10 jours de la notification, voir toutefois le mot "voies de recours"). Elle s'impose aux parties et doit être exécutée (même si la Cour de Cassation évoque parfois, de manière très singulière, la possibilité d'un motif légitime qui pourrait permettre au liquidateur de s'en dégager Cass com 12 juillet 2016 n°13-19782)
Les décisions du juge commissaire: des ordonnances. Présentation détaillée
Comme déjà indiqué le siège de la matière est l’article R621-21 du code de commerce, qui donne le fonctionnement de principe et qui va organiser les modalités de décision du juge, mais aussi les voies de recours car en droit français, sauf exception toute décision peut faire l’objet de recours, c’est-à-dire être examinée au moins par un autre juge
« Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête, sauf s'il en est disposé autrement.
Si le juge-commissaire n'a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d'une partie ou du ministère public. Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public. Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe. Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l'ordonnance. L'examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés »
Mode de saisine du juge commissaire
Le juge commissaire statue la plupart du temps sur requête des mandataires de justice (mais dans certains cas il peut être saisi par un créancier (par exemple désignation d'un contrôleur, revendication, relevé de forclusion) ou du débiteur.
En outre, en conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014 et du décret du 30 juin 2014, le texte de l’article R621-21 (alinéa 1) est modifié. Le juge commissaire pouvait alors être saisi par voie de requête, mais également par « déclaration au greffe ». Cette faculté a été supprimée par l'article R621-21 tel qu'il découle du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 et désormais le juge commissaire est saisi par requête (ce textes est applicable aux procédures en cours, conformément au I de l'article 55 du décret 2019-1333)
La procédure devant le juge commissaire
La procédure est orale Cass com 31 janvier 1995 n°92-21743
Domaines de compétence du juge commissaire
Le juge commissaire a:
- d'une part une compétence générale, qu'il tire de l'article L621-9 du code de commerce dont il découle qu'il est compétent sauf le cas où une autre juridiction (et notamment le tribunal) est compétente : "Le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. "
- et d'autre part des domaines de compétence spécifiques, précisés expressément par un texte.
Au-delà de ce principe, la loi précise parfois expressément la compétence du juge commissaire (sans que la liste ci-dessous soit exhaustive).
Par exemple le juge commissaire tranche sur les demandes de restitution des crédits bailleurs, loueurs de matériel, qui doivent être présentées à lui dans les trois mois du jugement d'ouverture de la procédure, il arrête la rémunération du dirigeant tant que l’exploitation est poursuivie, il arrête l’état des créances dues, il valide les relevés de créances salariales. En liquidation judiciaire c'est le juge commissaire qui autorise les ventes d'actif, sur proposition du liquidateur.
- Pour certaines décisions d’organisation de la procédure collective, que ce soit en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire:
Le juge commissaire va désigner les contrôleurs (L621-10 du code de commerce), arrêter les comptes rendus de fin de mission des mandataires (R626-38 du code de commerce)
- Pour les décisions courantes de la procédure, que ce soit en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire:
Ordonner le paiement provisionnel d’un créancier (article L622-8 du code de commerce), prononcer la résiliation de contrats en cours (article L622-13 III du code de commerce), relever un créancier de sa forclusion (article L622-26 du code de commerce), viser les créances salariales qui seront soumises à l’AGS (article L625-1 du code de commerce),
- Pour les décisions de la période d’observation que ce soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire :
autoriser les actes de disposition (L 622-7 du code de commerce), autoriser le paiement de dettes antérieures (L622-7 du code de commerce), autoriser des prêts nécessaires à la poursuite d’activité (article L622-17 III 2° du code de commerce),
- Pour certaines décisions en période d’observation en redressement judiciaire:
Licenciements (article L631-17 du code de commerce) (il n’y a pas d’autorisation en sauvegarde ni en liquidation judiciaire), fixation de la rémunération du dirigeant (pas d’autorisation en sauvegarde) article L631-11
Plusieurs autres domaines de compétence du juge commissaire sont détaillés par la loi, et notamment la vérification des créances, les revendications et restitutions, et les cessions d’actifs (voir ces mots)
On distingue traditionnellement deux types d'ordonnances du juge commissaire: celles rendues pour "autoriser" dans les cas prévus par la loi, considérées par la plupart des auteurs comme des ordonnances gracieuses (qu'il y ait ou pas débat), et celles par lesquelles le juge commissaire tranche un litige, considérées comme des décisions contentieuses. On peut y ajouter celles où le juge commissaire statue sans débat.
Voies de recours
Voir le mot
L'exécution provisoire des ordonnances du juge commissaire
Voir le mot exécution provisoire
Distinction ordonnances rendues sans débat et ordonnances rendues après débat
Le domaine des ordonnances du juge commissaire qui ne nécessitent pas de débat et relèvent de la procédure "gracieuse" et celui des ordonnances du juge commissaire qui nécessitent un débat et relèvent de la procédure "contentieuse"
Concernant les ordonnances qui peuvent être rendues sans débat, c'est la règle générale applicable aux ordonnances gracieuses par l'article 25 du CPC et ce sont les principes posés par ce texte qui doivent être appliqués à la matière dont le juge est saisi pour déterminer si l'ordonnance peut être rendue sans débats.
C'est d'ailleurs précisé par l'article R621-23, même si ce texte est inséré dans le texte qui prévoit la désignation des techniciens, et s'il n’est pas précisé s’il est général ou spécifique à cette circonstance.
Le juge commissaire prend en effet un certain nombre de décisions sans débats, parce que le texte ne le prévoit pas: c'est le cas par exemple lorsqu'il prend acte des redditions de comptes des mandataires de justice, lorsqu'il émet un avis ... Dans ce cas il statue dans les formes des ordonnances sur requête (mais à la différence d'une ordonnance sur requête, sa décision n'est pas provisoire cf 493 du CPC), c'est à dire que le requérant lui propose un projet d'ordonnance conforrme à la requête, qu'il ratifie si le projet lui convient. Il n'a pas à être assisté d'un greffier pour prendre ce type de décision.
Le domaine de l'ordonnance du juge commissaire rendue sans débat et de celle qui nécessite un débat est assez mal délimité.
Les commentateurs considèrent que lorsque le juge commissaire ne fait que délivrer une autorisation (par exemple pour un licenciement en période d'observation, délai accordé pour opter pour la poursuite d'un contrat, autorisation de paiement provisionnel, attribution judiciaire de gage, levée d'option d'un crédit bail, autorisation d'acte étranger à la gestion courante,) son ordonnance est une ordonnance gracieuse régie par les articles 25 et suivants du CPC (et l'article 28 du CPC précise que le fait de statuer sans débats est une faculté, ce qui permet d'indiquer que le fait qu'il y ait débat ne suffit pas à prétendre que l'ordonnance est contentieuse). En théorie en pareille matière (gracieuse) la motivation de l'ordonnance est moins détaillée qu'en matière contentieuse.
Concernant les ordonnances qui nécessitent un débat, en réalité la plupart des circonstances dans lesquelles le juge statue sur des autorisations sont régies par des textes qui nécessitent des débats et qui doivent être respectés sous la sanction de la nullité. Dans la plupart des autres cas la matière relève en tout état du domaine contentieux.
On peut en effet distinguer deux cas:
- La matière est contentieuse: Lorsque le juge tranche un litige son ordonnance est contentieuse et non seulement il doit convoquer les parties au visa des textes généraux (article 14 du CPC) mais également dans le respect des textes spécifiques à l'objet de la décision à rendre, généralement insérés dans la partie réglementaire du code de commerce. Il doit en tout état assurer le respect du contradictoire, et ne peut retenir les moyens d'une partie s'ils n'ont pas été débattus contradictoirement (article 16 du CPC). Une ordonnance du juge commissaire rendue sans débat alors que la matière est contentieuse serait nulle Cass com 14 février 1995 n°92-20941 Cass com 6 juin 1995 n°93-11782
C'est le cas de la plupart des décisions que le juge commissaire est amené à rendre, le débiteur et les créanciers ayant généralement des intérêts contradictoires.
