Glossaire
Nantissement
Le principe : Garantie portant spécialement sur un actif mobilier (incorporel depuis la réforme de 2016, le nantissement de biens corporels étant désormais dénommé gage)
Le nantissement est une garantie concédée au créancier sur un bien mobilier propriété du débiteur: cette garantie permet au créancier d'être payé en priorité (relative car cela dépendra des autres privilèges) sur le prix de vente du bien.
Par exemple le nantissement de fonds de commerce permettra à son titulaire d’être payé par priorité sur le prix de vente de ce fonds de commerce
Le nantissement outillage (abrogé par l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 28 3°) va porter généralement sur du matériel d'exploitation (depuis l'ordonnance de 2006 réformant le droit des sûretés, le terme de nantissement outillage est devenu impropre et on parle de "gage d'outillage et de matériel d'équipement), ou sur des créances
L'acte de nantissement doit être inscrit au greffe du tribunal de commerce, sur un registre spécial, dans les 30 jours ( et non plus dans les 15 jours comme c'était le cas avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 aout 2015 dite loi Macron, modification de l'article L142-4 du code de commerce). L'inscription conserve le droit du créancier pendant 10 ans, et doit être renouvelée sur dans cette durée le débiteur n'a pas payé (L143-19 du code de commerce) (l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable en 2022, supprime la sanction du défaut de renouvellement, mais a priori un texte réglementaire viendra remplacer cette mesure)
A la lettre de l'article L142-3 du code de commerce c'est le lieu d'exploitation du fonds de commerce qui détermine le greffe compétent et pas le lieu d'exploitation du matériel Cass com 17 mai 2017 n°15-23413 ni celui du siège social Cass com 13 novembre 2003 n°01-01726. Ainsi un nantissement est inscrit au greffe dont dépend un établissement secondaire et pas à celui du siège social (c'est d'ailleurs la même solution qui est posée par l'article L141-5 du code de commerce pour le privilège du vendeur)
Comme l’hypothèque, le nantissement peut-être conventionnel, c'est-à-dire consenti à l’occasion d’un contrat (en principe un prêt) ou judiciaire, c'est-à-dire accordé par un jugement dans le cadre de l’exécution forcée d’une condamnation.
Les garanties de paiement
Le créancier sera payé en priorité sur le prix de vente du bien nanti.
Le créancier est payé de la même manière sur une éventuelle indemnité versée en cas de destruction du fonds ((incendie par exemple) : l'article L121-13 du code des assurances dispose en effet "les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité du bétail, ou les autres risques, sont attribuées sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, suivant leur rang.". Ce texte ajoute "Néanmoins, les paiements faits de bonne foi avant opposition sont valables." ce qui est singulier puisque les nantissements sont publiés, mais permet en tout état d'affirmer que les créanciers inscrits ont tout intêret à faire opposition entre le mains de l'assureur, ce qui peut être très compliqué car son nom n'est pas forcément connu, pas plus d'ailleurs que l'évènement ayant déclenché le jeu de la garantie.
Mais évidemment le créancier nanti n'a pas de droit particulier sur la somme versée par l'assurance au titre de la perte d'exploitation, qui n'est pas un élément du fonds (Cass com 9 nov 1999 n°97-12470).
Curieusement le nantissement ne se reporte pas sur l'indemnité versée par le bailleur lors de la résiliation du bail (Cass com civ 3ème, 6 avril 2005 n°03.11159), encore qu'il semble possible de le convenir contractuellement.
Le créancier nanti sur un compte bancaire peut appréhender "le solde du compte à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective du titulaire du compte, sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution" Cass com 21 juin 2023 n°21-23143. c'est à dire que le factor ne peut régulariser au débit, et imputer sur le dépôt de garantie, que les opérations en cours qui ne se sont pas correctement dénouée.
Voir le mot privilège
Nantissement de fonds de commerce et déplacement du fonds
L'article L143-1 du code de commerce organise le processus de déplacement du fonds, au regard des créanciers inscrits.(texte légèrement modifié par l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021)
Concrètement, le propriétaire du fonds informe les créanciers inscrits, qui ont alors la faculté de faire mentionner en marge de leur inscription la nouvelle adresse du fonds, sur lequel leur inscription est alors reportée (à son rang).
A défaut la créance devient exigible.
Si le créancier n'a pas été informé du déplacement du fonds, la question des conséquences sur la créance est controversée. Il semble que les droits du créancier soient maintenus dès lors que la localisation n'est pas une condition de "survie" du fonds (Cass com 6 octobre 1998 n°96-15903 ) et que le juge commissaire soit fondé à inscrire sa créance à titre nanti (Cass com 26 mars 2002 n°99-21070) Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le créancier titulaire d'un nantissement qui n'a pas eu connaissance du déplacement du fonds de commerce et n'a pas, pour ce motif, procédé à la modification de son inscription au nouveau lieu d'exploitation, ne saurait être sanctionné par la déchéance de son privilège, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Il convient cependant de préserver les droits des tiers de bonne foi (et incontestablement du mandataire judiciaire agissant pour le compte des créanciers) qui pourraient contester le transfert des droits du créancier sur un fonds en apparence libre de toute inscription, qui peuvent invoquer l'absence de droit du créancier inscrit.
Nantissement de fonds de commerce et cession du droit au bail
Le nantissement porte a priori sur l'ensemble des éléments incorporels du fonds de commerce et n'a pas vocation à bénéficier au créancier nanti sur le seul prix de vente du droit au bail. Et d'ailleurs, précisément, le prix de vente du droit au bail n'est pas un élément incorporel.
Il sera relevé que le nantissement de fonds ne s'exerce pas non plus sur l'indemnité d'éviction versée par le bailleur Cass civ 3ème 6 avril 2005 n°03-11159
La créancier peut seulement se prévaloir de la déchéance du terme (article 1188 du code civil devenu 1305-4) conséquence de l'affaiblissement de la garantie.
Nantissement de créance et d'assurance vie
Voir le mot saisie ( et cependant les éventuelles objections sur les créances à naissance successive)
Quelques points de la définition
Nantissement de créance et droit au paiement
Nantissement dans le cadre d'une cession à titre de garantie dans un bordereau Dailly
Nantissement de créance et procédure collective du constituant
Nantissement de créance et nullités de la période suspecte
Nantissement de créance et droit au paiement
Le terme de nantissement de créance recoupe deux notions très différentes dans les effets et le dispositif : le nantissement de droit commun, et la cession de créance à titre de garantie dans le cadre d'une cession Dailly, également dénommée nantissement de créance
Nantissement de créance de droit commun
Le nantissement de créance est régi par les articles 2355 et suivants du code civil (nantissement de meubles incorporels)
La définition est posée par l'article 2355: Le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs. Il est conventionnel ou judiciaire.
Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions applicables aux procédures civiles d'exécution. Le nantissement conventionnel qui porte sur les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le présent chapitre.
Celui qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels."
Les modalités sont réglées par l'article 2356 "A peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit. Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte."
Les articles 2356 alinéa 3, et 2357 du code civil prévoient le nantissement d'une créance future:
article 2356 alinéa 3: Si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance
article 2357 Lorsque le nantissement a pour objet une créance future, le créancier nanti acquiert un droit sur la créance dès la naissance de celle-ci.
C’est la notification du nantissement de créance au « sous débiteur » qui assure la bonne fin de la garantie : le « sous débiteur » ne peut que payer le créancier nanti (l’article 2363 du code civil dispose en effet « Après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts »)
Voir pour un nantissement de compte bancaire Cass com 25 septembre 2019 n°18-16178
Nantissement de créance dans le cadre d'une cession à titre de garantie par bordereau Dailly
Le terme de nantissement de créance est également utilisé dans le cadre d'un bordereau dit Dailly (c'est à dire en réalité est une cession de créance à titre de garantie ) et donc régie par l'article L313-23 du code monétaire et financier, Dans ce cas il s'agit juridiquement d'une cession de créance qui en produit les effets (transfert de propriété de la créance), ce qui est bien différent d'un véritable nantissement de créance, même avec dépossession.
