Glossaire
Tableau (des audiences)
Le "tableau" est le calendrier de la juridiction. Il détaille les dates des audiences, la composition des formations du tribunal.
Pour le tribunal de commerce, le tableau est réglementé par l'article R722-16 du code de commerce qui prévoit "Chaque année, dans la quinzaine de l'installation des juges nouvellement élus, le président du tribunal de commerce fixe, par ordonnance prise après avis de l'assemblée générale, la répartition dans les chambres et services du tribunal des présidents de chambre et juges composant le tribunal. Cette ordonnance précise le nombre, le jour et la nature des audiences. Elle peut être modifiée dans les mêmes formes en cas de cessation des fonctions d'un ou plusieurs des juges composant la juridiction.
Un juge peut être affecté à plusieurs chambres.
En cas d'empêchement du président de chambre ou d'un ou plusieurs des juges composant une chambre d'un tribunal de commerce, celle-ci peut, sous réserve des dispositions des articles L. 722-2 et L. 722-3, être complétée par un ou plusieurs des présidents de chambre ou juges affectés dans les autres chambres du tribunal. En cas d'empêchement du président de chambre, celle-ci est présidée par le premier dans l'ordre du tableau des juges la composant."
Tierce opposition
Généralités
La tierce opposition est le recours des tiers contre une décision de justice. En principe ce recours est porté devant la juridiction qui a rendu la décision critiquée.
Au visa de l'article 582 du CPC il s'agit pour la juridiction de réexaminer la décision rendue au regard des faits qui lui avaient été soumis.
Autrement dit la juridiction ne prend pas en considération des faits intervenus postérieurement à la décision et ne prend en considération que les faits qui aurait pu être portés à la connaissance de la juridiction au jour où elle a statué, si le tiers y avait été partie Cass civ 2ème 7 janvier 1999 n°95-21197 "si, sur tierce opposition, le juge doit statuer à nouveau en fait et en droit, l'effet dévolutif de cette voie de rétractation est limité à la remise en question relativement à son auteur des points jugés qu'elle critique et ne l'autorise à invoquer que les moyens qu'il aurait pu présenter s'il était intervenu à l'instance avant que la décision ne fût rendue"
Une partie (autre que le tiers opposant) n'est d'ailleurs pas recevable à soulever dans le cadre d'une tierce opposition des arguments qu'elle avait omis de soulever lorsque l'affaire avait été évoquée Cass civ 2ème 9 octobre 2008 n°07-12409 et n'étant pas l'auteur de la tierce opposition ne peut y formuler que des moyens de défense pour en soulever le cas échéant l'irrecevabilité ou l'absence de fondement.
La tierce opposition ne produit pas d'effet suspensif de plein droit, mais au visa de l'article 590 du CPC le juge peut suspendre l'exécution du jugement attaqué
Dans le cas où la matière n'est pas indivisible la tierce opposition ne tend qu'à rétracter ou réformer que les chefs du jugement préjudiciables au tiers opposant (pour un exemple Cass soc 27 novembre 2019 n°18-10929) alors que si la matière est indivisible, elle tendra à rétracter ou réformer l'entier jugement (par exemple une entreprise est ou n'est pas en procédure collective, et la tierce opposition ne peut que tendre à réformer l'entier jugement, qui ne peut être rétracté que vis à vis du tiers opposant)
Le tiers opposant doit justifier d'un intérêt, comme pour toute partie agissant en justice, c'est à dire concrètement d'un préjudice qui lui est causé par la décision critiquée. L'appréciation de l'intéret relève de l'appréciation du juge du fond et pas de la Cour de Cassation Cass Civ 2ème 2 juillet 2020 n°19-13616
Toutefois, au visa de l'article 583 du CPC, le tiers opposant ne doit pas avoir été représenté au jugement critiqué. Traditionnellement on considère (et c'est différent en procédure collective) que les créanciers sont représentés par leur débiteur dans toute action le concernant, et c'est la raison pour laquelle l'article 583 précise que les créanciers ne sont recevables à former tierce opposition que si le jugement est rendu en fraude de leurs droits ou s'ils ont des moyens propres.
Ces moyens propres peuvent consister en un préjudice spécifique, différent de celui de la collectivité des créanciers.(par exemple Cass com 9 juillet 1996 n°94-14319 )
La tierce opposition a un effet dévolutif (582 du CPC) et permet donc au tiers opposant , une fois franchi l'obstacle de la recevabilité, de présenter ses arguments pour inciter la juridiction à revenir sur sa décision. Contrairement à ce qui est souvent retenu, on ne voit pas pour quelle raison le tiers opposant devrait présenter des moyens nécessairement différents de ceux déjà soutenus sur le fond (mis à part ses moyens propres qui sont nécessaires).
Tierce opposition principale ou incidente (en droit commun)
La tierce opposition est soit principale (contestation d'une décision par un tiers) soit incidente (contestation d'une décision opposée dans le cadre d'un litige).
En application de l'article 586 CPC
La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement.
Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose.
En matière contentieuse, elle n'est cependant recevable, de la part du tiers auquel le jugement a été notifié, que dans les deux mois de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. Il en est de même en matière gracieuse lorsqu'une décision en dernier ressort a été notifiée.
Tierce opposition et procédures collectives
En matière de procédure collective, les recours des tiers sont enfermés dans des règles de forme et délais particuliers. En principe le délai est de 10 jours, et la tierce opposition est formée par déclaration au greffe.
Voir les voies de recours pour plus de détail (la tierce opposition incidente semble enfermée dans le délai de 10 jours)
La recevabilité de la tierce opposition est diversement appréciée par la jurisprudence : le conjoint du débiteur, en cours de divorce, a été jugé recevable, ainsi que la veuve du débiteur ou l'ancien dirigeant (Cass com 12 mai 2015 n°14-12483). Après des décisions contraires, la tierce opposition de l'associé est admise (Cass com 13 juin 2006 n°05-12748) a minima pour une société civile dans laquelle la responsabilité de l'associé n'est pas limitée voir également Cass com 19 décembre 2006 n°05-14816) ainsi que celle d'un contractant Cass com 7 février 2012 n°10-26626)
La recevabilité des créanciers à former tierce opposition au jugement d'ouverture est largement admise, quand bien même il est traditionnellement soutenu que le débiteur représente ses créanciers. Encore faut-il cependant que le créancier invoque des moyens qui lui sont propres, ce qui est assez complexe pour un créancier chirographaire, qui n'a pas de prétention particulière par rapport à la collectivité des créanciers. Des cas peuvent cependant exister (existence de caution protégées par l'ouverture de la procédure, déchéance du terme …).
Pour un exemple de tierce opposition à jugement d'ouverture par des associés Cass com 4 octobre 2023 n°22-14354
Timbre
Certaines formalités, et certains actes devant les juridictions imposent le paiement d'un droit de timbre.
Par exemple à compter du 1er OCTOBRE 2011 il avait été prêvu que toute personne qui saisit la justice doive acquitter une taxe, payable par timbre (puis par internet), de 35 €. Cette taxe était la conséquence de la réforme de la garde à vue qui permet désormais l'assistance d'un avocat à plusieurs étapes. Les avocats commis d'office qui assistent des personnes à faible revenu, bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, sont rétribué forfaitairement par l'Etat.
Les actions en matière de procédure collective étaient exonérées de ce droit de timbre de 35 € payable en première instance par les justiciables. Il existait également certaines autres exceptions (juge des enfants, juge des tutelles ..).
Ce timbre a été remplacé, à compter du 1 Janvier 2014, par un autre financement et est donc supprimé.
Par exemple encore, la suppression à compter du 1er JANVIER 2012, de la profession d'avoué a donné lieu à indemnisation des professionnels concernés, qui étaient officier ministériels (voir ce mot), c'est à dire titulaires d'une charge ayant une valeur patrimoniale.
Cette indemnisation a été financée par une taxe de 150 € que doit acquitter toute partie en appel (et non pas comme le timbre de 35 € uniquement le demandeur) dans les procédures où la représentation par avocat est obligatoire (les contentieux de droit du travail ne sont donc pas concernés). A défaut de paiement des 150 € les conclusions de la partie concernée sont irrecevables.
La loi de finance de 2015 a porté le montant de la taxe à 225 € (compris dans les dépens) payable par voie électronique.
L'absence de dérogation pour les contentieux nés des la procédure collective - alors que la dérogation existait pour le timbre de 35 € quand il était en vigueur - rend particulièrement problématique la représentation des mandataires de justice en cause d'appel.
Titre exécutoire
Généralités
Un créancier qui veut contraindre un débiteur soit à effectuer une obligation soit à payer une dette ne peut mandater un huissier pour effectuer des actes d'exécution que s'il dispose d'un titre exécutoire.
Il existe en droit Français deux sortes de titre exécutoire:
- un jugement définitif qui condamne le débiteur. Dans ce cas c'est l'exemplaire dénommé "grosse" (voir ce mot) c'est à dire revêtu par le greffe de ce qu'on appelle le formule exécutoire qui permet de procéder à l'exécution forcée. Etant précisé que si la décision se borne à fixer une créance dans le cadre d'une procédure, elle ne vaut pas titre exécutoire pour en obtenir paiement, même si, en réalité elle est prononcée après l'adoption d'un plan Cass civ 2ème 14 janvier 2021 n°18-23238
- un contrat passé en la forme authentique, c'est à dire devant notaire (cependant par exemple une cautionnement hypothécaire peut constituer un titre exécutoire si la créance est déterminée à l'acte , par exemple si c'est un prêt - mais ne constituera pas un titre si la créance est indéterminée (par exemple un encours de compte Cass civ 2ème 11 juillet 2013 n°12-21082 ou Cass civ 2ème 10 avril 2014 n°13-15150 )
Le titre non exécuté spontanément peut être remis à l'huissier qui peut effectuer des actes d'exécution. Faute de titre, par exemple pour le règlement d'une facture, d'un contrat, il faudra préalablement obtenir un jugement de condamnation du débiteur
Procédures collectives
Il est clairement jugé que l'état des créances ne constitue pas un titre exécutoire Cass com 2 mai 2001 n°97-19536 Cass com 4 juillet 2018 n)16-22986
Il en est de même du jugement arrêtant le plan, qui ne condamne pas le débiteur au paiement et d'ailleurs l'article R626-47-1 prévoit que le commissaire à l'exécution du plan peut saisir le Président du Tribunal de la procédure collective pour obtenir un titre.