Voir par exemple les décisions relatives au relevé de forclusion
- un texte spécifique prévoit que le juge commissaire tient une audience
C'est le cas par exemple en matière de revendication (article L624-17), de réalisation d'actif en liquidation (R642-36-1 et R642-37-2), de vérification des créances en cas de contestation (R624-4), d'actes durant la période d'observation (R622-6)
La procédure devant le juge commissaire dans les cas où il ne tient pas d'audience: cas spécifiés par la loi (et absence de litige dans les cas où aucun texte ne prévoit une audience)
Le juge commissaire peut statuer non contradictoirement, s’il apparait fondé de ne pas appeler la partie adverse. C'est la règle générale applicable aux ordonnances gracieuses par l'article 25 du CPC et ce sont les principes posés par ce texte qui doivent être appliqués à la matière dont le juge est saisi pour déterminer si l'ordonnance peut être rendue sans débats (voir ci dessus le domaine des ordonnances sans débat)
Sa décision est alors déposée au greffe, qui se charge des notifications nécessaires.
La procédure devant le juge commissaire dans les cas où il tient des audiences: matière pour laquelle un texte prévoit une audience et matière contentieuse
Préalablement à toute audience, les parties sont convoquées par le greffe. Le texte spécifique ne le précisant pas, c'est le code de procédure civile, et particulièrement l'article 665-1 du CPC qui organise cette convocation, qui est avant tout une notification de la requête ( et évidemment des annexes sans lesquelles elle ne serait pas comprise). L'audience ne pouvant se tenir si le greffe ne dispose pas de l'accusé de réception de la convocation (car suivant les cas il devra procéder par acte d'huissier), il y a nécessairement un délai minimum entre la convocation et la date de l'audience.
Le juge commissaire tient en principe ses audiences dans son bureau, au tribunal, et on emploie parfois le terme d'audience "de cabinet". Les textes sont cependant peu précis, et on peut parfaitement imaginer le juge commissaire se rendant dans une entreprise et y rendre une ordonnance. En tout état la décision devra être rendue par le juge commissaire devant lequel les débats ont eu lieu, et non pas par un juge commissaire suppléant qui n'aurait pas tenu les débats Cass civ 2ème 24 septembre 1997 n°95-17978 ou un juge remplaçant - pour le cas du juge décédé entre l'audience et l'ordonnance -)
La question de savoir si le juge commissaire doit être assisté d'un greffier est controversée, ne serait-ce que par la multiplicités des circonstances dans lesquelles le juge commissaire peut rendre des ordonnances, et par le nombre important de juges commissaires par rapport à l'effectif d'un greffe.
Les textes n'en disent rien (et en particulier l'article R621-21 du code de commerce qui réglemente les ordonnances du juge commissaire) et la jurisprudence ne semble pas avoir précisément tranché cette question de manière unanime, même si dans la pratique la plupart des audiences du juge commissaire sont tenues avec un greffier ... mais pas toutes.
Les arguments pour la présence du greffier résident dans les textes généraux de procédure: d'une part l'article 860-1 du code de commerce dispose que la procédure est orale (la procédure devant le juge commissaire se déroule comme devant le Tribunal de commerce, y compris si la procédure collective relève du Tribunal judiciaire ex TGI), et d'autre part l'article 727 du CPC dispose que lorsque la procédure est orale "les prétentions des parties ou la référence qu'elles font aux prétentions qu'elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal" ce qui suppose l'intervention d'un greffier. En outre la décision du juge commissaire est une décision juridictionnelle, et devrait à ce titre être signée par le greffier (article 456 du CPC)
Mais à l'inverse le fait est que les textes spécifiques, qui en principe sont conçus comme dérogatoires, prévoient que les ordonnances du juge commissaire sont "déposées sans délai au greffe" (article R621-21 du code de commerce), ce qui peut alimenter l'idée que le greffier n'est pas présent lors de la prise de décision (mais l'argument est en réalité assez faible, le dépôt au greffe étant destiné à assurer la conservation et la publicité de la décision): le terme de procès verbal envisagé à l'article 727 du CPC comme une alternative à la note au dossier, serait précisément le reflet de cette situation et permettrait au juge commissaire de rendre une ordonnance hors la présence d'un greffier.
A priori il semble légitime de soutenir que dès que le juge commissaire tient une audience, il est assisté d'un greffier et c'est incontestablement la solution à retenir.
Dans tous les cas des règles spécifiques - notamment pour les recours - s'appliquent, et les règles de l'ordonnance sur requête ne semblent pas applicable (493 et suivants du CPC) puisque les textes spéciaux y dérogent (mais on peut s'interroger sur l'article 495 du CPC "Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée" dans le cas où l'ordonnance n'a pas été notifiée à un tiers intéressé. En effet les textes (article R621-21 du code de commerce) prévoient que les tiers dont les droits sont affectés par la décision du juge commissaire sont destinataires d'une notification effectuée par le greffe et on peut en déduire qu'à défaut de notification, le délai de recours ne court pas pour eux cf Cass Com 8 mars 2017 n°15-18692 pour une tierce opposition à un arrêt qui statue sur un report de date de cessation des paiements, occulte pour le tiers assigné en nullité, jusqu'à ce qu'il lui soit opposé ou Cass com 17 mai 1994 n°91-21627 pour un cas où le juge n'avait pas prévu de notification ou encore Cass com 11 mars 1997 n°94-14437
Les décisions du juge commissaire et leurs mentions
Les décisions du juge commissaire sont des ordonnances
L'ordonnance est nécessairement écrite, et doit se présenter comme une décision de justice dans sa forme et dans son contenu: la pratique, de moins en moins retenue, pour le juge commissaire d'apposer sa signature avec une mention "pour accord" sur une demande d'un mandataire de justice, est difficilement admissible pour y trouver une décision. De même un courrier par lequel le juge invite les parties à recherche un accord n'est pas une ordonnance (Cass com 3 janvier 1989 n°86-19438), mais l'ordonnance n'a pas à revétir de présentation particulière. Il est admis que l'ordonnance consiste en un formulaire pré-établi sur lequel le juge commissaire coche des cases, encore que la motivation doit y figurer.
On peut donc s'interroger sur les mentions de l'ordonnance : a priori c'est une décision de justice et doit respecter les formes et mentions obligatoires d'un jugement. mais en tenant compte le cas échéant des circonstances particulières et textes dérogatoires spécifiques. Les mentions doivent être présentes sur la minute de l'ordonnance, qu'il convient bien de distinguer des copies simples délivrées par le greffe.
Le traitement de l'absence de mention de signature du greffier dépendra évidemment de l'analyse faite de la nécessité de la présence du greffier (voir ci dessus). Si, comme c'est certainement le cas dès lors que le juge tient une audience, la présence du greffier est nécessaire, sa signature est une mention nécessaire, sous la sanction de la nullité prévue aux articles 456 et 458 du CPC. C'est en ce sens que la Cour de Cassation a statué (Cass com 18 mars 2003 n°01.15264). L'absence de nom du greffier n'est par contre pas sanctionné par la nullité (l'article 458 du CPC ne renvoie à l'article 454 du CPC que pour le nom du juge), même si certaines décisions isolées l'ont retenu.
