Glossaire
EARL Entreprise agricole à responsabilité limitée
Entreprise agricole à responsabilité limitée régis notamment par le code rural et de la pèche maritime (articles L324-1 et suivants )
L’objet de l’EARL est l’exercice d’activités agricole
Les associés sont entre 1 et 10 (personnes physiques) .
La responsabilité des membres est limitée à leur apport (comme une SARL)
EBITDA
Terme d'origine anglo-saxonne qui désigne le bénéfice d'une entreprise avant déduction des intérêts, impôts et taxes, les dotations aux amortissements et les provisions sur immobilisations (mais après dotations aux provisions sur stocks et créances clients).
Ainsi, il met en évidence le profit généré par l’activité indépendamment des conditions de son financement (les charges financières), des contraintes fiscales (impôts et taxes), et du renouvellement de l’outil d’exploitation (amortissements). Notamment il ne tient pas compte du cout de la dette.
Cette notion est proche de l'excédent brut d'exploitation (EBE), plus utilisé en France, à la différence que ce dernier est avant provisions d'exploitation (dotations et reprises de provisions sur stocks et créances clients).
Echevinage
La plupart des juridictions sont composées de magistrats professionnels. Cependant il existe également des juridictions spécialisées au sein desquelles les magistrats ne sont pas de professionnels.
C'est le cas par exemple des Conseil des Prud'hommes (sauf départage) ou des Tribunaux de commerce.
Ces juridictions spécialisés sont l'héritage de pratiques multi séculaires.
Au fil du temps, et le droit devenant de plus en plus complexe, l'aptitude de ces juridictions est parfois contestée, de telle manière que s'opposent maintenant les détracteurs et les partisans de ce type de juridiction : les détracteurs considèrent que ces juridictions doivent être confiées à des magistrats professionnels et les partisans de leur maintien soulignent que les décisions rendues sont statistiquement peu réformées en appel, c'est à dire qu'elles sont de qualité satisfaisante.
Sans même parler de motivations politiques, les raisons budgétaires excluent en tout état le recrutement du nombre de magistrats qui seraient nécessaires si ces juridictions devaient être confiées à des magistrats professionnels.
Une solution "intermédiaire" qui est déjà pratiquée, notamment dans les tribunaux de commerce en ALSACE, MOSELLE, GUADELOUPE, MARTINIQUE ... consiste à mettre en place l'échevinage, c'est à dire la présence d'un magistrat professionnel dans une formation de trois juges parmi lesquels siègent donc deux magistrats non professionnels.
Les tribunaux de commerce sont résolument opposés à une telle modification, dont on peut observer, pour ce qui concerne les procédure collectives, qu'elle ne prend pas en considération le fait que c'est le juge commissaire qui est la principale juridiction et pas le Tribunal.
En tout état les projets successifs ont pour l'instant échoué, et les juges consulaires ont développé des efforts de formation et la mise en place de règles de fonctionnement pour y résister plus efficacement.
Le dernier projet en date (2013) consisterait à créer 8 ou 9 juridictions inter-régionales spécialisées, au sein desquelles l'échevinage serait mis en place et qui auraient compétence pour juger des procédures collectives importantes (selon des seuils non encore connus). Il s'agit pour l'instant d'un projet, qui remporte l'hostilité des juges consulaires et qui ne peut évidemment satisfaire les professionnels auxquels les affaires importantes seront, de fait, soustraites, sans que cela repose sur une raison de compétence professionnelle ni géographique.
Effectif salarié (Calcul)
Le calcul de l'effectif d'une entreprise est effectué en équivalent temps plein, sur le fondement des articles L1111-2 et L1111-3 du code du travail
Effet dévolutif de l'appel et des autres voies de recours
Quelques points de la définition
Effet dévolutif de l'appel et impossibilité de former tierce opposition du même jugement
Effet dévolutif et nullité du jugement
Nullité du jugement : effet dévolutif
Nullité de la saisine de la juridiction: pas d'effet dévolutif
L'effet dévolutif en cas d'annulation d'un jugement de redressement ou liquidation judiciaires
Effet dévolutif des autres voies de recours
Généralité
L'effet dévolutif est le fait de transférer le litige à une autre juridiction.
L'effet dévolutif de l'appel est le fait que la Cour d'appel est saisie du litige. C'est la délimitation de ce qui est soumis à la Cour d'appel en cas d'appel d'un jugement (article 561 du CPC)
"L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel.
Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code"
Jusqu'au 1er Septembre 2017, l'acte d'appel ne limite pas l'emprise de l'appel et dans ce cas remet la totalité du litige en question devant la Cour d'appel, mais c'est le même litige que celui qui a donné lieu à la décision critiquée. la Cour d'appel ne peut donc statuer sur ce qui n'était pas demandé en première instance.
Il est également possible de "limiter" l'appel à certaines dispositions du jugement: on dit que l'appel est cantonné: dans ce cas la Cour n'est saisie que de cette "partie" du litige.
L'article 562 du CPC tel qu'il découle du décret du 6 mai 2017 dispose désormais "L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible."
Par l'effet dévolutif la Cour a l'entière et totale connaissance du litige (dans la limite de l'emprise de l'appel) et doit statuer en droit et en fait avec les mêmes pouvoirs que le premier juge (Cass civ 2ème 24 septembre 1997 n°95-13386): la Cour ne peut renvoyer l'affaire en tout ou partie devant le premier juge Cass civ 3ème 4 mars 1980 n°78-13302, Cass soc 21 février 1981 n°78-40786.
L'acte d'appel doit préciser les chefs du jugement critiqué, à défaut de quoi la Cour n'est saisie d'aucun effet dévolutif, même si l'appel est qualifié de total par l'acte d'appel Cass civ 2ème 30 janvier 2020 n°18-22528 ce que la formation de jugement peut constater Cass civ 2ème 19 mai 2022 n°21-10685
L'effet dévolutif a pour effet de dessaisir le premier juge, sauf pour interpréter sa décision, rectifier les erreurs ou omissions matérielles de sa décision, réparer les omissions de statuer .. et ce jusqu'à l'enrôlement de l'appel Cass civ 2ème 29 mai 1979 n°77-15004, Cass civ 3ème 4 mars 1981 n°78-13302.
Effet dévolutif de l'appel et tierce opposition
En raison de l'effet dévolutif un jugement frappé d'appel ne peut faire l'objet d'une tierce opposition (pour les seuls chefs qui font l'objet de l'appel) : le tiers doit intervenir en cause d'appel par une intervention volontaire (Cass. com., 6 juill. 1967 : Bull. civ. 1967, III, n° 282. – Cass. 3e civ., 13 avr. 1988, n° 86-14.045 : Cass. soc., 31 mai 1989, n° 87-43.538 . Le premier juge est dessaisi. Evidemment si l'arrêt est déjà rendu, le tiers pourra faire tierce opposition contre cet arrêt
L'effet dévolutif et la nullité du jugement
Effet dévolutif si la nullité tient au jugement lui même
Si c'est la nullité du jugement qui est invoquée, en principe la dévolution s'opère pour le tout, c'est à dire que la Cour d'appel examine l'entier litige (article 562 du CPC).
C'est en tout cas ce qui se passe si le jugement est annulé en raison d'une nullité inhérente au jugement lui même. Ainsi bien souvent les parties hésitent à soulever la nullité d'une décision, puisque la Cour pourra prononcer la nullité et statuer sur le litige.
Par exemple l'absence de rapport du juge commissaire, dans les cas où cette formalité est nécessaire, entraîne nullité du jugement, mais la Cour peut, en raison de l'effet dévolutif, statuer au fond Cass 17 novembre 2015 n°14-19504
Il en est de même du jugement rendu sans respect du contradictoire Cass civ 2ème 17 mai 2018 n°16-28390 (qui n'est pas assimilé à la nullité de l'assignation)
Pas d'effet dévolutif si la nullité tient à l'acte de saisine de la juridiction
A l'inverse l'effet dévolutif ne joue pas si c'est la nullité de l'acte introductif qui est invoquée: en droit commun la tendance dominante est que la Cour ne peut statuer au fond (Cass civ 2ème 25 mai 2000 n°98-20941 Cass civ 2ème 18 décembre 1996 n°94-16332 elle annule purement et simplement le jugement., et les parties devront à nouveau saisir les premiers juges (sous réserve de la prescription). Cass civ 2ème 17 mai 2018 n°16-28390 a contrario Cass com 15 mars 2005 n°03-13951 Cass com 16 janvier 2007 n°05-18666
Cette exception ne joue que si l'auteur du recours n'a pas conclu au fond, cas dans lequel la dévolution s'opère, et il convient donc de solliciter la nullité in limine litis. Par exemple Cass com 8 janvier 2008 n°06-17938 Cass com 30 janvier 2007 n°05-12895, Cass com 24 mai 2005 n°04-12552
En procédure collective, la Cour de Cassation a eu peu d'occasion de se pencher sur la question de l'effet dévolutif en cas de nullité de la saisine de la juridiction.
Dans un premier temps, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 l'effet dévolutif était admis nonobstant la nullité de la saisine de la juridiction puisque le texte de l'époque le prévoyait expressément (en tout cas pour le jugement d'ouverture de la procédure collective pour lequel l'article 11 du décret du 27 décembre 1955 puis l'article R631-6 du code de commerce prévoyait que la cour d'appel qui annule ou infirme un jugement d'ouverture peut d'office en prononcer un nouveau) : Cass com 28 avril 1980 n°78-14775, Cass com 31 mars 1998 ,n°94-17096, Cass com 26 mai 1998 n°94-11492 qui admet l'effet dévolutif en cas d'irrégularité de la saisine des premiers juges.
Cette solution est maintenant abandonnée et l'effet dévolutif ne joue pas en cas d'irrégularité de l'acte introductif d'instance ou d'irrégularité de la saisine de la juridiction.
Cass com 4 janvier 2005 n°03-11465 et Cass com 22 janvier 2013 n°11-27392 qui écartent l'effet dévolutif et Cass com 24 mai 2018 n°16-27296 dans le cas d'une liquidation judiciaire prononcée d'office sans que les formalités aient été accomplies: il s'agit d'une cassation sans renvoi, nouvelle occasion de confirmer que si la juridiction est irrégulièrement saisie, l'effet dévolutif ne joue pas (par la suite Cass com 26 juin 2019 n°17-27498 qui pour sa part a renvoyé)
Enfin le seul fait que l'administrateur judiciaire indique dans son rapport qu'il demandait au tribunal de prononcer la liquidation judiciaire ne vaut pas requête en ce sens: dès lors si, sur ce rapport, le Tribunal prononce néanmoins la liquidation il doit le faire dans les formes de la saisine d'office (avec notamment note jointe à la convocation)
Effet dévolutif possible en cas de nullité du jugement de redressement ou de liquidation
On peut relever dans le cas de la nullité d'un jugement de redressement judiciaire l'article R631-6 permet à la Cour d'évoquer, et un nouveau délai de déclaration de créance court évidemment, même si la jurisprudence juge que les déclarations de créance déjà effectuées restent valables (ce qui est singulier mais logique puisque la Cour de Cassation admet la validité d'une déclaration de créance effectuée avant que le jugement d'ouverture ne soit prononcé)
Dans le cas d'un jugement de nullité d'un jugement de liquidation judiciaire que l'article R640-2 permet à la Cour d'appel d'évoquer, et la lettre du texte semble exonérer de la distinction en fonction des causes de nullité. Selon cette interprétation, qui est la lettre du texte, ce serait une dérogation par rapport au droit commun qui distingue suivant les causes de nullité (pas d'effet dévolutif si c'est la saisine qui est nulle).
Cependant cela ne semble pas être la position de la Cour de Cassation qui procède bien à la distinction suivant les causes de nullité et retient que l'effet dévolutif ne joue que si la cause de nullité ne résulte pas dans la saisine Cass com 23 septembre 2020 n°18-26085
A compter du 1er Septembre 2017 le nouvel article 901 du code de procédure civile devenu applicable dispose que la déclaration d'appel contient à peine de nullité "4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible"
Autrement dit, l'emprise de l'appel, et donc de l'effet dévolutif, est beaucoup plus retreint, et l'appel devient véritablement une voie de critique du jugement appelé.
Il a été jugé que l'annulation par la Cour d'un jugement de liquidation, et l'arrêt qui prononce à nouveau la liquidation en raison de l'effet dévolutif, n'affecte pas la validité des licenciements opérés en application de la première décision de liquidation (annulée) Cass soc 23 novembre 2023 n°20-23640 et 21-13945
Effet dévolutif des autres voies de recours
La tierce opposition ou l'opposition ont un effet dévolutif
Effets de commerce (dont chèque)
Quelques points de la définition
Effets de commerce et procédures collectives
Effet émis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective et payé avant
Effet émis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective et pas encore payé
L'opposition au paiement en raison de la procédure collective
Pour les virements et paiements par carte bancaire
Généralités
L'effet de commerce est un titre qui constate l'existence d'une créance d'une somme d'argent au profit de son "bénéficiaire" (le terme n'est pas juridique) et permet son paiement, le cas échéant à un terme convenu.
Il existe trois grandes catégories d'effet de commerce: le chèque la lettre de change (autrement appelée traite) et le billet à ordre.
Le chèque qui n'est plus réservé aux échanges commerciaux depuis longtemps, a suivi une évolution spécifique: dès lors qu'il est payable "à vue" c'est à dire sans délai ni échéance, il n'est plus possible par principe de le faire "circuler" : antérieurement le chèque pouvait être remis par son porteur (c'est à dire le créancier) à son propre créancier en paiement ... et le chèque pouvait donc circuler .. sauf le cas où il était "barré" ce qui interdisait son utilisation autrement que pour une remise en banque. Désormais le chèque est barré par principe et ne peut plus circuler. Cependant il reste possible de tracer un chèque sur papier libre s'il remplit les conditions et mentions prévues par la loi : c'est ce qu'on appelle parfois un "chèque de casino" qui permet le paiement d'une dette de jeu par un joueur qui n'aurait pas de chéquier sur lui.
Les lettres de change ou billets à ordre peut quand à eux circuler, c'est à dire être "endossés" (signature au dos par celui qui le remet à son propre créancier) au profit d'un tiers qui pourra se faire payer à la place du "bénéficiaire".
Globalement et de manière très schématique et imagée, la lettre de change est rédigée (on dit tracée) par le créancier (à la différence du chèque qui est rédigé par le débiteur qui donne ordre à sa banque de payer le créancier) dénommé le tireur, qui y indique que le "débiteur" (on dit le tiré) lui doit une somme, payable à une date convenue. Le tiré peut accepter la lettre de chance, c'est à dire s'en reconnaitre débiteur, et des tiers peuvent l'avaliser (ce qui revient à s'en porter caution). La lettre de change est ensuite remise par le tireur à son banquier, soit à bonne date et il fera les diligences d'encaissement auprès du banquier du tiré, soit dès son "tirage" et dans ce cas on appelle le mécanisme l'escompte: le banque "se porte acquéreur" de la créance à terme matérialisée par la lettre de change et se chargera de l'encaisser pour son compte, et évidemment la banque qui assume l'échéancier va payer cette créance au tireur pour une somme inférieure à sa valeur nominale, fixée en fonction de l'éloignement de l'échéance.
Le billet à ordre pourrait être décrit comme un chèque à terme, là encore de manière très simplifiée.
Les effets de commerce obéissent à des règles très strictes.
Effets de commerce et procédures collectives
Dès lors que l'effet de commerce est représentatif d'une créance d'argent, plusieurs situations peuvent se présenter en cas de procédure collective du tiré (c'est à dire du débiteur) :
- si l'effet est payé avant le jugement, le paiement n'est pas remis en cause : par principe le jeu de les nullités de la période suspecte sont écartés pour le paiement des effets de commerce par l'article L632-3 du code de commerce pour le paiement d'effets échus et en outre l'article L632-1 du code de commerce qui permet de rechercher la nullité de paiements faits autrement que par ... " effets de commerce, virements ..."
Cette validité de principe n'empèche pas des actions en rapport, notamment si, au visa de l'article L632-2 du code de commerce le bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements Cass com 5 mai 2004 n°00-20089
- si l'effet est émis avant le jugement d'ouverture mais pas encore payé à cette date, la question sera de savoir si le tiré (le créancier ou le banquier escompteur ou encore l'endossataire) peut exiger le paiement malgré l'interdiction de paiement qui découle du jugement (article L622-7 du code de commerce)
En effet le propre de l'effet de commerce est de contenir ordre irrévocable de payer, avec parfois une échéance lointaine, et en tout état un processus qui se déroule dans le temps entre l'émission de l'ordre et sa réalisation effective: c'est en l'espèce le droit "cambiaire" qui va primer et le débat va donc se reporter sur le moment à partir duquel l'ordre est irrévocable (et évidemment sous réserve de la provision), ce qui n'est donc pas la date du paiement (nécessairement postérieur dans notre hypothèse) mais la date de mise en circulation du titre. En effet à partir du moment où l'ordre est jugé irrévocable, sous certaines conditions, le paiement doit être fait même si un jugement d'ouverture d'une procédure collective intervient.