Titre subordonné
Le titre subordonné est une créance proche de l'obligation dont le remboursement dépend du remboursement préalable des autres créanciers (d'où le terme subordonné). La contrepartie du risque est que la créance bénéficie d'une rémunération supérieure.
Cette subordination est une difficulté dans le cadre des comités de créanciers réunis dans le cadre d'une procédure collective: en effet dès lors que le remboursement du créancier n'interviendra que quand les autres seront remboursés, il n'est pas légitime que le créancier subordonné puisse par son vote bloquer l'adoption du plan par le comité. C'est la raison pour laquelle les textes prévoient que l'administrateur judiciaire met en place un système de "valorisation" des créances pour le calcul de leur droit de vote (article R626-58)
La jurisprudence semble admettre à ce sujet que l'administrateur judiciaire puisse par exemple cantonner la créance des établissements bancaires aux seuls intérêts dans le cadre des titres subordonnés ce qui est finalement logique puisqu'ils n'ont pas vocation à être remboursés tant que les autres créanciers ne le sont pas (plan TECHNICOLOR THOMSON Cass com 21 février 2012 n°11-11693).
Il existe également les titres super subordonnés, qui sont des obligations de caractère perpétuel entraînant une rémunération perpétuelle. Leur durée indéterminée est la conséquence de l'absence d'un engagement contractuel de remboursement : le remboursement s'effectue au gré de l'émetteur. En cas de liquidation, ces titres sont remboursés après les autres créanciers ( y compris les prêts subordonnés).
Tracfin
Tracfin est la cellule Française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En France, une quarantaine d'activité (banque, assurances, casino, immobilier, professionnels du chiffre ou du droit ..) sont tenues d'un devoir de vigilance sur les opérations concernant leurs clients.
Elles ont une obligation de déclaration de soupçon dans certains cas, et notamment sur les opérations en provenance de certains pays.
Les professionnels des procédures collectives sont soumis au devoir de vigilance et de signalement.
En effet, en application des dispositions du Code Monétaire et Financiers, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires sont tenus d’une obligation de vigilance et le cas échéant de révélation d’infractions ou de faits susceptibles de constituer des infractions dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, contre le financement du terrorisme et contre certains aspects de la fraude fiscale.
Les déclarations sont centralisées aux services TRACFIN, et peuvent être effectuées par internet ou support papier.
Pour remplir leurs obligations, les professionnels sont avant tout tenus de s'interroger systématiquement sur les situations rencontrées et de collecter des informations de nature à conduire à une prise de décision de dénonciation si elle s'avère pertinente.
Pour résumer, il faut être conscient de ce qu’une entreprise en difficulté peut soit être révélatrice des faits relevant de TRACFIN, soit l’occasion de mise en œuvre de tels faits.
Par exemple un candidat acquéreur va profiter de ce que les candidats sont rares pour reprendre une entreprise, pour présenter une offre : il trouvera dans la décision du juge commissaire une légitimité à l’opération, qui peut permettre l’utilisation de capitaux suspects.
Le code monétaire et financier a déterminé 16 critères de blanchiment de capitaux devant être déclarés à TRACFIN.
Y figurent notamment
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l’utilisation de sociétés écran soit dont l’activité n’est pas cohérente avec l’objet social, soit dont le siège social est situé dans un pays n’ayant pas avec la France de convention fiscale,
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la réalisation d’opérations financières par des sociétés dans lesquelles sont intervenus de nombreux changements statutaires non justifiés par la situation économique
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l’interposition de personnes
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les opérations financières incohérentes au regard de l’activité habituelle
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la présence sur un courte période et de manière inexpliquée, d’importantes sommes créditées sur des comptes nouvellement ouverts ou inactifs jusque là, ou le recours à des sociétés en sommeil.
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Les anomalies dans les factures et documents commerciaux présentés en justification d’opérations financières (mentions obligatoires manquantes)
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Les retraits ou remises d’espèces
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Les opérations financières internationales sans cause apparente
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Les refus de production de justificatifs de provenance des fonds
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Le transfert de fonds à l’étranger et leur retour sous forme de prêts
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La vente rapide d’actif à des conditions traduisant un déséquilibre manifeste et injustifié
Dans la grande majorité des cas, le risque est dit « usuel », ce qui est un indice de faible risque. Parfois le risque « particulier », si
la personne est dite politiquement exposée au sens du code monétaire (actuel ou ex membre d’un gouvernement, d’une assemblée parlementaire, ambassadeur …)
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la personne n’est pas présente physiquement
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le produit favorise l’anonymat (bons anonymes ..)
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la transaction est effectuée avec des pays dans lesquels n’existe pas de convention fiscale avec la France.
A priori c’est essentiellement le second cas (débiteur non rencontré physiquement) qui peut se rencontrer dans la plupart des procédures collectives qui ne relèvent pas d’un risque « usuel ».
Pour satisfaire à leurs obligations, les professionnels doivent notamment procéder à la collecte de l’identification de l’interlocuteur, recevoir des fonds d’une banque française, et conserver les documents obtenus pour être à même d’en justifier.
Il appartient au professionnel, en fonction des informations collectées, d’effectuer une déclaration de soupçon. Sa vigilance doit porter en particulier sur:
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l’intervention de résidents étrangers, notamment dans des montages complexes
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les opérations de reprise d’actif,
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la multiplicité d’intermédiaires,
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les mouvements financiers avec l’étranger
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le déséquilibre des transactions (une offre à un prix trop élevé par exemple).
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L’importance des espèces dans les flux, la disparité entre les montants facturés et ceux réellement payés
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La cohérence des rémunérations et de l’effectif avec l’activité de l’entreprise
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L’incohérence entre le train de vie d’un interlocuteur (en l’espèce le débiteur) et ses revenus
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Les évolutions incohérentes du chiffre d’affaires (à la hausse comme à la baisse)
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La durée de vie anormalement courte d’une entreprise alors que son activité semble en progression
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La cohérence entre l’objet social et l’activité effectivement exercée.
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L’organisation de la procédure collective : après constitution d’une société destinée à la liquidation judiciaire et financée en pure perte, reprise par un complice. Ainsi durant sa vie, la société est alimentée par des capitaux illicites (achats, rémunération des salariés, augmentation fictive de chiffre d’affaire avec des fausses ventes …)
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Le chèque de garantie d’une offre : un candidat remet au liquidateur un chèque de garantie d’une offre, le liquidateur encaisse ce chèque et finalement l’offre n’est pas retenue : le liquidateur va restituer la somme, avec unchèque Caisse des Dépôts : la somme dont la provenance n’était pas justifiée, est maintenant blanchie.
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Une déclaration de créance qui ne semble pas cohérente avec l’activité de l’entreprise, dans un dossier où les créanciers seront payés et dont les actifs proviennent d’une opération illicite : le paiement au créancier en question permet de blanchir les fonds qui lui sont versés.
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Une demande de revendication portant sur des biens qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement de l’entreprise : acquis avec des fonds illicites, ces biens seront restitués en toute légalité au revendiquant.
Ainsi à toute étape de la procédure il y a lieu à vigilance pour une analyse pertinente de l’opportunité de signalement à TRACFIN.
Transaction
Généralités
Acte par lequel moyennant concessions réciproques les parties trouvent un accord pour éviter un litige.
Par exemple le vendeur considère qu'un somme lui est encore due, et au contraire l'acheteur considère que la chose vendue n'est pas conforme à sa commande. La transaction peut permettre que l'acheteur conserve un article qui n'est pas exactement ce qu'il avait commandé, et qu'en contrepartie il ne paye qu'une partie du solde du prix tel qu'il figure sur la facture. Une procédure est évitée, avec l'aléa judiciaire que cela comporte, et le risque pour l'acheteur d'être condamné à payer tout le prix, ou pour le vendeur de reprendre la chose vendue même utilisée et de restituer les acomptes.
Voir également le mot "compromis" où il s'agit de mettre un terme à un litige déjà né.
La transaction en procédure collective
Dès lors qu'une procédure collective est ouverte, la transaction doit être autorisée par le juge commissaire (en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires)
En liquidation judiciaire, au delà d'un certain seuil (4.000 € en 2013) ou si la transaction est d'un montant indéterminé, la transaction est en outre soumise à l'homologation du tribunal qui vérifie a posteriori que l'ordonnance du juge commissaire a été respectée.
Le juge commissaire autorise la transaction et ne l'ordonne pas, ce qui laisse le doute sur la possibilité, une fois que le juge a statué, que le mandataire de justice ne régularise pas la transaction. Cette décision est a priori de la responsabilité du mandataire de justice de ne pas utiliser l'autorisation quoi lui a été donnée par le juge commissaire, mais il semble prudent qu'il en informe le juge commissaire, voire même que le juge soit saisi dans le cadre de son pouvoir général pour en prendre acte.
La transaction sous condition suspensive ou la transaction signée une fois que le juge commissaire a statué
La question peut se poser de la formulation de la transaction : les parties peuvent-ils la valider sous condition d'autorisation par le juge commissaire ou est-il préférable d'attendre l'autorisation du juge commissaire pour signer la transaction ?
La Cour de Cassation considère que si, avant que le juge commissaire ait statué, l'une des parties rétracte son accord, le juge commissaire ne peut plus valablement statuer sur la transaction. Ainsi et et même si les parties ont accepté la transaction sous réserve de l'autorisation du juge commissaire, le fait est que le débiteur (ou les mandataires de justice) n'en avaient pas le pouvoir Cass com 20 janvier 2021 n°19-20076 .