On peut à ce sujet également s'interroger sur le nom du juge commissaire: c'est une mention obligatoire de tout jugement, sanctionnée par la nullité, mais la nullité est écartée si les circonstances permettent de s'assurer de l'identité du juge qui a statué (voir ce qui est expliqué au mot jugement): en l'espèce la mention classique (hélas !!) "Nous juge commissaire" qui n'est pas suivie du nom du juge pourrait sembler suffisante pour écarter la nullité : les parties ont bien été convoquées devant le juge commissaire ( et la convocation le mentionne), lequel les a reçues (et s'il y avait un greffier il l'a mentionné au dossier ou au plumitif) et la décision porte sa signature: il n'y a donc pas de doute sur son identité (la nullité a été conçue pour protéger les parties et leur permettre de s'assurer de l'identité du juge et du respect des règles de composition de la juridiction : c'est ici sans objet). Mis à part ces cas très particuliers, la décision doit porter mention de sa date, du nom du juge qui l'a rendue et bien entendu de sa signature (l'absence de signature est évidemment un cas de nullité
L'article 455 du CPC doit lui aussi recevoir application: "Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif."
Enfin, en tout état le droit commun s'applique et notamment l'article 459 du CPC qui dispose "L'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.": ainsi le registre d'audience (plumitif) ou les mentions au dossier permettent généralement d'éviter la nullité de la décision.
Comment une ordonnance du juge commissaire devient définitive ?
Voir le mot "voies de recours".
L'ordonnance du juge commissaire est déposée au greffe du tribunal de la procédure collective.
Suivant les cas elle fait également l'objet de publicité (par exemple l'état des créances, qui résulte d'une décision du juge commissaire, est publié au BODACC). Les délais de recours courent alors de cette publicité.
Elle est également communiquée (par courrier) aux mandataires de justice, et notifiée par le greffe, par courrier recommandé avec accusé de réception, aux parties. Dans ce cas le délai de recours court de cette notification.
L'ordonnance devient définitive, et ne peut donc plus être remise en cause, par l'expiration des délais de recours.
Dans tous les cas des règles spécifiques - notamment pour les recours - s'appliquent, et les règles de l'ordonnance sur requête ne semblent pas applicable (493 et suivants du CPC) puisque les textes spéciaux y dérogent (mais on peut s'interroger sur l'article 495 du CPC "Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée" dans le cas où l'ordonnance n'a pas été notifiée à un tiers intéressé. En effet les textes (article R621-21 du code de commerce) prévoient que les tiers dont les droits sont affectés par la décision du juge commissaire sont destinataires d'une notification effectuée par le greffe et on peut en déduire qu'à défaut de notification, le délai de recours ne court pas pour eux cf Cass Com 8 mars 2017 n°15-18692 pour une tierce opposition à un arrêt qui statue sur un report de date de cessation des paiements, occulte pour le tiers assigné en nullité, jusqu'à ce qu'il lui soit opposé ou Cass com 17 mai 1994 n°91-21627 pour un cas où le juge n'avait pas prévu de notification ou encore Cass com 11 mars 1997 n°94-14437
Voir également le mot "notification" qui détaille les modalités de cet acte de procédure.
Première procédure particulière la vérification des créances :
La compétence du juge commissaire est affirmée par l’article L624-2 : c’est le juge commissaire qui arrête l’état des créances.
C’est une décision essentielle puisque c’est souvent celle qui va déterminer la solution possible.
La procédure est un peu particulière.
En pratique le mandataire judiciaire en sauvegarde ou en redressement judiciaire, le liquidateur en liquidation judiciaire, c’est-à-dire celui qui reçoit les déclarations de créances, les vérifie avec le débiteur.
Si le débiteur conteste des créances le mandataire adresse au créancier un courrier recommandé l’informant des motifs de contestation et lui donnant un délai de 30 jours pour répondre (article R624-1).
Soit le créancier s’incline ou ne répond pas, soit il maintient sa déclaration de créance.
A partir de ces éléments le mandataire fait des propositions d’admissions au juge commissaire (article L624-2).
Les créances non contestées sont admises par le juge commissaire pas simple signature sur l’état des créances (article R624-3) et ces créanciers reçoivent une lettre simple du greffe pour les avertir.
Pour les créances contestées le juge commissaire doit faire convoquer par le greffe le créancier, le débiteur, l’administrateur judiciaire s’il y en a un et le mandataire judiciaire (R624-4) et sa décision est prise à l’issue d’une audience.
La décision sera notifiée par le greffe par courrier RAR et fera corps avec l’état des créances qui est publié au BODACC par le greffe.
La particularité sera dans les recours : voir les voies de recours
Seconde procédure particulière Les revendications :
Les créanciers se font assez mal à l’idée que les actifs présents chez leur débiteur ne lui appartiennent pas et ne serviront pas à les payer.
L’idée est concrétisée par l’article 2276 du code civil : « en fait de meubles possession vaut titre » : sauf preuve contraire tous les meubles qui sont chez le débiteur lui appartiennent, le terme meuble étant ici employé au sens juridique du terme, par opposition à immeuble (« meuble » comprend notamment le stock de produits finis).
Les restitutions sont donc largement encadrées.
La loi prévoit deux cas : si le propriétaire d’un bien a fait publier son contrat il peut demander restitution. C’est le cas d’un crédit bail publié sur les états d’inscriptions, d’un contrat de location, … qui sont publiés au greffe sur des états qui sont publics.
Si le contrat n’est pas publié, l’action s’appelle action en revendication.
C’est en principe ce qui va se passer en cas de clause de réserve de propriété où pour quelle soit valable il va falloir démontrer qu’elle est antérieure à la vente.
La procédure est la même pour les deux actions : le créanciers adresse sa demande à l’administrateur s’il y en a un, au liquidateur en liquidation judiciaire, dans les 3 mois de l’insertion au Bodacc du jugement d’ouverture (article L624-9).
Si dans le délai d’un mois l’administrateur ou le liquidateur n’a pas répondu ou a refusé de restituer, le créancier doit saisir le juge commissaire dans un nouveau délai d’un mois (article R624-13).
Le juge commissaire n’est donc pas saisi directement, il y a une phase préalable qui est obligatoire et qui évite des audiences dans les cas les plus évidents.
Troisième procédure particulière : Les cessions d’actif en liquidation sous forme de cession des biens du débiteur
La cession d’entreprise relève du Tribunal.
En principe on est en redressement judiciaire, et la cession est présentée par l’administrateur, mais on peut plus rarement se trouver en liquidation avec poursuite d’activité.
Par principe, en liquidation, quand il n’y a plus d’activité, les cessions d’immeubles (article L642-18) et les cessions d’actif (article L642-19) relèvent du juge commissaire.
Il peut s’agir de vente aux enchères ou de ventes de gré à gré s’il y a une proposition, qu’il s’agisse de stock, de matériel, voire même d’un fonds de commerce.
Là aussi il y a une particularité dans les voies de recours.
Le juge commissaire a des pouvoirs d’investigation dont la conséquence est un devoir d’information
Collecte d’informations:
Le juge commissaire est renseigné essentiellement par les mandataires de justice : il est destinataire des rapports du mandataire judiciaire ou de l’administrateur judiciaire, dans les 2 mois de l’ouverture de la procédure (articles L621-8, L641-7, R 621-20 et R631-16.
Le liquidateur fait également un rapport tous les 3 mois (L641-7) et donne au moins une fois par an le détail des opérations réalisées (article R641-38).
Le juge commissaire peut aussi demander des précisions à tout moment, et surtout peut être informé directement par le Parquet (articles L621-8 et L641-11 al 2) et par les personnes et organismes tenus normalement au secret professionnel – commissaire aux comptes, expert comptable, administrations, banques articles L623-2 L631-18 L641-11)
Devoir d'information
Le juge commissaire transmet aux mandataires les informations utiles au déroulement de leur mission (articles L623-3 L631-18-1 L641-11 AL3).
Rapports au Tribunal
La contrepartie de l'information large dont le juge commissaire est destinataire est qu’en principe il (ou le cas échéant le juge commissaire suppléant) doit faire rapport au tribunal quand une décision relève du tribunal : le juge commissaire effectue des rapports au tribunal avant chaque décision : l'article R662-12 du code de commerce dispose en effet "Le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8. Toutefois, il n'est pas fait de rapport lorsque le tribunal statue sur un recours formé contre une ordonnance de ce juge.".