Opposition au paiement en raison de l'ouverture d'une procédure collective
Le code monétaire et financier prévoit la possibilité d'opposition au paiement d'un chèque (article L131-35) ou par carte bancaire (article L133-17 qui toutefois n'évoque pas la sauvegarde) en cas de procédure collective du porteur, ce qui sécurise les opérations sur le fait que le contractant délivrera la contrepartie pour être payé. L'article L511-31 prévoit l'opposition au paiement en cas de procédure collective du porteur
Pour les virements et paiements par carte bancaire
Depuis l'ordonnance de 2009 qui a modifié le code monétaire et financier, c'est le moment à partir duquel la banque a reçu l'ordre de payer qui commande son traitement: l'ordre reçu avant le jugement d'ouverture doit être exécuté après (article L133-8)
Pour les chèques
Pour les chèques, la concrétisation de cet ordre est ce qu'on appelle le transfert de la provision: dès que le chèque est émis (plus exactement dès sa mise en circulation -et plus exactement encore son envoi au créancier Cass com 3 décembre 1991 n°90-13356 Cass com 18 octobre 1994 n°92-20086 - , c'est à dire dès sa remise au créancier), et même s'il n'est pas encore présenté au paiement, la provision est considérée comme étant transférée au bénéficiaire: le jugement d'ouverture de la procédure, intervenu entre l'émission du chèque et son paiement effectif, ne remet pas en cause le transfert de la provision et ne peut donc faire échec au paiement Cass com 18 décembre 1990 n°89-12532 Cass com 16 juin 1992 n°90-19533
Ainsi si la provision existe sur le compte bancaire au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective Cass com 12 janvier 2010 n°08-20241, la banque devra payer le chèque qui se présente après le jugement et les mandataires de justice ne pourront remettre en cause le paiement Cass com 16 juin 1992 n°90-19533.
Le contentieux qui peut exister est donc uniquement relatif à la date d'émission du chèque, pour éviter des chéques antidatés qui viendraient avantager le créancier par rapport aux autres. Il appartient au porteur du chèque d'établir la date d'émission, la date mentionné sur le chèque n'étant qu'une indication et pas une présomption Cass com 17 octobre 1995 n°93-14707 Cass com 31 janvier 2006 n°04-15315 et Cass com 16 juin 1992 n°90-19533 pour un chèque post daté.
Si par contre le chèque est impayé, le créancier n'a d'autre solution que de déclarer créance au passif.
Pour les lettres de change (traites)
La lettre de change repose sur le principe du transfert de la provision: dès que la lettre de change est remise au porteur (en principe), celui-ci a un droit sur la provision qui en réalité est "suspendu" jusqu'à l'échéance (et qui en réalité doit exister à l'échéance et pas avant)
Concernant la lettre de change, tant qu'elle n'est pas acceptée (par le tiré, c'est à dire le créancier) seul le tireur est garant de la provision vis à vis des endossataires ou escompteurs: autrement dit si le tireur a escompté la traite à son banquier, si elle n'est pas acceptée, il en est débiteur et devra payer la banque si le tiré refuse de payer. Le tiré n'est pas engagé cambiairement, c'est à dire au regard du droit des effets de commerce. Seul le tireur est engagé, avec le cas échéant la déchéance du terme s'il est en liquidation judiciaire
A l'inverse si la traite est acceptée (par le tiré c'est à dire le débiteur), comme pour le chèque l'acceptation emporte transfert de la provision et droit exclusif sur celle-ci constituée par le tiré: cependant en cas de procédure collective du tiré, le porteur a certes un droit sur la provision, mais dès lors que l'échéance de la traite et la constitution de la provision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective il subit le concours des autres créanciers. C'est à notre avis là que la notion de transfert de la provision se heurte avec l'impossibilité de revendiquer une somme d'argent sauf affectation spéciale sur un compte spécifique, qui en l'espèce n'existe pas.
Ce n'est donc finalement que dans le cas très marginal où l'échéance et la constitution de la provision sont antérieures au jugement que le paiement devra intervenir après les jugement (s'il n'est pas intervenu avant) sans concours avec les créanciers. Par exemple Cass com 4 janvier 2005 n°01-16827
Si la lettre de change est impayée, le banquier escompteur peut la contrepasser sur le compte du tireur qui la lui a remise à l'escompte, tout en conservant la propriété de l'effet de commerce pour exercer lui même les recours cambiaires Cass com 17 mars 1998 n°95-21435
Le billet à ordre fonctionne comme le chèque.
EIRL Entreprise individuelle à responsabilité limitée
La loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité indépendante a vocation à modifier radicalement le statut de l'entrepreneur individuel.
Sous réserve de décret à intervenir (mais a priori applicable 3 mois à compter de la promulgation de la loi cf article 19),, ce texte organise la scission du patrimoine de l'entrepreneur entre patrimoine professionnel - exposé au paiement des créanciers - et patrimoine personnel - protégé des initiatives des créanciers professionnels (article 1 qui modifie l'article L526-22)
Ce nouveau statut a vocation a remplacer l'entreprise individuelle à responsabilité limité (article 6) et aura évidemment des conséquences sur les procédures collectives (article 5 qui crée L642-22-1 du code de commerce) et modifie certains textes
Pour schématiser, le nouveau statut est proche de celui de l'EIRL mais sans déclaration préalable : le statut est de droit et notamment la scission entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel.
Progressivement l'EIRL disparait, et son recours n'est plus possible à compter du 15 février 2022 (publication de la loi). L'article L526-5-1 du code de commerce est d'ailleurs abrogé.
---------------------
L'entreprise individuelle à responsabilité limitée est le moyen pour une personne physique qui exerce une activité individuelle (commerçant, artisan, profession libérale si le statut le permet ...) d'affecter à l'EIRL spécifiquement les biens nécessaires à ladite activité (la même personne peut avoir plusieurs EIRL)
Ainsi en cas de procédure collective de l'EIRL, seuls les biens affectés sont appréhendés par la procédure (hors cas de sanction ou de réunion des patrimoines Cass com 7 février 2018 n°16-24481 )
Il en découle a priori que le débiteur personne physique en liquidation peut poursuivre une activité sous forme d'EIRL qu'il aurait préalablement constituée, et à l'inverse que l'EIRL en liquidation soit sans conséquence sur une autre activité du débiteur personne physique. Pour autant la personne physique en liquidation ne devrait pas pouvoir constituer une EIRL pour exercer une nouvelle activité pendant sa liquidation personnelle, faut de pouvoir y affecter d'actif.
Le tout est la conséquence de l'article L641-9 III du code de commerce "III.-Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure."
Pour autant, si une procédure collective est ouverte par erreur contre la personne physique sans mentionner l'enseigne sous laquelle il exerce son activité professionnelle, ses créanciers non professionnels recevables à y déclarer créance, Cass com 6 mars 2019 n°17-26605.
Ceci étant il semble qu'il s'agisse d'un arrêt d'espèce motivé par le fait que l'EIRL était connue de ses créanciers par une enseigne et que le débiteur lui même ne l'avait pas mentionnée dans sa déclaration de cessation des paiements.
Il a d'ailleurs été jugé, à l'inverse que l'ouverture de la procédure collective à raison de l'activité professionnelle du débiteur qui exerce en EIRL, mais dont le jugement ne précise pas qu'il est limité au patrimoine affecté, porte effectivement sur ce seul patrimoine Cass com 23 octobre 2019 n°18-19952 et seuls les créanciers de l'EIRL y seront admis.
Cette seconde décision peut être vue comme contradictoire à la précédente mais était relative à un cas particulier dans lequel la même personne physique a exercé successivement une activité de commerçant puis en EIRL, sous le même numéro SIRET et il a été jugé que la procédure avait nécessairement été ouverte à l'égard de l'activité en cours au jour du jugement, soit l'EIRL.
Les créances personnelles déclarées au passif de l'EIRL sont irrecevables pour défaut de qualité (dans le même esprit Cass com 4 novembre 2014 n°13-24014) et d'ailleurs le débiteur est éligible au surendettement des particuliers pour ses dettes non professionnelles Cass civ 2ème 26 octobre 2023 n°21-25581.
"le débiteur, qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l'article L. 526-7 du code de commerce, est susceptible de bénéficier des mesures de traitement du surendettement des particuliers à raison d'une situation résultant uniquement de dettes non professionnelles" et bien entendu l'EIRL relève pour sa part des procédures collectives Cass civ 2ème 26 octobre 2023 n°21-25581.
Compte tenu des conséquences pour les créanciers, et notamment du cloisonnement de deux parties du patrimoines de la même personne, la loi règlemente strictement la constitution du patrimoine affecté : une déclaration d'affectation doit être effectuée (et déposée pour être opposable aux créanciers postérieurs), relative à l'ensemble des biens nécessaires à l'activité (ce qui ne devrait pas permettre de préserver hors patrimoine affecté des biens nécessaires)
L'EIRL est régie par les articles L526-6 et suivants du code de commerce et R626-3 et suivants.
Enrichissement injustifié (enrichissement sans cause)
L’enrichissement sans cause est une notion de création jurisprudentielle au terme de laquelle « nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui », c’est-à-dire sans cause juridique légitime
C’est la réforme du droit des obligations qui a codifié cette notion, dans les articles 1303 et suivants du code civil, en la renommant « enrichissement injustifié ».
Même si dans le principe on peut penser à des similitudes, l’action, qui est une action dite « de in rem verso » est distincte de l’action en répétition de l’indu, qui consiste à demander reversement de sommes payées indument.
Art. 1303.- En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement
Art. 1303-1.- L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale.
Art. 1303-2.- Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel. L’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri.
Art. 1303-3.- L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.
Art. 1303-4.- L’appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l’enrichissement tel qu’il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement. En cas de mauvaise foi de l’enrichi, l’indemnité due est égale à la plus forte de ces deux valeurs.
Au terme de ces textes, le postulat est qu’un s’est enrichi au détriment d’un appauvri : il doit y avoir une réciprocité entre les deux évènements.
A priori l’enrichissement est généralement pécuniaire (somme d’argent ou bien, ou économie réalisée) , et l’appauvrissement également mais peut également résulter d’une perte de temps.
L’article 1303-3 du code civil pose comme principe que l’action est subsidiaire : d’une part l’action en enrichissement injustifié n’est possible que si aucune voie de droit n’est possible, et d’autre part cette action ne peut être menée si une autre voie de droit était possible mais « se heurte à un obstacle de droit tel que la prescription » : autrement dit, celui qui aurait pû mener une autre action et en a perdu la possibilité pour des raisons de droit ne peut contourner cette impossibilité avec l’action en enrichissement injustifié.
De plus l’appauvri ne peut mener d’action si l’enrichissement dont il se plaint résulte d’u acte qu’il a accompli en vue d’un profit personnel, qui s’est finalement retourné contre lui, et, même si la faute de l’appauvri ne suffit pas à rendre l’action irrecevable, mais l’indemnisation sera limitée (ce qui est une nouveauté par rapport à la précédente jurisprudence qui déboutait l’appauvri victime de sa propre faute.), cette limitation étant laissée à l’appréciation du juge et pouvant d’ailleurs conduire à une absence d’indemnisation, suivant la gravité de la faute
Sauf ce cas particulier, l’indemnité est égale à la plus faible des valeurs entre l’enrichissement et l’appauvrissement, comme c’était déjà le cas en jurisprudence avant la codification (et sauf mauvaise foi de l’enrichi auquel cal elle est égale à la plus forte, avec un mode d’évaluation précis : l’évaluation est arrêtée au jour du jugement, l’appauvrissement étant apprécié rétroactivement au jour de la « dépense » et l’enrichissement « tel qu’il subsiste au jour de la demande », ce qui revient à dire que l’enrichissement doit continuer à exister au jour du jugement
L'action est enfermée dans un délai de prescription de 5 ans depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 (antérieurement 30 ans)
Enrôlement
C'est le fait de "mettre au rôle" une affaire, c'est à dire de saisir la juridiction.
Voir le mot "rôle".
En pratique, dans le cas général, une partie qui souhaite engager une procédure délivre une assignation à son adversaire. C'est un acte d'huissier.
Mais il faut ensuite que la juridiction soit saisie de cette assignation, et programme l'examen de l'affaire à l'une de ses audiences. C'est l'acte d'enrôlement, c'est à dire le dépot au greffe de la juridiction, de l'assignation, qui permet la mise au rôle.
On parle aussi parfois de "placer" l'assignation, ce qui veut dire "enrôler" et qui provient d'un terme de l'ancien droit, selon lequel le "placé" est la copie de l'acte introductif d'instance qui est remis au greffe.
L'article 857 du CPC applicable au Tribunal de Commerce dispose "Le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation. Cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d'instruire l'affaire, ou, à défaut, à la requête d'une partie."
(étant précisé que l'article 856 du CPC prévoit la délivrance de l'assignation au moins 15 jours avant l'audience)
(en matière de procédure collective les textes précisent parfois un délai d'envoi des convocations avant les audiences)
L'article 754 du CPC, applicable au tribunal judiciaire dispose " La juridiction est saisie, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation.
Sous réserve que la date de l'audience soit communiquée plus de quinze jours à l'avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.
La remise doit avoir lieu dans ce délai sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie."
La caducité est une fin de non recevoir que le juge est tenu de constater Cass civ 2ème 21 décembre 2023 n°21-25162
Erreur ou omission matérielle
Au visa de l'article 462 du CPC :
Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office.
Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu'il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties.
La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement.
Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
Il n'y a pas de prescription à la demande Cass civ 2ème 7 juin 2018 n°16-28539
La tribunal ne peut, sous couvert d'erreur matérielle, modifier la décision rendue Cass com 25 novembre 2020 n°19-20446 pour les échéances d'un plan de redressement ou faire droit à une revendication Cass com 18 janvier 2023 n°21-18130 alors qu'il a en réalité omis de statuer sur la demande et n'a donc pas commis une simple erreur matérielle (il s'agit d'un cas assez singulier, "Le juge-commissaire a statué par une ordonnance du 16 avril 2021 dont le dispositif, présenté sous la forme de mentions à raturer, ne comporte pas de décision tandis que ses motifs portent la mention manuscrite « il y a lieu de faire droit à la demande du revendiquant").
La notion d'erreur matérielle est évidemment et heureusement d'interprétation très stricte, et est limitée à des cas dans lesquels l'intention du juge n'est pas exactement traduite dans le dispositif de la décision, ce qui est établi notamment par la motivation de la décision.
Par exemple erreur de frappe, substitution d'un mot pour un autre (sans au lieu de sous), divergence de chiffres en plusieurs endroits de la décision, pourcentage erroné, numéro d'un article
Il n'est pas question, sous couvert d'erreur matérielle, de rectifier une erreur d'interprétation du juge et les auteurs indiquent qu'il ne peut s'agit d'une "erreur intellectuelle, mais d'une mauvaise traduction de la pensée", il s'agit au contraire de rétablir la pensée du juge qui a été incorrectement traduite (par exemple Cass civ 2ème 29 juin 1978 n°77-13414 et a contrario Cass civ 2ème 6 mai 1998 n°95-18944)
L'interprétation erronée d'un document ne relève pas de l'erreur matérielle Cass civ 2ème 9 juin 2005 n°03-14205 pas plus qu'une erreur de raisonnement Cass com 17 décembre 1980 n°78-15993, ou l'application d'une règle de droit Cass civ 2ème 3 mars 1988 n°86-16151, ou encore l'ambiguïté d'une déclaration de créance qui comporte des indications imprécises sur l'identité du créancier Cass civ 2ème 14 avril 2022 n°20-21842 dans le cadre d'un pool d'assureurs
En principe seules les erreurs du juge situées dans le dispositif du jugement peuvent être rectifiées et pas celles de parties
Le juge ne peut statuer sans audience que s'il s'est assuré que toutes les parties avaient été destinataires de la requête Cass civ 2ème 21 février 2013 n°12-15105
Estoppel (et notions voisines)
Quelques points de la définition
L'indisponibilité / immutabilité de l'objet
L'estoppel
La Cour de Cassation a défini le principe de l’estoppel comme le « comportement procédural constitutif d'un changement de position de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions » (Cass. 1re civ., 3 févr. 2010, n° 08-21.288 et a ensuite défini la portée de ce principe d’interdiction de se contredire au détriment d'autrui (Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-22.888 ) au regard d'une obligation de loyauté processuelle.
La notion dite d’estoppel correspond au principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, et bien entendu c'est le contenu de l'assignation " L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice : ... 2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit" délimité à l'article 56 du CPC qui sera le meilleur indicateur des prétentions du demandeur, auquel s'ajouteront les conclusions échangées, et encore dans la limite de la recevabilité des demandes additionnelles. On peut sans doute également faire ici appel à l'article 1355 du code civil relatif à l'autorité de la chose jugée pour tenter de délimiter l'étendue du litige: la même chose demandée et la même cause
Ce principe de l'estoppel est issu du droit des contrats anglo-saxon, où il fonctionne comme une fin de non recevoir l’estoppel est soulevé dans les formes d’un moyen d’irrecevabilité et donc après les exceptions de procédure et en tout état de cause.
Le contractant qui se contredit est dit « estoppel », ce qui est un palliatif à l’absence de bonne foi dans la conception anglo-saxonne qui ne connait pas la notion de bonne foi usitée en droit Français
Pour autant l’origine du mot est française, et provient du mot « étouper » c’est-à-dire boucher, par exemple en le bâillonnant, un adversaire qu’on veut faire taire.