Cette décision est assez singulière et on ne voit pas ce qui empêche les parties de valider un accord sous la condition que le juge commissaire l'autorise, ce qui validera rétroactivement le pouvoir du signataire.
De même on voit mal pour quelle raison une partie qui n'a posé d'autre condition que l'accord du juge commissaire pourrait se désister.
L'examen plus attentif de la décision permet de constater qu'en l'espèce aucune transaction n'avait été signée entre les parties, et que l'une d'elle s'est désistée de sa proposition avant qu'elle ait été acceptée. Manifestement le juge commissaire avait été saisi malgré tout pour lui "forcer la main", ce qui a échoué.
Les textes
article L622-7 pour la sauvegarde rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-14 et complété par l'article R622-6 pour la procédure devant le juge commissaire.
article L642-24 pour la liquidation judiciaire (la procédure étant régie par l'article R642-41 qui prévoit que le débiteur est convoqué devant le juge commissaire et le cas échéant également devant le Tribunal)
En liquidation judiciaire c'est le liquidateur qui a qualité pour demander l'autorisation de transiger, et (évidemment) la mission de l'administrateur a pris fin, et le débiteur, dessaisi, ne peut présenter requête en transaction Cass com 26 février 2020 n°18-21117
Les voies de recours
Il n'y a pas a priori de raison pour que l'ordonnance du juge commissaire qui autorise la transaction, puis le cas échéant le jugement qui l'homologue, ne puissent pas faire l'objet des recours admis en procédure collective, sous les limites habituelles et notamment le fait que les tiers créanciers sont représentés par le mandataire judiciaire ou le liquidateur et ne sont pas recevables à exercer des recours (par exemple pour une transaction Cass Com 9 octobre 2019 n°18-12162 et 18-12592).
Etant toutefois précisé que la Cour de Cassation a admis le recours de l'AGS , pourtant titulaire d'une créance antérieure pour laquelle elle est subrogée dans les droits des salariés Cass com 6 mars 2024 n°22-19471.
Conformément aux règles des procédures collectives, le recours contre l'ordonnance est porté devant le tribunal, et le jugement du tribunal pourra faire l'objet d'un appel.
Evidemment c'est contre l'ordonnance du juge commissaire que se focalisent les recours, puisque c'est cette décision qui autorise la transaction, alors que le jugement d'homologation ne fait que vérifier la conformité de la transaction avec ce qui a été autorisé par le juge commissaire et qui, entretemps, fera l'objet d'une autorisation définitive.
(sauf évidemment le cas où la transaction passée n'est pas conforme à l'autorisation donnée).
Il a d'ailleurs été jugé que la prétendue nullité de l'ordonnance du juge commissaire qui autorise la transaction ne peut être invoquée à l'occasion d'un recours contre le seul jugement qui autorise la transaction Cass com 2 octobre 2007 n°06-12571
Il convient clairement de distinguer l'ordonnance du juge commissaire qui autorise la transaction et le jugement qui homologue la transaction régularisée sur le fondement de l'ordonnance du juge commissaire, lesquels peuvent l'objet de recours distincts et sont parfaitement dissociables Cass com 24 mars 2014 n°01-11785
On ne voit donc pas de raison pour laquelle le débiteur, au nom de son droit propre d'agir, et nonobstant le dessaisissement, ne pourrait pas exercer de recours.
C'est ce qui a été jugé Cass com 24 janvier 2018 n°16-50033 , il est vrai dans un cas où la transaction emportait cession d'un actif, matière dans laquelle le débiteur a incontestablement un droit de recours.
Cependant une décision Cass Com 9 octobre 2019 n°18-12162 sème le trouble en déclarant le débiteur irrecevable à exercer un recours alors que la décision déférée l'avait déclaré mal fondé. La décision se fonde sur le fait que la transaction portait sur un recouvrement de créance, matière pour laquelle le débiteur ne dispose pas de droit propre. Cette décision est a priori singulière et critiquable, dès lors que le débiteur a, nous semble-t-il, un droit propre d'exercer des recours contre les décisions de la procédure collective, sauf les cas où un texte l'écarte.
A l'inverse, les associés n'ont pas de droit propre à contester la transaction, dès lors qu'ils sont représentés par le débiteur Cass com 16 octobre 2001 n°98-18860
Pas de transaction sur les sanctions
Selon l’article 2045, alinéa 1er, du code civil, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. C’est, dès lors, à bon droit que l’arrêt, après avoir énoncé que les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce concernant la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction ne tendent pas à la protection de l’intérêt collectif des créanciers mais à celle de l’intérêt général, et qu’il s’agit de mesures à la fois de nature préventive et punitive, retient que si la transaction pouvait mettre fin à l’instance en paiement de l’insuffisance d’actif, elle ne pouvait avoir pour objet de faire échec, moyennant le paiement d’une certaine somme ou l’abandon d’une créance, aux actions tendant au prononcé d’une sanction professionnelle. Cass com 9 décembre 2020 n°19-17258
Transfert d'entreprise (ou modification de situation juridique de l'employeur) et de salariés
Quelques points de la définition
le transfert des salariés dans le cadre de la résiliation de la location gérance
la conséquence du transfert sur les créances salariales
le principe de traitement des créances salariales
les exceptions dans le traitement des créances salariales notamment en procédure collective
le transfert des salariés dans le processus de cession d'entreprise en procédure collective
l'appréciation de la nation de transfert en procédure collective
le refus, la limitation du transfert en cession d'entreprise
le cas particulier d'une entité relevant du secteur public
le cas particulier des entreprises de transport de personne et de nettoyage (entre autres)
Généralités
L’article L1224-1 du code du travail dispose « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
Ce texte a donc vocation à s’appliquer à toutes les situations de transfert d’entreprise, y compris
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après évolution de la jurisprudence à la reprise par une entité publique de l’exploitation d’une activité antérieurement exploitée par une entreprise privée (mais pas l’inverse).
-
A la perte d’un marché dans le cas où le nouveau attributaire bénéficie du transfert « d’une entité autonome » c’est-à-dire du même matériel, des mêmes locaux de travail … Ainsi dans certains cas le contractant qui résilie un contrat de nettoyage ou d’entretien avec un partenaire dont il n’est pas content des salariés peut se trouver avoir confié le marché à un nouveau partenaire … qui sera contraint de conserver les mêmes salariés !! Ce type de situation a progressivement été encadré, puisque stricto sensu la perte d’un marché et l’attribution du même marché ne constitue pas un transfert d’entreprise, mais la frontière avec la notion d’entité économique autonome (et donc de transfert déguisé d’entreprise) est mince.
Le transfert des salariés est automatique et sans formalité, y compris en cas de basculement du secteur privé vers le secteur public Cass soc 6 mars 2024 n°22-22315
Le salarié ne peut s'y opposer sauf à démissionner, et sauf le cas où le transfert entraînerait des modifications qu'il refuse (cas dans lequel le nouvel employeur doit le licencier Cass soc 1er juin 2016 n°14-21143 ... pour motif économique Cass soc 17 avril 2019 n°17-17880 )
Le règlement intérieur n'est pas transmis Cass soc 31 mars 2021 n°19-12289
Le nouvel employeur pourra, par la suite, procéder au licenciement pour motif économique des salariés transférés (dans le respect de l'ordre dans son propre effectif) mais ne peut, pour ce faire, se contenter d'invoquer les difficultés économiques du précédent employeur CE 4ème - 1ères ch réunies, 14 juin 2021 n°438431
En procédure collective
Dans le cadre des procédures collectives, ce texte va notamment s’appliquer :
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aux cessions d'entreprise (mais il peut y avoir des licenciements prononcés dans le cadre de la cession d’entreprise pour éviter le transfert de la totalité de l’effectif qui remettrait en cause la cession). Attention une cession de fonds de commerce en liquidation sous couvert d'une cession de biens du débiteur peut entraîner le jeu de l'article L1224-1 du code du travail Cass soc 14 octobre 2020 n°18-24311. Voir Cass soc 21 avril 2022 n°20-17496 pour un cas de contestation a posteriori d'un licenciement alors que par la suite les actifs ont été cédés. Enfin dans le cadre d'une cession d'entreprise et sauf faculté de substitution autorisée par le Tribunal, c'est le cessionnaire retenu qui est en charge des contrats de travail, même si une substitution non autorisée s'est tacitement mise en place Cass Soc 31 janvier 2024 n°22-10276
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à la résiliation par le liquidateur d’un contrat de location gérance de fonds de commerce.
(Loi 2020-734 du 17 juin 2020 relative aux suites du COVID 19 prévoit en son article 40 que jusqu'au 31.12.2020 en cas de cession d'un fonds de commerce en liquidation (L642-19 du code de commerce) il n'y a pas d'application de l'article L1224-1 du code du travail pour les contrats de travail rompus.)
Le transfert des salariés dans le cadre de la résiliation de la location gérance de fonds de commerce
Le transfert s'opère à la date de la résiliation de la location gérance Cass soc 3 avril 2024 n°22-10261 22.10.262 22.10.263 22.10264 22.10265 22-10266 22-10267
Tous les contrats de travail
Le texte est clair : « tous les contrats de travail ».
Ainsi en cas de liquidation judiciaire du locataire gérant :
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les salariés ne peuvent refuser de travailler pour le propriétaire du fonds, sauf à démissionner
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si le liquidateur résilie la location gérance, le bailleur est tenu de reprendre tous les salariés, et pas seulement ceux qui étaient en fonction au jour de la location gérance, ou le même nombre que ceux qui étaient en fonction.
Voir par exemple Cass soc 17 janvier 2018 n°16-21332 et Cass soc 17 janvier 2018 n°16-21333
Pas de dérogation possible
Les contrats tentent souvent de limiter la portée de ce texte, mais c’est un texte d’ordre public et on ne peut donc y déroger par convention.