La formulation générale retenue, identique à celle sur la compétence du Tribunal de la procédure (article R662-3 du code de commerce) ou pour les voies de recours par l'article R661-1 alinéa 1 ne semble pas souffrir d'exception, sauf le cas où le tribunal statue sur le recours contre l’ordonnance du juge commissaire (R662-12 alinéa 2). Evidemment le rapport du juge commissaire suppose qu'il soit en fonction, ce qui ne sera pas le cas pour une résolution du plan ou une reprise de la liquidation judiciaire.
Forme du rapport, respect du contradictoire et mention du rapport dans le jugement
Dans le cas général, le rapport du juge commissaire peut être écrit ou oral (Cass com 29 mars 1989 n°87-14433 Cass com 16 avril 1991 n°89-13677 Cass com 25 mars 1997 n°94-16535 Cass com 25 novembre 1997 n°94-22000) et l'éventuelle oralité du rapport n'est pas une violation de la convention Européenne des Droits de l'Homme (Cass com 23 janvier 1996 n°94-13391)
Cependant dans certains cas un texte précise que le rapport est obligatoirement écrit. C’est le cas en matière de sanctions (article L651-4) si le juge a une mission spécifique d’information (mais s'il n'en a pas reçu le rapport peut être oral), cas dans lequel l'article R651-5 dispose que le rapport est "déposé", ce terme impliquant un rapport écrit.
Si le juge commissaire fait un rapport oral, il le fera à l'audience en s'exprimant avant les parties, c'est à dire préalablement aux débats. Le juge commissaire ne participera pas aux débats (autrement dit, il n'est pas prévu de donner la parole aux parties pour interpeller le juge commissaire)
Si le rapport du juge commissaire est écrit il convient qu'il soit, a minima le jour de l'audience, "dans le dossier du Tribunal" (c'est l'expression employée par la Cour de Cassation) pour que les parties puissent en prendre connaissance si elles le souhaitent, auquel cas il sera prudent que le greffe garde justification à la fois de l'existence du rapport et du fait qu'il a été mis à disposition de celles des parties qui l'ont demandé
En effet les textes n'organisent pas de procédure de communication systématique par le greffe du rapport du juge commissaire, et il semble donc qu'il appartienne aux parties de demander à en prendre connaissance.
Dans la mesure où le rapport peut être oral, il n'y a pas a priori de raison particulière pour qu'en cas de rapport écrit il soit déposé au greffe avant l'audience, même si évidemment la juridiction peut organiser un processus plus respectueux du respect du contradictoire, qui ne s'impose absolument pas.
Aucun texte ne prévoit par exemple que le rapport du juge commissaire doit être lu à l'audience par le greffier ou le Président, même si parfois il est indiqué l'avis qui a été émis par le juge commissaire
Les textes n’imposent pas non plus que le jugement précise si le rapport est oral ou écrit (Cass com 17 juin 1997 n°95-12835) , mais il est prudent que ce soit précisé. Il convient qu'il soit précisé que le Tribunal a statué au vu du rapport du juge commissaire.
A ce sujet la Cour Européenne des Droits de l'Homme a admis que le tribunal peut avoir fait une erreur de plume en mentionnant "vu le rapport du juge commissaire", ce qui suppose que ce rapport soit écrit, au lieu de "le juge commissaire entendu" qui suppose que le rapport soit oral CEDH 6 juin 2000 Req 34130/96
Contenu du rapport
Deux positions existent:
Certains considèrent que le rapport du juge commissaire doit être impartial et doit simplement présenter la situation au Tribunal, et d'autres que le juge commissaire émet un avis.
La confusion est effectivement fréquente entre avis et rapport du juge commissaire, et la question ouverte sur le fait que le rapport doit ou pas contenir un avis. En tout état c'est bien le terme rapport qui est retenu par les textes, et c'est donc sous cette appellation que procéduralement le juge commissaire intervient.
On peut en réalité penser que la solution a évolué dans le temps, sur le fait de savoir si le juge commissaire peut ou pas émettre un avis.
Il était absolument nécessaire que le juge commissaire dans son rapport veille à ne pas prendre position, et à relater simplement et objectivement les circonstances à l'époque où il était admis à siéger dans la formation du Tribunal (la présence du juge commissaire dans la formation du tribunal n'étant pas, à cette époque, en elle même une marque d'impartialité Cass com 16 octobre 2001 n°98-12568). Le rapport le plus efficace pour remplir l'objectif de la loi et ne pas exposer le Tribunal à la critique de la partialité était un rapport purement factuel qui concluait que la cause méritait d'être tranchée (mais la Cour de cassation a été assez indulgente en ne retenant pas la partialité du tribunal et en admettant la présence du juge commissaire dans la formation de jugement alors qu'il avait émis un rapport défavorable Cass com 19 février 2013 n°11-28256)
Depuis que les textes (L662-7) interdisent au juge commissaire de siéger dans la formation du tribunal, rien ne semble s'opposer à ce que le juge commissaire prenne position dans son rapport, et c'est souvent instructif pour le tribunal que le juge commissaire qui a une connaissance particulière du déroulement de la procédure donne sa vision de la solution à rechercher. A l'inverse cependant, le juge commissaire n'est pas tenu d'émettre un avis, il est simplement tenu de faire un rapport.
Sanction de l'absence de rapport du juge commissaire
L'absence de rapport du juge commissaire entraîne la nullité de la décision ( Cass com 4 novembre 1970 n°69-13021 et Cass com 24 Octobre 1978 n°77-11659 à propos d'anciennes dispositions légales, identiques, Cass com 16 janvier 2007 n°05-18666 et Cass com 17 novembre 2015 n°14,19504 )
Cette nullité qui doit être soulevée dans les formes de l'article 74 du CPC, c'est à dire avant toute défense au fond.
Il convient cependant de distinguer le cas où le rapport du juge commissaire existe mais n'est pas visé dans la décision, auquel cas la nullité relève d'un vice de forme et est régularisable au visa de l'article 459 du CPC, et le cas où effectivement le rapport n'existe pas.
En tout état si la Cour annule le jugement elle peut statuer au fond (sans qu'il soit nécessaire que le juge commissaire fasse de rapport Cass com 24 octobre 1978 n°77-11659 Cass com 22 mai 2013 n°12-18823), l'absence de rapport du juge commissaire n'affectant pas la validité de la saisine du tribunal, et l'effet dévolutif imposant à la Cour de statuer sur le fond (Cass com 17 novembre 2015 n°14-19506)
Juge consulaire
Terme parfois employé pour désigner un membre du tribunal de commerce.
Historiquement, les tribunaux de commerce étaient composés de "consuls" élus: d'où le terme "consulaire"
Plus exactement les commerçants élisaient des "juges" qui composaient les tribunaux de commerce et des "consuls" qui les représentaient auprès des autorités. Progressivement le terme de "consul" a suffit à désigner ces "juges et consuls", d'où le terme "consulaire"
Juge de l'exécution (JEX)
C'est un juge du Tribunal de Grande Instance, délégué par son président, qui siège en formation de juge unique, et a notamment compétence, comme son nom l'indique, pour statuer sur les difficultés d'exécution des décisions de justice. Il peut également dans certains cas accorder des délais dits de "grâce" avant l'exécution d'une décision (par exemple une saisie).
C'est également ce juge qui est la juridiction des rétablissements personnels.
A priori il n'a pas de compétence en matière de procédure collective, puisque ces procédures sont organisées autour d'un juge commissaire et du tribunal de la procédure. Cependant il est le juge compétent en matière de saisie immobilière, et même en procédure collective, une fois que le juge commissaire a autorisé la saisie, le JEX prend le relai dans les mêmes conditions qu'en droit commun (avec certains aménagements).