Le principe de l’estoppel s’est progressivement étendu dans d’autres domaines du droit, puis dans d’autres pays, pour sanctionner le comportement de la partie de mauvaise foi que se contredit avec l’espoir de contrecarrer les conséquences de ses précédentes prises de position.
Plus précisément le droit français s’est intéressé à l’estoppel en raison de son objectivité : il est plus aisé d’apprécier la contradiction entre deux prétentions successives que d’apprécier la bonne ou la mauvaise foi, toujours subjective.
Dans ces décisions, la jurisprudence a progressivement évoqué l’estoppel ou tout au moins en a retenu les principes et fait droit au moyen d’irrecevabilité du moyen invoqué contradictoire avec ceux déjà invoqués par la même partie :
-
Cass civ 1ère 14 novembre 2001 n°99-15690 à propos d’un emprunteur qui a demandé déblocage d’un prêt consécutif à la livraison du bien financé, pour ensuite prétendre qu’il n’avait pas été livré
-
Cass civ 1ère 5 février 2002 n°00-13652 à propos d’une partie qui prétendait qualifier une convention de donation alors qu’elle avait soutenu en première instance qu’il s’agissait d’une fusion à titre onéreux
-
Cass soc 16 mai 2004 n°06-43851 à propos d’une partie qui contestait la compétence d’une juridiction qu’elle a elle-même saisie
-
Cass com 8 mars 2005 n°02-15783 à propos d’une banque qui avait fait fonctionner deux comptes de manière indépendante avant de soutenir qu’il y avait unité de compte
-
Cass civ 1ère 6 juillet 2005 n°01-15912 qui vise expressément le principe de l’estoppel, relativement à une partie qui contestait un arbitrage qu’elle avait elle-même sollicité et auquel elle avait participé sans réserve
-
Cass civ 2ème 20 octobre 2005 n°03-13932 à propos d’une partie qui critiquait le rabat de l’ordonnance de clôture qu’elle avait elle-même sollicitée
-
Cass civ 2ème 8 décembre 2005 n°03-17336 pour une partie qui contestait la désignation d’un mandataire ad-hoc pour convoquer une assemblée, qu’elle avait elle-même sollicitée
-
Cass civ 3ème 11 janvier 2006 n°04-20723 à propos de la contestation devant la Cour de Cassation d’un bail dont la même partie avait reconnu la validité en première instance
-
Cass civ 2ème 11 janvier 2006 n°03-18984 à propos d’une décision qui indique que des pièces ne sont pas au débat alors qu’il n’est pas contesté qu’elles ont été communiquées et figurent au bordereau de pièces d’une partie
-
Cass civ 3ème 16 mai 2006 n°05-13910 à propos d’une partie qui contestait l’application d’un barème dont elle avait revendiqué l’application en première instance
-
Cass civ 1ère 20 juin 2006 n°04-19636 à propos de l’invocation par une partie d’un texte qu’elle savait inapplicable
-
Cass soc 20 septembre 2006 n°05-11730 pour un employeur qui contestait un accord d’entreprise qu’il avait lui-même invoqué
-
Cass soc 20 septembre 2006 n°04-41713 pour un salarié qui contestait la cause de son licenciement qu’il avait admise
-
Cass civ 3ème 28 janvier 2009 n°07-20891 à propos d’une compagnie d’assurance qui a invoqué un type de garantie pour obtenir paiement de sa prime, pour en contester ensuite l’application et ne pas assurer le litige
-
Cass com 20 septembre 2011 n°10-22888 qui vise expressément le principe suivant lequel « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui », à propos d’une partie qui invoquait le défaut de qualité pour agir de son adversaire qu’elle avait elle-même admis précédemment
La contradiction intra procès, c’est-à-dire dans la même procédure, est prohibée, même si elle porte sur « un changement de position en droit » c’est-à-dire sur la qualification juridique d’un fait : dans un très important arrêt du 3 février 2010 n°08-21288 la Cour de Cassation précise (a contrario) que l’estoppel peut être constitué avec un changement en droit, de la position d’une partie, de nature à induire une partie en erreur sur ses intentions. L'estoppel sera également constitué quand une partie adopte, dans un litige, une position exactement contraire à celle qu'elle a adoptée par ailleurs, hors le litige en question.
Les notions voisines de l'estoppel
Si on se réfère aux notions proches de procédure civile, il y a manifestement une proximité avec
le défaut d’intérêt légitime à agir
tel qu’il découle de l’article 31 du CPC (Cass civ 1ère 19 janvier 1983 n°81-16159 pour une partie qui entendait contester une décision qu’elle avait elle-même provoquée) et de l’article 122 du CPC
Le principe de loyauté des débats,
que le juge est chargé de faire respecter, et qui est incompatible avec le fait pour des plaideurs de soutenir des positions contradictoires au cours du procès.
Le principe de concentration des moyens qui impose aux parties de faire valoir dès l'origine l'ensemble des moyens qu'ils entendent soulever.
Voir concentration des moyens qui vise les moyens dans la même instance. C'est d'ailleurs une différence avec l'estoppel qui avant tout la contradiction entre les moyens invoqués dans un litige et des prises de position inverse hors tout litige.
Le principe de l'indisponibilité (et plus exactement d'immutabilité de l'objet) posé par l’article 4 du CPC et à l'article 56 du CPC (2°)
L’indisponibilité de l’objet est le principe qui pose les limites d’évolution du litige : a partir d’une assignation les parties ne peuvent faire « dériver » le litige qui s’éloignerait du litige originel, et le juge lui même, qui peut (et non pas doit, d'ailleurs) certes requalifier les faits, ne peut en modifier ni l'objet ni la cause (et s'il le faisait il statuerait ultra petita ce qui exposerais sa décision à voie de recours): le juge ne peut statuer que sur le litige.
Le juge ne peut donc le cas échéant qu'interpréter la volonté des parties mal formulée, mais ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer la volonté des parties: une erreur de qualification peut être rectifiée sur la rectification replace la prétention dans la volonté exprimée de la partie qui s'est mal exprimé: il en peut s'agit de rattraper les erreurs d'une partie qui commis des erreurs d'analyse et dont la volonté réelle est incompatible avec une décision favorable.
L'interprétation du juge doit être « exclusive de dénaturation ». Cass civ 1re 9 avril 2014 n° 13-16501 Cass civ 2eme 7 mai 2014 n° 13-15833
Ce principe d'indisponibilité s’impose donc tant aux juges qu’aux parties
Les parties ne peuvent pas modifier comme elles l'entendent le cadre de l'instance : c'est une disposition propre à garantir la liberté de la défense, et à circonscrire le litige à son emprise initiale, de telle manière qu’in fine le juge n’ait pas à juger un litige substantiellement différent de celui initié, le cas échéant avec des faits et des arguments de droit qui viendraient se greffer, au mépris parfois de la prescription des faits nouveaux invoqués.
La procédure civile admet cependant que les parties puissent présenter des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, sous réserve de se rattacher au litige par un lien suffisant, c'est à dire les demandes qui découlent nécessairement de la demande principale et/ou qui y sont virtuellement comprises
- article 4 du CPC: "L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant."
- article 70 du CPC Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.
- article 325 du CPC L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant
Elles ont aussi la possibilité de présenter des demandes nouvelles en appel (CPC, art. 564, 566 et 567), mais le juge d'appel peut soulever d'office l'irrecevabilité de la demande qui n'entrerait pas dans le cadre des textes
Le changement d'objet matériel n’est en principe pas admissible et conduit à l'irrecevabilité de la demande additionnelle qui en est le support.
Par exemple la demande de nullité d’une assemblée générale de copropriétaire ne permet pas ensuite d’y adjoindre la demande de nullité d’autres assemblées (Cass civ 3eme 30 mai 2012 n° 11-14.410,), et un litige qui porte sur un contrat ne peut être étendue à un autre au prétendu motif de connexité des demandes.
La jurisprudence est donc assez restrictive, pour éviter que l’évolution des prétentions amène à ce que ce soit un autre litige qui soit jugé : le changement d'objet matériel entraîne un changement d’objet et de cause de la demande, seules les parties restant les mêmes que dans le litige initial : il ne saurait s’agit du "lien suffisant" qui est condition de recevabilité d’une demande additionnelle.
-
Une demande de dommages et intérêts fondée sur un préjudice résultant de la chute de débris d’un plafond ne peut évoluer vers une demande tendant à des dommages intérêts pour des retards à réparer ce plafond
-
Une demande en distraction d'objets saisis ne peut se muter en une demande de nullité de la saisie (Cass. 2e civ., 21 févr. 1979 : 77-13505 )
-
une demande en revendication de propriété d'un fonds de commerce présentée par un sous-locataire ne peut découler d’un litige portant sur le renouvellement du bail (Cass. 3e civ., 7 déc. 1977 n°76-12386)
-
une demande en réduction de prix ne peut découler d’une demande en nullité de vente (Cass. com., 18 janv. 1984 n°82-11958)
-
une demande en nullité de la vente ne peut découler d’une demande de paiement du prix de vente (Cass. com., 23 févr. 1981 : N°79-15161).
-
Une action en responsabilité contractuelle et concurrence déloyale n’a pas de lien avec une action en violation d’un droit de propriété intellectuelle (Cass. com 11 sept. 2012, n° 11-21322)
L'irrecevabilité de la demande est présentée dans l'ordre procédural réservé aux fins de non recevoir.
L’autorité de la chose jugée
Voir le mot autorité de la chose jugée
Etat d'urgence COVID 19
COVID 19
Conséquences dans les différents domaines, droit des sociétés, aides publiques, procédures collectives, droit du travail, délais de procédure, loyers, contrats ....
Nous vous proposons deux rédactions distinctes
Synthèse rapide spécial procédures collectives
Analyse détaillée et textes généraux
Etat de cessation des paiements
Quelques points de la définition
Résumé sommaire de l'état de cessation des paiements et de ses conséquences
Définition de la cessation des paiements
Le débat passif exigible / passif exigé
Passif du c'est à dire définitivement fixé et non contesté
Le traitement des créances contestées dans l'analyse de la cessation des paiements
La cessation des paiements vue a posteriori : une notion évolutive dans le temps
La cessation des paiements dans la vie de l'entreprise
Traitement judiciaire de l'état de cessation des paiements
Ouverture de la procédure collective
Constat de la cessation et moment de cette appréciation (notamment en cas de recours)
Fixation de la date de cessation des paiements
La délimitation de la période suspecte
Généralités
Les difficultés d'une entreprise sont souvent annoncées par divers "clignotants" : baisse d'activité, résultat net négatif, délais de paiements, encaissements clients ralentis, récession du secteur, dépassement de découvert, baisse significative de trésorerie, retards dans l'établissement des déclarations fiscales et sociales, retards de règlements fiscaux ou sociaux, notification de redressement, accident affectant le chef d'entreprise ou l'entreprise.
Pour autant l'état de cessation des paiements est une situation particulière au delà de ces clignotants.
C'est le fait d'être en cessation des paiements
La loi impose au débiteur en "cessation des paiements" d'effectuer une "déclaration de cessation des paiements" ( voir ce mot) au greffe du Tribunal concerné, de manière à ce qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire soit ouverte.
La loi permet au Tribunal de sanctionner de l'interdiction de gérer (voir ce mot) le débiteur qui n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements dans les 45 jours ( la loi du 6 aout 2015 applicable à compter du 8 aout 2015 a ajouté le mot "sciemment")
Résumé sommaire de l'état de cessation des paiements et de ses conséquences
Au sens de la définition légale (article L631-1 du code de commerce), c’est l’impossibilité de faire face au passif exigible (c'est-à-dire aux dettes arrivées à échéance) avec l’actif disponible (c'est-à-dire avec les fonds dont l’entreprise peut immédiatement disposer).
Concrètement fait de ne pas disposer de la trésorerie pour payer à bonne date une dette non contestée.
La cessation des paiements doit obligatoirement donner lieu, par le chef d’entreprise, à une déclaration de cessation des paiements, qui doit être déposée au greffe du Tribunal compétent (voir Tribunal compétent).
La cessation des paiements est une condition d’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire.
La cessation des paiements est incompatible avec la procédure de sauvegarde.
(l'état de cessation des paiements n'est pas non plus semble-t-il incompatible avec un mandat ad-hoc, et une conciliation est également possible si l'état de cessation des paiements date de moins de 45 jours)
La preuve de l'état de cessation des paiements peut être rapportée par tout moyen, et, sans accorder d'effet de droit à l'état des créances qui avait été arrêté dans le cadre d'une procédure collective annulée, la Cour peut néanmoins se fonder sur les créances qui y figurent Cass com 21 octobre 2020 n°19-15015
Dans le jugement d’ouverture de la procédure (voir jugement d’ouverture), le Tribunal fixe la date de cessation des paiements, qui est la date à partir de laquelle le Tribunal considère que l’entreprise n’a plus été en mesure de faire face à ses dettes.
En conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014, et compte tenu de l'importance de la date de cessation des paiements, le texte a été modifié: lors du jugement d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire, le tribunal fixe la date de cessation des paiements. Le texte de l’article L631-1 alinéa 1 est modifié pour préciser que cette fixation a lieu «après avoir recueilli les observations du débiteur». Il y a donc débat sur cette date et sa fixation
Cette date peut en outre être modifiée, par jugement ultérieur du Tribunal, en fonction des constatations effectuées, et peut être fixée jusqu’à 18 mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure.
La période située entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure est souvent appelée « période suspecte » en raison du fait que le débiteur ou les créanciers qui ont connaissance de la situation peuvent être tentés d’accomplir des actes « douteux ».
Ces actes, accomplis pendant cette période, peuvent être annulés s’ils portent atteinte aux droits des créanciers (voir nullités de la période suspecte)
Définition de la cessation des paiements
La loi pose une définition, en deux alinéas de l’article L631-1 du code de commerce
Alinéa 1 : la notion stricto sensu : l’état de cessation des paiements est « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible ».
Alinéa 2 la délimitation de la notion « Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »
Concrètement la cessation des paiements est une notion de trésorerie : l’entreprise peut ou pas payer aujourd’hui ce qu’elle doit aujourd’hui. C’est ce qu’on appelle parfois l’arrêt du service de caisse. C’est donc une notion bien distincte et différente de la notion comptable d’insolvabilité : une entreprise solvable au sens comptable du terme, mais qui dispose des actifs immobilisés importants peut se trouver en état de cessation des paiements.
(le fait de ne pas établir une déclaration de TVA n'est évidemment pas un critère Cass com 11 avril 2018 n°16-24275 mais à l'inverse le fait pour un créancier de disposer d'une condamnation définitive et de vaines mesures d'exécution caractérise l'état de cessation des paiements Cass com 20 mars 2019 n°17-26602
Le seul défaut de paiement d'une dette n'est pas constitutif de l'état de cessation des paiements, s'il ne résulte que d'un refus de paiement (par exemple d'une dette faisant l'objet d'un pourvoi en cassation Cass com 29 octobre 2002 n°99-20418 et l'absence de fonds propres est indifférent de même que la dégradation de la trésorerie Cass com 20 mai 1997 n°93-21347 s'il n'est pas constaté que le passif exigible n'est pas payé à bonne date.
L'état de cessation des paiements doit être apprécié par la juridiction, et il ne suffit pas de constater que la situation financière de la société s'est améliorée ou qu'elle dispose des disponibilités pour payer une dette, il convient véritablement de se rapporter au passif exigible dans sa totalité Cass com 9 juin 2022 n°21-10475
Le tribunal n'a pas à apprécier la moralité de la demande, au regard notamment de la rupture de soutiens de la holding du débiteur Cass com 3 juillet 2012 n°11-18026 ou de celle du débiteur Cass com 14 septembre 2022 n°21-50014 (ancien directeur du centre national de transfusion sanguine condamné à restituer les indemnités perçues à l'occasion de son licenciement, qui s'était opportunément inscrit au RCS pour bénéficier d'une procédure collective, encore que dans ce cas la notion de fraude aurait peut-être pu être utilisée)
On peut essayer de préciser les deux composantes de l’état de cessation des paiements :
L’actif disponible
C’est bien la trésorerie utilisable, c’est-à-dire en premier lieu les disponibilités en banque (mais à la condition qu'elles soient utilisables voir par exemple pour un compte bancaire au Maroc Cass com 7 février 2018 n°16-26404) et la caisse mais également les ouvertures de crédit non utilisées ou la part de découvert autorisé non employé, deux notions que le texte appelle les réserves de crédit.