Voir le mot Dailly
Nantissement d'assurance vie
Le titulaire d'un nantissement d'assurance vie n'est pas primé par les privilèges généraux notamment fiscaux Cass Civ 2ème 2 juillet 2020 n°19-10308, Cass civ 2ème 2 juillet 2020 n°19-11414 et 19-13636
En outre le créancier nanti peut bénéficier de l'attribution du capital y compris postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective Cass civ 1ère 10 mars 2021 n°20-11917
Droit au paiement et la procédure collective du constituant.
Les sommes perçues par le créancier nanti avant le jugement d'ouverture
Si le nantissement de créance a été notifié au « sous-débiteur » avant l’ouverture de la procédure collective, les sommes perçues par le créancier nanti avant le jugement d’ouverture de la procédure collective lui restent acquises (sauf évidemment action en nullité de la période suspecte)
A l'inverse le nantissement ne peut permettre au créancier d'appréhender des fonds en paiement d'une créance non échue Cass com 22 janvier 2020 n°18-21647 pour un nantissement de compte bancaire en garantie d'un prêt
Les créances nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective: le créancier nanti ne devrait pas avoir de droit particulier sur la créance. La distinction entre le nantissement de droit commun et la cession de créance à titre de garantie dans le cadre d'une cession de créance Dailly
Dans le cadre du nantissement de créance de droit commun il pourrait y avoir débat sur le maintien du nantissement sur les créances déjà existantes au jour de la cession mais non encore "échues" avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, et a priori dans ce cas le nantissement devrait produire ses effets.
(voir par exemple un nantissement sur les actifs avec "transport" de l'indemnité d'assurance en cas de sinistre : en l'espèce le vendeur qui a consenti un crédit vendeur et bénéficie de ces garanties est fondé à percevoir l'indemnité d'assurance en cas de sinistre survenu avant l'ouverture de la procédure collective du cessionnaire Cass com 3 avril 2019 n°17-31169 .. la notion de "transport" étant proche de la délégation par l'effet de la loi)
La réponse devrait être différente pour les créances non encore nées au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Voir le mot voies d'exécution et saisie pour la distinction entre les deux notions.
Cependant la jurisprudence est plutôt en faveur de l'absence de distinction entre les deux notions, mais au prix d'une confusion entre la cession de créance et le nantissement de créance de droit commun c'est à dire d'un amalgame entre le nantissement de créance de droit commun et la cession de créance à titre de garantie existante dans le cadre d'une cession Dailly.
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a ainsi admis que la cession de créance (de loyer Cass com 26 mai 2010 n°09-13388) qualifiée (très improprement) de "nantissement de créance" puisse produire effets sur les loyers à venir, suivant cette formulation "Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la cession des loyers faite par la société ... à la société ...en garantie du remboursement du prêt consenti a été signifiée au locataire conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, de sorte que la société ... avait la qualité de créancier nanti"
Il est vrai que l'article 2363 du code civil confère au créancier nanti un droit au paiement que certains assimilent au droit de rétention sur la créance, mais on peut pourtant relever que:
- l'article 2357 du code civil prévoit que les droits du créancier ne naissent qu'avec la créance, et ne sont donc pas en l'espèce acquis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, ce qui devrait être un argument pour que les effets du nantissement de créance cesse par l'effet du jugement d'ouverture, sur les créances non encore nées.
- le nantissement de créance n'est pas une cession de créance, la créance ne sortant pas du patrimoine du débiteur dans le cas du nantissement, ce qui devrait amener une solution exactement inverse et à considérer que le nantissement de créance (de droit commun) ne peut porter sur des créances nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective.
D'ailleurs la Cour de Cassation a jugé que "l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance" et qu'en conséquence le créancier n'avait pas acquis la propriété de la créance, Cass com 19 décembre 2006 n°05-16395
Une telle solution, combinée avec les effets de l'article 2357 du code civil, devrait conduire à refuser au créancier nanti de droit commun le droit d'appréhender les créances nanties non encore nées au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur. Ainsi le flou entretenu par des décisions imprécises devrait être précisé et la question mérite véritablement d'être soulevée.
Ce n'est que si le nantissement de créance est réalisé dans le cadre d'un bordereau dit Dailly (c'est à dire en réalité est une cession de créance à titre de garantie ) et donc régie par l'article L313-23 du code monétaire et financier, et spécifiquement par ce texte, qu'est possible expressément le nantissement de créance "à terme" et "les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés" : dans ce cas précis les créances non encore nées peuvent donc être nanties, sans que le nantissement soit affectée par le jugement d'ouverture de la procédure collective du constituant intervenue entre l'acte de nantissement (le bordereau Dailly) et la naissance de la créance: a contrario, et cela devrait être un argument supplémentaire, le nantissement ne devrait pas porter sur les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ((il en est de même de la cession de créance).
Cette dernière opération (nantissement de créance sous bordereau Dailly) est d'ailleurs plus proche de la cession de créance que du nantissement de créance (mais le texte la dénomme nantissement) et produit des effets substantiellement différents puisque la cession de créance emporte changement de propriété de la créance - ce qui peut expliquer la solution - ce qui n'est pas le cas du nantissement de créance de droit commun.
Voir le mot voies d'exécution et saisie pour plus de détail
Nantissement de créance et nullités de la période suspecte
Voir nullités
Nantissement de parts sociales
Généralités
Le principe du nantissement des parts sociales est posé par l'article 1866 du code civil "Les parts sociales peuvent faire l'objet d'un nantissement constaté, soit par acte authentique, soit par acte sous signatures privées signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique, et donnant lieu à une publicité dont la date détermine le rang des créanciers nantis. Ceux dont les titres sont publiés le même jour viennent en concurrence."
Le privilège du créancier gagiste subsiste sur les droits sociaux nantis, par le seul fait de la publication du nantissement."
Des dispositifs pratiquement identiques sont organisés par le code civil si le nantissement est de nature civile et le code de commerce s'il est de nature commerciale
Etant précisé que le nantissement des parts de SCP est interdit.
Le nantissement civil ou commercial
Pour garantir ses propres dettes (ou les dettes d'un tiers cf article 2334 du code civil) un associé peut, conventionnellement, donner en nantissement les parts qu'il détient au capital d'une personne morale (mais uniquement les parts représentatives d'un apport en numéraire ou en nature, les parts d'industrie ne pouvant être nanties).
Le nantissement de parts sociales, qui sont des biens incorporels, est assimilé à un gage sur meubles corporels, dont le régime lui est applicable et notamment l'article 2355 du code civil.
Conformément aux dispositions de l'article 2336 du code civil, le nantissement résulte d'un contrat écrit précisant la désignation de la dette garantie et le détail des parts données en gage.
Etant précisé que si le nantissement est commercial, c'est à dire si le constituant est commerçant ou s'il est constitué en garantie des engagements pris entre commerçants , l'écrit n'est pas nécessaire et le nantissement peut être prouvé par tout moyen (article L521-1 du code de commerce qui procède par renvoi à l'article L110.3)
Le nantissement peut également être judiciaire (articles l511-1 et L531-1 du code des procédures civiles d'exécution, et R532-3 et R532-4) et doit, dans ce cas, à peine de caducité, être signifié dans les 8 jours au débiteur (R532-5)
L'autorisation des associés de la société dont les titres sont nantis
Le droit des sociétés reste applicable pour partie et notamment l'article L223-15 du code de commerce organise une possibilité pour la société de donner son consentement au nantissement, ce qui vaudra agrément du créancier comme associé en cas d'attribution judiciaire des parts. Cela évitera un refus d'agrément en cas d'attribution judiciaire des parts.