L'exception de la ruine du fonds
La seule exception au transfert est la ruine du fonds, puisque le texte a vocation évidemment à permettre au bailleur du fonds, auquel la contrainte de reprise des salariés est imposée, de reprendre immédiatement l’activité. Cependant la ruine du fonds est une notion appréciée très restrictivement, et sera par exemple retenue en cas d’incendie ou d’impossibilité totale d’exploiter le fonds.
Les conséquences sur les créances salariales
Le principe
Les contrats de travail en cours sont poursuivis par le nouvel employeur à leurs clauses et conditions, et notamment l’ancienneté est maintenue ainsi que le niveau de salaire (et d'ailleurs le salarié ne peut plus poursuivre la résiliation du contrat de travail à l'encontre de son ancien employeur Cass soc 14 février 2024 n°21-18981 )
En droit commun, toutes les créances salariales (salaires, congés …) sont transférées au nouvel employeur, par l’effet de l’article L1224-2 du code du travail « Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification », étant précisé que dans ce cas « Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. »
(voir a contrario Cass soc 27 mai 2020 n°19-12471)
Etant précisé que le salarié qui crée son entreprise pour reprendre celle de son employeur (et ses salariés sauf lui) n'est pas ultérieurement fondé à prendre avoir été transféré Cass soc 6 septembre 2023 n°22-10642
Les exceptions, notamment en procédure collective
Cependant ce même article prévoit deux exceptions :
« sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (il s’agit de ne pas dissuader les candidats à la reprise du fonds de commerce)
2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci. » (par exemple succession de marchés comportant le transfert d’une entité économique)
Ainsi, en cas de procédure collective le nouvel employeur est tenu uniquement des créances salariales à compter du transfert, et de celles qu’il accepte par convention
(voir notamment Cass Soc 9 octobre 2001 n°99-43217 et Cass soc 8 novembre 2023 n°21-19764 pour les congés payés, étant précisé que ce n’est qu’au moment où les congés seront pris par les salariés, du chef du nouvel employeur , que le liquidateur de l’ancien locataire gérant pourra en solliciter le paiement par l’AGS)
Le transfert des salariés dans le cadre d'un transfert d'entreprise en procédure collective
voir essentiellement le mot cession d'entreprise, mais d'autres processus peuvent impliquer le transfert des salariés (résiliation de location gérance notamment)
L'appréciation du transfert d'entreprise par les intervenants de la procédure collective
Le cas général est que le liquidateur de l'employeur, lorsqu'il considère que les conditions d'application de l'article L1224-2 du code du travail sont réunis (cession d'entreprise, résiliation de location gérance, reprise de fait de l'activité par une autre entreprise) ne licencie pas les salariés, les prévient officiellement du jeu de cet article, ainsi que le nouvel employeur.
Ainsi l'AGS ne sera pas sollicitée pour le paiement d'indemnités, puisque par hypothèse les salariés ne seront pas licenciés, tout au moins par l'employeur initial en procédure collective.
Le transfert d'entreprise s'entend de la manière suivante "Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que l'entité économique autonome dont le transfert entraîne la poursuite de plein droit avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés qui y sont affectés s'entend d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre." Cass soc 20 décembre 2023 n°21-18146 21-18147 21-18148 21-18149 à 155
L'inverse peut se produire, notamment dans les cas où la reprise de l'activité n'est pas officialisée par un acte: l'entreprise en liquidation cesse son activité, aucun repreneur ne se présente, et le liquidateur licencie les salariés. Il s'avère ensuite (et c'est souvent un processus organisé entre le nouvel employeur et les salariés qui bénéficient ainsi de leurs indemnités payées par l'AGS) que la même activité est exercée par une autre entreprise, avec les mêmes clients et les mêmes salariés: on peut soutenir que ces salariés n'auraient pas du être licenciés, et l'AGS est la première intéressée à contester sa garantie pour payer (ou avoir payé) les licenciements.
D'une manière très singulière, la Cour de cassation a pour autant refusé à l'AGS la possibilité d'invoquer le transfert d'entreprise pour refuser sa garantie, dans un cas où l'entreprise en liquidation exerçait une activité considérée comme de service public (action éducative en milieu ouvert (AEMO), aide à domicile, action de dynamisation des quartiers et gestion de micro-crèches) qui à la suite de la liquidation a été reprise par le département. Cette décision est d'autant plus curieuse que ce sont les salariés qui avaient saisi la juridiction prud'homale, pour contester le bien fondé de leur licenciement et demander des indemnités supplémentaires !
Le moyen de cassation soutenu par l'AGS relevait fort justement que "lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires", mais cela n'a pas suffit à ce qu'elle soit jugé recevable (Cass soc 8 décembre 2016 n°14-28401). On peut espérer qu'il s'agisse d'une décision de pûre circonstance, compte tenu des enjeux locaux, car les textes prévoient que l'AGS est recevable a élever des moyens de nature à contester le jeu de sa garantie (article L625-4 du code de commerce)
Le refus ou l'impossibilité de transfert des salariés au nouvel exploitant de l'entreprise ou de l'activité et les possibles limitations en cession d'entreprise
L'article L1224-1 du code du travail est d'ordre public, il s'impose aux salariés, qui ne peuvent refuser leur transfert sauf à démissionner (sauf le cas où le transfert impose d'autres modifications, auquel cas en cas de refus le nouvel employeur les licencie pour motif économique Cass soc 17 avril 2019 n°17-17880) et aux employeurs successifs qui ne peuvent qu'en subir les conséquences, sauf à licencier les salariés qu'ils ne désirent pas conserver.
La possibilité d'en limiter les effets en procédure collective est de limiter le périmètre social de la reprise, dans le cadre de la cession d'entreprise puisque dans ce cas le tribunal ordonne le licenciement des salariés non repris (mais attention si le licenciement requiert une autorisation administrative de l'inspection du travail, pour les salariés protégés, l'annulation de l'autorisation entraînera transfert des salariés au cessionnaire, même s'il en l'a pas prévu, puisque l'article L1224-1 est d'ordre public).
Dans tous les autres cas, et évidemment sauf accord précis et légal, le nouvel employeur reprend les salariés présents, et le contrat de travail est transféré à ses clauses et conditions. S'il advient que le licenciement d'un salarié protégé est refusé dans le cadre de la cession d'entreprise, par l'inspecteur du travail, ce salarié est repris par le cessionnaire même si son poste de travail était exclu de la reprise.
L'employeur qui refuse ou n'est pas en mesure pour des questions réglementaires d'intégrer les salariés doit les licencier.
Le cas particulier du transfert vers une entité relevant du secteur public
Dans le cas de transfert d'une activité gérée par une entreprise privée , à une entité relevant du secteur privé, l'article L1224-3 du code du travail prévoit des dispositions particulières assez favorables aux salariés, puisque leur refus d'accepter le contrat de droit public qui leur est proposé entraîne leur licenciement (mais ce refus ne doit certainement pas être abusif au regard des dispositions du contrat proposé)
Pour un exemple dans lequel les salariés privés n'ont pas pu être intégrés au statut de salariés relevant du secteur public à la suite de la reprise par une collectivité publique d'une activité (en l'espèce une base nautique) jusqu'alors gérée par une entreprise privée, voir Cass Soc 8 décembre 2016 n°15-17176 et 15-17177 "'il résulte de l'article L. 1224-3 du code du travail que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ; qu'en cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit, la personne publique appliquant les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat"
Voir également Cass soc 1er Février 2017 n°15-18480 et 15-18481 ainsi que Cass soc 10 janvier 2017 n°15-14775 lequel dispose relativement au préavis, qu'il doit être respecté:
"Attendu ensuite que, selon l'article L. 1224-3 du code du travail, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, cette personne doit proposer aux salariés un contrat de droit public et qu'en cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit, et la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et leur contrat ; qu'il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/23/CE que la personne publique, qui notifie au salarié ayant refusé le contrat de droit public qui lui était proposé la rupture de son contrat de travail, doit appliquer les dispositions légales et conventionnelles relatives au préavis"
et relativement à l'entretien préalable de licenciement qu'il n'a pas à être effectué: "Mais attendu que selon l'article L. 1224-3 du code du travail, en cas de refus des salariés d'accepter le contrat de droit public qui leur est proposé, leur contrat prend fin de plein droit, et la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et leur contrat ; que si la rupture ainsi prononcée produit les effets d'un licenciement, les dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail, relatives à la convocation à l'entretien préalable en cas de licenciement pour motif personnel, ne sont pas applicables ; que le moyen n'est pas fondé"
Le cas particulier des entreprises de transport de personnes, de nettoyage et autres statuts particuliers
Certaines conventions collectives organisent des dispositifs plus souples que le droit commun, au profit des salariés
Par exemple l'accord du 7 juillet 2009 relatif aux prestataires de transports inter-urbain de voyageurs prévoit qu'en cas de changement de prestataire (notamment sur un marché public relatif à une ou plusieurs lignes de transport, scolaire ou autre) une procédure particulière doit être respectée entre les deux entreprises qui se succèdent.
Au visa de l'article 2.7 le salarié dispose d'un délai de 10 jours pour accepter ou refuser le transfert. En cas de refus il reste salarié du prestataire initial qui est fondé à le licencier pour motif économique (perte du marché). Ainsi à l'inverse du droit commun le transfert ne s'impose pas au salarié, et le refus peut entraîner un licenciement
L'annexe 7 de la convention collective du nettoyage organise des dispositions similaires, ainsi par exemple que la convention de manutention ferroviaire Cass soc 6 mars 2024 n°21-23962
On peut relever que si le transfert est volontairement fait sous le visa de l'article L1224-1 du code du travail et pas de la convention collective, ce sont les dispositions légales qui s'appliquent (ce qui implique une différence de traitement des congés) Cass soc 25 mars 2020 n°18-23144
Transporteur (action directe)
L'article L132-8 du code de commerce issu de la loi dite GAYSSOT dispose : "La lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite".