Jugement
Quelques points de la définition
Mentions obligatoires et sanction des anomalies de rédaction
Le constat et les suites de la nullité
Généralités
Décision du Tribunal, qui statue en formation dite collégiale, c'est-à-dire avec un président et deux assesseurs.
Voir les mots "délibéré" et "audience"
Mentions obligatoires et sanction des anomalies de rédaction
Les mentions obligatoires
Ce sont les articles 447 et suivants du code de procédure civile qui déterminent les modalités de rédaction du jugement, étant précisé ici que le terme jugement ne s’applique pas stricto sensu à la seule décision rendue par un tribunal, mais à toute décision juridictionnelle.
Article 447 Il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer. Ils doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent les règles relatives à l'organisation judiciaire.
Article 454 « Le jugement est rendu au nom du peuple français.
Il contient l'indication :
- de la juridiction dont il émane ;
- du nom des juges qui en ont délibéré ;
- de sa date ;
- du nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats ;
- du nom du secrétaire (il s'agit du greffier)
- des nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
- le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;
- en matière gracieuse, du nom des personnes auxquelles il doit être notifié. »
Article 455 « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif. »
Article 456 Le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. Il est signé par le président et par le greffier. En cas d'empêchement du président, mention en est faite sur la minute, qui est signée par l'un des juges qui en ont délibéré.
Lorsque le jugement est établi sur support électronique, les procédés utilisés doivent en garantir l'intégrité et la conservation. Le jugement établi sur support électronique est signé au moyen d'un procédé de signature électronique sécurisée répondant aux exigences du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique. ...
Un arrêté du 9 avril 2019 organise la signature électronique des décisions rendues par le Tribunal de commerce et un arrêté du 20 novembre 2020 (JUST2030158A) étend cette possibilité aux juridictions civiles.
Les sanctions
Article 458 Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.
Il en découle notamment que le jugement doit comporter deux signatures: celle du Président et celle du greffier, et que mis à part le nom des juges, les autres mentions de l'article 454 ne sont pas sanctionnées par la nullité.
Les décisions sont partagées sur le fait que le défaut de mention du nom du juge puisse être régularisé par le biais de l'omission visée à l'article 462 du CPC, à la condition que la procédure correspondante soit respectée (Cass com 29 juin 2010 n°09-14739 dans le sens favorable et Cass civ 2ème 5 juin 1996 n°93-13542 dans le sens inverse)
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d'audience.
Article 459 L'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.
Il semble à ce sujet possible d'établir que les juges qui ont tenu l'audience sont présumés être ceux qui ont statué (Cass civ 1er 6 avril 1994 n°92-12985), cette vérification pouvant le cas échéant être établie par le plumitif (Cass civ 1er 12 octobre 1999 n°97-19997, Cass mixte 11 décembre 2009 n°08-13643) ou un procès verbal (Cass plen 8 février 1993 n°92-14281) ou encore être déduite du contenu du jugement (Cass com 10 février 1996 n°94-10082)
L'absence de mention du nom du greffier, d'ailleurs non sanctionnée par la nullité, peut être supplée par l'examen du registre d'audience (Cass civ 1er 21 novembre 2000 n°98-10834, Cass mixte 11 décembre 2009 n°08-13643)
Article 460 La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.
Les suites d'une éventuelle nullité
Article 460 La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.
C'est la transposition du célèbre addage "voies nullité n'ont lieu contre les jugements". Il semble acquis que la partie qui entend invoquer la nullité doit le faire avant toute défense au fond, conformément aux règles de procédure civile (112 CPC)
L'alinéa 2 de l'article 458 envisage le pouvoir du juge de soulever d'office la nullité pour celles des dispositions prévues aux articles 451 et 452 du CPC, ce qui a ccontrario devrait écarter cette possibilité pour les autres textes (mais cette limitation est contestée par certains auteurs)
A priori l'effet dévolutif joue, et la juridiction qui annule un jugement doit statuer sur le fond (Cass civ 2ème 21 juin 1995 N°94-10251 pour l'annulation en raison de l'absence de mention du nom d'un magistrat).
Le prononcé du jugement
Même si les débats on eu lieu en chambre du conseil, le jugement (au moins son dispositif cf art 452 du CPC ) est prononcé en audience publique, sauf en matière gracieuse ou il n'est pas prononcé.
La formation qui prononce le jugement doit a minima être composée d'au moins un juge qui a mis l'affaire en délibéré (article 452 du CPC)
Il est possible que le jugement soit rendu par "mise à disposition au greffe" auquel cas il n'est pas prononcé (articles 450 et suivants du CPC): a priori et même si l'article R662-13 ne le prévoit pas, le délibéré par mise à disposition devrait être possible en procédure collective puisque l'article 450 du CPC est dans une partie du code de procédure collective applicable à toutes les juridictions et qu'il s'agit d'un texte d'origine législative alors que l'article R662-13 est d'origine réglementaire
Jugement constitutif de droit / jugement déclaratif de droit
Suivant les circonstances, un jugement peut être "déclaratif de droit" c''est à dire qu'il ne fait que constater un droit préexistant, soit "constitutif de droit" auquel cas il instaure lui même une situation juridique nouvelle.
Le premier cas recoupe par exemple la fixation d'une créance résultant d'un contrat préexistant, ou d'un dommage.
Le second cas recoupe par exemple le prononcé d'un divorce, d'une procédure collective ...
En procédure collective le jugement déclaratif d'un droit antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective fixe une créance antérieure.
Un jugement constitutif d'un droit postérieur fixe une créance chronologiquement postérieure, encore que cette dernière doive, pour bénéficier du statut de créance postérieure, remplir des conditions légales.
Jugement d'ouverture (de la procédure collective) notion et prise d'effet
C'est le jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire. Voir le mot "ouverture de la procédure". Ce jugement est publié au registre du commerce (voir ce mot), dans un journal d'annonces légales (voir ce mot) et au BODACC (voir ce mot).
Le jugement est prononcé en audience publique, à l'exception de ceux qui concernent des professionnels indépendants (voir le mot publicité)
Les textes (article R621-4 du code de commerce pour la sauvegarde, article R631-7 pour le redressement judiciaire et R641-1 pour la liquidation judiciaire) disposent que le jugement prend effet "à sa date" ce qui signifie le jour de son prononcé à ZERO HEURE, et non pas au moment de son prononcé.
Ainsi, tous les actes effectués le jour du jugement sont réputés lui être postérieurs Cass com 17 février 2021 n°20-18759 pour des opérations bancaires (mais l'ordre de virement émis avant le jugement est valide - ainsi que le TIP - car il est irrévocable et donne un droit au bénéficiaire sur les fonds cf L133-8-I du code monétaire) , et la bonne foi du tiers concerné est indifférente Cass com 2 avril 1996 n°92-19912, Cass com 19 mai 2004 n°02-18570, Cass com 11 décembre 2001 n°99-12290
L'argument suivant lequel au terme de l'article L123-9 du code de commerce, une personne immatriculée au registre du commerce ne peut opposer aux tiers les mentions devant être publiées qu'à compter de ladite publication est ici inopérant, l'opposabilité aux tiers étant prévue pas les textes législatifs (Conseil d'Etat 21 juillet 2017 n°400268 )
Jugement de liquidation judiciaire
Il est prononcé pour toute entreprise en état de cessation des paiements qui ne poursuit pas son activité.
Il peut être prononcé directement ou en cas d’échec de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, lorsque la poursuite de l’activité est impossible.
Il sera également prononcé si dans la cadre du redressement judiciaire il a été procédé à la cession de l’entreprise, de telle manière que l’activité a pris fin.
Ce jugement de liqui!dation judiciaire désigne obligatoirement un juge commissaire, et un liquidateur. Si la liquidation judiciaire fait suite à un redressement judiciaire ou à une sauvegarde, c’est le mandataire judiciaire qui devient le liquidateur. Dans ce cas et s’il en avait été désigné un, la mission de l’administrateur judiciaire prend fin.