Cet agrément est donné dans les formes de l'article L223-14 du code de commerce (cessions de parts) et est précédé d'une notification dans les formes de l'article R223-11 qui provoque une assemblée des associés (R223-12)
A défaut de cette procédure préalable, le créancier nanti devra être agréé dans les formes sociales s'il sollicite l'attribution judiciaire des parts.
La publicité du nantissement
Au visa de l'article 2337 du code civil, pour être opposable aux tiers, comme tous les gages sans dépossession (article 2338 du code civil), le nantissement doit être publié.
Le régime de la publicité est différent suivant que la société dont les parts sont nanties est civile ou commerciale.
Concernant les nantissements de parts sociales de sociétés civiles, c'est l'article 57 du décret 78-704 du 3 juillet 1978 qui organise un fichier des nantissements, tenu dans chaque greffe du tribunal de commerce.
L'état des nantissement est accessible sur les sites Infogreffe par l'entrée dans la société dont les titres sont nantis, à la rubrique "Etat d'endettement" (ce qui est une aberration puisque il ne s'agit pas d'une dette de la société) avec la sous rubrique "Catégorie 6 nantissement de parts sociales"
Concernant les nantissements de parts sociales de sociétés commerciales, c'est le régime de l'inscription des gages sans dépossession qui est applicable et c'est le décret 2006-1804 du 23 décembre 2006 qui règlemente désormais l'inscription, qui préserve le gage pendant 5 ans (entrée en vigueur le 1er mars 2007)
L'état des nantissement est accessible sur les sites Infogreffe :
- par l'entrée dans la société dont les titres sont nantis, à la rubrique "Etat d'endettement" (ce qui est une aberration puisque il ne s'agit pas d'une dette de la société) mais la sous rubrique "Gages sans dépossession" n'existe pas et il faut donc commander (et payer ) l'état d'endettement complet pour y accéder (!!)
- par une recherche (gratuite) sur le fichier national des gages dans dépossession, à partir du nom et du numéro de RCS du constituant (mais pour faciliter les choses le nom de la société dont les titres sont nantis n'apparait pas) (adresse https://www.infogreffe.fr/recherche-gage-sans-depossession)
L'alinéa 1 du décret di 23 décembre 2006 précise :
"L'inscription du gage prévue à l'article 2338 du code civil est faite à la requête du créancier sur un registre spécial tenu par le greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant est immatriculé ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation, dans le ressort duquel est situé, selon le cas, son siège ou son domicile.
L'inscription du nantissement de parts sociales, prise en application du dernier alinéa de l'article 2355 du code civil, est faite auprès du greffier du tribunal de commerce du lieu d'immatriculation de la société dont les parts sont nanties.
Le greffier attribue à l'acte de gage ou de nantissement un numéro d'ordre.
Le registre prévu au premier alinéa peut être tenu sous forme électronique. Dans ce cas, il est fait usage d'une signature électronique sécurisée dans les conditions prévues par l'article 1367 du code civil et le décret du 30 mars 2001 pris pour son application."
(le constituant est le porteur de parts qui consent le nantissement)
Et l'article 2
Le créancier remet ou adresse au greffier du tribunal de commerce l'un des originaux de l'acte constitutif de la sûreté ou une expédition si l'acte est établi sous forme authentique.
Un bordereau en deux exemplaires est joint à l'acte.
Il comporte :
1° La désignation du constituant et du créancier :
a) S'il s'agit d'une personne physique : ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile ainsi que, le cas échéant, son numéro unique d'identification complété, s'il y a lieu, par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;
b) S'il s'agit d'une personne morale : sa forme, sa dénomination sociale, l'adresse de son siège social ainsi que, le cas échéant, son numéro unique d'identification complété, s'il y a lieu, par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;
2° La date de l'acte constitutif de la sûreté ;
3° Le montant de la créance garantie en principal, la date de son exigibilité, l'indication du taux des intérêts ainsi que, le cas échéant, la mention de l'existence d'un pacte commissoire. Pour les créances futures, le bordereau mentionne les éléments permettant de les déterminer ;
4° La désignation du bien gagé avec l'indication des éléments permettant de l'identifier, notamment sa nature, son lieu de situation et, le cas échéant, sa marque ou son numéro de série, ou, lorsqu'il s'agit d'un ensemble de biens présents ou futurs, leur nature, qualité, et quantité ;
5° Pour les sociétés dont les parts sont nanties, leur forme, leur dénomination sociale, l'adresse de leur siège social, leur numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, le nombre de parts sociales nanties et leur valeur nominale ;
6° La catégorie à laquelle le bien affecté en garantie appartient par référence à une nomenclature fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ;
7° Le cas échéant, la faculté pour le constituant d'aliéner les choses fongibles gagées dans les conditions prévues par l'article 2342 du code civil.
(le rédacteur de l'acte de nantissement est en charge de la publicité, sauf dispense Cass civ 1ère 16 octobre 2008 n°07-14695
L'inscription de nantissement prend effet à sa date et pendant 5 ans. Elle peut être renouvelée, à défaut de quoi elle cesse de produire effet et peut être radiée d'office par le greffe (articles 6 et 7 du décret 2006-1804 du 23 décembre 2006)
La radiation peut évidemment intervenir également sur justification d'un accord des parties ou d'un acte de main levée, ou encore d'une décision de justice passée en force de chose jugée (article 8 du décret 2006-1804)
Matériellement les greffiers des tribunaux de commerce tiennent un fichier électronique national des gages sans dépossession qui peut être consulté gratuitement (articles 9 à 12 du décret 2006-1804)
Les effets du nantissement
L'associé exerce alors ses prérogatives d'associé, et notamment ses droits de vote, nonobstant le nantissement sauf si le créancier demande que les parts soient séquestrées.
A l'échéance de la dette, le nantissement s'exerce sur le prix de vente des parts, notamment dans le cadre de la vente forcée qui peut être provoquée par le créancier (article 2346 du code civil ou L521-3 du code de commerce suivant que le nantissement est de nature civile ou commerciale)
Le créancier peut en effet :
- demander la vente aux enchères publique des actions gagées (dans les formes du code des procédures civiles d'exécution si le gage est civil article 2346 du code civil, et aux enchères 8 jours après une simple signification si le gage est commercial article L521-3 du code de commerce). Le créancier et le débiteur ne peuvent déroger aux modalités de vente (articles 2346 du code civil et L521-3 du code de commerce) mais cependant rien n'interdit à l'associé de mandater le créancier pour céder amiablement les parts.
- demander l'attribution judiciaire des parts (2347 du code civil ou L521-3 du code de commerce suivant que le nantissement est de nature civile ou commerciale). Cette attribution est possible même en présence de créanciers de meilleur rang (Cass Com 3 juin 2008 n°07-12017) qui seraient venus avant le créancier nanti si les parts avaient été vendues. L'attributaire des parts doit cependant reverser la part du prix des actions qui excède sa créance (articles 2347 et 2348 du code civil et L621-3 suivant que le gage est civil ou commercial)
Le créancier attributaire des parts doit être agréé dans les conditions légales ou statutaires et c'est la raison des formalités préalables (voir ci dessus), étant précisé que même si l'agrément préalable avait été donné (voir ci dessus) la société pourrait préférer réduire son capital pour éviter l'entrée du créancier dans le capital (L223-15 du code de commerce).
- devenir automatiquement propriétaire des parts si un pacte commissoire le prévoit (dans l'acte de nantissement ou un acte postérieur) au visa de l'article 2247 du code civil (société civile) ou L521-3 alinéa 4 (société commerciale), sauf en garantie d'un crédit à la consommation.
(voir également L223-14 et R223-11)
A priori s'agissant d'un gage sans dépossession, le créancier nanti ne perçoit pas les revenus des parts, l'article 2345 du code civil s'appliquant au gage avec dépossession. En outre les conventions prévoient de manière quasi systématique que la titulaire des parts perçoit les revenus des parts.