Ainsi le transporteur peut se retourner contre le client de son débiteur pour être payé, et dispose de la même action directe que le sous-traitant (article L1432-13 du code des transports).
Etant précisé que cette action doit être exercée au plus tard dans l'année de la livraison, et que le transporteur doit rapporter la preuve que le prix du transport était bien convenu avec le donneur d'ordre.
L'action directe n'est pas suspendue à une déclaration de créance préalable au passif du donneur d'ordre Cass com 17 décembre 2003 n°02-12891
Concrètement, le destinataire peut être actionné pour le cout de la livraison dont il a bénéficié Cass com 4 juillet 2018 n°17-17425, même s'il a lui même payé l'expéditeur.
Le transporteur dispose également :
- d'un privilège sur la valeur des marchandises transportées (article L133-7 du code de commerce), et le texte précise que ce privilège peut s'exercer "même pour les opérations nées à l'occasion d'opérations antérieures".
- d'un droit de rétention sur les marchandises livrées, mais pour le paiement de la prestation correspondante Cass com 13 novembre 2001 n°98.20207) et pas pour le paiement d'une créance antérieure.
Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021, en cas de procédure collective de l'expéditeur, la situation ne présente aucune particularité si la livraison est postérieure au jugement de redressement judiciaire : la créance du voiturier (transporteur) est postérieure et la procédure collective a tout intérêt à la payer pour éviter une action contre le destinataire, qui serait commercialement pénalisante.
Si l'action directe est menée contre le destinataire, postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, en paiement de la livraison intervenue antérieurement, la procédure collective ne pourra pas y faire échec sous couvert d'une transaction ou d'une autorisation consentie par le juge commissaire : un paiement qui interviendrait par le débiteur est nul. Voir notamment Cass com 20 octobre 2021 n°20-16231 qui admet l'annulation du paiement et précise la prescription de l'action en remboursement du paiement annulé.
La pratique était cependant fréquente de recourir à ces paiements pour éviter l'action directe commercialement nuisible. Bien souvent le débiteur en procédure collective ou l'administrateur judiciaire cherchera à y faire échec en payant le transporteur (sur autorisation du juge commissaire), pour l'éviter.
C'est économiquement admissible puisque a priori le cout du transport est inférieur au cout de la marchandise due par le client final, qui de toute façon retiendrait le cout du transport (mais ne repose sur aucun texte), mais c'est juridiquement à proscrire.
L'action directe peut être plus perverse encore, si le transporteur qui effectue, postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de l'expéditeur, une livraison pour laquelle il est payé par l'expéditeur sollicite le paiement entre les mains du destinataire au titre d'une précédente livraison restée impayée , antérieure au jugement d'ouverture. Comme indiqué ci dessus, la droit de rétention ne s'exerce pas valablement dans ce cas, de sorte que les conditions de l'autorisation par le juge commissaire d'un paiement ne sont pas réunies (il faut retirer un gage ou une chose légitimement retenue)
Dès lors que la prescription de l'action est d'un an à compter de la livraison, cette attitude est possible et l'expéditeur sera mal inspiré de céder au chantage pour éviter l'action directe, car le paiement contreviendrait à l'interdiction du paiement des dettes antérieures.
C'est donc le destinataire qui devra assumer ce paiement ... et finalement il en déduira le montant de ce qu'il doit à l'expéditeur.
Ajoutons cependant que le texte instaure une véritable obligation du destinataire de payer le transporteur, et ce même s'il a intégralement payé l'expéditeur, ce qui peut donner lieu à des doubles paiements. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le texte est décrié par les dérives auxquelles il peut donner lieu.
Cependant, l'ordonnance du 15 septembre 2021 applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021 vient modifier cette appréciation.
Le nouvel article L622-7 du code de commerce qui permet au juge commissaire d'autoriser les actes de disposition et certains paiement en période d'observation ajoute en effet la la possibilité de payer un transporteur exerçant une action sur le fondement de la loi Gayssot
Encore faudrait-il à notre avis, que l'action porte sur la livraison en cours au jour du jugement et elle ne devrait pas permettre le paiement d'un encours de facture.
Ceci étant cette restriction n'est pas précisée, et tenant le fait que l'action peut s'exercer dans l'année de la livraison, il est à craindre que cette action directe soit exercée contre un destinataire déjà livré avant le jugement.
Le paiement dérogatoire autorisé par le juge commissaire n'a d'autre effet que de tenir le destinataire à l'abri de l'action directe du transporteur, et finalement d'organiser un paiement préférentiel de ce dernier, sans aucune contrepartie directe pour le débiteur, et donc pas différence aux autres paiements autorisés qui sont tous assortis de contrepartie (levée d'un gage, levée d'option d'un crédit bail ...).
Concrètement le juge commissaire est susceptible d'autoriser le débiteur a payer à un transporteur le cout de transports effectués au bénéfice d'un destinataire dont on craint qu'il soit actionné en paiement de ce cout, dont il est garant au sens du texte.
Tribunal
Généralités
Un tribunal est une instance habilitée à rendre des décisions de justice, dans un domaine précisé par la loi et dans des conditions d'organisation et de procédure fixée par les textes applicables.
Constitutionnellement c'est l'Etat qui est en charge de la justice, ce qui ne l'empèche pas d'organiser sous sa responsabilité des juridictions confiées à des magistrats non professionnels, comme par exemple le Conseil des Prud'hommes ou les tribunaux de commerce.
Les tribunaux existants sont répartis entre ce qu'on appelle l'ordre administratif (connait de la responsabilité et du fonctionnement de l'état et des organismes publics) et l'ordre judiciaire.
L'ordre judiciaire regroupe de nombreuses juridictions, certaines spécialisées (par exemple les tribunaux de commerce ou le conseil des prud'hommes), d'autres qui ont une compétence générale comme par exemple les tribunaux de Grande Instance.
En principe un tribunal est une formation de trois juges (4 pour le Conseil des prud'hommes), ce qu'on appelle l'imparité, c'est à dire le fait que les juges sont en nombre impair, rendant obligatoire l'émergence d'une majorité pour que la décision soit rendue ( et d'ailleurs le Conseil des Prud'hommes a une système paliatif avec ce qu'on appelle le départage - voir le mot Conseil des Prud'hommes).
Les règles de composition du tribunal et les sanctions
Le code de l'organisation judiciaire fixe les règles de composition du tribunal et il existe des règles spécifiques à chaque juridiction.
Le non respect de ces règles est sanctionné par la nullité de la décision.
Cependant pour éviter que les plaideurs invoquent la nullité en fonction du contenu de la décision, l'article 430 du code de procédure civile prévoit que sous la sanction de l'irrecevabilité les contestations de la régularité de la composition doivent être élevées à l'ouverture des débats ou dès qu'elles se révèlent: ce n'est donc que si la juridiction passait outre que la nullité pourrait être valablement invoquée, ce qui est évidemment rare (Cass com 20 avril 2017 n°08-20847)
Les tribunaux en matière de procédure collective
La sauvegarde, le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire sont ouvertes par jugement du tribunal compétent. (voir ce mot)
Compétence du Tribunal de la procédure collective
Généralement la compétence du tribunal et celle du juge commissaire fonctionnent comme des vases communicants : c’est l’un ou l’autre qui est compétent.
Le juge commissaire a une compétence vaste (voir le mot « compétence du juge commissaire). Parfois la loi attribue compétence au Tribunal et dans ce cas la loi le dit.
En principe le tribunal a compétence pour deux catégories de décision :
- les décisions « étape » de la procédure collective :
décision d’ouverture, décision de maintien en période d’observation, de renouvellement de la période d’observation, décision de conversion d’une sauvegarde en redressement judiciaire, d’un redressement en liquidation, décision de clôture.
- les décisions les plus importantes :
arrêté d’un plan de redressement, cession, sanctions, homologations de transaction, fixation et report de la date de cessation des paiements, nullité de certains actes
Tribunal de commerce
COVID 19 incidence sur les procédures collectives
Nous vous proposons deux rédactions distinctes, qui analysent les dispositions prises dans le cadre de l'état d'ugence COVID 19.
Synthèse rapide spécial procédures collectives
Analyse détaillée et textes généraux
Quelques points de la définition
Organisation et fonctionnement
Les tribunaux de commerce spécialisés
Généralités
Les tribunaux de commerce sont les juridictions « de premier degré » composée de juges élus et d'un greffier.
Les juges sont des commerçants élus, le greffier est un officier public et ministériel nommé par le garde des sceaux.
Le tribunal de commerce a compétence pour les litiges entre commerçants et les procédures collectives des débiteurs ressortants de sa compétence. Pour plus de précision. et notamment l'option de compétence pour un litige entre un particulier et un commerçant;
Il est parfois appelé « juridiction consulaire » (voir le mot juge consulaire)
Les tribunaux de commerce sont régis par le livre 7 du code de commerce. Ils sont présents dans toute la France métropolitaine en dehors de l'Alsace et de la Moselle où, en vertu du droit local, les litiges de la compétence des tribunaux de commerce sont portés devant le Tribunal de grande instance dont la chambre commerciale, présidée par un magistrat professionnel comprend deux assesseurs élus.
Chaque tribunal de commerce est composé de trois juges au moins. Les plus importants des tribunaux de commerce peuvent être divisés en chambres. Généralement des chambres sont spécialisées dans le traitement des procédures collectives, certaines même dans les sanctions.
Elections
Les juges des tribunaux de commerce sont des dirigeants d'entreprises.
Ils sont désignés par une élection à deux degrés auprès de leurs pairs. Les juges sont en effet élu par un collège électoral composé des délégués consulaires et des juges et anciens juges de tribunal de commerce. Les délégués consulaires sont eux-mêmes élus par et parmi les commerçants inscrits au registre du commerce et des sociétés et par certaines personnes assimilées.
L'article L723-4 du code de commerce définit les critères d'éligibilité étant précisé qu'en conséquence de la loi du 22 mai 2019 le critère écartant un candidat qui a fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire est supprimé et remplacé pour écarter un candidat qui fait l'objet d'une procédure de redressement ou liquidation judiciaires en cours.