Ainsi un prêt amical destiné à solder une dette est bien un actif disponible, surtout si son remboursement n'est pas exigé et n'en fait pas un élément du passif exigible Cass com 14 décembre 2022 n°21-17706 . Le trésorerie disponible est prise en considération et la juridiction n'a pas à procéder par affirmation pour exclure certains versements Cass com 14 juin 2023 n°21-20130
Il n’est pas question de compter dans l’actif disponible le stock ou les immobilisations ou les commandes à réaliser en fonction de devis signés. La notion d'actif "valorisé" est indifférente, ce qui compte est la disponibilité immédiate Cass com 20 mars 2019 n°17-26416 et, par exemple un immeuble, même dont la vente est décidée, n'est pas un actif disponible Cass com 17 juin 2020 n°18-22747
Ceci dit il y a de très nombreux arrêts qui retiennent des solutions moins tranchées, et parfois contradictoires : quelques exemples :
- les chèques à remettre ne sont généralement pas pris en considération, au motif que la provision est incertaine mais parfois les chèques de banque le sont au motif que la provision est garantie (cf Cass com 17 novembre 2021 n°20-17547 )
- les créances à recouvrer ne sont pas prises en considération mais parfois la jurisprudence prend en considération les créances dont le remboursement est certain, subvention ou crédit de TVA, ce qui est un peu illusoire quand on connait le délai de remboursement et ne correspond pas stricto sensu à la définition de disponibilité. Par exemple " Attendu, en deuxième lieu, que, si le montant d'une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l'actif disponible, il résulte des conclusions de Mme X... que, non seulement, celle-ci n'indiquait pas dans quel délai elle escomptait percevoir le montant de la créance qu'elle invoquait sur le Trésor, mais que celle-ci était égale au montant total des sommes déclarées par le comptable public en 2007 diminué du montant global des décharges d'impositions qu'elle avait obtenues, à la fois par décision d'une juridiction administrative du 1er juin 2010 et par décision de l'administration du 3 août 2006, antérieure aux déclarations des créances fiscales, lesquelles n'ont, dès lors, porté que sur les sommes estimées encore dues, de sorte qu'il n'existait, au vu des conclusions, de certitude ni sur l'existence d'un solde en faveur de Mme X..., ni sur la possibilité de son encaissement dans des conditions éventuellement compatibles avec la notion d'actif disponible" Cass com 7 février 2012 n°11-11347
- le prix de vente d'un immeuble séquestré chez un notaire peut être inclus dans l'actif disponible au motif qu'il sont "disponibles à court terme au profit des créanciers" Cass com 5 décembre 2018 n°17-20065 mais il appartient au juge de vérifier que l'immeuble est bien vendu et le prix encaissé Cass com 24 mars 2021 n°19-21424
- les concours bancaires utilisables Cass com 18 mars 2008 n°06-20510 Cass com 15 février 2011 n°10-13625 . Voir également Cass com 5 Mai 2021 n°19-21327 sur une réserve de crédit
- De même en principe les créances à recouvrer sur une société du même groupe ne devraient pas être prises en compte, mais la jurisprudence l’admet parfois s’il est démontré qu’elles peuvent être payées immédiatement.
Indépendamment de ces précisions, la jurisprudence considère que le soutien qui ne sert qu’à retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ne peut être pris en considération : autrement dit si une entreprise est en état de cessation des paiements, et se fait prêter des fonds, le cas échéant à des conditions parfois anormales, pour gagner un peu de temps : il y a quand même cessation des paiements. Par exemple Cass com 1er juillet 2020 n°19-12068 pour un apport en compte courant.
Cette dernière position est, au premier abord, parfaitement critiquable, car la société qui bénéficie d'un soutien n'est pas en état de cessation des paiements.
Enfin la cessation des paiements est caractérisée dès lors que "la signature, le 10 septembre 2013, d'un protocole d'accord entre les SCI Les hauts de Dreuil, Le parc de Thésée et les Néréides, filiales de la société Novamonde immobilier, et la société IEGC, se traduisant par le règlement, par l'une d'entre elles, des travaux dus par les deux autres au moyen d'une dation en paiement, ce qui démontrait, selon le liquidateur, que la société Novamonde immobilier, détentrice de 99 % du capital de ces sociétés civiles de construction-vente, était incapable de reconstituer leur trésorerie, ou de les recapitaliser, car sa trésorerie était, elle-même, exsangue du fait des agissements frauduleux de son dirigeant" Cass com 24 mars 2021 n°19-23254, ce qui ramène la notion à la trésorerie disponible.
L’état de cessation des paiements est donc, à la marge, une notion vraiment difficile à cerner.
En conclusion ce qu’il faut retenir pour être rigoureux est que l’actif disponible est le total de ce qui peut être immédiatement décaissé par l’entreprise
La juridiction qui statue sur l'état de cessation des paiements ne peut se contenter de procéder par affirmation et doit vérifier la teneur de l'actif .Cass com 14 mars 2018 n°16-27187
Le passif exigible
Ce sont les sommes 1- exigibles et 2- effectivement dues.
Exigibles
C'est-à-dire qui ne font pas l’objet d’un accord d’échelonnement (que le texte appelle moratoire) : c’est le paiement qu’un créancier est en droit d’exiger immédiatement.
Evidemment on ne peut inclure dans le passif exigible une dette pour laquelle le créancier a par ailleurs accepté expressément un paiement différé.
Par contre une dette non recouvrée à l’échéance, c’est-à-dire non exigée, est exigible sauf preuve d’un accord du créancier : la négligence du créancier ne fait pas passer la dette du statut d’exigible à non exigible.
Il n'est pas nécessaire pour le créancier de disposer d'un titre pourvu que sa créance soit certaine liquide et exigible Cass com 28 juin 2017 n°16-10025
(Mais en principe on ne prend pas en considération dans le passif les apports en compte courant des associés, ce qui est assez singulier puisqu'il s'agit d'une créance sur la société, cette solution étant fortement discutable)
N'est pas exigible une créance fixée par une décision de justice frappée d'appel, y compris en cas de radiation de l'appel Cass com 13 septembre 2023 n°22-10211 (La Cour précise que la solution est applicable même si le jugement est assorti de l'exécution provisoire)
Enfin ce n'est pas parce que le créancier a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière que la juridiction est dispensé de vérifier que la créance est exigible Cass civ 2ème 14 septembre 2023 n°21-19459
Le débat passif exigible / passif exigé
La tentation est grande pour les débiteurs de soutenir que seul le passif exigé doit être pris en considération pour l'appréciation de l'état de cessation des paiements.
Une telle solution rend pratiquement impossible pour le créancier demandeur à l'ouverture d'une procédure collective, la démonstration des voies d'exécution effectuées par les autres créanciers, et limite d'autant le passif considéré.
La jurisprudence n'est pas véritablement entrée dans une telle distinction, que les textes n'incitent pas à retenir, puisqu'ils évoquent le passif exigible, qui est une notion strictement comptable.
Un arrêt de la Cour de Cassation est bien venu semer très provisoirement le trouble (Cass com 28 avril 1998 n°95-21969) avec la phrase "le passif à prendre en considération pour caractériser l'état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur", mais en réalité il s'agissait simplement de permettre au débiteur de justifier que certains de ses créanciers avaient accepté de différer le recouvrement de leur créance ... qui n'était donc plus exigible, et pas de fair bénéficier le débiteur d'un renversement de la charge de la preuve.
Plus précisément, si le débiteur entend invoquer des tolérances acceptées par ses créanciers, il lui appartient d'en justifier, et ce n'est ni au demandeur ni aux juges de rechercher ces éléments " la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif" Cass com 27 février 2007 n°06-10170
Dues c’est-à-dire définitivement fixées et non contestées.
Définitivement fixées : une créance n’est par exemple pas définitivement fixée si elle découle d’une décision de justice frappée de recours, même frappée d'exécution provisoire Cass com 2 mars 2022 n°20-22021, ou d’une injonction de payer frappée d’opposition.
Par contre si une décision définitive a été rendue, la créance est définitivement fixée (par exemple pour des saisies attribution infructueuses Cass com 16 janvier 2019 n°17-18450 ou Cass com 11 décembre 2019 n°17-20230 et 17-20283
Non contestées, c’est la notion la plus difficile à cerner car évidemment le débiteur peut, par pure opportunité soutenir que la créance du poursuivant est contestée.
En effet le refus de paiement n’est pas l’état de cessation des paiements (Cass com 25 février 1997 n°95-18607 )
La question s’était posée à propos des certains commerçants qui contestaient la légalité des cotisations sociales : ce refus de paiement ne constituait pas l’état de cessation des paiements.
S’il s’agit de refuser d’exécuter une décision de justice définitive ou un titre exécutoire, le tribunal peut considérer que la contestation n’est pas juridiquement fondée. La Cour de cassation a eu en outre l'occasion de préciser que le Tribunal n'est pas compétent pour prendre position sur l'existence ou le montant d'une créance fiscale, qui ne peut être contestée que dans les formes de la contestation prévues au livre des procédures fiscales (en outre en l'espèce il s'agissait d'un avis de mise en recouvrement contre lequel la réclamation avait été rejetée Cass com 11 avril 2018 n°16-23019
De même une contrainte délivrée par un organisme de sécurité sociale, qui fait l'objet, sans succès, d'un recours devant la commission des recours amiable doit être considérée comme exigible et non contestée dès lors qu'elles n'ont pas donné lieu à un recours juridictionnel et sont devenues définitives Cass com 9 septembre 2020 n°18-24262
C’est plus compliqué si c’est une facture par exemple.
A priori il semble que le tribunal puisse apprécier le caractère dilatoire de la contestation (Cass com 22 novembre 2023 n°22-19768 a contrario), et retenir comme indice par exemple le caractère systématique des contestations.
En tout état, au-delà d’une définition assez évidente, on a parfois une jurisprudence très vague.
Ce qui est certain c'est que la juridiction doit constater que la créance est expressément contestée
Vu les articles L. 631-1, L. 640-1 et L. 640-5 du code de commerce :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un créancier peut assigner son débiteur en redressement ou liquidation judiciaire lorsqu'il se prévaut d'une créance exigible non contestée par le débiteur, que ce dernier n'est pas en mesure de payer avec son actif disponible.
4. Pour rejeter la demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, l'arrêt, après avoir constaté que Mme [R] contestait la validité du contrat d'approvisionnement dont elle demandait l'annulation outre le paiement des dommages et intérêts pour des fautes que la société Casino aurait commises dans l'exécution du contrat, en déduit que la créance de cette dernière, qui ne fait pas l'objet d'un titre exécutoire, est litigieuse et que l'état de cessation des paiements de Mme [R] n'est pas caractérisé.
5. En se déterminant ainsi, sans constater ni que Mme [R] contestait devoir à la société Casino la créance résultant des factures invoquées et produites aux débats ni qu'elle prétendait être en mesure de la payer mais s'y refusait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Cass com 19 avril 2023 n°20-19401
La notion de créance contestée et l’appréciation de l’état de cessation des paiements
L’appréciation de l’état de cessation des paiements repose sur la comparaison entre l’actif disponible et le passif exigible.
Comme déjà indiqué, il n’est pas question d’inclure dans le passif exigible des dettes contestées, mais il n’est pas non plus question d’exclure des dettes que le débiteur refuse de payer sans raison.
Un équilibre doit être trouvé entre les possibles excès d’un créancier qui réclame une dette fantaisiste, le cas échéant par malveillance, et le débiteur qui refuse abusivement de payer et invoque cet argument pour prétendre qu’il n’est pas en état de cessation des paiements.
Ce sont les dettes certaines, liquides et exigibles qui sont prises en considération, mais la notion de « dette certaine » est assez mal définie.
Evidemment si le créancier dispose d’un titre exécutoire ne faisant pas l’objet de recours, l’exigibilité sera incontestable et le refus de paiement mal fondé : la dette présente les caractéristiques pour être prise en compte dans l’appréciation de l’état de cessation des paiements (Cass com 3 Mai 2011 n°10-15170).
Mais même si le créancier ne dispose pas d’un titre, il peut évidemment prétendre à être pris en considération, mais dans ce cas le juge est le cas échéant amené à porter une appréciation sur le bien-fondé d’une éventuelle contestation.
Ainsi une créance sérieusement contestable et contestée n’est pas prise en considération.
C’est le cas par exemple
-
d’une créance constatée par une ordonnance de référé, mais qui fait l’objet d’une instance au fond (Cass com 22 Février 1994 n°92-11634)
-
d’une créance fixée par une décision dont l’appel est pendant (Cass com 16 Mars 2010 n°09-12539)
-
d’une créance soumise aux juges du fond (Cass com 25 Novembre 2008 n° 07-20972, Cass com 9 Février 2010 n° 09-10880).
-
d'une créance fiscale faisant l'objet d'un recours Cass com 11 avril 2018 n°16-24275 ou d'une réclamation avec demande de sursis de paiement Cass com 15 mai 2019 n°18-14309 ou encore d'une créance fiscale sur laquelle la Cour administrative n'a pas statué Cass com 9 décembre 2020 n°19-14437
La cessation des paiements vue a posteriori : une notion évolutive ?
Dans le cadre d'un report de la date de cessation des paiements, les juges vont examiner la situation de l'entreprise en remontant dans le temps jusqu'à trouver la date de cessation des paiements.
La Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur le cas d'une entreprise qui, dans le chronologie, s'est trouvée en état de cessation des paiements, puis a solutionné la question puis s'est trouvée à nouveau en état de cessation des paiements.
De fait, la cessation des paiements n'est pas un état nécessairement constant.
Les juges ont considéré que le premier état de cessation des paiements était conjoncturel et ponctuel et que c'est le second qu'il convenait de considérer. Cass com 3 octobre 2018 n°17-14561 et 17-14080 et également Cass com 13 novembre 2007 ,n°06-18925 ou Cass com 24 mars 2004 n°01-10927 Cass com 14 janvier 2004 n°02-12019 qui retiennent que l'état de cessation des paiements a disparu
Ces situations ne sont pas évoquées par les textes, mais du point de vue académique il nous semble qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'évolution de la situation et qu'il faut se positionner à l'instant du constat de l'état de cessation des paiements le plus ancien, peu important que par des recours au crédit (ou à la vente d'un actif non disponible) cet état ait disparu par la suite. Les textes n'exigent pas en effet que soit démontrée la date de cessation des paiements et la persistance de l'état de cessation des paiements jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure.
Eléments de la définition pour différencier les conditions d'ouverture d'une sauvegarde ou d'un redressement et d'une liquidation judiciaires
On retrouve les éléments de la définition de la cessation des paiements dans les documents nécessaires pour l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires d’une part, d’une sauvegarde d’autre part :
En effet, l’article R631-1 du code de commerce précise les documents nécessaires lors d’un dépôt de déclaration de cessation des paiements et pour retrouver la définition de la cessation des paiements ou plus précisément ce qui permet de la déceler, on peut prendre ce texte en parallèle avec l’article R621-1 qui liste les documents nécessaires pour l’ouverture d’une sauvegarde :
Les différences (surlignées ci dessous) mettent en exergue le fait que dans le cas de la demande de sauvegarde figurent dans les documents à déposer des états permettant de vérifier qu’il n’y pas état de cessation des paiements : un état de la trésorerie et un état des dettes à payer dans les 30 jours et des recouvrements à effectuer dans les 30 jours, c’est-à-dire qu’il s’agit de vérifier que l’entreprise dispose de la trésorerie pour payer l’exigible.
« La demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent.
A cette demande sont jointes, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces ci-après :
1° L'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de cessation des paiements ;
2° Un extrait d'immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l'article R. 621-8 ;
3° Une situation de trésorerie datant de moins d'un mois ;
4° Le nombre des salariés employés à la date de la demande, le nom et l'adresse de chacun d'entre eux et le montant du chiffre d'affaires, défini conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article R. 123-200, apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable ;
5° L'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers et, pour les salariés, le montant global des sommes impayées ;
6° L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
7° L'inventaire sommaire des biens du débiteur ;
8° S'il s'agit d'une personne morale comportant des membres responsables solidairement des dettes sociales, la liste de ceux-ci avec l'indication de leur nom et domicile ;
9° Le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés ;
10° Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l'ouverture de la procédure de conciliation ainsi que l'autorité qui y a procédé ;
11° Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la désignation de l'ordre professionnel ou de l'autorité dont il relève ;
12° Lorsque le débiteur exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement, la copie de la décision d'autorisation ou d'enregistrement ou la déclaration.
Ces documents sont datés, signés et certifiés sincères et véritables par le demandeur. Ceux qui sont mentionnés aux l°, 2°, 5°, 6°, 7° et 8° sont établis à la date de la demande ou dans les sept jours qui précèdent.
Dans le cas où l'un ou l'autre de ces documents ne peut être fourni ou ne peut l'être qu'incomplètement, la demande indique les motifs qui empêchent cette production. »
Ce texte marque bien la différence avec la demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde :
Article R621-1 rappel des documents à joindre à la demande de sauvegarde :
La demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent. Elle expose la nature des difficultés qu'il rencontre et les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure de les surmonter. Elle précise s'il s'engage à établir l'inventaire dans les conditions prévues à l'article L. 622-6-1 ainsi que le délai nécessaire à l'établissement de celui-ci ou s'il demande la désignation par le tribunal d'une personne chargée de réaliser l'inventaire en application du sixième alinéa de l'article L. 621-4.
A cette demande sont jointes, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces ci-après :
1° Un extrait d'immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l'article R. 621-8 ou, le cas échéant, le numéro unique d'identification ;
2° Une situation de trésorerie ;
3° Un compte de résultat prévisionnel ;
4° Le nombre des salariés employés à la date de la demande et le montant du chiffre d'affaires, défini conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article R. 123-200, apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable ;
5° L'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers ainsi que, par créancier ou débiteur, le montant total des sommes à payer et à recouvrer au cours d'une période de trente jours à compter de la demande ;
6° L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
7° L'inventaire sommaire des biens du débiteur ;
8° Le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés ;
9° Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l'ouverture de la procédure de conciliation ainsi que l'autorité qui y a procédé ;
10° Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la désignation de l'ordre professionnel ou de l'autorité dont il relève ;
11° Lorsque le débiteur exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement, la copie de la décision d'autorisation ou d'enregistrement ou la déclaration ;
12° Lorsque le débiteur propose un administrateur à la désignation du tribunal, l'indication de l'identité et de l'adresse de la personne concernée.
Ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le débiteur. Ceux qui sont mentionnés aux 1° à 7°, à l'exception du 4°, sont établis à la date de la demande ou dans les sept jours qui précèdent.
Dans le cas où l'un ou l'autre de ces documents ne peut être fourni ou ne peut l'être qu'incomplètement, la demande indique les motifs qui empêchent cette production.
Que marque la cessation des paiements dans la vie de l'entreprise ?
Toute entreprise peut rencontrer des difficultés, et évidemment il appartient avant tout au chef d’entreprise de les résoudre.
Pour autant, d’expérience, on peut dégager quatre idées majeures :
Idée 1 : A partir du moment où l’entreprise n’est plus en mesure de payer ses dettes, ses difficultés peuvent se répercuter sur ses créanciers, et par voie de cascade avoir des conséquences sur l’environnement économique de l’entreprise. On dépasse le cercle de l’entreprise pour empiéter sur l’ordre public économique.
Idée 2 : plus les difficultés sont prises tôt, plus on a des chances de les résoudre de manière efficace.
Idée 3 : A partir d’un certain niveau de difficulté l’entreprise ne pourra pas solutionner seule ses problèmes et il ne faut pas laisser le chef d’entreprise livré à lui-même.
Il est inquiet et peut prendre de mauvaises décisions, il peut être menacé par certains créanciers et leur céder, il peut vouloir favoriser certains créanciers amis ou dont sa famille est caution, il peut aussi vouloir préparer sa future activité et mette de côté des clients, des créances, des actifs.
Idée 4 : On ne peut pas payer tous les créanciers, mais pour autant il n’y a pas de raison pour que certains soient favorisés au détriment d’autres de la même catégorie. Il faut éviter que le plus « gros » , le plus fort, le plus riche, ou tout simplement le premier informé se serve avant les autres.
Ce moment critique, à partir duquel le droit estime qu’il doit prendre l’entreprise en main est précisément l’état de cessation des paiements.
Le traitement judiciaire de la cessation des paiements
Le traitement judiciaire de l’état de cessation des paiements va se traduire dans trois étapes du droit des difficultés des entreprises, qui sont la suite logique des idées ci-dessus et notamment la nécessité que l’entreprise soit prise en main, les craintes que le débiteur ne prenne pas les bonnes décisions, et les conséquences sur l’ordre public économique.
On peut dégager trois conséquences judiciaires de la cessation des paiements :
Conséquence 1 de l’état de cessation des paiements : l’ouverture de la procédure
Conséquence 2 la délimitation de ce qu’on appelle la période suspecte, nous verrons ce que c’est
Conséquence 3 les sanctions.
Conséquence 1 l’ouverture de la procédure collective
quelle procédure collective, comment le tribunal est saisi, la procédure à respecter, le jugement.
Quelle procédure ?
La cessation des paiements est le moment déclencheur à partir duquel la loi estime que l’entreprise doit être encadrée judiciairement, c’est-à-dire à partir duquel une procédure doit obligatoirement être ouverte.
Une procédure doit obligatoirement être ouverte, ce qui suppose une démarche volontaire ou subie de l’entreprise : l’entreprise est dans une situation où on n’a pas le choix ou plus exactement n’a qu’un choix :
Les textes posent en effet une obligation pour le débiteur :
L 631-4 du code de commerce pour le redressement judiciaire « L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »
Article L640-4 du code de commerce, pour la liquidation judiciaire, identique :
L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
A partir du moment où l’entreprise est en état de cessation des paiements, elle a un seul choix : demander l’ouverture d’une procédure collective ou une conciliation
On peut rappeler que la conciliation est une procédure confidentielle, qui a du sens si on a des chances de trouver un accord avec les principaux créanciers, mais par contre n’offre pas les possibilités de contraindre les créanciers à accepter des délais longs.
Donc sauf demande de conciliation, l’entreprise en état de cessation des paiements doit demander l’ouverture d’une procédure collective.
Laquelle des procédures ?
Il existe trois procédures collectives en droit positif : la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.
Pour schématiser elles "marchent" par deux :
La sauvegarde et le redressement judiciaire tendent à permettre la poursuite de l’activité pour que l’entreprise propose un plan de remboursement à ses créanciers, alors que la liquidation judiciaire tend à l’arrêt de l’activité et à la vente des actifs au profit des créanciers.
A quelques nuances près d’ailleurs la sauvegarde et le redressement judiciaires fonctionnent exactement de la même manière, et d’ailleurs pour l’essentiel les textes sont les mêmes.
Mais il y a un autre "couple" : la condition de l’ouverture du redressement et la liquidation judiciaire est que l’entreprise soit en état de cessation des paiements.
La procédure de sauvegarde ne peut être ouverte qu’à l’encontre d’une entreprise qui connait des difficultés qu’elle ne peut surmonter mais qui n’est pas en état de cessation des paiements et qui décide, sans y être légalement obligée et c’est là la nuance qui nous intéresse, de demander l’assistance de la loi, c’est l’image tirée du droit américain « se mettre sous la protection de la loi ». La demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde est une démarche volontaire, à la différence d’une déclaration de cessation des paiements qui est une démarche légalement obligatoire.
Il y a donc un "aiguillage" dans les procédures disponibles : cessation des paiements = redressement ou liquidation judiciaire (sauf conciliation), et pas sauvegarde.
Comment le tribunal est saisi de la cessation des paiements ?
A priori le tribunal devrait être saisi de l’état de cessation des paiements par le débiteur. Mais il peut aussi l’être par un créancier ou le Parquet
Par le débiteur :
L’article L 631-4 du code de commerce dispose « L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »
C’est le débiteur mieux que personne d’autre qui connait la trésorerie de son entreprise.
Concrètement le tribunal devrait toujours être saisi par le débiteur qui déclare son état de cessation au greffe, ce qu’on appelle improprement le dépôt de bilan.
Ceci dit, si logiquement c’est le débiteur qui doit saisir le tribunal, le débiteur ne fait pas toujours le nécessaire, bien souvent il y a un cap psychologique difficile à dépasser pour admettre que les efforts parfois de toute une vie conduisent à un échec, parfois aussi le débiteur préfère poursuivre son activité pour des raisons moins avouables.
La loi prévoit donc aussi que le Tribunal peut être saisi de l’assignation d’un créancier ou par le ministère public
Par d’autres que le débiteur : un créancier ou le ministère public
L’article L631-5 du code de commerce pour le redressement judiciaire prévoit la possibilité pour un créancier ou le Parquet de saisir le Tribunal (avec toujours l’exception de la conciliation)
« Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance »
L’article L640-5, prévoit des dispositions identiques pour la liquidation
Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance
L’article R631-2 du code de commerce précise le contenu de l’assignation d’un créancier
« L'assignation d'un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. »
On remarque dans les modes de saisine que le Tribunal ne peut plus se saisir d’office pour ouvrir une procédure même si le Président est informé de l’état de cessation des paiements par exemple par un entretien de prévention.
La saisine d’office qui existait dans le texte initial a en effet été censurée par le Conseil Constitutionnel qui a considéré qu’il existait un risque que le tribunal qui se saisit d’office préjuge de sa décision à venir et ne soit pas impartial, ou tout au moins qu’il existait un risque que le justiciable ait ce sentiment.
Il n’y a donc plus de saisine d’office dans les textes actuels pour ouvrir une procédure, ce qui fait qu’en pratique si le Président du tribunal est informé de la cessation des paiements, par exemple par un entretien de prévention, il ne peut qu’en référer au Parquet qui pourra saisir le tribunal.
Ce processus est codifié dans l’ordonnance du 12 mars 2014, premier texte intervenu depuis les décisions du conseil constitutionnel, qui entre en vigueur le 1er juillet 2014, pour les procédures ouvertes à compter de cette date : le Président qui aura informé le Parquet ne pourra siéger dans la formation du Tribunal.
Le créancier qui demandé l'ouverture d'une procédure collective doit rapporter la preuve de l'état de cessation des paiements Cass com 23 septembre 2020 n°18-26143
La procédure à respecter
Dans tous les cas le débiteur est convoqué en chambre du conseil pour être entendu.
Le support de la convocation est soit la déclaration de cessation des paiements, soit l’assignation d’un créancier qui va devoir démontrer au tribunal qu’il a une dette certaine et exigible, ce qui reprend la définition du passif exigible, et que l’entreprise n’a pas d’actif disponible pour le payer, ce qui est l’autre partie de la définition.
Et c’est la partie la plus difficile à démontrer quand on est créancier et qu’on n’a pas accès aux relevés de comptes de l’entreprise : bien souvent le défaut de paiement et les vaines tentatives de recouvrement sont admis comme démonstration de l’absence d’actif disponible.
Que se passe-t-il si le débiteur ne se présente pas ?
S’il ne se présente pas sur l’assignation d’un créancier ou sur la saisine du Parquet, le tribunal peut évidemment passer outre, et il serait trop facile de retarder un jugement en ne se présentant pas.
La seule chose est que la liquidation judiciaire doit être ouverte si le redressement est manifestement impossible et que le Tribunal risque d’avoir du mal à avoir des certitudes sur cette question, et il peut dans ce cas être prudent d’ouvrir un redressement judiciaire.
Mais même en l’absence du débiteur le tribunal peut prononcer la liquidation judiciaire, s’il a par exemple des informations sur la fermeture de l’entreprise ou sur sa radiation du registre du commerce, ou encore la clôture d’une liquidation au sens du droit des sociétés.
L’absence du débiteur est plus problématique ou en tout cas plus singulière sur dépôt de déclaration de cessation des paiements.
L’article L621-1 du code de commerce, qui est un texte de la sauvegarde (procédure dans laquelle il y a une demande d’ouverture mais pas évidemment de déclaration de cessation des paiements), dispose :
« Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Il peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile. »
L’article L631-7, relatif au redressement judiciaire dispose :
« Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-3 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire. »
Dans la partie liquidation du code de commerce, l’article L641-1 dispose lui aussi
« I.-Les articles L. 621-1 et L. 621-2 sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire. »
Ainsi dans les trois cas, quand c’est le débiteur qui demande l’ouverture de la procédure, le tribunal statue « le débiteur entendu ou dument appelé » : la procédure peut donc être ouverte même si le débiteur ne se présente pas à l’audience, évidemment à la condition qu’il ait régulièrement déposé son dossier au greffe, et que la déclaration de cessation des paiements permette de se faire une idée sur l’état de cessation des paiements et de prononcer la décision.
On est donc dans un processus singulier, puisque devant le Tribunal de commerce la procédure est dite orale, c’est-à-dire qu’en principe un demandeur doit impérativement se présenter à l’audience pour soutenir ses demandes écrites.
Le jugement qui statue sur l’existence de la cessation des paiements et l’ouverture de la procédure:
Indépendamment de la désignation du juge commissaire et des mandataires de justice, ce jugement présente trois aspects majeurs :
La constatation de la cessation des paiements
le choix de la procédure
la fixation de la date de cessation des paiements
Aspect 1 du jugement d’ouverture : La constatation de la cessation des paiements (et le moment de cette appréciation)
Il faut revenir à des notions fondamentales de la procédure civile : le juge doit statuer sur ce tout ce qui lui est demandé, et rien que ce qui lui est demandé.
Ce qui est avant tout demandé est de constater l’état de cessation des paiements.
L'appréciation de l'état de cessation des paiements se fait au jour où la juridiction statue et non pas au jour de l'assignation Cass com 14 janvier 2004 n°02-12019 ( y compris en cause d'appel, où la cessation des paiements est appréciée au jour où la Cour statue Cass com 30 juin 2009 n°08-14121 Cass com 6 octobre 1992 n°90-18992, Cass com 6 juillet 1999 n°96-21292, Cass com 14 novembre 2000 n°98-14672, Cass com 3 avril 2001 n°98-16070, Cass com 23 novembre 2004 n°03-15837, Cass com 9 février 2010 n°09-10173
Si un créancier assigne une entreprise en redressement judiciaire, il prétend avant tout qu’elle est en état de cessation des paiements, ce qui ne se limite pas à sa créance, et c’est là que souvent il y a des malentendus.
On peut citer à nouveau l’article R631-2 qui précise le contenu de l’assignation d’un créancier
« L'assignation d'un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. »
Il n’y a pas que la créance, il y a l’état de cessation des paiements. Le créancier qui assigne c’est celui qui se décide à agir non pas pour lui seul mais pour déclencher un processus qui intéresse tous les créanciers.
On peut ajouter l’article R631-2 alinéa 2 qui dispose: « La demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est à peine d'irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire. »
Autrement dit, un créancier ne peut pas utiliser le « chantage » à l’assignation en paiement dans laquelle il demande subsidiairement le redressement ou la liquidation judiciaire.
Pour autant évidemment dans le contexte d’une assignation en redressement ou en liquidation judiciaire, il est fréquent que le débiteur paye le créancier pour mettre un terme à l’instance : c’est parfaitement possible si on ne perd pas de vue le contrôle de l’état de cessation des paiements.
Il faut à ce sujet bien distinguer les situations :
- la dette est payée intégralement et le créancier se désiste, le tribunal est dessaisi et ne peut ouvrir de procédure.
a dette est payée intégralement et le créancier demande la radiation de l’affaire.
Or l’article 381 du code de procédure civile dispose « La radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties. Elle emporte suppression de l'affaire du rang des affaires en cours. »
Ce n’est donc pas, à la lettre du texte, la mesure adaptée, et ce qui pourrait être demandé de manière plus pertinente est un retrait du rôle, prévu par l’article 382 du code de procédure civile qui dispose « Le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée » (encore faudrait-il une demande écrite).
Ceci dit la pratique de la radiation tend à éviter une nouvelle assignation et des frais supplémentaires, et même si ce n’est pas très académique, on arrive concrètement (sinon juridiquement) au même résultat qu’avec un désistement et le pratique est bien compréhensible et efficace.
La seule différence est que si véritablement le Tribunal considère qu’il y a état de cessation des paiements malgré le paiement de la dette, il peut refuser la demande de radiation et ouvrir la procédure. Le seul moyen procédural de dessaisir le Tribunal reste le désistement.
- un acompte est payé, et un renvoi est demandé par les parties pour trouver un accord ultérieur sur le solde de la dette, ou en raison d’un accord d’échelonnement, et s’assurer du bon encaissement de l’acompte.
C’est dans cette situation que bien souvent les juridictions procèdent à un arbitrage entre une politique qui consiste à laisser toutes les chances à l’entreprise et une attitude trop rigoureuse.
En effet le fait que le créancier accepte un acompte et demande le renvoi pour le solde signifie que la dette n’est pas exigible au sens de la définition de l’état de cessation des paiements.
Ainsi logiquement le tribunal devrait débouter le créancier de sa demande de redressement ou de liquidation judiciaire.
Une telle pratique pourrait par la suite conduire à une nouvelle assignation et à des frais supplémentaires s’il advient qu’il y ait des difficultés pour le solde de la créance, et amener les créanciers à refuser des acomptes pour ne pas s’exposer à des frais supplémentaires.
Pour cette raison le système des renvois est finalement un processus efficace, qui ne nuit pas à l’entreprise.
Reste que le Tribunal peut rencontrer des situations extrêmes dans lesquelles l’acompte n’est fait que pour gagner du temps et ne fait que retarder l’ouverture de la procédure : dans ce cas c’est peut-être un service à rendre au dirigeant que de lui éviter la possibilité d’emprunter à fonds perdu des fonds à des proches, et il peut être pertinent d’ouvrir la procédure nonobstant les demandes des parties.
Le Tribunal a donc, évidemment, le contrôle de l’opportunité de la décision à rendre entre une décision de renvoi qui permettra à l’entreprise, par l’échelonnement qu’elle constate, de sortir de ses difficultés, et l’ouverture d’une procédure en raison de difficultés qui ne pourront être résolues même avec le renvoi.
- La dernière situation, à l’opposé, est celle du débiteur qui fait une déclaration de cessation des paiements alors qu’il n’a aucun passif, pour se débarrasser de l’entreprise sans faire les formalités : évidemment le Tribunal peut le débouter de sa demande de liquidation judiciaire
Si le Tribunal constate la cessation des paiements (premier aspect du jugement), il va ouvrir une procédure. C’est le second aspect du jugement d’ouverture.
Aspect 2 du jugement d’ouverture : le choix de la procédure :
Au-delà de ce premier aspect du jugement d’ouverture, si l’état de cessation des paiements est constaté, on rencontre l’aiguillage redressement ou liquidation judiciaire
Redressement judiciaire = possibilités de redressement
Liquidation judiciaire = arrêt d’activité et pas de possibilité de redressement.