Pour autant, le titulaire du nantissement n'est pas créancier du constituant au titre du nantissement de parts "une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur". Cass com 17 juin 2020 n°19-13153
Dispositif antérieur au décret du 23 décembre 2016
Le régime actuel est venu remplacer le dispositif antérieur, prévu à l'ancien article 2072 du code civil et organisé aux articles 2073 et suivants qui précisait que le gage confère le droit de se faire payer sur la chose gagée - comprendre sur son prix ou par son attribution- et conditionnait son opposabilité à l'existence d'un acte enregistré cf article 2074 .
La loi 66-537 organisait à cette époque un mécanisme d'autorisation de la société, comme c'est le cas actuellement (articles 275 et 277) et un registre spécial n'était prévu au greffe que pour les sociétés civiles (décret 78-704 articles 54 et 55).
Le gage de valeurs mobilières d'une société commerciale était alors régi par l'article 29 de la loi 83-1.
New money (privilège de conciliation) ou prêts accordés dans le cadre de la conciliation) version courte
Concrètement, au sens de la loi, il s'agit des apports de trésorerie effectués au profit d'une entreprise dans le contexte bien particulier d'une procédure de conciliation. S'il advient que l'entreprise soit ensuite en procédure collective, a priori ces apports sont traités en rang de créance antérieure et ont vocation à être des créances chirographaires ce qui n'est pas un traitement favorable, alors même que l'apport de trésorerie était précisément destiné à éviter la procédure collective et bénéficie donc aux autres créanciers. Pour cette raison la loi institue un privilège qui bénéficie à ces apports de trésorerie s'ils sont intervenus dans le cadre d'une conciliation avec accord homologué. Dans ce cas, ces créances sont traitées en rang très favorable, puisqu'elles passent avant même les créances postérieures au jugement d'ouverture considérées comme utiles et ne sont primées que par les frais de justice et le superprivilège des salaires
L'article L611-11 dispose en effet :
"En cas d'ouverture d'une procédure ,de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné lieu à l'accord homologué mentionné au II de l'article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l'article L. 622-17 et au II de l'article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre , un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.
Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital.
Les créanciers signataires de l'accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation."
et l'article L622-17 auquel il renvoi dispose en son II
" II.-Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code."
Certaines décisions considèrent (ce qui nous semble fortement discutable) que le privilège subsiste si en suite de la conciliation est prononcée une première procédure suivie d'un plan, ensuite résolu et donnant lieu à une seconde procédure: le privilège pourra être invoqué dans cette seconde procédure ( Cour d'appel de Paris 6 octobre 2017 n°16-20078 Selarl Sarthe).
Note en délibéré
La note au délibéré est une note qu'une partie adresse au juge après que l'affaire ait été mise en délibéré et que les débats soient terminée, mais avant que la décision soit rendue, c'est à dire avant le délibéré.
Par principe une telle note n'est pas possible (445 du CPC) sauf dans des cas particuliers (réponse aux arguments du ministère public qui par hypothèse a la parole en dernier cf 443 du CPC, ou à la demande du Président).
La décision qui se fonderait sur une note au délibéré non autorisée est nulle Cass civ 3ème 10 mars 1999 n°97-17334 Cass civ 2ème 12 février 2004 n°02-12540 Cass Civ 2 25 octobre 2018 n°17-24606
Notification
Quelques points de la définition
Notification et procédures collectives: le principe de notification par le greffe
Les mentions obligatoires de la notification
La possibilité de notification ou signification par une partie
Les destinataires de la notification
Les parties (mais pas les mandataires de justice pour les ordonnances du juge commissaire)
Les tiers dont les droits sont susceptibles d'être affectés par la décision
Echec de la notification: signification par les parties
Généralités
C'est le courrier recommandé par lequel le greffe porte une décision rendue à la connaissance d'une partie.
La notification fait courir le délai de recours, selon les modalités indiquées dans le courrier: c'est donc l'acte qui ouvre les délais de recours, et à partir duquel on pourra calculer qu'une décision est devenue définitive par expiration des délais de recours (l'article 667 du CPC permet également la notification contre émargement, c'est à dire remise en main propres contre signature même si les textes prévoient la notification par voie postale.
Voir également le mot "signification": la signification est effectuée par huissier, à la demande du greffe ou d'une partie (encore que la distinction entre notification et signification relativement au mode opératoire n'existe pas nécessairement dans certains textes)
L'alternative choix entre la notification et la signification n'est pas à la discrétion de celui qui y procède et est généralement fixé par les textes applicables.
En outre le recours à la signification s'impose
- si la notification a échoué la notification ne fait pas courir les délais de recours, même si le destinataire de l'acte a changé d'adresse et omis de le signaler au greffe (Cass com 11 février 2014 n°12-29312). Clairement la notification qui a échoué celle pour laquelle le courrier recommandé revenu avec mention "n'habite pas à l'adresse indiquée" ou celle pour laquelle le courrier est revenu sans être retiré (voire refusé Cass soc 31 mars 2003 n°02-30765) c'est à dire finalement quel que soit le motif du retour Cass soc 7 novembre 2007 n°06-41883
La notification par recommandé doit en effet être signée dans les conditions de l'article 670 du CPC, c'est à dire soit signée par le destinataire soit signée par une personne qui a un pouvoir, et c'est la date apposée par la poste qui fait foi (article 669 du CPC). Il appartient au destinataire de prouver le défaut de mandat de la personne qui a apposé sa signature et le cas échéant
- si une partie veut porter la décision à la connaissance d'une autre et faire courir les délais de recours, alors même que le greffe est en charge de la notification (Cass com 10 mars 2015 n°13-22777)
Notifications et procédure collective: le principe de notification par le greffe
Par principe les décisions rendues en matière de procédure collective sont notifiées par le greffe par courrier recommandé avec accusé de réception.
L’information des parties est donc assurée en principe par une notification effectuée par le greffe, généralement en recommandé avec accusé de réception.
L'article R662-1 précise
3° Les notifications et communications adressées au débiteur personne physique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sont régulièrement faites à l'adresse préalablement indiquée au greffe du tribunal à l'ouverture de la procédure ou en cours de procédure. La date de la notification est celle de la signature de l'avis de réception. Toutefois, lorsque l'avis de réception n'a pas été signé par son destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, la date de la notification est celle de la présentation de la lettre recommandée. Les lettres de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du liquidateur sont transmises à cette même adresse ;
4° Les notifications et lettres adressées au débiteur, personne morale de droit privé, peuvent l'être au domicile de son représentant légal ou du mandataire ad hoc désigné conformément au II de l'article L. 641-9.
Pour les mandataires de justice, la décision est simplement communiquée par le greffe.
Une notification effectuée par une partie pourrait également faire courir le délai de recours Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-22777
Ordonnances du juge commissaire
C'est par exemple l'article R621-21 qui le précise pour les ordonnances du juge commissaire.
Jugement d'ouverture
C'est encore le cas pour le jugement d'ouverture de la procédure, qui est notifié par le greffe si le débiteur est le demandeur à l'ouverture de la procédure ( et signifié si la procédure est ouverte sur poursuite voir le mot voies de recours) : article R631-12.
Ce n'est en principe que si la notification échoue ou si la loi le prévoit expressément pour le type de décision concerné qu'il est effectué une signification.
Cession d'entreprise
Autres décisions
Le doute est permis sur la formalité à accomplir : notification par le greffe ou signification ?
L'article R661-3 évoque une notification pour toute décision rendue en matière de procédure collective, mais précise "sauf disposition contraire".
Il existe donc des exceptions (voir le mot signification) par exemple en matière de sanction (a minima faillite personnelle et interdiction de gérer mais a priori pas en matière de comblement de passif). Rien n'empêche évidemment une partie de signifier si elle a un doute sur le fait que le greffe ait notifié.