Un nouveau texte est paru le 11 octobre 2021 (loi 2021-1317) notamment pour intégrer les artisans dans le collège électoral, complété par un décret 2021-1375 du 21 octobre 2021.
Les juges consulaires sont élus en général pour une période de quatre ans (après un premier mandat probatoire de deux ans). Ils peuvent faire jusqu'à quatre mandats successifs.
Discipline et déontologie
Sur certains points les juges membres du Tribunal de commerce sont soumis aux mêmes règles que les magistrats professionnels.
Des dispositions spécifiques sont également applicables, et notamment un décret du 12 juillet 2017 (n°2017-1163) vient préciser les modalités de déclarations sur l'honneur et de déclaration d'intérêt.
Selon avis du Ministère de la justice (actualités 6 février 2024) la fonction de juge commissaire n'est pas incompatible avec la profession de conseil en gestion d'entreprise, avec certaines précautions (déport).
Organisation et fonctionnement
Les juges élisent le juge-président pour quatre ans. Le juge-président doit avoir avoir exercé au moins six ans en tant que juge. Le premier président de la cour d'appel peut accorder une dérogation s'il n'est pas possible de trouver une personne répondant à ces conditions
Le juge-président désigne le vice-président et les présidents de chambre. Il dresse par ordonnance la liste des juges pouvant exercer les fonctions de juge-commissaire.
En dehors des cas où la décision peut être rendue à juge unique, la formation de jugement est collégiale et comprend normalement trois juges.
La formation de jugement est présidée par le juge-président, le vice-président, un président de chambre ou, à défaut, un juge ayant au moins deux ans d'ancienneté.
Compétence
Territorialement et en application d’une règle générale, le tribunal de commerce territorialement compétent est celui du défendeur.
Il existe des exceptions, et notamment parfois le lieu d’exécution d’une prestation peut déterminer la compétence du tribunal, ou le lieu d’implantation d’un immeuble. De même parfois les parties à un contrat prévoient ce qu’on appelle une clause attributive de compétence, c'est-à-dire désignent le tribunal géographiquement compétent. Cette clause est valable entre commerçants uniquement.
Pour l’appréciation de sa compétence matérielle le tribunal de commerce est une juridiction d'exception, c'est-à-dire que sa compétence est expressément enfermée dans des textes (notamment article L721-8 du code de commerce)
De même en l'absence de tribunal de commerce dans une juridiction, c'est le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, qui est compétent sauf pour les enjeux les plus modestes (seuil fixé par décret) qui ressortent du tribunal d’instance (devenu tribunal judiciaire)
Les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les contestations entre les commerçants, entre les établissements de crédits, ou entre eux. Sa compétence s'étend aussi sur les litiges entre les sociétés commerciales, ou sur tout ce qui concerne les actes de commerce. Ils connaissent des billets à ordre entre toutes personnes, mais celui qui n'a pas la qualité de commerçant peut demander que l'affaire soit portée devant le tribunal de droit commun.
Ce sont les tribunaux de commerce qui connaissent des procédures collectives des entreprises ressortant de leur compétence (commerçants, artisans, sociétés commerciales, personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale).
Les décisions sont rendues en dernier ressort pour les demandes jusqu'à 5.000 € R721-6 du code de commerce
Les tribunaux de commerce spécialisés
La loi du 6 Aout 2015 applicable pour les procédures ouvertes à compter du 1er Mars 2016 a créé un dispositif de 18 tribunaux de commerce spécialisés, spécialement compétents pour certaines procédures collectives, au delà de seuils.
La délocalisation ou le dépaysement
Les articles L662-2 et R662-7 du code de commerce permettent, si les interêts en présence le justifient, que l'affaire soit renvoyée devant une autre juridiction de la même cour d'appel.
Par ailleurs le code de procédure civile (articles 356 et suivants) organisent le renvoi pour suspicion légitime, quand des doutes existent sur l'impartialité de la juridiction.
Voir le mot dessaisissement de la juridiction
La formation de jugement
La formation du Tribunal est composée de trois juges (article L722-1 du code de commerce), sauf le cas où le texte applicable permet que la décision soit prise à juge unique (par exemple pur les référés).
En matière de procédure collective, la formation du tribunal comprend une majorité de juge ayant déjà exercé des fonctions juridictionnelles pendant deux ans (article L722-2 du code de commerce) et présidée par le Président ou un juge ayant une expérience juridictionnelle de 3 ans (article L722-3 du code de commerce). Le Premier Président de la Cour d'appel peut accorder des dispenses quand ces durées ne peuvent être respectées (article L722-15 du code de commerce)
Que se passe-t-il en cas de grève du Tribunal de commerce ?
L'article L722-4 du code de commerce organise le renvoi des affaires devant le Tribunal de Grande Instance (par exemple Cass civ 2ème 23 juin 2016 n°15-50092)
Tribunal de commerce spécialisé (TCS)
Le principe
En conséquence de la loi du 6 Aout 2015 est ajoutée une nouvelle section du code de commerce, comportant les articles L721-8 et suivants (article 231 de la loi).
Il y est prévu qu'un décret fixera la liste des tribunaux de commerce « spécialisés » et leur ressort, et le dispositif sera applicable pour les procédures ouvertes à compter du 1er Mars 2016 (ce décret est paru le 26 février 2016, voir ci dessous)
Les tribunaux compétents, dits spécialisés
C'est le décret n°2016-217 du 26 février 2016 qui vient arrêter la liste des 18 tribunaux de commerce spécialisés et fixer leur ressort territorial, en insérant dans le code de commerce un article D721-19 et des annexes 7-1-1 et 7-1-2.
Une circulaire du 27 juillet 2016 précise le dispositif
Annexe 7-1-1 du code de commerce Siège et ressort des tribunaux de commerce spécialisés
SIÈGE |
RESSORT |
---|---|
Bobigny |
Tribunaux de commerce de Bobigny, de Créteil, de Meaux |
Bordeaux |
Tribunaux de commerce d'Angoulême, de Bayonne, de Bergerac, de Bordeaux, de Dax, de Libourne, de Mont-de-Marsan, de Pau, de Périgueux, de Tarbes |
Dijon |
Tribunaux de commerce de Bar-le-Duc, de Belfort, de Besançon, de Briey, de Chalon-sur-Saône, de Chaumont, de Dijon, d'Epinal, de Lons-le-Saunier, de Mâcon, de Nancy, de Vesoul |
Evry |
Tribunaux de commerce d'Auxerre, d'Evry, de Melun, de Sens |
Grenoble |
Tribunaux de commerce d'Annecy, de Chambéry, de Gap, de Grenoble, de Romans-sur-Isère, de Thonon-les-Bains, de Vienne |
Lyon |
Tribunaux de commerce d'Aurillac, de Bourg-en-Bresse, de Clermont-Ferrand, de Cusset, de Lyon, de Montluçon, du Puy-en-Velay, de Roanne, de Saint-Etienne, de Villefranche-sur-Saône |
Marseille |
Tribunaux de commerce d'Aix-en-Provence, de Draguignan, de Fréjus, de Manosque, de Marseille, de Salon-de-Provence, de Tarascon, de Toulon |
Montpellier |
Tribunaux de commerce d'Aubenas, d'Avignon, de Béziers, de Carcassonne, de Mende, de Montpellier, de Narbonne, de Nîmes, de Perpignan, de Rodez |
Nanterre |
Tribunaux de commerce de Chartres, de Nanterre, de Pontoise, de Versailles |
Nantes |
Tribunaux de commerce d'Angers, de Laval, du Mans, de Nantes, de Saint-Nazaire |
Nice |
Tribunaux de commerce d'Ajaccio, d'Antibes, de Bastia, de Cannes, de Grasse, de Nice |
Orléans |
Tribunaux de commerce de Blois, de Bourges, de Châteauroux, de Nevers, d'Orléans, de Tours |
Paris |
Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, de Paris, de Reims, de Sedan, de Troyes |
Poitiers |
Tribunaux de commerce de Brive-la-Gaillarde, de Guéret, de La Roche-sur-Yon, de La Rochelle, de Limoges, de Niort, de Poitiers, de Saintes |
Rennes |
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ANNEXE 2 Annexe 7-1-2 du code de commerce Siège et ressort des chambres commerciales spécialisées des tribunaux de grande instance (devenus tribunaux judiciaires) des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
SIÈGE |
RESSORT |
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Strasbourg |
Tribunaux de grande instance de Colmar, de Metz, de Mulhouse, de Sarreguemines, de Saverne, de Strasbourg, de Thionville |
La désignation obligatoire d'un tribunal de commerce spécialisé (articles L721-8 et suivants du code de commerce)
Il convient de relever que le moyen par lequel le ministère public (ou toute autre partie) soutient que qu'une affaire ne relevait pas d'un tribunal de commerce mais d'un tribunal de commerce spécialisé est un moyen d'incompétence et pas une fin de non recevoir Cass com 17 novembre 2021 n°19-50067
L'ouverture de la procédure
"lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale" (ce qui exclu les entreprises relevant du TGI) ces tribunaux spécialisés connaissent des procédures collectives des:
- entreprises dont l’effectif est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros
- entreprises dont le montant du chiffre d’affaires net est d’au moins 40 millions d’euros
- sociétés qui détiennent ou contrôlent une autre société, dès lors que l’ensemble de ces sociétés a un effectif est égal ou supérieur à 250 et un montant net du chiffre d’affaires d’au moins 20 millions d’euros
- sociétés qui détiennent ou contrôlent une autre société, dès lors que l’ensemble de ces sociétés a un montant net du chiffre d’affaires d’au moins 40 millions d’euros
- procédures pour lesquelles la compétence internationale est déterminée par les actes de l’union européenne relatifs aux procédures d’insolvabilité ou en raison du ressort du contre principal d’intérêt
Ils connaissent également des procédures de conciliation sur saisine par le débiteur, ou à la demande du Procureur de la République ou par décision du Président du tribunal, lorsque :
- l’entreprise a un effectif est égal ou supérieur à 250 et un montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros
- le montant du chiffre d’affaires net est d’au moins 40 millions d’euros
Dans le silence des textes, les seuils ne sont pas nécessairement ceux atteints à la clôture du dernier exercice social, mais pourraient être ceux au jour de l'ouverture de la procédure collective, ce qui permettrait d'écarter la compétence du Tribunal de commerce spécialisé si l'entreprise est passé en deçà des seuils postérieurement. C'est notamment la position de la Cour d'appel de LYON (3ème ch 14 novembre 2019 n°19-07075 )
Le renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé d'un procédure collective ouverte concernant une société controlée par un autre dont la procédure collective est par la suite ouverte par un tribunal de commerce spécialisé, et l'ouverture par le tribunal de commerce spécialisé d'une procédure collective d'une société contrôlée qui ne remplit pas les critères
En application de l'article L662-8 du code de commerce, une procédure collective "en cours concernant une société détenue ou contrôlée, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, par une société pour laquelle une procédure est ouverte devant un tribunal de commerce spécialisé est renvoyée devant ce dernier."