Là encore le tribunal ne peut statuer qu’à l’intérieur de ce qui lui est demandé (on dit de sa saisine), et ne peut statuer « ultra petita », c’est-à-dire au-delà de la cause qui lui est soumise. Il s’agit de dispositions générales de procédure, qui s’appliquent sauf quand un texte particulier donne au juge le pouvoir de soulever d’office certains points de procédure (par exemple le juge peut soulever d’office son incompétence)
Et concernant le choix de la procédure, le Conseil Constitutionnel a progressivement déclaré inconstitutionnelle la majorité des dispositions permettant la saisine d’office du tribunal, qui existait dans les premiers textes (et en tout état il fallait une nouvelle convocation du débiteur, la saisine d’office ne pouvant s’opérer sur le champ).
Donc :
- Le Tribunal est saisi d’une demande de redressement judiciaire, il ne peut pas prononcer la liquidation judiciaire sur le champs, même s’il apparait par exemple que l’entreprise n’a aucune activité. Il faudrait pour ce faire que durant l’audience et au contradictoire du débiteur la demande de liquidation soit formulée – et que ça soit acté par le greffe-. Il peut par contre se saisir d'office et faire convoquer le Tribunal aux fins de liquidation. L'ordonnance du 26 septembre 2014 est venue apporter des précisions à ce sujet en modifiant les articles L631-7 et L641-1 du code de commerce: s'il apparait lors des débats sur l'ouverture du redressement que c'est la liquidation judiciaire qui est la procédure adaptée, le débiteur qui avait demandé l'ouverture d'un redressement judiciaire est invité à présenter ses observations sur l'éventualité d'un liquidation, et le tribunal peut alors ouvrir l'un ou l'autre des procédures. A priori cette "passerelle" ne s'applique que sur déclaration de cessation des paiements et pas sur poursuites d'un créancier.
- Le Tribunal est saisi d’une demande de liquidation judiciaire et finalement il apparait que l’entreprise est viable : il ne peut pas prononcer le redressement judiciaire sauf si à l’audience la demande initiale évolue. Et comme la liquidation judiciaire peut-être catastrophique si l’entreprise est en activité, le Tribunal doit débouter le demandeur même s’il y a cessation des paiements puisqu’une des conditions de sa demande, à savoir l’impossibilité de se redresser, n’est pas remplie.
C’est la raison pour laquelle la loi permet, et la pratique retient le plus souvent une demande de redressement et subsidiairement de liquidation ou une demande de liquidation et subsidiairement de redressement judiciaire.
L’article R631-2 alinéa 2 du code de commerce dispose en effet « La demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est à peine d'irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire. »
Il existe un texte similaire pour la demande de liquidation : l’article R640-1 alinéa 2 qui dispose lui aussi : « La demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire présentée par un créancier est à peine d'irrecevabilité, qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire formée à titre subsidiaire. »
L'ordonnance du 26 septembre 2014 est venue apporter des précisions à ce sujet en modifiant l'article L641-1 du code de commerce: s'il apparait lors des débats sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire, il s'évère que c'est le redressement judiciaire qui est la procédure adaptée, le débiteur qui avait demandé l'ouverture d'une liquidation judiciaire est invité à présenter ses observations sur l'éventualité d'un redressement, et le tribunal peut alors ouvrir l'un ou l'autre des procédures. Mais reste que cette "passerelle" ne s'applique que sur déclaration de cessation des paiements et pas sur poursuites d'un créancier.
Ce n’est donc que si la demande est formulé par le créancier, ou si le débiteur demandeur s'en explique que le Tribunal peut effectuer des « passerelles » entre les deux procédures lors de l’examen à l’audience de la demande d’ouverture de la procédure.
A défaut, le Tribunal ouvre ou pas la procédure qui est demandée, mais pas une autre.
Reste à fixer la date de cessation des paiements dans le jugement d’ouverture.
Aspect 3 du jugement d’ouverture : la fixation de la date de cessation des paiements
La loi dit que le tribunal qui prononce le redressement ou la liquidation judiciaires fixe la date de cessation des paiements Cette date est mentionnée dans le jugement (et le texte précise que si le tribunal oublie de la préciser elle est réputée être la date du jugement).
L’article L631-8 du code de commerce alinéa 1dispose en effet : « Le tribunal fixe la date de cessation des paiements. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure"
C’est la première fixation de la date de cessation des paiements.
En pratique le jugement n’est jamais prononcé le premier jour de l’état de cessation des paiements, ne serait-ce qu’en raison des délais de procédure.
En principe faute d’autre observation, il est légitime en cas de déclaration de cessation des paiements de fixer la date au plus tard au jour du dépôt au greffe, et en cas d’assignation d’un créancier au jour de l’exigibilité de la dette invoquée.
Ceci dit, la date fixée peut être très avant, et par exemple des inscriptions de privilèges d’URSSAF ou du Trésor Public peuvent être révélateurs des premières impasses de trésorerie et de l’état de cessation des paiements.
Le Tribunal peut parfaitement lors de la comparution du chef d’entreprise collecter des indications permettant de fixer plus précisément la date de cessation des paiements, jusqu’à 18 mois avant le jugement, et il est alors prudent de faire acter par le greffe les indications données, et de les relater dans la décision pour que la date retenue soit motivée.
D’ailleurs l’ordonnance du 12 mars 2014 entrée en vigueur le 1er juillet 2014 a modifié les textes et désormais il faudra, lors de la comparution du débiteur en chambre du conseil, lui demande ses observations sur la date de cessation des paiements. Le texte de l’article L631-1 alinéa 1 est en effet modifié pour préciser que cette fixation a lieu «après avoir recueilli les observations du débiteur»
Cette date de cessation a son importance, et c’est la seconde des conséquences de la cessation des paiements.
Conséquence 2 de la cessation des paiements : la délimitation de la période suspecte
Délimitation initiale de la période suspecte
Contrairement à ce qu’on pense souvent, cette date est très importante, car c’est la date à partir de laquelle l’entreprise est en difficulté insurmontable : à partir de là on ne peut continuer l’activité qu’en jonglant avec les créances et les dettes, les découverts …
Aussi, à partir de là, le chef d’entreprise prend une conscience plus ou moins avouée de l’issue qui s’imposera à lui, et il peut être tenté de prendre des décisions qui favoriseront l’un ou l’autre de ses créanciers, ou lui permettront de limiter les dégâts pour une future activité. On considère qu’à partir de la date de cessation des paiements ses actes sont potentiellement suspects.
Ainsi la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture, à quelques jours ou jusqu’à 18 mois avant le jugement d’ouverture (la loi ne permet pas de remonter plus loin), ouvrira ce qu’on appelle la période suspecte.
Comme indiqué au mot nullités de la période suspecte, il est possible sous certaines conditions de rechercher la nullité d'actes accomplis en période suspecte.
Ainsi la juste fixation de la date est donc fondamentale si des actes critiquables ont été accomplis avant le jugement.
Comme déjà indiqué, dans le jugement d’ouverture le tribunal arrête une première fixation de la date de cessation des paiements. On dit parfois qu’il fixe provisoirement la date de cessation des paiements.
Le report de la date de cessation des paiements
La loi permet le report de la date initialement fixée par le tribunal, par un nouveau jugement du tribunal saisi par l’assignation des mandataires de justice ou du Parquet, dans l’année du jugement d’ouverture.
C'est l'explication du terme "provisoirement" qui figure souvent dans le jugement d'ouverture de la procédure collective
Pour plus de précisions voir le report de la date de cessation des paiements
En tout état, la cessation des paiements est 1 une condition d’ouverture des procédures de redressement et de liquidation judiciaires, et 2 le point de départ de la période suspecte. C’est aussi le point de départ d’une obligation de signalement qui pèse sur le débiteur sous peine de sanction.
Conséquence 3 les sanctions
L’article L 631-4 du code de commerce dispose « L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »
Le débiteur qui est en état de cessation des paiements et le dissimule en poursuivant son activité met en cause l’ordre public économique : il ne rembourse pas ses créanciers, aggrave la situation et donc diminue les chances soit de sauver son entreprise et de rembourser ses créanciers, soit de payer le passif dans de bonnes conditions avec une liquidation ouverte rapidement.
Avec la procédure de sauvegarde, on donne un « bonus » à l’entreprise qui demande l’ouverture de la procédure avant d’être en cessation des paiements : il y a pour cela bon nombre d’aménagements par rapport au redressement judiciaire, très favorables au chef d’entreprise pour l’inciter à saisir le tribunal. Le meilleur exemple est le sort des cautions, qui sont protégées pendant toute la durée du plan de sauvegarde, alors qu’en redressement judiciaire elles ne le sont que pendant la période d’observation.
Mais d’un côté on incite le chef d’entreprise à saisir le tribunal et on a l’outil pour cela, la sauvegarde, et de l’autre il faut sanctionner celui qui dissimule l’état de cessation des paiements et cause un préjudice à ses créanciers.
L’outil de sanction est l’interdiction de gérer, qui est une sanction civile, c’est-à-dire qui n’a pas d’effet patrimonial : interdiction de gérer et d’administrer toute entreprise pour la durée fixée par le tribunal pour un maximum de 15 ans.
L’article L653-8 du code de commerce dispose en effet « l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci » … peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment (ajout de la loi du 6 aout 2015 dite Macron) de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. »
L’absence de dépôt de déclaration de cessation des paiements est parfois également considéré comme une faute de gestion dans les action en responsabilité contre les dirigeants.
Pour plus de précisions voir les sanctions
( la cessation des paiements ne remet pas en cause une cession des parts du débiteur effectuée à un euro symbolique, dès lors que le cessionnaire était informé de la situation Cass com 13 mars 2019 n°17-19501
Etat de collocation
C'est l'état par lequel l'ordre de paiement des créanciers est arrêté.
En liquidation judiciaire, la loi prévoit que le liquidateur dresse l'état de collocation relatif au prix de vente d'un immeuble: cet état détermine l'ordre des créanciers et les sommes qui seront versées à chacun. L'état est publié au BODACC, de telle manière que les créanciers puissent exercer des recours.
Les autres fonds détenus par le liquidateur (hors immeuble) ne font pas l'objet d'état préalable de répartition, et le liquidateur procède sous sa responsabilité à la répartition de ces fonds en suivant l'ordre des créanciers déterminé par l'état des créances.
Ce sont les articles R643-6 et suivants qui régissent l'état de collocation, qui est nécessairement précédé de la publication de la vente et de l'obtention par le liquidateur d'un état dit "sur formalité" c'est à dire permettant de disposer de la totalité des inscriptions jusqu'à la transcription de la vente (article R643-4 du code de commerce)
- état dépôt et formalités R643-6
"Après le versement du prix de vente en cas d'adjudication ou l'accomplissement, par l'acquéreur, des formalités de purge en cas de vente de gré à gré, le liquidateur dresse l'état de collocation au vu des inscriptions, des créances admises et de la liste des créances mentionnées à l'article L. 641-13. Il peut, s'il l'estime utile, convoquer les créanciers inscrits, l'adjudicataire ou l'acquéreur. L'état est déposé par ses soins au greffe du tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure. Toute personne peut prendre connaissance de cet état.
Le greffier avertit les créanciers et l'adjudicataire ou l'acquéreur du dépôt de l'état de collocation par une insertion dans un ou plusieurs journaux d'annonces légales et par une insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales contenant l'indication du journal d'annonces légales dans lequel a été faite la première insertion et la mention du délai de recours prévu à l'article R. 643-11.
Le greffier adresse en outre, sauf dispense du juge-commissaire, à chaque créancier colloqué et à chaque créancier inscrit sur l'immeuble à domicile élu, une copie de l'état de collocation et indique le délai et les modalités du recours prévu à l'article R. 643-11.
L'état de collocation est adressé aux institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail lorsqu'elles en auront fait la demande préalable."
- les contestations R643-11
Les contestations sont faites dans les délai de 30 jours du BODACC, et doivent être dénoncées aux créanciers et au liquidateur, dans les 10 jours, par acte d'huissier.
Une contestation irrégulière pour irrégularité de forme (pas de constitution d'avocat) interrompt le délai et l'irrégularité peut être couverte jusqu'à ce que le juge statue (Cass com 17 octobre 2018 n°17-17331)
- PV de clôture d'ordre en cas d'absence de contestations R643-7
"S'il ne s'élève aucune contestation, le liquidateur est tenu dans les quinze jours qui suivent l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 643-11 de procéder à la clôture de l'ordre. Il dépose le procès-verbal de clôture de l'ordre au greffe du tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de liquidation judiciaire.
A compter du dépôt du procès-verbal de clôture de l'ordre, la collocation des créanciers est définitivement arrêtée en capital et intérêts. Toutefois, les intérêts de la somme ainsi liquidée continuent de courir au bénéfice des créanciers au taux servi par la Caisse des dépôts et consignations."
Voir le mot saisie immobilière
Etat des créances
Généralités
C’est le document établi à l’issue de la vérification des créances, comprenant les « admissions » de créance, et toutes les décisions du juge commissaire relatives aux créances déclarées, c'est-à-dire, créancier par créancier et créance par créance, le montant qui a été retenu (il est complété ensuite par les décisions prises par les autres juridictions que le juge commissaire)
L’état des créances est déposé au greffe où il est public, et son dépôt fait l’objet d’une publicité au BODACC qui fait courir le délai de recours des tiers contre chacune des décisions rendues qui y sont regroupées.
Ainsi l'état des créances n'est pas, en lui même, une décision de justice, et traditionnellement on ne lui attache pas de valeur juridictionnelle.
En effet, il regroupe, ligne par ligne, autant de décisions du juge commissaire qu'il y a de créance: c'est chaque décision relative à chaque créance qui est une décision de justice, et l'état des créances est le recueil de ces décisions, prises antérieurement pas le juge commissaire (comme expliqué plus bas, admissions sans contestations décidées par le juge commissaire pas simple signature sur la liste des créances déclarées, et ordonnances prises ultérieurement à la suite d'audiences contradictoires sur les contestations de créance)
La précision est fondamentale pour l'exercice des voies de recours: la voie de recours n'est pas exercée contre l'état des créances lui même, mais contre l'une ou l'autre des décisions individuelle qu'il regroupe (Cass com 15 mars 2005 n°03-19786 qui entretient la confusion sur la question, et Cass com 27 Mai 2014 n°13-15512, pris a contrario, qui semble admettre, par dérogation, l'appel du débiteur contre l'état des créances en son entier, dans le cas où ce débiteur n'a pas été en mesure de participer à la vérification des créances, mais là encore c'est sans doute un abus de language et le recours porte sur chaque ligne de l'état des créances, mais surtout Cass com 8 juin 2010 n°09-14995 qui est pour sa part très précis sur le fait que le recours doit être dirigé contre une décision d'admission spécifique et non pas contre l'état des créances dans son ensemble, sous peine d'irrecevablité)
L'état des créances dans le détail
Quand on relève la variété de décisions qui peuvent être prises dans le cadre de la vérification des créances la question peut se poser de savoir celles qui sont portées sur l'état des créances et celles qui ne le sont pas.
Le processus est le suivant:
- le mandataire judiciaire dresse une liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente et les observations du débiteur (articles L 624-1 et R624-2) . Cette liste est transmise au juge commissaire (elle est complétée le cas échéant en conséquence des relevés de forclusion, au visa de l'article R624-2)
- le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances, ou encore constate qu'une instance est en cours ou que la contestation élevée par le mandataire judiciaire n'est pas de sa compétence. (article L624-2)
C'est le panel de décisions possibles à ce stade.
- en premier lieu les décisions d'admission sans contestation font simplement l'objet d'une signature du juge commissaire sur la liste établie par le mandataire judiciaire à l'issue de la vérification des créances, ce dont le greffe avise les créanciers par lettre simple et le mandataire judiciaire et l'administrateur par communication (article R624-3 du code de commerce)
- pour les contestations de créance, ou lorsque la compétence du juge commissaire est contestée, le juge commissaire tient une audience à laquelle sont convoqués le débiteur, le créancier concerné et les mandataires de justice (article R624-4 du code de commerce), sauf le cas où le créancier n'a pas répondu dans le délai au courrier de contestation du mandataire de justice.
Les décisions rendues à la suite de ces audiences du juge commissaire sont notifiées au débiteur et au créancier concerné par le greffe dans les 8 jours, et communiquées aux mandataires de justice (ce qui déclenche les délai de recours des parties devant la Cour d'appel prévu aux articles L624-3 et R624-7 du code de commerce qui doit être exercé dans le délai de droit commun des recours contre les décisions du juge commissaire, soit 10 jours cf R661-3 du code de commerce)
- l'ensemble des décisions rendues par le juge commissaire, qu'il s'agisse des admissions sans contestation, des décisions suites à des contestations de créance, des décisions d'incompétence ou des décisions constatant l'existence d'une instance (auxquelles la jurisprudence ajoute les décisions de sursis à statuer), complété par les relevés de créances salariales, constituent l'état des créances qui est déposé au greffe (par hypothèse le juge a signé sur la liste les admissions sans contestation et évidemment les ordonnances rendues par la suite) et publié eu BODACC (article R624-8 et article L624-3-1). Cette publication est logique puisqu'elle déclenche le délai de recours des tiers contre l'ensemble (plus exactement contre chacune) des décisions du juge commissaire.