Voir plus de précisions sur la procédure de liquidation judiciaire
Jugement de redressement judiciaire
Il est prononcé par le tribunal pour toute entreprise qui, ne pouvant faire face à ses dettes, se trouve en état de cessation des paiements et qui peut envisager de poursuivre son activité dans la perspective soit de se redresser et proposer un plan de remboursement à ses créanciers, soit de parvenir à une reprise par une cession d’entreprise.
Ce jugement désigne obligatoirement un juge commissaire, un mandataire judiciaire. Il peut désigner un administrateur judiciaire.
Le jugement ouvre une période dite d’observation d’une durée maximale de 6 mois, durant laquelle les informations permettant de renseigner le Tribunal sur la situation sont collectées et les solutions devront être présentées.
La période d’observation peut être renouvelée une fois (6 mois) par un nouveau jugement du Tribunal, et pourra l’être une seconde fois (6 mois) de manière exceptionnelle sur demande du Procureur de la République.
Voir plus de précisions sur le redressement judiciaire
Jugement de sauvegarde
Il est prononcé par le tribunal pour toute entreprise qui sans être en état de cessation des paiements connaît des difficultés qu’elle ne peut pas surmonter.
Ce jugement désigne obligatoirement un juge commissaire, un mandataire judiciaire. Il peut désigner un administrateur judiciaire.
Le jugement ouvre une période dite d’observation d’une durée maximale de 6 mois, durant laquelle les informations permettant de renseigner le Tribunal sur la situation sont collectées et les solutions devront être présentées.
La période d’observation peut être renouvelée une fois (6 mois) par un nouveau jugement du Tribunal, et pourra l’être une seconde fois (6 mois) de manière exceptionnelle sur demande du Procureur de la République.
Voir plus de précisions sur la procédure de sauvegarde
Jugement erreur de qualification conséquence sur les voies de recours
Au visa de l'article 536 du CPC "La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours.
Si le recours est déclaré irrecevable en raison d'une telle inexactitude, la décision d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement. Cette notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié".
Ainsi, une qualification inexacte n'ouvre pas de recours contre un jugement qui ne peut en faire l'objet.
L'appel d'un jugement improprement qualifié en premier ressort est irrecevable Cass civ 2ème 6 décembre 1991 n°90-17415 et à l'inverse une décision improprement rendue en dernier ressort peut faire l'objet d'un appel Cass civ 3ème 16 juillet 1974 n°73-11221 et la juridiction saisie du recours doit le cas échéant rétablir la juste qualification Cass civ 2ème 1er mars 1995 n°93-17078
A ce sujet il convient de préciser que si le jugement est improprement qualifié en dernier ressort, c'est à dire par défaut, alors qu'il est susceptible d'appel et est donc en réalité réputé contradictoire, on peut hésiter sur la voie de recours à exercer : opposition ou appel.
Autrement dit, dans ce cas, il n'y a pas de risque à exercer l'un ou l'autre des recours, l'avantage de l'opposition - si elle est admise - étant de bénéficier d'un second degré de juridiction. Ceci étant il est fort probable que la juridiction déclare irrecevable le recours inapproprié.
Il convient cependant de préciser que si la signification de la décision a rétabli la juste qualification de la décision, en indiquant la voie de recours approprié, l'article 536 du CPC ne reçoit pas application.
Dans ce cas il convient d'exercer la bonne voie de recours Cass civ 2ème 3 juin 1999 n°97-15511
(et à l'inverse l'acte de notification erroné ne fait pas courir le délai Cass civ 2ème 30 septembre 1999 n°97-19089)
Jugement non avenu
L'invoquer dans le cadre d'un recours : totalement à éviter
Cas d'Interruption d'instance : le juge n'est pas dessaisi
Décision non avenue et péremption
Les suites de la décision non avenue
1 Cas d'interruption d'instance
2 Cas de défaut de signification
Définition
Dans certains cas une décision de justice est "non avenue" c'est à dire réputée inexistante.
Par exemple
- Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date (article 478 du CPC) (la notification au représentant d'une partie ne suffit pas Cass civ 2ème 14 avril 1988 n°86-18183, cette décision permettant de relever que la juridiction saisie du caractère non avenu est à même de se prononcer sur la validité de la signification invoquée).
A la lettre du texte, un arrêt de Cour d'appel ne peut pas être réputé contradictoire Cass civ 2ème 26 janvier 2017 n°15-28173, ni un arrêt de la Cour de Cassation Cass civ 3ème 13 octobre 2004 n°02-21444
L'article 478 du CPC ne s'applique pas non plus aux jugements qui ne dessaisissent pas le juge Cass civ 2ème 6 janvier 2005 n°02-19506 pour un sursis à statuer
Le "seul" motif vise donc le seul cas où le défendeur n'a pas comparu et où la décision est susceptible d'appel et ne vise pas le cumul de circonstances défendeur cité à personne bien que n'ayant pas comparu, et jugement susceptible d'appel. Autrement dit, le caractère non avenu est réservé au défendeur qui n'a pas été cité à personne et n'a pas comparu, et ne protège pas le défendeur qui était informé de la procédure par une citation à personne et s'est abstenu de comparaitre. Cass civ 3ème 11 juillet 2019 n°18-13967 Cass civ 2ème 1er juin 1988 n°87-14032 Cass civ 2ème 27 mars 2007 n°06-10020 Cass civ 2ème 23 septembre 2004 n°02-14200 (dans un cas d'indivisibilité du litige)
Il sera précisé que si une partie non défaillante relève appel dans les 6 mois, cela n'empêche pas la partie défaillante d'invoquer le caractère non avenu Cass civ 2ème 27 mars 1996 n°94-14578
- Le jugement rendu nonobstant une interruption de l'instance est non avenu (article 372 du CPC) ainsi que tous les actes effectués Voir par exemple instance en cours et mandataires changement de qualité
Qui peut invoquer le caractère non avenu ?
Dans ce dernier cas, le caractère « non avenu » d'une décision et cette possibilité de confirmation sont expressément prévus par l’article 372 du CPC.
Le caractère non avenue est une mesure de protection de la partie non citée à personne, qui n'a pas comparu, et à laquelle la décision n'a pas été signifiée dans le délai de 6 mois, ce qui peut la priver de la possibilité, par la suite, de la possibilité de réunir des moyens de défense. Seule cette partie peut l'invoquer Cass civ 2ème 28 novembre 1984 n°82-15281 Cass com 20 février 2001 n°97-18491
De sorte que le juge ne peut relever d'office ce caractère (ces décisions précisent également que seul le défaillant peut s'en prévaloir) Cass civ 2ème 17 mai 2018 n°17-17409 Cass civ 2ème 13 janvier 1988 n°86-16636 Cass civ 2ème 12 avril 2018 n°17-16273 ni les parties comparantes Cass com 20 février 2001 n°97-18491, Cass civ 3ème 20 juin 2007 n°06-12569 (Et Cass civ 2ème 14 avril 1988 n°86-17274 en matière divisible en cas de pluralité de parties)
Par exemple pour l'interruption de l'instance visée à l'article 369 du CPC qui provoque le caractère non avenu Cass com 13 décembre 2017 n°16-21375 Cass civ 2ème 15 avril 2010 n°08-12357 Cass civ 1ère 24 juin 2015 n°14-13436
Et évidemment celui qui l'invoque doit y avoir intérêt Cass civ 2ème 28 juin 2006 n°04-16316 pour un représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan qui a invoqué la péremption d'instance alors que l'instance était interrompue, ce dont évidemment, il ne s'est pas prévalu et que son adversaire ne pouvait invoquer pour éviter ladite péremption. Voir également Cass civ 2ème 27 juin 2013 n°11-23256
Comment faire constater le caractère non avenu ?