Autrement dit, le texte vise une procédure collective ouverte par un tribunal de commerce, relativement à une société détenue par une société pour laquelle est ensuite ouverte par un tribunal de commerce spécialisé : la procédure de la filiale est renvoyée devant le Tribunal de commerce spécialisé
(L233-1 détention de plus de la moitié du capital, L233-3 majorité des droits de votes, ou droits de vote qui permettent de déterminer les décisions, pouvoir de désignation des organes représentatifs, avec présomption que ces derniers critères sont remplis si détention de plus de 40% des droits de vote et si personne ne détient plus de droits de vote et éventuellement regroupement des personnes agissant de concert)
Le tribunal compétent est celui du ressort du centre des intérêts principaux du débiteur, présumé être situé au siège social pour les personnes morales.
Le texte ne précise pas comment est gérée la compétence si, simultanément, est ouverte une procédure collective concernant une filiale, et une procédure collective concernant la holding, laquelle relève seule du tribunal de commerce spécialisé. A priori il faudrait que le tribunal de commerce ouvre la procédure collective de la filiale, et que le tribunal de commerce spécialisé ouvre celle de la holding, et, si le jugement concernant la filiale est antérieur, la procédure pourra être renvoyé devant le Tribunal de commerce spécialisé (voir ci dessous la procédure).
La seule échappatoire à cette complexité serait de recourir à l'alinéa 1 de l'article L662-8 qui indique que la compétence du tribunal s'étend aux filiales, avec un doute cependant car la lettre du texte ne semble pas s'appliquer au tribunal de commerce spécialisé.
Une autre échappatoire parfois usitée est qu'au visa de l'article R662-18 du code de commerce les sociétés qui ne relèvent pas du Tribunal de commerce spécialisé présentent une requête au stade de la demande d'ouverture de la procédure, pour y être renvoyées, dès lors que leur holding relève de cette juridiction et demande elle même l'ouverture d'une procédure collective. Cette manière de procéder n'est pas plus académique puisque le texte présuppose que la procédure de la filiale soit ouverte (et d'ailleurs la requête peut être présentée par les mandataires de justice, par hypothèse désignés).
En tout état le regroupement devant le Tribunal de commerce spécialisé de toutes les sociétés d'un groupe relève d'une bonne administration de la justice, et le plus adapté est de respecter la chronologie de l'ouverture des différentes procédures.
On voit mal, dans cet esprit, des contestations sur la compétence, sauf querelle improductive entre les tribunaux de commerce et les tribunaux de commerce spécialisés et surtout on voit mal le grief qui pourrait être invoqué, dans le cadre d'un recours dont la recevabilité semble à la vérité assez étroite ne serait-ce que parce que le recours contre l'ouverture d'une procédure collective n'est pas ouvert à tous : évidemment le débiteur peut contester la compétence, et c'est sans doute le principal acteur envisageable qui le pourrait s'il n'est pas lui même demandeur.
La procédure de renvoi devant le Tribunal de commerce spécialisé:
La procédure de renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé, prévue à l'article L662-8 du code de commerce, est précisée par l'article R662-18 du code de commerce tel qu'il découle du décret 2016-1851 du 23 décembre 2016 (article 29)
"I. - Le renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé en application du troisième alinéa de l'article L. 662-8 est prononcé d'office par le président du tribunal saisi, par ordonnance motivée, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli l'avis du ministère public. Le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l'ordonnance de renvoi.
II. - Le renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé compétent peut également être demandé par requête motivée du débiteur, de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire ou du ministère public près le tribunal de commerce saisi.
Le greffier du tribunal de commerce saisi notifie la requête aux parties sans délai. Le président du tribunal statue sur la demande de renvoi par ordonnance motivée après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le mandataire de justice et recueilli l'avis du ministère public. S'il est fait droit à la demande de renvoi, le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l'ordonnance de renvoi.
III. - Les décisions prises en application du présent article sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours. Elles s'imposent aux parties et à la juridiction de renvoi désignée."
La formation du tribunal de commerce spécialisé
Le texte prévoit que le président du tribunal normalement compétent, ou un juge délégué par lui, siège de droit dans la formation du tribunal « spécialisé ». Cette participation est facultative, et à défaut c'est un membre de la juridiction spécialisée qui siège.
La désignation facultative d'un tribunal de commerce spécialisé
L'article L662-2 du code de commerce prévoit que si les intêrets en présence le justifient, la Cour d'appel ou la Cour de Cassation peut renvoyer l'affaire devant un tribunal de commerce spécialisé. L'article R662-7 organise la procédure conduisant au renvoi.
Le tribunal de commerce spécialisé et la double désignation des mandataires : cumul éventuel des critères
Lorsque certains critères sont remplis, le tribunal doit désigner deux professionnels (deux administrateurs judiciaires et deux mandataires judiciaires).
Les critères de double désignation ne sont pas les mêmes que les critères de compétence du tribunal de commerce spécialisé, mais peuvent se combiner. Voir double désignation
En effet pour simplifier, les critères de double désignation sont un groupe de trois entreprises dont l'une dépasse 20 M€ de chiffre d'affaires, alors que pour la compétence du tribunal de commerce spécialisé, un groupe de deux entreprises suffit mais soit dont l'une dépasse 40 M€ de chiffre d'affaires, soit dont l'une dépasse 20 M€ de chiffre d'affaires mais à condition que son effectif dépasse 250 salariés.
Autrement dit on peut avoir la compétence du tribunal de commerce spécialisé sans double désignation et une double désignation sans tribunal de commerce spécialisé, c'est à dire devant le tribunal de commerce (et même d'ailleurs devant le Tribunal judiciaire ex TGI). On rappellera qu'au delà de 50 salariés, l'AGS est également amenée à donner son avis sur la désignation du mandataire judiciaire et de l'administrateur.
Tribunal de commerce spécialisé | Double désignation | Cumul TCS et double désignation | |||
Critère 1 | Effectif | ≥ 250 | |||
Chiffre d'affaires | ≥ 20 M€ | ||||
Critère 2 | Chiffre d'affaires | ≥ 40 M€ | |||
La société qui détient les autres relève du TCS (et, après renvoi, les sociétés détenues par elle même hors critère si leur procédure collective est antérieurement ouverte par le Tribunal de commerce) | Critère 3 | Nombre de sociétés liées (pas nécessairement en procédure collective) | ≥ 2 | ≥ 3 mais en procédure collective | |
Effectif total | ≥ 250 | ≥ 250 | |||
Chiffre d'affaires total | ≥ 20 M€ | ≥ 20 M€ | |||
Critère 4 | Nombre de sociétés liées (pas nécessairement en procédure collective) | ≥ 2 | |||
Chiffre d'affaires total | ≥ 40 M€ | ||||
Toutes les sociétés concernées | Critère 5 | Nombre de sociétés liées en procédure collective | ≥ 3 | ≥ 3 | |
Chiffre d'affaires de l'une | > 20 M€ | ≥ 40 M€ | |||
Critère 6 | Nombre d'établissements | ≥ 3 | ≥ 3 | ||
Chiffre d'affaires | > 20 M€ | ≥ 40 M€ |
Tribunal de Grande Instance (TGI) maintenant fusionné avec le Tribunal d'instance pour composer le Tribunal judiciaire
Généralités
C'est le tribunal de l'ordre judiciaire qui a la compétence de principe : tout ce qui n'est pas expressément confié par la loi à une autre juridiction relève de ce tribunal.
Dans l'ordre judiciaire des juridictions civiles, c'est ce tribunal qui connait des affaires importantes, par rapport au Tribunal d'instance qui connait des affaires en deça d'un seuil fixé par décret : c'est ce qui explique le terme Grande Instance (l'instance étant une action en justice)
Il est composé de magistrats professionnels, qui siègent en en formation de trois juges (un président et deux assesseurs, assistés d'un greffier -qui à la différence du greffier du tribunal de commerce est un fonctionnaire et n'est pas officier ministériel titulaire d'une charge -).
Cependant, l'article L212-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit que très exceptionnellement, la formation du tribunal peut être complétée par un ou plusieurs avocats : Si aucun juge composant la juridiction n’est en mesure de sièger, un avocat du barreau du siège de la juridiction peut être appelé à compléter la formation du Tribunal (a priori c’est l’avocat présent le plus ancien qui doit être choisi, évidemment pas pour sièger dans les dossiers le concernant. Ce texte n'est applicable qu'au TGI et à ses chambres ( y compris correctionnelles).