Mentions obligatoires de la notification
Voir Notification mentions obligatoires et conséquences
Les destinataires de la notification
Information des parties
La notification est destinée à la partie (le cas échéant au représentant légal, étant précisé que l'administrateur provisoire a qualité pour la recevoir Cass com 5 septembre 2018 n°17-14758 et qu'en tout état s'agissant d'une personne morale, la notification (ou signification) est valablement faite au représentant légal en principe au siège social (654 du CPC) mais le cas échéant à la personne habilitée à recevoir l'acte (690 du CPC) et notamment au liquidateur au sens du droit des sociétés Cass civ 2ème 3 avril 1979 n°77-15446 Cass Civ 2ème 17 mai 1983 n°81-14262
La signature portée sur un accusé de réception d'un courrier recommandé est réputé jusqu'à preuve contraire, être celle du destinataire (Cass civ 2ème 1er octobre 2020 n°19-15753)
Ainsi l'assignation délivrée au représentant de la personne morale, pris en cette qualité, est valable Cass com 17 février 2015 n°13-26478 Cass Civ 2ème 30 avril 2009 n°07-15582 Cass com 8 novembre 2016 n°14-27223
(mais l'article R621-21 du code de commerce prévoit pour les mandataires de justice que les ordonnances du juge commissaire leur sont simplement "communiquées" c'est à dire remises sans formalité , voir le mot juge commissaire)
Information des tiers dont les droit sont affectés
Cependant les textes prévoient que les tiers dont les droits sont affectés par la décision du juge commissaire sont destinataires d'une notification effectuée par le greffe ( et on peut en déduire qu'à défaut de notification, le délai de recours ne court pas pour eux cf Cass Com 8 mars 2017 n°15-18692 pour une tierce opposition à un arrêt qui statue sur un report de date de cessation des paiements, occulte pour le tiers assigné en nullité, jusqu'à ce qu'il lui soit opposé)
La notion de "tiers dont les droits sont susceptibles d'être affectés" notamment visée à l'article R621-21 du code de commerce relativement aux ordonnances du juge commissaire, n'est pas définie, outre le fait que ce texte semble faire reposer l'initiative sur le greffe : ce ne serait pas le juge qui désignerait dans sa décision les personnes auxquelles le greffe notifiera, mais le greffe qui l'apprécierait. La prudence est évidemment que ce soit le juge qui apporte cette précision.
Si l'ordonnance du juge commissaire statuant sur la revendication n'a pas été notifiée à un tiers intéressé, le délai de recours n'a pas couru à son encontre Cass com 1er juillet 2020 n°19-10499, étant précisé que la qualification erronée de "tierce opposition " ne rend pas le recours irrecevable. Cette décision est transposable aux autres ordonnances du juge commissaire régies par l'article R621-21
Notifications et procédures collectives: à quelle adresse ?
La particularité des procédures collectives, et notamment de la liquidation judiciaire est que le débiteur personne physique peut être amené, en raison de sa situation financière, à déménager. Généralement le bail du local qui héberge la personne morale est résilié. Dans les deux cas des problèmes peuvent se poser puisque les notifications sont dirigées aux adresses connues dans les pièces de procédure.
Les personnes physiques et le point de départ des délais en cas de présentation d'un courrier de notification
La question s'est posée dans le cas d'une personne physique qui n'avait pas signalé son changement d'adresse au greffe, et à laquelle une notification avait été adressée à l'ancienne adresse.
La Cour de Cassation a jugé que même si c'était du fait du débiteur qui avait omis de signaler son changement d'adresse, la notification n'avait pas fait courir valablement le délai de recours (Cass com 11 février 2014 n°12-29312)
En réalité si le courrier de notification revient non retiré avec une mention d'adresse inexacte, le greffe invite les parties à procéder par acte d'huissier (article 670-1 du CPC).
SI l'huissier ne peut atteindre le destinataire il dresse un procès verbal relatant ses diligences, envoie copie de l'acte et de sa signification à la dernière adresse connue par courrier RAR (article 659 du CPC). Dans ce cas le délai de recours commence à courir le jour de l'établissement du procès verbal (PV) de l'huissier (664-1 du CPC), sauf si par la suite le destinataire de l'acte peut établir que les diligences de l'huissier ont été insuffisantes (693 du CPC).
Le décret du 30 juin 2014 est venu apporter les précisions suivantes en modifiant l'article R662-1 du code de commerce:
"3° Les notifications et communications adressées au débiteur personne physique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sont régulièrement faites à l'adresse préalablement indiquée au greffe du tribunal à l'ouverture de la procédure ou en cours de procédure. La date de la notification est celle de la signature de l'avis de réception. Toutefois, lorsque l'avis de réception n'a pas été signé par son destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, la date de la notification est celle de la présentation de la lettre recommandée. Les lettres de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du liquidateur sont transmises à cette même adresse"
La rédaction est équivoque concernant le débiteur qui omet de signaler son changement d'adresse, et les avis sont partagés sur les conséquences de ce nouveau texte.
A priori on peut penser que le texte n'infléchira pas la jurisprudence, et que même si le débiteur omet de signaler son changement d'adresse, il ne sera pas possible d'en tirer argument pour prétendre que les délais de recours ont couru.
La jurisprudence devra cependant prendre position compte tenu du terme "les notifications sont régulièrement faites ..." qui peut avoir pour conséquence de valider une notification faite à l'adresse signalée par le débiteur.
On peut à ce sujet rappeler qu'en matière de contentieux administratif, la notification est valablement faite à l'adresse communiquée par les parties au greffe ( CE 16 avril 1975 n° 90989) et on peut s'interroger pour savoir si le nouveau texte n'appellerait pas un parallèle avec le dispositif administratif.
Une analyse pragmatique et prudente des textes conduit à considérer que le courrier de notification, comme par la suite la signification, doit être adressée à l'adresse du destinataire et que si l'huissier dresse un PV de recherches infructueuses, il doit avoir procédé à toutes les démarches, sans pouvoir se contenter de s'abriter derrière l'adresse signalée par le destinataire (par exemple sur l'extrait KBIS d'une société dont il est dirigeant nonobstant l'article R123-66 et l'article R123-54 qui font obligation aux personnes morales de mentionner l'adresse de leurs dirigeants).