Ainsi l'état des créances au sens propre du terme est constitué une fois que le juge commissaire a rendu toutes les décisions dont il était saisi et qu'il est dessaisi de toute décision sur le sort d'une créance. C'est ce document récapitulatif de l'ensemble des décisions rendues par le juge commissaire qui constitue l'état des créances et est publié au BODACC (ce qui n'empèche pour autant pas que certaines créances ne sont pas arrêtés, dès lors qu'elles sont dépendantes d'autres juridictions que le juge commissaire, comme c'est le cas des instances en cours au jour du jugement)
- L'état des créances est ensuite le cas échéant complété par les décisions rendues par les juridictions compétentes saisies suite à l'incompétence du juge commissaire, les décisions rendues sur les instances qui étaient en cours au jour du jugement et ont été reprises après déclaration de créance, et les décisions rendues sur recours contre les décisions du juge commissaire , le greffe avisant les mandataires de justice de toute modification de l'état des créances (article R624-11) (ces décisions font l'objet des recours de droit commun, que ce soit des parties ou des tiers, sans interférence du droit des procédures collectives, ce qui explique que l'état "complété" ne soit pas à nouveau publié au BODACC)
Il convient également de relever que les créances fiscales et sociales qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire sont déclarées et admises provisionnellement, et sous réserve des créances non encore établies à la date de la déclaration de créance. Sauf cas de procédure en cours au jour du jugement, l'établissement définitif de ces créances doit être effectué, à peine de forclusion, dans le délai d'établissement de l'état des créances (article L622-24 du code de commerce). Le juge commissaire prononce alors l'admission définitive de ces créances après avis des mandataires de justice et ses décisions sont portées sur l'état des créances (article R624-6) . Les décisions rendues en méconnaissance de ces textes sont susceptibles d'appel (et a contrario les autres ne le sont a priori pas). Pour plus de précisions voir les créances provisionnelles fiscales et sociales
Les textes ne l'évoquent pas, mais il se peut que l'état des créances comporte l'omission d'une créance ou d'un créancier. Il est dans ce cas admis que le juge commissaire puisse établir un état des créances complémentaire qui doit être traité du point de vue des publicités et voies de recours comme l'état des créances initial.
Il se peut également que l'état des créances comporte une erreur matérielle, qui peut être rectifié suivant le régime de la rectification des erreurs matérielles.
Délai d'établissement de l'état des créances
Il n'y a pas, à proprement parler, de délai d'établissement de l'état des créances.
Cependant des délais sont impartis au mandataire judiciaire pour procéder à la vérification des créances
Voir le mot "vérification des créances" et le mot voies de recours
Excédent brut d'exploitation EBE
Généralités
L’EBE (ou EBITDA pour les comptabilités tenues selon les règles anglo-saxonnes) est un indicateur comptable financier.
Il exprime la richesse dégagée par l'activité, et ne prend en considération que les postes qui sont liés à l’activité habituelle.
EBE: signification
Un EBE positif est un bon indicateur, et à l’inverse un EBE négatif est un très mauvais indicateur puisqu’il signifier que l’entreprise ne dégage de richesse. Cependant cet indicateur est plutôt à situer par rapport aux entreprises du secteur, et est donc utile par exemple dans une perspective de cession, pour valoriser l’entreprise et la situer par rapport à ses concurrents et à la « norme » du secteur.
En outre, cet indicateur est à pondérer, car même positif il n’est pas suffisant pour s’assurer de la valeur crée par l’entreprise, puisque les amortissements et les frais financier, qui ne sont pas pris en considération dans son calcul, peuvent obérer la situation réelle, surtout dans les secteurs où les immobilisations sont lourdes et financées par la dette.
EBE calcul
On peut schématiquement présenter deux modes de calcul :
-
À partir du chiffre d’affaires: Chiffre d’affaires hors taxes – Achats et charges externes – Charges de personnel – Autres charges
-
À partir du résultat Résultat net comptable + Charges financières + Impôts et taxes + Dotations aux amortissements et provisions
EBE :les ratios
L’EBE est utilisé dans le calcul de plusieurs ratios :
-
EBE / CHIFFRE D’AFFAIRES qui mesure la rentabilité opérationnelle de l’activité
DETTES / EBE qui est un des indicateurs de faculté de remboursement (Ce ratio sera considéré comme bon en dessous de 2,5, acceptable en dessous de 3 et très mauvais au-dessus de 5)
Exception de nullité
L’action principale en nullité d’un acte juridique (par exemple une assemblée générale de société … ) est soumise à un délai de prescription qui dépend de la nature de l’acte.
Cependant traditionnellement il est admis que la nullité peut être opposée, sans égard pour les délais de prescription, dans le cadre de l’exécution de cet acte, par celui contre lequel on en demande l'exécution.
Cette exception de nullité n'est donc pas dépendante du délai de l'action principale en nullité de l'acte et est imprescriptible et perpétuelle Cass com 13 décembre 1976 n°75-11349 Cass com 10 juillet 1978 N°77-10240, Cass civ 3ème 25 mars 1998 n°96-17307, Cass com 28 mars 2006 n°02-13852 Cass com 18 mars 2020 n°18-16099 pour une assemblée générale Cass com 19 janvier 2022 n°20-14010
De même l'article 1185 du code civil précise que l'action en nullité fondée sur un contrat qui n'a pas reçu d'exécution ne se prescrit pas.
La jurisprudence distingue deux cas :
- La nullité est absolue et peut toujours être invoquée par voie d’exception Cass. Civ 1ère 20 mai 2009 n°08-13018
- La nullité n’est que relative et ne peut être invoquée par voie d’exception que si celui qui l’invoque n’a pas lui-même exécuté l’acte critiqué (par exemple pour une cession de parts sociales Cass civ 1ère 13 février 2007 n°06-10880, pour un cautionnement Cass civ 1ère 7 novembre 2006 n° 05-12080, pour contrat d'assurance Cass civ 2ème 19 octobre 2006 n°05-17599 , et encore Cass civ 1ère 1er Décembre 1998 n°96-17761 pour la nullité d'un prêt, Cass civ 3ème 30 janvier 2002 n°00-18862 pour un contrat de crédit bail, Cass com 3 avril 2007 n°06-10834 pour une assemblée, ou n'ait pas commencé à l'exécuter Cass civ 1ère 13 février 2007 n°06-10880, Cass com 16 octobre 2019 n°17- 31638 à la condition toutefois que l'exécution soit régulière Cass com 13 décembre 1976
Exception de procédure
Quelques points de la définition
les 4 catégories d'exception de procédure
règles d'invocation des exceptions de procédure: in limine litis
les deux sous catégories d'exceptions de nullité
hésitations entre nullité de forme et nullité de fond pour les personnes morales
les différences entre nullités de forme et irrégularité de fond au regard de la prescription
les conséquences de l'acte nul : nullité par voie de conséquence
nullité en conséquence de la rétractation de la décision d'origine
Définition
L'exception de procédure tend à faire déclarer irrégulier l'acte effectué par une partie, ou la procédure éteinte ou encore à en suspendre le cours.
La définition est posée par l'article 73 du CPC
Les catégories d'exceptions de procédure
Il existe en procédure civile quatre catégorie d'exceptions de procédure:
- les exceptions d'incompétence (articles 75 et suivants du CPC)
- les exceptions de litispendance et de connexité (articles 100 et suivants du CPC)
- les exceptions dilatoires (articles 108 et suivants du CPC) (octroi de délais)
- les exceptions de nullité (articles 112 et suivants du CPC)
Règles d'invocation des exceptions de procédure: in limine litis
En droit commun, les exceptions de procédure relèvent de la compétence du juge de la mise en état et doivent être soulevées "in limine litis", c'est à dire avant toute défense au fond ou fin de non recevoir
L'article 74 du CPC précise en effet "Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public"
Cependant il existe des exceptions énumérées à l'article 74 du CPC
- article 103 l'exception de connexité peut être proposés en tout état de cause ....
- article 111 le bénéficiaire d'un délai ne peut proposer d'exception pendant ce délai
- article 112 la nullité des actes de procédure (pour vice de forme) "peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité".
- article 118 Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt
Voir cependant le mot pour les procédures orales
Juge compétent
Dans les cas où un juge de la mise en état est désigné, il est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure (article 789 du CPC)
Le fait de soulever l'exception de procédure dans des conclusions au fond, même in limine litis, alors que cela relève du juge de la mise en état, rend irrecevable l'exception soulevée ensuite devant le juge de la mise en état Cass civ 2ème 10 décembre 2020 n°19-22609
Les sous catégories d'exception de nullité
Ces exceptions de nullité sont scindées en deux sous catégories:
Les nullités de forme
Les nullité de forme (par exemple une assignation qui ne comporte pas les mentions obligatoires, ou une déclaration d'appel Cass civ 2ème 15 novembre 2012 n°11-24030, qui au visa de l'article 933 du CPC ne contient pas les mêmes mentions que l'assignation est frappée de nullité de forme, ou encore une erreur de dénomination Cass civ 2ème 4 février 2021 n°20-10685) sont visées aux articles 112 et suivants du CPC
Invocation : un grief
L'article 114 précise Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public."
article 112 la nullité des actes de procédure (pour vice de forme) "peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité".
Régularisation
et l'article 115 "La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief."
Les irrégularités de fond
Les irrégularités de fond (par exemple le défaut de capacité qui peut affecter un syndic de copropriété non autorisé à agir par l'assemblée des copropriétaires) sont visés aux articles 117 et suivants du CPC : "Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice."
Invocation
article 118 Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt
Régularisation
L'article 121 du CPC précise " Dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue".
La réserve "dans les cas où elle est susceptible d'être couverte" a pour conséquence que les actes de procédure qui peuvent l'être doivent être régularisés :
- dans les délais impartis pour y procéder. Voir par exemple Cass com 14 décembre 1999 n°97-15361 pour un acte d'appel (encore qu'il y ait débat sur le fait qu'un acte nul interrompe les délais cf Cass civ 2ème 16 octobre 2014 n°13-22088 cette décision étant a priori isolée car il n'est évidemment pas question de faire à l'infini des actes en suite d'actes nuls)
- avant toute prescription (même remarque que ci dessus, en raison de l'article 2241 du code civil). La régularisation doit également intervenir avec la péremption de l'instance, cas dans lequel l'article 2241 du code civil n'attribue aucun effet interruptif à l'acte nul.
En outre toutes les nullités ne peuvent être couvertes, et notamment ne peut être couverte la nullité qui découle d'un acte de procédure effectué :
- par une société inexistante ( Cass civ 3ème 24 octobre 2012 n°11-11778 ou Cass civ 2ème 11 septembre 2003 n°01-14493 ou encore Cass civ 2ème 4 mars 2021 n°19-22830
- par une société en cours de formation (Cass Com 30 novembre 1999 n°97-14595 Cass com 20 juin 2006 n°03-15957 Cass civ 2ème 4 mars 2021 n°19-22829
- par une société qui n'a plus de personnalité morale (par exemple en raison d'une fusion) ne peut être régularisée par l'intervention de la société absorbante Cass com 13 mars 2007 n°05-21594 Cass com 13 mars 2019 n°17-20252. Cass com 6 mai 2003 n°00-17344 Cass com 22 février 2005 n°01-11667
La régularisation ne semble pas possible dans le cas où l'acte de procédure est dirigé contre la société absorbée, même si la société absorbante intervient à la procédure Cass Civ 2ème 23 septembre 2010 n°09-70355 dans une espèce où la société qui aurait dû être assignée est intervenue à la procédure ). Ceci dit cette solution est parfaitement logique si l'intervenant volontaire se limite à soulever la nullité de l'assignation, et procède donc à une intervention accessoire. Si cet intervenant prend des écritures au fond et se positionne en intervenant principal, la nullité de l'assignation ne résout pas le sort de l'intervention volontaire qui noue un lien d'instance entre le demandeur et l'intervenant.
La nullité s'apprécie à la date de l'acte, et il a été jugé que la réinscription au registre du commerce de la société qui avait perdu sa personnalité morale (en l'espèce en droit anglais) n'avait pas pour effet de régulariser la nullité Cass Civ 2ème 20 avril 2017 n°16-12975, cette décision semblant cependant être à contre courant d'une jurisprudence de plus en plus laxiste en matière de régularisation
Hésitations entre nullité de forme et nullité de fond pour les personnes morales
On peut hésiter sur la portée de la nullité qui découle de l'erreur sur la désignation du représentant légal d'une personne morale, que celle ci soit demandeur ou défendeur.
On pourrait considérer qu'il s'agit d'une erreur de forme entraînant une nullité de forme qui suppose la démonstration d'un grief, mais on peut aussi se référer à l'article 117 du CPC qui évoque la nullité de fond d'un acte pour défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
A priori la logique serait que le texte soit appliqué strictement et que la nullité de fond soit retenue. c'est ce que retiennent majoritairement les Cours d'appel (par exemple CA Paris 16 juillet 2014 n°14/05486)
Cependant la Cour de cassation a rendu une première décision favorable à la nullité de forme Cass Com 5 décembre 2018 n°17-20564 et 17-23045 mais cette décision semble de pure circonstance, dans un cas de confusion entre le directeur général et le président du conseil d'administration d'une société, pour lequel la Cour de Cassation a connu des hésitations sur les prérogatives (cf par exemple Cass com 9 mai 1995 n°93-16976 ) qui sont certainement le fondement de cette singulière décision
La solution de principe nous semble être en faveur de la nullité de fond et c'est d'ailleurs conforme à la majorité des décisions et des situations (par exemple Cass civ 2ème 13 octobre 1976 n°75-13244 pour un PDG qui avait démissionné pour lequel la nullité de fond est retenue, Cass civ 2ème 21 mars 2013 n°12-17107 et Cass civ 3ème 25 mars 1992 n°90-15691 pour un dirigeant décédé, Cass Com 8 octobre 2013 n°12-14181 pour une pouvoir irrégulier
Cependant de nouveaux arrêts de la Cour de Cassation sème le doute en considérant que la désignation erronée du Président du conseil d'administration pour représenter la société n'est qu'un vice de forme Cass com 25 septembre 2019 n°18-14658 ou que "l'erreur dans la désignation du représentant d'une personne morale ne constitue qu'une irrégularité pour vice de forme n'entraînant la nullité de l'acte qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité" Cass civ 2ème 14 novembre 2019 n°18-20303 (et dans le même sens Cass civ 2ème 15 avril 2021 n°19-25449 pour le défaut de mention)
Sans doute ces décisions s'inscrivent dans le courant qui consiste à regarder avec bienveillance les erreurs commises, et à permettre la régularisation de procédures qui, du point de vue académique, sont nulles, et devraient le rester.
Les différences entre nullités de forme et irrégularité de fond au regard de la prescription
Voir prescription
les conséquences de l'acte nul : nullité par voie de conséquence
Voir nullité et nullité en suite de la rétractation
nullité en conséquence de la rétractation de la décision d'origine
Voir nullité et nullité en suite de la rétractation
Exécution provisoire et effet suspensif des voies de recours
Quelques points de la définition
La suspension de l'exécution provisoire en droit commun
La radiation de l'appel d'une décision non exécutée en droit commun
Cas particulier des décisions prud'homales
Exécution provisoire et procédures collectives
Le principe en procédure collective: exécution provisoire de plein droit
Arrêt de l'exécution provisoire par le Premier Président
Arrêt automatique de l'exécution provisoire
Effet de l'arrêt de l'exécution provisoire
Généralités sur l'exécution provisoire
Prévu aux articles 514 et suivants du CPC, c'est le fait de pouvoir exécuter une décision de justice alors même qu'elle fait l'objet d'une voie de recours (appel par exemple).
L'exécution provisoire peut être ordonnée par la juridiction (juge ou Tribunal) qui prononce une décision (article 515 du CPC), et parfois elle est de droit, c'est à dire prévue par la loi. Dans ce cas elle s'applique sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit prononcée dans la décision.
Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 est venu modifier les principes antérieurs en décidant que l'exécution provisoire est de droit sauf si la loi en dispose autrement cf nouvel article 514 du CPC et en offrant au juge la possibilité de l'écarter (article 514-1) et au premier président de la rétablir (article 514-4 pour l'exécution de droit) ou de la prononcer (article 517-2 pour l'exécution prononcée par le juge)
Le "bénéficiaire" de l'exécution provisoire n'est évidemment pas obligé d'exécuter une décision exécutoire, et peut préférer attendre. Se prévaloir de l'exécution provisoire n'est en effet qu'une faculté, au sens de l'article 514 du CPC "peut être poursuivie" et est poursuivie aux risques et péril de celui qui exécute L111-10 du code des procédures civiles d'exécution
L'article 524 du CPC et l'article 526 du CPC disposent qu'en cas d'exécution provisoire, si la partie condamnée relève appel, l'intimé peut solliciter la radiation de l'affaire si la décision frappée d'appel n'est pas exécutée ou a minima si une consignation dans les formes de l'article 521 du CPC n'a pas été effectuée: il s'agit d'éviter que par des voies de recours une partie temporise sur l'exécution
La suspension de l'exécution provisoire en droit commun
Le siège de la matière est l'article 514-3 du code de procédure civile qui dispose
En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives
et l'article 517-1 pour l'exécution provisoire ordonnée par le juge, qui dispose
Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
(pour les procédures antérieures au premier janvier 2020, le siège de la matière était l'article 524 du code de procédure civile qui disposait:
"Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives."