Sur le mode de constat du caractère non avenu, ce qui semble acquis est que si dans le cadre d'une instance dans laquelle on lui oppose la décision litigieuse, le bénéficiaire de l'interruption d'instance n'invoque pas le caractère non avenu de ladite décision, il sera réputé avoir confirmé la décision au sens de l'article 372 du CPC (Cass Civ 2ème 28 juin 1989 n°88-15877 Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875 ).
Il faut donc invoquer le caractère non avenu in limine litis
Au delà de ces considérations le caractère non avenu peut être invoquée :
- à l'occasion de litiges annexes (Cass civ 2ème 9 juin 1982 n°80-14353 Cass civ 2ème 29 juin 1988 n°87-15171, Cass soc 29 février 2000 n°97-45669, Cass soc 7 janvier 1992 n°89-15819
- sans qu'il soit besoin de la faire constater Cass com 29 octobre 1991 n°90-11297
- au stade de l'exécution de la décision en saisissant le juge de l'exécution (a priori du domicile du débiteur cf R232-7 du code des procédures civiles d'exécution) au visa de l'article L213-6 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire. Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326 Cass civ 2ème 31 janvier 2019 n°17-28369.
- par une demande principale au juge de l'exécution Cass civ 2ème 16 mai 2013 n°12-15101 Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914 dès lors en effet que la demande tend à faire perdre au jugement son caractère exécutoire. Le juge de l'exécution est en effet manifestement compétent y compris en dehors de toute voie d'exécution Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326. A priori l'article R121-2 doit recevoir application et "A moins qu'il n'en soit disposé autrement, le juge de l'exécution territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure. Lorsqu'une demande a été portée devant l'un de ces juges, elle ne peut l'être devant l'autre. Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la mesure.".
Le juge de l'exécution saisi d'une demande de constat de la caducité d'un jugement (en l'espèce de liquidation judiciaire) est compétent pour apprécier la validité de sa signification, et l'article 478 du CPC doit recevoir application, non seulement en l'absence de signification mais également en cas de signification nulle (ce que le juge de l'exécution peut constater Cass civ 2ème 11 décembre 2008 n°07-15783 ) Il sera rappelé qu'au visa de l'article 503 du CPP, les jugements ne peuvent être exécutés que s'ils ont été régulièrement notifiés Cass civ 2ème 29 janvier 2004 n°02-15219
- parfois devant la juridiction qui a statué, après que la nullité ait été constatée dans le cadre d'un recours (il nous semble par contre exclu que la partie "responsable" de la décision non avenue puisse s'en prévaloir pour saisir "directement" la même juridiction pour qu'elle statue à nouveau), encore que comme indiqué ci dessous il faut être prudent en matière de recours.
Ceci étant c'est en principe par voie d'exception que le caractère non avenu est constaté. Il s'agit d'une exception de procédure et non d'une fin de non recevoir. Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875
C'est cette dernière solution qui semble la plus logique : il n'est pas utile de former de recours contre une décision pour se prévaloir de son caractère non avenu, dès lors qu'elle est inexistante.
Et ce d'autant plus que le caractère non avenu a remplacé la nullité de l'ancien code de procédure civile (ancien article 344 du CPC) qui devait pour sa part être invoquée dans le cadre d'une voie de recours.
Le débiteur opposera - in limine litis Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875 - ,le caractère non avenu de la décision si on la lui oppose, devant le juge saisi (par exemple le juge de l'exécution) , et la juridiction saisie constatera simplement ce caractère (par exemple Cass civ 1ère 16 janvier 2019 n°18-10279
S'il advient que dans le cadre du litige en cours, la créance est fixée, alors que par ailleurs la demande de relevé de forclusion du créancier est rejetée par le juge commissaire, les deux décisions inconciliables sont annulées au visa de l'article 618 du CPC (pourvoi "La contrariété de jugements peut aussi, par dérogation aux dispositions de l'article 605, être invoquée lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire ; le pourvoi en cassation est alors recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté. En ce cas, le pourvoi peut être formé même après l'expiration du délai prévu à l'article 612. Il doit être dirigé contre les deux décisions ; lorsque la contrariété est constatée, la Cour de cassation annule l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux.), faute de recours ordinaire ouverts Cass com 13 juin 2006 n°04-20400
Constat du caractère non avenu dans le cadre d'un recours : totalement à éviter
Le constat du caractère non avenu dans le cadre de l'exercice d'une voie de recours est assez piégeux et fortement déconseillé.
Il est exact que parfois, dans le cadre du recours (typiquement un pourvoi dans le cas d'interruption d'instance dès lors que l'article 372 du CPC part de l'hypothèse que les voies de recours (ordinaires) sont fermées et la décision est passée en force de chose jugée Cass civ 2ème 6 avril 2004 n°02-17322) la décision est déclarée non avenue.
Cependant l'appel est une voie de réformation ou de nullité, et ne saurait permettre de constater le caractère non avenu. De la même manière l'opposition remet en question la chose jugée par défaut.
De sorte que, a priori l'appel est irrecevable Cass com 20 mars 1978 n°76-12874, Cass civ 2ème 9 juin 1994 n°92-17843, Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326 et la Cour est incompétente Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914
Au contraire même, le fait pour le défendeur bénéficiaire du caractère non avenu de relever appel est considéré comme emportant renonciation à se prévaloir de ce caractère non avenu Cass civ 2ème 24 septembre 2015 n°14-20456 Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914, Cass com 7 janvier 2003 n°99-20846, Cass civ 2ème 24 juin 2010 n°08-20151 Cass civ 2ème 23 septembre 2004 n°02-17882 et il en est de même de l'opposition (Cass civ 2ème 23 juin 2011 n°10-20564 même si l'appel est suivi d'un désistement (qui vaut acceptation de la décision) Cass civ 2ème 15 février 1984.
De même le fait pour le défendeur de signifier le jugement vaut renonciation au caractère non avenu Cass civ 3ème 19 juillet 1995 n°93-19858, Cass civ 2ème 26 juin 2008 n°07-14688
Reste que si l'appel tend à la fois au constat du caractère non avenu (principal) et à la réformation (subsidiaire) il sera recevable de ce second chef Cass civ 2ème 24 septembre 2015 n°14-20456
Ce n'est que si le défendeur non comparant est intimé qu'il peut sans risque invoquer en cause d'appel le caractère non avenu. Cass civ 2ème 26 octobre 2006 n°05-11824
Certains arrêts ont pourtant constaté le caractère non avenu dans le cadre d'appel du défendeur non comparant .
Par exemple un arrêt Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914 a rejeté le pourvoi contre un arrêt d'appel dans une espèce où la Cour d'appel, saisie de l'appel du défendeur défaillant en première instance, a constaté le caractère non avenu. Le motif du rejet est que le défendeur n'avait pas soulevé ladite incompétence (qui n'a pas été soulevée d'office par la Cour).
D'autres décisions admettent le constat du caractère non avenu dans le cadre d'un recours. Cass civ 2ème 1er juin 1988 n°87-14032 (pourtant appel du défaillant) Cass Civ 2ème 14 avril 1988 n°86-18183 (appel du défaillant) à l'occasion de laquelle en outre la cour d'appel a statué pour invalider une signification du jugement.
De même il a été jugé que dans le cadre d'un recours, la décision non avenue ne peut être annulée ou infirmée, ce qui implique manifestement que l'effet dévolutif ne joue pas sur le fond Cass com 20 mars 1978 n°76-12874 (pour le prononcé d'une nouvelle procédure collective dans l'instant d'appel qui constate le caractère non avenu du premier jugement, Cass civ 2ème 28 septembre 2017 n°15-26640
Ces décisions sont assez contradictoires, sur la possibilité d'invoquer le caractère non avenu dans le cadre d'un recours.