Voir par exemple Cass com 5 février 2020 n°18-18461
Mais attendu qu'ayant relevé que l'huissier de justice s'était rendu à la dernière adresse connue de M. O..., figurant au registre du commerce et des sociétés et à la déclaration de cessation des paiements effectuée par celui-ci, qu'il avait cherché son nom sur les sonnette et boîte aux lettres, et interrogé les locataires en place qui avaient indiqué occuper les lieux depuis dix-huit mois et ne pas avoir de contact avec M. O... qui « serait » au Chili, qu'il avait effectué de vaines recherches sur les pages blanches d'Internet et s'était rapproché des services postaux qui lui avaient opposé le secret professionnel, la cour d'appel, énumérant ainsi les diligences précises et concrètes de l'huissier de justice pour procéder à une signification à personne, qui ne s'étaient pas limitées à une simple consultation d'Internet a pu retenir qu'il n'avait pas à se rapprocher du liquidateur qui était dans l'incapacité de lui communiquer la nouvelle adresse du dirigeant, pour solliciter d'autres instructions, et que la signification effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile était régulière ; que le moyen n'est pas fondé ;
Voir Cass com 5 décembre 2018 n°17-22785 Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, que l'huissier de justice, qui a tenté de délivrer l'assignation à l'adresse de M. X... figurant sur l'extrait Kbis de la société, relate, dans son procès-verbal, qu'il s'est rendu à cette adresse où, malgré plusieurs passages, il n'a pu accéder aux bâtiments, le portail de la résidence étant sécurisé et fermé, qu'il n'a rencontré personne pouvant le renseigner, qu'il a également consulté les services internet des "Pages jaunes", toutes ces recherches étant restées infructueuses, de sorte qu'il n'a pu obtenir la certitude que l'intéressé était domicilié à l'adresse indiquée ; qu'ayant rappelé que M. X... soutenait qu'une simple consultation de l'annuaire aurait permis de retrouver son adresse actuelle à Marseille, l'arrêt retient encore que l'extrait de l'annuaire produit par M. X..., et faisant apparaître sa nouvelle adresse, n'est pas pertinent, cette recherche ayant été effectuée le 10 juin 2015, cependant que la signification litigieuse est intervenue le 14 octobre 2014 ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir la pluralité des diligences accomplies par l'huissier de justice, la cour d'appel a pu déduire que l'assignation délivrée à M. X... était régulière ;
Cass com 28 juin 2016 n°14-26944 Attendu que, pour rejeter ces demandes d'annulation, l'arrêt constate qu'il résulte des mentions contenues dans l'assignation que l'huissier de justice, qui a relaté l'ensemble des diligences accomplies, s'est rendu à la dernière adresse connue de M. X... 55 ...75011 Paris, a rencontré le concierge de l'immeuble qui lui a déclaré que celui-ci était parti sans laisser d'adresse, a effectué une recherche dans l'annuaire téléphonique de Paris, lequel ne mentionne pas d'abonné à ces nom et prénom, à cette adresse et dans le reste de Paris ; que, s'agissant de la signification du jugement, l'arrêt constate que l'huissier de justice n'a trouvé aucune trace du nom du requis à cette adresse, le concierge déclarant que M. X... était parti sans laisser d'adresse, et le lieu de son travail actuel étant inconnu, et que si, sur l'annuaire électronique, figurait un X... Nathaniel à Paris, 4 rue ..., il avait tenté en vain de le joindre, ses appels restant sans réponse en l'absence de boîte vocale, tandis qu'il n'avait pu interroger les services postaux et fiscaux qui se retranchaient, derrière le secret professionnel ; que la cour d'appel en a déduit que l'obligation pesant sur l'huissier de justice de relater dans ces actes les diligences accomplies pour effectuer des significations à la personne de leur destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité de telles significations à sa personne avaient été respectées ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'huissier de justice avait accompli des diligences suffisantes pour rechercher le destinataire des actes, notamment en se rapprochant du liquidateur judiciaire de la société Institut de formation mayanne pour tenter de connaître la nouvelle adresse personnelle ou professionnelle de M. X... et, ayant découvert sur l'annuaire électronique un indice relatif à une possible nouvelle adresse personnelle de M. X... à Paris, 4 rue ..., en se rendant sur les lieux pour vérifier dans le voisinage s'il s'agissait ou non de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Cass com 9 septembre 2020 n°18-12444 Mais attendu que l'arrêt relève d'abord que l'huissier de justice chargé de la signification de l'assignation s'est rendu à la dernière adresse connue, à Dommartemont, de M. X..., lequel ne rapporte pas la preuve qu'il aurait habité à une autre adresse dont les mandataires judiciaires auraient eu connaissance, notamment celle figurant sur l'extrait Kbis de la société Tuileries d'Alsace Lorraine, distincte, de plus, de l'adresse à Versailles qu'il revendique et que les pièces de la procédure démontrent être son domicile dès le début de l'année 2012 ; que l'arrêt ajoute que l'huissier de justice a constaté que le nom de l'intéressé ne figurait ni sur le tableau des occupants ni sur la porte des appartements ni sur les boîtes aux lettres, que les voisins ne pouvaient lui fournir de renseignement sur son adresse actuelle, que le préposé de La Poste lui avait opposé le secret professionnel, tandis que la mairie ne pouvait lui fournir une autre adresse, et que ses recherches dans l'annuaire étaient demeurées vaines ; que la cour d'appel a exactement déduit de ces constatations que l'huissier de justice avait accompli toutes les diligences utiles et que la signification était régulière, dès lors que l'officier ministériel n'était pas tenu de mentionner dans le procès-verbal de signification l'identité des personnes auprès desquelles il s'assurait du domicile, ni de chercher à entrer à contact avec M. X... via un réseau social professionnel n'indiquant pas directement, selon les propres conclusions de l'intéressé, l'adresse de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Les personnes morales
Concernant les personnes morales, le texte indique, à propos des liquidations judiciaires: "4"° Les notifications et lettres adressées au débiteur, personne morale de droit privé, peuvent l'être au domicile de son représentant légal ou du mandataire ad hoc désigné conformément au II de l'article L. 641-9." Ce nouveau texte est la conséquence de la modification, qui découle de l'ordonnance du 12 mars 2014, par laquelle la liquidation n'emporte plus la dissolution de la société: a priori, la personne morale subsiste, et conserve son siège social.
Cependant il faut bien considérer que bien souvent le bail du local qui héberge le siège social est résilié.
Ainsi la société peut, sur demande, être considérée par les organes de la procédure comme étant domiciliée à l'adresse du représentant légal (qui reste en fonction puisque la société n'est pas dissoute). Le texte ne précise pas sous quelle forme la demande doit être faite. En tout état, et sauf indication contraire, les notifications faites au siège social sont régulières, et il appartient aux associés de déplacer le siège social.
Pour plus de précisions voir le mot siège social et procédure collective
Echec de la notification: la signification par les parties
Les actes pour lesquels le courrier recommandé de notification échoue doivent être réitérés par signification: c'est par exemple le cas d'une convocation du débiteur, qui, faute d'avoir été reçue, doit être signifiée. A défaut la décision rendue encours la nullité.
Plus précisément la notion d'échec de la notification par RAR a été modifiée par les effets du décret du 30 juin 2014 uniquement pour les procédures ouvertes au jour de son entrée en vigueur: avant l'entrée en vigueur de ce texte, l'article R662-1 du code de commerce renvoyait aux dispositions de procédure civile et particulièrement les articles 670 , 670-1 du CPC s'appliquaient: si le destinataire n'avait pas signé l'accusé réception du courrier, il convenait de signifier.
Le décret du 30 juin 2014 (article 118 ) a emporté une modification salutaire de l'article R662-1: la première présentation du recommandé vaut notification et fait courir le délai de recours; ainsi, à la condition expresse que l'adresse soit exacte, et que le courrier ne revienne pas avec une mention NPAI, le destinataire d'un recommandé qui ne le retire pas mais est avisé par la poste s'expose à ce que la décision devienne définitive.
A défaut l'article 670-1 du code de procédure civile qui dispose "En cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670, le secrétaire invite la partie à procéder par voie de signification" doit s'appliquer.
D'ailleurs, selon avis de la Cour de Cassation du 4 avril 2016 n°16-70001 (avis 16003P) "Lorsqu’en application de l’article R. 631-4 du code de commerce, le président du tribunal fait convoquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un dirigeant de personne morale et que l’avis de réception de la lettre retourné au greffe n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670 du code de procédure civile, il incombe au greffier d’inviter le ministère public, demandeur à l’instance, à procéder par voie de signification. Il ne peut être suppléé à l’accomplissement de cette formalité par l’exercice de la simple faculté offerte au juge par l’article 471 du code de procédure civile de faire procéder à une nouvelle citation lorsque le défendeur ne comparaît pas."