Au premier janvier 2020 les TGI et les Tribunaux d'instance ont fusionné pour devenir les Tribunaux judiciaires,
Le Tribunal judiciaire (ex tribunal de Grande Instance) en matière de procédure collective
Les tribunaux judiciaires (ex Tribunaux de Grande Instance) sont compétents pour connaître des procédures collectives des agriculteurs, sociétés et groupements civils, et personnes exerçant une activité indépendantes (qu'on appelle souvent professions libérales) ainsi que leurs sociétés d'exercice libéral - mis à part les pharmaciens qui sont commerçants- , la loi 1990-1258 du 31 décembre 1990 faisant prévaloir l'objet de la société sur sa forme commerciale (après un revirement de jurisprudence qui avait retenu la compétence des tribunaux de commerce). L'article L721-5 du code de commerce permet de penser que toutes les structures sociétaires de professions indépendantes relèvent du TJ (ex TGI)
Mais dès lors qu'il s'agit d'une procédure collective, la manière de procéder devant le Tribunal judiciaire (ex tribunal de Grande Instance° est celle décrite par le code de commerce, qui est celle applicable devant le Tribunal de commerce (R662-2 du code de commerce). Ainsi la procédure est orale, la représentation par avocat n'est pas obligatoire et il n'existe pas de "clôture" (voir ce mot) et de mise en état.
Le tribunal Judiciaire (Ex tribunal de Grande Instance) en matière de responsabilité des mandataires de justice
Le tribunal judiciaire (ex tribunal de Grande Instance° connait de la responsabilité civile délictuelle des mandataires de justice. Il reçoit de la loi une compétence spécifique, par exception à la règle selon laquelle le tribunal de la procédure collective connait de tout ce qui touche à la procédure collective, ou tout au moins de tout ce sur quoi la procédure collective a une influence.
Ainsi il n'est pas possible de demander à une autre juridiction que le Tribunal Judiciaire (ex tribunal de Grande Instance) de statuer sur la responsabilité d'un mandataire de justice. C'est pourtant ce que font parfois les parties à l'occasion d'un litige où le mandataire de justice est partie "ès qualité", c'est à dire non pas à titre personnel mais dans le cadre de l'exercice de sa mission.
Remplacement du TGI par le tribunal judiciaire
Voir le mot Tribunal judiciaire
Tribunal judiciaire et tribunal de proximité
A compter du premier janvier 2020 les tribunaux de grande instance (TGI) et les tribunaux d'instance sont fusionnée en une juridiction unique dénommé tribunal judiciaire.
(les tribunaux d'instance hors le siège de la juridiction sont désormais dénommés chambre de proximité)
A cette occasion les règles de compétence en matière de procédure collective sont modifiées puisque tous les tribunaux judiciaires d'un département ne seront pas compétents.
Après avoir précisé en son article 2 (8°) que le tribunal judiciaire connait des procédures collectives des débiteurs qui n'exercent ni activité commerciale ni activité artisanale, le décret 2019-912 du 30 Aout 2019 réserve à un Tribunal judiciaire par département la compétence en matière de procédure collective, de copropriété en difficulté (article 3 au 6°) : le texte évoque en effet une compétence pour "l'ensemble du département" ce qui laisse penser qu'il n'y aura qu'un tribunal désigné par département (ou parfois pour deux départements)
Ces dispositions sont intégrées dans l'article R211-4 du code de l'organisation judiciaire (6°)
Le décret 2019-914 du 30 Aout 2019 règle les questions administratives touchant à cette juridiction et aux modifications de vocabulaire.
Enfin est créé un juge des contentieux de la protection, dans chaque tribunal de proximité et au sein du tribunal judiciaire, compétent pour le crédit à la consommation, le surendettement des particuliers, le contrat de bail à usage d'habitation, la protection des majeurs et l'expulsion des personnes sans titre. Il statue en dernier ressort pour toute demande inférieure à 5.000 € et à charge d'appel dans les autres cas, outre dans le cas des litiges d'explusion
Tribunaux des Activités Economiques (TAE)
La loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 prévoit la mise en place à titre expérimental de Tribunaux des Activités Economiques (TAE) qui ont potentiellement vocation à remplacer à terme les Tribunaux de Commerce et les formations spécialisées en procédure collective des Tribunaux Judiciaires.
Les TAE auront en effet compétence pour toutes les procédures collectives à l'exception toutefois des professions judiciaires (avocats, notaires, commissaires de justices, greffiers des Tribunaux de commerce, administrateurs et mandataires judiciaires).
La compétence sera élargie aux baux commerciaux pour les actions découlant des procédures collectives ou présentant un lien avec la procédure collective.
Les TAE seront composés de juges élus par les juridictions commerciales, outre des juges exerçant la profession d'exploitant agricole nommés par le Ministère de la justice choisis sur une liste établie par le Président de la Cour d'appel sur proposition de la chambre d'agriculture départementale (la présence d'un magistrat professionnel qui avait été envisagée a été abandonnée)
Leur greffe sera assuré par le greffier des Tribunaux de Commerce.
Concrètement pendant 4 ans à compter d'une date à fixer par arrêté ministériel
Les textes
Loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023
Décision du Conseil Constitutionnel du 16 novembre 2023 n°2023-855
Circulaire de présentation de la loi de programmation JUST 2332699C
TVA
Généralités
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt général sur la consommation. qui est directement facturé aux clients sur les biens qu'ils consomment ou les services qu'ils utilisent en France
Décharge de TVA en cas de cession d'universalité
En application de l'article 257 bis du code général des impots "Les livraisons de biens et les prestations de services, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens."
Ainsi une cession de fonds de commerce peut bénéficier d'une exonération de TVA. ( y compris sur le prix du stock)
Cette exonération est applicable en cas de procédure collective.
Le bénéficiaire (puisque la TVA est en principe en sus du prix HT), c'est à dire le cessionnaire, est réputé continuer la personne du cédant, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'il est contraint d'exercer la même activité.
Par contre le cessionnaire ne doit pas avoir l'intention de céder immédiatement le bien acquis sans l'avoir exploité.
Il est fréquent de prévoir une clause par laquelle, en cas de contestation par l'administration fiscale, le cessionnaire s'engage au paiement de la régularisation, sans recours contre le cédant
TVA sur une licence IV
La TVA n'est pas due dès lors que la cession est soumise aux droits proportionnels d'enregistrement.
Il en résulte donc qu'une cession de débit de boissons, en ce compris la cession de la seule licence IV, est soumise aux droits d'enregistrement même sans cession de la clientèle
Sources :
BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10
BOI-ENR-DMTOM-10-10-30
Régularisation de la TVA en cas de décharge injustifiée
S'il advient que la cession ne porte en réalité pas sur une universalité au sens du code général des impôts, ou si l'acquéreur ne poursuit pas d'activité, ou encore si l'acquéreur revend les biens avant l'expiration du délai d'amortissement du bien, il y a lieu à régularisation de la TVA.
Dans les deux premiers cas, c'est au vendeur qu'incombe la régularisation, c'est à dire le paiement de la TVA qui avait dans un premier temps été considérée à tort comme déchargée. Evidemment il est possible de prêvoir que l'acheteur doit garantie au vendeur de cette éventualité, pour que le vendeur puisse se retourner contre lui.
Si l'acquéreur revend le bien, ce que par hypothèse le vendeur ignore, c'est à la charge de l'acheteur qu'est la régularisation de la TVA, puisqu'au moment de la vente la décharge était justifiée.
Le régime de la TVA sur les opérations de la liquidation judiciaire
D'une part le liquidateur collecte de la TVA sur les opérations qu'il effectue : cession isolées de biens, recouvrements. A priori il doit reverser cette TVA, au titre des créances postérieures "utiles".
Par exemple, hors le cas de la cession d'une universalité, qui donne lieu à décharge de TVA, les vente d'actif en liquidation sont assujetties à la TVA au régime normal défini par les articles 256 et suivants du CGI
D'autre part le liquidateur règle des dépenses de procédure assujetties à la TVA
La question se pose donc de savoir si le liquidateur peut retenir la TVA payée de la TVA collectée
La doctrine fiscale considère en premier lieu que la qualité d'assujetti à la TVA du débiteur en liquidation cesse à la date de cession de son stock et/ou de tous ses éléments d'actifs et/ou de leur mise en rebut (instruction TVA 50-20-20 2015-05-06 et BOI-TVA-DED-50-20-20-20120912
Ainsi a première analyse, sauf à pourvoir distinguer et justifier de la distinction entre les opérations correspondant à des diligences engagées avant la perte de la qualité d'assujetti et celles qui sont postérieures, le liquidateur ne peut retenir sur la TVA collectée la TVA payée durant la procédure de liquidation. Il doit donc reverser la TVA collectée dans le cadre des ventes d'actif
Cependant en suite 'une décision de la CJCE du 3 mars 2005, l'administration fiscale considère "Une entreprise qui a cessé son activité commerciale mais qui continue de supporter des dépenses afférentes à cette activité est considérée comme un assujetti et peut déduire la TVA sur les montants acquittés, pour autant qu’il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l’activité commerciale et dès lors que l’absence d’intention frauduleuse ou abusive est établie (CJCE, décision du 3 mars 2005, ECLI:EU:C:2005/128, affaire C-32/03, 3ème ch., Fini H). Il en est ainsi notamment de la TVA ayant grevé les honoraires des mandataires liquidateurs."
De sorte qu'il est désormais admis que les dépenses assujetties effectuées pour les besoins de la clôture de la procédure ( honoraires, frais de greffe) donnent lieu à TVA déductible.
Autrement dit, il incombe au liquidateur, à la clôture de la liquidation, de procéder à une balance finale de la TVA collectée et payée, et de solder la TVA due en rang de créance postérieure utile (voir notamment BOI-REC-EVTS-10-30 qui évoque la TVA inhérente à la procédure).
La qualité d'assujetti perdure donc pendant les opérations de liquidation, et le liquidateur commettrait une faute s'il passe outre Cass com 23 novembre 2022 n°21-13613
La question de la primauté du superprivilège reste entière, sauf à considérer que c'est à la clôture que la TVA est due, et qu'il s'agit donc d'un paiement à l'échéance.