Si le défendeur a relevé appel (et avec les réserves exposées ci dessus), il semble que la réïtération (par le demandeur originaire) doit intervenir par déclaration d'appel (faute de quoi il semble que l'effet dévolutif ne joue pas). En effet la décision non avenue ne peut être annulée ou infirmée, et manifestement l'effet dévolutif ne joue pas sur le fond Cass com 20 mars 1978 n°76-12874 Cass civ 2ème 28 septembre 2017 n°15-26640
Ceci étant ce domaine est très incertain et il n'est pas conseillé de relever appel s'il s'agit de faire constater le caractère non avenu.
Cas d'interruption d'instance: l'interruption ne dessaisit pas le juge
Dans le cas où le jugement non avenu est la conséquence de l'interruption de l'instance dont il n'a pas été tenu compte, et dès lors que l'interruption de l'instance ne dessaisit par le juge (voir interruption de l'instance), la Cour de Cassation précise que les parties sont en l'état dans lequel elle se trouvaient avant la décision "non avenue", et renvoie devant la juridiction qui a, par erreur, rendue la décision non avenue. Cass civ 2ème 6 mars 1991 n°89-15540, Cass com 15 décembre 2009 n°08-19539, Cass com 26 janvier 2010 n°09-11288 Cass Com 16 janvier 2007 n°05-18356 Cass com 30 juin 2004 n°02-11111 Cass soc 20 juin 2002 n°00-45094 Cass civ 2ème 3 mai 2001 n°99-16812 Cass com 9 juin 1998 n°96-11421
Non avenu et péremption d'instance
Se pose alors la question de la péremption d'instance (voir interruption de l'instance)
Les suites de la décision non avenue
La décision non avenue est avec certitude inopposable à la procédure collective (voir instance en cours)
Une autre question est de savoir quel est son traitement entre les parties.
Décision non avenue rendue en suite d'une interruption de l'instance
Ce qui a été relevé ci dessus, et que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge.
Ainsi dans le cas où la décision est non avenue en suite d'une interruption d'instance non respectée par la juridiction (ce qui a provoqué le caractère non avenu de la décision) le juge peut donc être saisi à nouveau, au stade procédural où se trouvait l'instance avant l'interruption, puisque seuls les actes postérieurs (y compris la décision) postérieurs à l'interruption sont non avenus, ou évidemment par une nouvelle introduction d'instance Cass civ 2ème 6 janvier 2012 n°10-16289 (dans la limite de la prescription, mais qui a été interrompue par l'assignation initiale Cass civ 2ème 18 décembre 2008 n°07-15091)
Il semble donc que le juge pourrait être ressaisi en dehors de toute voie de recours (dans la limite de la péremption d'instance, qui court du dernier acte valide).
Enfin le caractère "non avenu" du jugement et de tous les actes effectués depuis l'interruption de l'instance, entre les parties, a manifestement les effets d'une nullité qui s'impose au juge qui n'a pas à la constater.
Il s'applique aux conclusions, notifications, requêtes et ordonnances, opérations d'expertise, et y compris aux décisions passées en force de chose jugée (article 372 du CPC).
Décision non avenue (par défaut ou réputée contradictoire) en raison de son absence de signification dans les 6 mois
Dans le cas où le jugement est non avenu au motif qu'il n'a pas été signifié dans les 6 mois de sa date, l'article 478 du CPC prévoit "La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive."
Cette faculté n'est évidemment ouverte qu'au demandeur d'origine Cass civ 2ème 15 mai 2014 n°13-17893 qui doit délivrer une nouvelle assignation (devant la juridiction compétente au jour de la réitération Cass civ 2ème 6 janvier 2012 n°10-16289)
Cette nouvelle assignation doit expressément préciser qu'elle réïtère la première Cass civ 2ème 25 octobre 1995 n°94-10543
Il n'est évidemment pas possible de rependre l'instance par de nouvelles conclusions dès lors qu'elle n'était pas, en l'espèce et par différence avec le cas précédent, interrompue Cass civ 2ème 15 mai 2004 précité)
L'assignation doit être délivrée dans le délai de prescription, qui a été interrompu par la première assignation et qui a recommencé à courir avec le jugement non avenu Cass civ 2ème 18 décembre 2008 n°07-15091 Cass civ 3ème 9 février 2011 n°09-14630
La notion de "non avenue" fait suite à la nullité expressément mentionnée à l'ancien code de procédure civile (article 344), et a, selon la plupart des auteurs l'effet d'une nullité (relative puisque le bénéficiaire de l'interruption peut ratifier l'acte et peut seul invoquer cette nullité).
Juge rapporteur
L'article 871 du code de procédure civile, applicable à la procédure devant le Tribunal de commerce, dispose " le juge chargé d'instruire l'affaire peut également, si les parties ne s'y opposent pas, tenir seul l'audience pour entendre les plaidoiries. Il en rend compte au tribunal dans son délibéré."
Ainsi, à défaut d'opposition des parties (ce qui suppose que la question leur soit posée) un juge unique peut exceptionnellement sièger.
Jurisprudence
La jurisprudence est l'ensemble des décisions de justice rendues par les diverses juridictions.
En droit Français, seule la loi s'impose aux juges, et à situation équivalente ils ne sont pas tenus de rendre une décision identique à celle qui a pu être rendue par d'autres juridictions, ni même par eux mêmes dans d'autres circonstances ou même dans des circonstances exactement identiques.
Cependant la jurisprudence est évidemment une très bonne indication de l'interprétation que font les juges des textes, et de la manière dont ils jugent une situation donnée.
La publicité des décisions de justice est assurée par divers textes qui prévoient notamment la délivrance de copie anonymisées (voir décret 2020-797 du 29 juin 2020)
En particulier la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui exprime l'interprétation de la règle de droit, est très importante, surtout si elle est "constante", ou repose sur ce qu'on appelle des "arrêts de principe", c'est à dire si elle est très fermement et très clairement exprimée.
Pour autant, ce qu'on appelle un "revirement de jurisprudence", c'est à dire un changement d'interprétation est toujours possible.
Il existe toujours des exemples de revirement qui sont présentés comme étant singuliers : une situation très exactement identique concernant des parties différentes donne lieu à des décisions opposées, soit de deux juridictions différentes, soit même des mêmes juges.
Parfois même la même chambre de la Cour de Cassation rend à des dates très proches des arrêts qui apparaissent inverses.
Le revirement de jurisprudence présente un danger certain d'insécurité pour le justiciable et ses conseils, qui ont adopté en son temps une position conforme à la jurisprudence, et qui, lorsqu'un litige survient, se trouvent en contradiction avec l'évolution de la jurisprudence: ce danger est la conséquence du fait que tout en n'étant pas une source de droit (c'est à dire en ne s'imposant pas aux juges) la jurisprudence a en pratique une importance capitale et guide les praticiens lorsqu'ils rédigent des contrats ou mettent au point une stratégie procédurale.
Le revirement est également perçu comme injuste et incompréhensible par le justiciable qui s'était "calé" sur l'état de la jurisprudence au moment où il a accompli un acte. Parfois même la responsabilité du conseil est actionnée au motif qu'il aurait du prêvoir ou envisager le revirement.
Ce climat d'insécurité n'est pas pris en considération dans les décisions de la Cour de Cassation, qui répond systématiquement que la prétendue sécurité juridique qui découlerait d'un droit acquis au maintien de la jurisprudence figerait l'évolution du droit et serait contraire à la liberté du juge, affaire par affaire.
Entre les deux positions, c'est à dire la possibilité pour un justiciable de se prévaloir de l'état de la jurisprudence au moment où il a pris une décision, et le nécessaire maintien de la liberté du juge, des réflexions ont souvent été menées pour trouver une "modulation", ce qui, en l'état actuel du droit semble impossible: les juges sont libres et la jurisprudence n'est pas une source de droit qui s'impose.