Notification et signification mentions obligatoires et conséquences
Le principe
En toute circonstance si le délai de recours est ouvert par une notification ou une signification, son ouverture suppose que l'acte indique expressément le délai et les modalités de recours (article R662-1 du code de commerce qui renvoie à l'article 680 du CPC :
Rappelons que l'article 680 du CPC dispose "L'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie"
Toute mention erronée ou omise a pour conséquence que le délai de recours n'a pas couru (Cass civ 2ème 3 mars 2016 n°15-12129)
Etant précisé que lorsque la représentation par avocat est obligatoire, l'article 678 du CPC prévoit une signification à avocat préalablement à la signification aux parties, sout la sanction d'une nullité de fond (mais si les deux actes, signification à avocat et signification aux parties) sont effectués le même jour, ils seront valables si la signification à partie vise la signification à avocat qui sera alors réputée faite préalablement Cass civ 1ère 28 mai 2008 n°06-17373 et Cass civ 1ère 23 février 2012 n°10-26117 )
Un acte comportant une mention erronée ou omettant une mention obligatoire ne fait pas courir le délai de recours
Un acte erroné ne fait pas courir le délai (de la même manière d'ailleurs qu'une insertion erronée au BODACC). Pour plus de précisions sur le contenu et les irrégularités de la publicité voir le mot BODACC
Un certain nombre d'erreurs peuvent affecter la notification ou la signification d'une décision. C'est fréquent en matière de procédure collective où les voies de recours sont spécifiques et enfermées dans des délais particulier.
Pour être régulière et faire courir le délai de recours, la notification doit donc mentionner les délais et modalités de recours (cf article 680 du CPC et Cass com 10 Juillet 2001 n°98-16698 ) et préciser devant quelle juridiction le recours doit être porté Cass civ 2ème 3 Mai 2001 n°99-18326. De la même manière une notification qui comporte une erreur sur l'identité des parties ne fait pas courir les délais de recours Cass civ 2ème 13 avril 2023 n°21-21242
Par ailleurs si le juge qualifie inexactement une décision (par exemple en dernier ressort) et que le recours exercé est irrecevable pour cette raison, c'est la notification de la décision d'irrecevabilité qui fera courir le délai (article 536 du CPC)
Pour les délais
L'indication d'un délai erroné ne fait pas courir le délai de recours Cass Civ 2ème 19 mai 1998 n°96-16706 Cass soc 26 avril 2006 n°04-41420 Cass Civ 2ème 7 mars 2002 n°99-12167 Cass com 22 juillet 1986 n°85-11829 Cass civ 2ème 15 avril 2010 n°09-14872 et l'indication du point de départ du délai doit également être portée Cass soc 23 octobre 1984 n°82-41101
Voir également Cass civ 2ème 9 avril 2015 n°14-18772, Cass civ 2ème 12 février 2004 n°02-13332, Cass soc 26 avril 2006 n°04-41420, Cass civ 2ème 24 octobre 1979 n°77-15457, que la signification soit annulée ou pas (Cass civ 2ème 15 avril 1981 n°80-12201, Cass civ 2ème 4 juin 1986 n°85-10299.
Pour les modalités de recours :
- Le processus de recours
L'absence d'indication des modalités du recours entraîne également la nullité : par exemple omission de préciser qu'il faut un acte d'huissier Cass Civ 2ème 7 janvier 1982 n°80-14146 ou la constitution d'un avocat Cass civ 2ème 9 avril 2015 n° 14-18772 ou encore la nécessité en l'espèce de recourir à la procédure à jour fixe Cass Civ 2ème 28 janvier 2016 n°15-11391 Cass Civ 2ème 3 décembre 2015 n°14-24909 ou encore devant quelle juridiction le recours doit être formé Cass Civ 2ème 3 mai 2001 n°99-18326
Certains arrêts vont jusqu'à imposer que la notification comporte l'indication de l'adresse de la juridiction devant laquelle le recours doit être formé Cass civ 2ème 4 juin 2015 n°14-15450
A priori l'absence d'indication que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile (article 680 du CPC) n'invalide pas la notification mais interdira de prononcé une amende civile.
- la juridiction de recours Cass civ 2ème 8 décembre 1982 n°81-14603
- la voie de recours
L'absence d'indication de la voie de recours entraîne nullité de la notification, Cass civ 2ème 17 mai 2018 n°17-17480 , la nullité de la notification n'étant pas suspendue à la démonstration d'un grief résultant de l'absence de mention.
L'indication d'une mauvaise voie de recours ne fait pas courir le délai Cass soc 8 novembre 1979 n°78-40708, Cass civ 2ème 15 avril 1981 n°80-12201 Cass civ 2ème 14 février 2008 n°06-20988, Cass civ 2ème 3 mai 2001 n°99-18326, Cass com 29 mai 2001 n°98-17469 y compris si l'erreur est la conséquence d'une erreur de qualification donnée par le jugement lui même (Cass civ 2ème 11 avril 1981 n°79-13256, cf article 536 du CPC) et il est parfois jugé que l'indication d'une mauvaise voie de recours entraîne la nullité de la notification Cass civ 2ème 25 octobre 1979 n°78-12040 Cass Com 28 juin 2016 n°15-13310
En tout état l'acte n'ouvre pas pour autant la voie de recours indiquée par erreur.
Evidemment l'utilisation d'un formulaire qui détaille différentes voies de recours sans préciser laquelle est applicable à l'espèce est nulle Cass Soc 8 novembre 1979 n°78-40708
La traduction procédurale de l'anomalie de l'acte : nullité de forme
L'acte comportant une anomalie ne fait pas courir le délai de recours.
Procéduralement plusieurs cas peuvent se présenter:
- une partie se prévaut de l'absence de recours : l'autre partie pourra lui objecter que le recours n'a pas couru et invoquera la nullité de l'acte.
- une partie exerce un recours pour lequel on lui oppose qu'il est irrecevable (par exemple hors délai, ou recours mal dirigé) : dans le cadre de l'instance elle objectera que l'acte lui cause grief (et le juge saisi pourra en connaître Cass civ 2ème 6 décembre 2018 n°17-24684 Cass civ 2ème 13 novembre 2014 n°13-24547
- une partie exerce le "bon" recours, dans le "bon" délai : la validité de l'acte est sans aucune conséquence.
Les irrégularités des actes sont des irrégularités de forme, et évidemment dans les deux premier cas, le grief nécessaire pour que la nullité soit invoqué est bien démontré.
L'article 693 du CPC prévoit en effet que les irrégularités de mentions entraînent la nullité, régie par les règles de nullité des actes de procédure (694 du CPC). Ce sont donc les articles 112 et suivants du CPC relatifs aux nullité des actes pour vice de forme qui s'appliquent et notamment l'article 114 du CPC qui subordonne la nullité à la démonstration d'un grief.
La connaissance personnelle que pouvait avoir le destinataire de la notification n'évite pas la nullité mais l'indication d'un délai de recours plus bref que la réalité constitue un grief Cass Civ 2ème 4 juin 1986 n°85-10299
Le débat pourrait exister à l'inverse dans le cas de l'indication d'un délai plus long que le délai légal, le grief étant discutable dès lors que le destinataire de l'acte n'a effectivement exercé aucun recours à l'intérieur de ce délai artificiellement long.
(pour un autre exemple - absence d'indication des modalités de l'appel, mais indication que la voie de recours est l'appel et indication du délai - dans lequel l'absence de grief a été retenue, Cass Civ 2ème 7 mars 1979 n°77-14476 ou erreur grossière sur le siège de la Cour d'appel qui ne pouvait pas échapper Cass civ 2ème 20 novembre 1985 n°84-13239
La possibilité de notification ou signification par une partie existe toujours
En tout état si une partie veut faire courir le délai de recours à l'encontre d'un mandataire de justice, il devra lui signifier la décision (Cass com 24 janvier 2018 n°16-20197),
Il en est de même à l'encontre d'un tiers dont on estime que les droits sont affectés par la décision Cass com 10 mars 2015 n°13-22777
l'article 651-3 du CPC prévoit en effet que la signification peut toujours être effectuée même si les textes prévoient une autre forme. Il s'agit bien dans ce cas d'une signification (acte d'huissier) et pas d'une notification (courrier recommandé).