Cette dernière phrase a été ajoutée par un décret du 20 aout 2004, et antérieurement le premier président ne pouvait arrêter l'exécution provisoire de plein droit (version antérieure de l'article 524 du CPC)
La radiation de l'appel d'une décision non exécutée (droit commun)
Au terme de l'article 526 du CPC,
Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2,909,910 et 911.
La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.
La demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 905-2,909,910 et 911.
Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.
La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis à l'appelant par les articles 905-2,908 et 911. Elle interdit l'examen des appels principaux et incidents ou provoqués.
Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.
Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée."
Il découle de ce texte qu'il n'est pas nécessairement opportun pour l'appelant de faire les frais d'une assignation en suspension de l'exécution provisoire, dès lors que le risque de radiation de l'appel permet également un débat sur les conséquences manifestement excessives de l'exécution.
Cas particulier des décisions prud'homales
Il convient de préciser que l'exécution provisoire d'une décision prud'homale peut découler de la décision elle même, quant elle est ordonnée, et à défaut, même si elle n'est pas prononcée, de l'application de l'article R1454-28 du code du travail qui prévoit l'exécution provisoire de plein droit, dans la limite de 9 mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois, pour les salaires, congés payés préavis, indemnités de licenciement et autres chefs de créance visés à l'article R1454-14 (mais pas les dommages intérêts). Il convient cependant de relever qu'en application de l'article R1454-28, le jugement doit préciser la moyenne de trois mois applicable, et on en tire que si le jugement ne précise pas cette moyenne, il n'appartient pas aux parties de le calculer, il conviendra de procéder par requête en omission de statuer.
Exécution provisoire et procédures collectives
L'article R661-1 du code de commerce pose le principe, et les exceptions
Le principe en procédure collective: l'exécution provisoire de plein droit
En matière de procédure collective, par principe les décisions, que ce soit du juge commissaire ou du tribunal, sont exécutoires de plein droit. Il s'agit d'éviter que les voies de recours paralysent l'effet de décisions parfois urgentes pour préserver l'emploi, les actifs ou l'ordre public économique.
Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire article R661-1
Par exemple si le juge commissaire a ordonné une vente, sa décision peut-être exécutée même s'il y a un recours (mais le liquidateur peut préférer attendre: cela dépend du degré d'urgence et de ce qu'il estime prévisible du succès du recours). Par exemple encore en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur a un délai de 15 jours pour licencier les salariés: même s''il y a appel du jugement, il doit respecter ce délai, à défaut de quoi les salariés ne seront pas payés par l'AGS.
Certains effets de l'exécution provisoire sont maintenus nonobstant le succès d'une voie de recours (annulation ou réformation) comme par exemple les frais engagés par le liquidateur Cass com 2 juillet 2013 n°12-20730 ou les licenciement opérés Cass soc 28 juin 2006 n°04-43286
L'exécution provisoire peut être arrêtée, en cas d'appel, par le Premier Président de la Cour d'Appel, dans certains cas, limitativement énumérés par la loi.
En matière de procédure collective, la question peut se poser de savoir si les mandataires de justice peuvent, à leur gré, se prévaloir ou pas de l'exécution provisoire des décisions rendues, comme le permet, en droit commun, le code de procédure civile.
La réponse est complexe : a priori il n'existe pas de dérogation au droit commun, et le mandataire de justice devrait pouvoir décider de se prévaloir ou pas de l'exécution provisoire.
Cependant bon nombre d'obligations ou de délais en procédure collective ne sont pas suspendues au caractère définitif de la décision qui en est le support : par exemple le liquidateur doit licencier les salariés dans les 15 jours de la liquidation judiciaire faute de quoi l'AGS ne doit pas garantie, et ce délai court qu'il y ait ou pas appel du jugement de liquidation.
Ainsi il semble qu'en terme de responsabilité, le liquidateur engagerait sa responsabilité de ne pas exécuter les décisions rendues, et ne l'engagerait pas de les exécuter (a fortiori dans les cas où une demande de suspension d'exécution provisoire est possible).
C'est ce qui semble ressortir de la jurisprudence : Le liquidateur qui licencie les salariés et entreprend la réalisation des actifs du débiteur en liquidation ne commet pas de faute d'exécuter une décision de liquidation judiciaire (en l'espèce par extension par confusion) par la suite infirmée, dès lors "qu'il ne saurait être sérieusement reproché à l'intimé, mandataire judiciaire, d'avoir rempli les obligations découlant pour lui de ce mandat judiciaire et mis à sa charge par les articles L. 622-4 et L. 622-5 du code de commerce, s'agissant notamment du licenciement des salariés et de la réalisation des actifs de la société appelante" Cass com 30 Octobre 2012 n°07-10648 (en l'espèce en outre la suspension de l'exécution avait été refusée) Cass com 28 janvier 2014 n°12-19777 et 12.20059 pour la vente des actifs d'un débiteur ayant fait l'objet d'une extension par confusion.
Il a d'ailleurs été jugé que le liquidateur ne peut être tenu responsable de l'exécution d'une décision d'extension non encore définitive et d'avoir exécuté une décision de vente "ne peut être reproché au liquidateur d'avoir recherché une cession des actifs au plus offrant et non d'autres solutions retardant ou évitant le transfert de propriété, risquées et non conformes aux objectifs de la liquidation judiciaire, dès lors qu'il a pris toutes les précautions nécessaires en informant les acquéreurs des aléas de la vente et en constituant le notaire séquestre du prix jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur l'extension de la liquidation judiciaire" Cass com 28 janvier 2014 n°12-19777 et 12-20059
A l'inverse, une décision assez singulière considère que le débiteur ne peut reprocher au liquidateur de ne pas avoir réalisé l'actif ou a minima consenti un bail précaire sur l'actif, le temps que le recours formé par le même débiteur soit évacué (cas d'extension pas confusion des patrimoines Cass com 21 janvier 2016 n°14-21393 et 14-22240
La synthèse semble être que le liquidateur doit mettre en œuvre l'exécution provisoire, étant en outre précisé qu'il est "protégé" par les décisions rendues au fil de la procédure collective qui vont l'autoriser à réaliser telle ou telle opération, et on lui reprochera sans doute plus aisément de n'avoir rien fait que d'avoir agi, sur le fondement de textes dont on ne doit pas oublier qu'ils sont d'ordre public et qu'ils aménagent, le plupart du temps, une possibilité de demande de suspension d'exécution provisoire
Les exceptions en procédure collective: décisions qui ne sont pas exécutoires de plein droit et exécution provisoire prononcée par le juge
L'article R661-1 pose également des exceptions: "Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus :
- en application des articles L. 622-8 (paiement provisionnel sur vente en période d'observation de sauvegarde),
- L. 626-22,(paiement provisionnel sur vente en période d'observation de sauvegarde),
- du premier alinéa de l'article L. 642-20-1 (retrait du gage) ,
- de l'article L. 651-2 (comblement de passif) ,
- des articles L. 663-1 à L. 663-4 (décisions sur le paiement par le trésor public des frais de procédure, vente de biens dont les mesures conservatoires sont couteuses; honoraires des mandataires judiciaires, déclaration d'impécuniosité, )
- ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1
- et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8."
La question de savoir si, pour ces mesures pour lesquelles elle n'est pas de droit, l'exécution provisoire peut être prononcée par la juridiction qui prononce la mesure correspondante.
Si on doit comprendre le texte comme interdisant l'exécution provisoire, elle ne pourra être ordonnée, et si on comprend simplement qu'elle est facultative elle pourra l'être. C'est incontestablement le cas pour la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer, pour lesquels l'article L653-11 prévoit la faculté d'ordonner l'exécution provisoire.
Pour les autres mesures, les textes sont muets, et il convient de se reporter au droit commun, à savoir l'article 515 du CPC qui dispose que " Lorsqu'il est prévu par la loi que l'exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d'office ou à la demande d'une partie, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la décision"
Ceci dit, le doute subsiste puisqu'en l'espèce la loi ne prévoit précisément rien.
L'arrêt de l'exécution provisoire par le Premier Président
Le même article R661-1 du code de commerce disposait dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2020 que "Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux." .
A compter du 1er janvier 2020 et pour prendre acte de la re-numérotation des articles du CPC, l'article R661-1 dispose "Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal."
Concrètement les décisions susceptibles de faire l'objet d'une suspension de l'exécution provisoire sont :
- les décisions exécutoires de plein droit rendues en matière de procédure collective énumérées à l'alinéa 1 de l'article R661-1
- les décisions qui ne sont pas exécutoires de plein droit mais pour lesquelles l'exécution provisoire est ordonnée, énumérées à l'alinéa 2 de l'article R661-1
Ainsi la distinction ancienne entre les décisions exécutoires de plein droit (qui en droit commun ne peuvent faire l'objet d'une levée d'exécution sauf conditions très restrictives) et les décisions exécutoires par décision du juge est supprimée et il suffit que la décision entre dans la définition de l'un des deux premier alinéas de l'article R661-1 et que "les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux"
La seule question pouvant se poser est celle de savoir ce qu'il convient de comprendre par "Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire" qui sont au sens de l'alinéa 3 de l'article R661-1 qui renvoie à l'alinéa 1 sont ceux susceptibles de faire l'objet d'une levée de l'exécution provisoire.
Il semble que toute décision rendue dans la procédure collective soit concernée, mises à part celles visées à l'alinéa 2 du même article R661-1, mais la question est controversée par certaines Cours d'appel pour le plan de cession (mais à notre avis sur le fondement de textes anciens) et selon certaines interprétations d'un arrêt (Cass com 1er Octobre 2013 n°12-23999) qui semble juger que faute de texte, l’exécution provisoire ne peut être arrêtée en matière d'ordonnance du juge commissaire rendue sur une vente d'immeuble. A priori l'interprétation devrait plutôt commander que toute décision rendue peut donner lieu à arrêt de l'exécution provisoire.
L'arrêt Cass com 1 octobre 2013 n°12-23999 précise: " jugement du .... qui a déclaré la vente parfaite et constaté le transfert de propriété de droits immobiliers au profit de la société .... à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé cette vente de gré à gré, ayant été rendu en matière de liquidation judiciaire au sens de l'article R. 661-1 du code de commerce" ce qui tend à confirmer cette analyse (même si en l'espèce l'exécution provisoire ne pouvait être arrêtée car la propriété était déjà transférée.
On peut ajouter que si des décisions comme un plan de cession n'était pas au rang des décisions au sens de R661-1, on voit mal sur quel fondement elle serait exécutoire par provision et on peut ajouter que une formulation générale comme celle employée à l'article R661-1 est également celle retenue à l'article R662-3 du code de commerce pour déterminer la compétence du tribunal de la procédure: "Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance". Il semble donc bien y avoir ici une formulé générale qui recoupe toutes les décisions prises dans le cadre de la procédure collective
En tout état, par dérogation au droit commun l'exécution provisoire ne sera arrêtée que si les moyens invoqués sont jugés sérieux par le Premier Président (ce qui est donc un premier indice d'appréciation des mérites de l'appel).
Certains auteurs continuent à viser des décisions antérieures au décret du 20 août 2004 qui a modifié l'article 524 du CPC pour y ajouter "Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives." et à citer des arrêts qui, sur le fondement de ces textes anciens qui ne permettaient pas l'arrêt de l'exécution provisoire quand elle était de droit, ont refusé de faire droit aux demandes de suspension (par exemple Cass com 14 janvier 2004 n°01-00318 pour une décision d'admission de créance) : à notre avis de telles références sont obsolètes et désormais si les conditions sont réunies le Premier Président peut arrêter l'exécution provisoire de toute décision rendue en matière de procédure collective.
En outre, pour les mesures conservatoires prises dans le cas d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif "L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal."
L'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement de liquidation judiciaire emporte suspension du délai pour clôturer et de l'interdiction d'exercer une activité Cass com 14 juin 2017 n°15-20229
La décision du Premier président qui statue sur l'arrêt de l'exécution provisoire n'est pas susceptible de pourvoi (article 525-2 du CPC)
L'arrêt automatique de l'exécution provisoire
En cas d'appel du ministère public d'un jugement mentionné aux articles suivants, l'exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d'appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l'instance d'appel (article R661-1 du code de commerce)
- aux articles L. 645-11 (clôture rétablissement personnel)
- à l'article L. 661-1, à l'exception du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (qui ne sont pas limités à la désignation des mandataires de justice), Le texte dispose en effet:
"I.-Sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation :
1° Les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;
2° Les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;
3° Les décisions statuant sur l'extension d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l'extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l'administrateur et du ministère public ;
4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;
5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d'une période d'observation de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;
6° Les décisions statuant sur l'arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L. 626-34-1 ;
6° bis Les décisions statuant sur la désignation d'un mandataire prévue au 1° de l'article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l'article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;
7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L. 626-34-1 ;
8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.
II.-L'appel du ministère public est suspensif, à l'exception de celui portant sur les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
III.-En l'absence de comité d'entreprise ou de délégué du personnel, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article."
- à l'article L. 661-6 qui dispose
I.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du ministère public :
1° Les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination ou au remplacement de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan, du liquidateur, des contrôleurs, du ou des experts ;
2° Les jugements statuant sur la durée de la période d'observation, sur la poursuite ou la cessation de l'activité.
II.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du débiteur ou du ministère public, les jugements relatifs à la modification de la mission de l'administrateur.
III.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.
IV.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du ministère public ou du cessionnaire, dans les limites mentionnées à l'alinéa précédent, les jugements modifiant le plan de cession.
V.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part du débiteur, de l'administrateur, du liquidateur, du cessionnaire et du ministère public les jugements statuant sur la résolution du plan de cession.
VI.-L'appel du ministère public est suspensif, sauf s'il porte sur une décision statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et n'est pas limité à la nomination de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou des experts.
- à l'article L. 661-11, (responsabilités et sanctions)
Les effets de l'arrêt de l'exécution provisoire
La décision dont l'exécution provisoire est suspendue n'est pas appliquée tant que la juridiction saisie du recours n'a pas statué
Par exemple l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement de liquidation judiciaire prolonge la période d'observation (Cass com 14 juin 2017 n°15-24188) et suspend tous les effets de la liquidation judiciaire, comme par exemple la cessation d'activité
L'article L661-9 précise que la période d'observation est prolongée jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel en cas d'appel d'un jugement de liquidation judiciaire en cours de période d'observation ou d'un jugement arrêtant ou rejetant un plan
L'arrêt de l'exécution provisoire des décisions rendues contre le débiteur avant le jugement d'ouverture
Voir le mot arrêt des poursuites
Expert comptable (exercice illégal)
L’article 20 de l’ordonnance 45-2138 du 19 septembre 1945 régit le délit d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable en disposant :
« L'exercice illégal de la profession d'expert-comptable ou d'une partie des activités d'expertise comptable ainsi que l'usage abusif de ce titre ou de l'appellation de société d'expertise comptable, de succursale d'expertise comptable ou d'association de gestion et de comptabilité ou de titres quelconques tendant à créer une similitude ou une confusion avec ceux-ci constituent un délit puni des peines prévues à l'article 433-17 et à l'article 433-25 du code pénal, sans préjudice des sanctions qui peuvent être éventuellement prononcées par les juridictions disciplinaires de l'ordre.
Exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes. … »
Au visa de l’article 433-17 du code pénal, ce délit est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
La Cour de Cassation sanctionne sur ces fondements la saisie d’écritures comptables et les interventions dans la tenue des comptes (Cass Crim 28 octobre 1987 n°89-92042, Cass Crim 28 juin 1988 n°84-94979, Cass Crim 20 décembre 1988 n°88-81083, Cass Crim 22 février 1990 n°89-82587 et plus récemment Cass Crim 25 février 2015 n°13-86951).
Le Conseil supérieur considère que la seule sous-traitance ou co-traitance autorisée est limitée entre professionnels de l’expertise comptable. Autrement dit le fait que le sous traitant prétende que son travail est supervisé par un expert comptable ne satisfait pas les exigences légales
Voir notamment Cass crim 4 octobre 2022 n°21-85594
Extension (de la procédure collective)
Dans certains cas, la procédure collective d'une entreprise peut être "étendue" à un autre personne.
La circonstance la plus fréquente est l'invocation de la confusion des patrimoines.
Voir l'étude détaillée sous le mot "confusion des patrimoines"
Parfois le Tribunal peutt-être également amené à constater qu'une personne morale est "fictive" c'est à dire a été constituée dans le seul but de mettre un actif à l'abri des créanciers. La fictivité reconnue par le Tribunal aura pour effet que la liquidation judiciaire est étendue à la personne morale en question (généralement une SCI constituée pour isoler un immeuble) qui est alors traitée comme faisant partie de la liquidation (le bien fait alors partie de la liquidation).
Extinction du passif par paiement des créanciers
Le paiement intégral du passif échu peut se rencontrer dans diverses circonstances, et le terme extinction du passif est souvent employé.
Trois étapes de la procédure peuvent se présenter, à l'occasion dequelles le passif est intégralement payé:
- la clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire,
- la totale exécution du plan de sauvegarde ou de redressement,
- le constat qu'en cours de période d'observation le débiteur dispose des sommes nécessaires.
Ces trois étapes et leurs différences sont détaillées sous le mot clôture pour extinction du passif, et les deux dernières sont également décrites sous le mot redressement judiciaire