A l'inverse la notification là où une signification est nécessaire, ne fait pas courir le délai d'appel (pour un exemple de distinction, dans un autre domaine Cass civ 2ème 1er février 2018 n°17-11321)
La pluralité de notifications ou significations
A priori en cas de pluralité de notifications et/ou significations, le premier acte régulier fait courir les délais et les autres, bien que réguliers, n'ouvrent pas de nouveau délai Cass civ 2ème 5 février 2009 n°07-13589, Cass civ 1er 8 avril 2009 n°07-21090 Cass com 3 novembre 2010 n°09-68968 sauf le cas où la matière n'est pas indivisible auquel cas les délais sont à considérer acte par acte entre les parties concernées par chaque signification Cass com 13 avril 2010 n°09-13478 Cass civ 2ème 13 mai 2015 n°14-13660, étant bien entendu précisé que le délai court à l'encontre de celui qui notifie (article 528 du CPC)
Un arrêt isolé a admis que le second acte fasse courir les délais Cass civ 2ème 20 décembre 2001 n°00-14629 dans le cas d'une notification effectuée à l'intérieur du premier délai, mais cette décision reste illogique et non reproduite.
Novation et/ou modification de la dette
Les articles 1329 et suivants du code civil organisent la novation, qui s'opère de trois manières :
1° Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte ;
2° Lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier ;
3° Lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé.
La novation ne se présume pas, et doit résulter clairement de l'acte qui l'opère.
La novation par souscription d'une nouvelle dette éteint la précédente dette et ses accessoires (article 1334 du code civil) et libère la caution, ce qui n'est pas le cas d'un aménagement de la dette (voir par exemple 2316 du code civil), qui n'est pas opposable à la caution mais ne la libère pas.
La différence entre la novation et un aménagement de la dette est parfois ténue, et un critère qui peut guider 'interprétation en le caractère incompatible des dispositions nouvelles par rapport aux anciennes. Par exemple deux ventes successives du même bien au même acheteur emporte novation Cass civ 3ème 12 juillet 1996 n°92-19749
La reconduction d'un crédit n'est pas un simple report d'échéance et libère la caution Cass com 7 juin 2005 n°04-13021 étant en outre précisé que les conditions du report et/ou de la reconduction peut engager la responsabilité de la banque, notamment si elle n'en a pas averti la caution Cass Civ 1ère 18 mars 1997 n°94-18102
D'une manière générale d'ailleurs la novation libère la caution Cass com 3 mai 2006 n°04-20235 Cass com 14 janvier 2004 n°00-14433
Concernant la modification de la dette, comme indiqué ci dessus elle n'est pas opposable à la caution qui peut s'en prévaloir (par exemple d'un allongement conventionnel de la durée de remboursement, ce qui est différent d'un allongement ou de remises dans le cadre d'un plan de redressement), mais la Cour de Cassation a rendu un arrêt très sévère dans lequel elle juge:
"Attendu que, pour condamner Mme X... à payer une certaine somme à la banque, l'arrêt retient que la nullité des cautionnements des autres associés n'entraîne pas celle de l'engagement de Mme X... qui, en sa qualité de gérant de la société débitrice principale, avait eu parfaite connaissance des modifications apportées au contrat de prêt le 12 août 1987, s'était elle-même chargée de recueillir les conditions exactes de l'octroi du prêt et que les échéances de celui-ci ayant été réglées jusqu'en 1995 elle ne pouvait en ignorer les conditions d'application ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les conditions du prêt ayant été modifiées postérieurement à la souscription de l'engagement de caution de Mme X..., celle-ci devait les accepter et que la connaissance qu'elle pouvait en avoir en sa qualité de dirigeant de la société débitrice ne suffisait pas à caractériser une telle acceptation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1356 du code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme X..., l'arrêt retient encore que le fait que, dans ses conclusions de première instance, la société débitrice principale, dont elle était la représentante légale, a indiqué ne pas contester le montant de la créance, constitue un aveu judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de contestation par le représentant légal de la société débitrice principale du montant de la créance ne caractérise pas, de sa part, un aveu judiciaire qu'il en garantit personnellement le paiement en qualité de caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé"
Autrement dit, toute modification du contrat, postérieurement à l'acte de caution, même connu de la caution en sa qualité de représentant légal du contractant, doit être accepté par la caution, sous peine de nullité du cautionnement Cass com 24 juin 2014 n°13-21074, et cet arrêt passe de l'inopposabilité qui n'avaient de raison de s'appliquer qu'en cas de dispositions aggravant le sort de la caution, à la nullité, au visa (légitime) de l'article 2292 du code civil "Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté."
(cet arrêt semble contraire à l'arrêt Cass com 26 mars 2013 n°12-12336 qui exige nouvel engagement de la caution en cas de changement de dette, mais est plutôt une évolution en faveur des cautions)
Pour l'absence d'effet novatoire du plan de sauvegarde ou de redressement voir ces mots
Nullité (et nullité en suite de rétractation ou d'annulation ou cassation)
Quelques points de la définition
les différents cas de nullité: vice de forme et irrégularités de fond
irrégularités de fond et nullité de fond au regard de la prescription
la nullité par voie de conséquence
la nullité en conséquence de la rétractation
Généralités
La nullité est la sanction par laquelle un acte est anéanti.
L'acte est considéré n'avoir pas existé, et les parties ne peuvent s'en prévaloir.
En matière contractuelle, en cas de nullité du contrat, les choses doivent être remises dans l'état antérieur à l'acte annulé. Par exemple la nullité d'une vente fait perdre la propriété à l'acheteur.
En matière de procédure, la nullité d'un acte de procédure a des conséquences variables suivant l'importance de la nullité. Les causes et conséquences de la nullité sont essentiellement définies dans le Code de Procédure Civile (CPC)
Les différents cas de nullité: vice de forme de l'article 114 du code de procédure civile (CPC) et irrégularités de fond de l'article 117 du code de procédure civile (CPC):
Le code de procédure civil distingue les nullités de forme (article 114) qui portent essentiellement sur la présentation des actes de procédure, et les nullités pour irrégularité de fond (article 117 du code de procédure civile) plus graves, qui touchent notamment au défaut de capacité d'une partie.
La nullité qui découle d'un vice de forme ne peut pas être invoquée dans toute circonstance (il faut un grief c'est à dire que celui qui l'invoque soit "gêné" par la nullité) et est parfois régularisable.
A l'inverse la nullité qui découle de ce qu'on appelle une irrégularité de fond - par exemple une assignation délivrée pour le compte d'une personne décédée - peut être invoquée sans avoir à justifier d'un grief et ne peut être régularisée que dans des conditions plus étroites ( et en tout état pas au delà de la prescription de l'action)
Pour plus de précisions voir exceptions de procédure
La différence entre les nullités de forme et les irrégularités de fond au regard de la prescription: il ne devrait pas y avoir d'interruption de la prescription pour les actes nuls pour irrégularité de fond (l'article 2241 alinéa 2 du code civil ne devrait pas s'appliquer aux nullités de l'article 117 du code de procédure civile (CPC) mais cela n'est pas la position de la Cour de Cassation
Voir le mot interruption de la prescription
Les conséquences d'un acte de procédure nul: la nullité par voie de conséquence
Le principe est le suivant : si l’acte est nul, « cette nullité entraîne celle de tous les actes qui en sont la suite » (qui en sont la suite Cass civ 2ème 19 mars 1997 n°95-18442 Cass civ 2ème 28 février 2006 n°04-15406 et tous les actes qui s'y rattachent par un lien de "dépendance nécessaire" Cass Chambre civile 1, du 5 décembre 2006, 05-20.751 Cass civ 2ème 10 juin 2004 n°03-60489
Une telle situation est fréquente en matière de procédure collective, (étant précisé qu'au visa de l'article 618 du CPC lorsque deux décisions inconciliables ne peuvent faire l'objet de recours ordinaire elles peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, la cour de cassation pouvant alors annuler l'une ou l'autre: par exemple une liquidation judiciaire est prononcée par une juridiction, puis un redressement judiciaire est prononcé par une autre ): la nullité d’une décision entraîne la nullité des actes accomplis en conséquence de la décision annulée. Par exemple :
- la nullité du jugement de redressement judiciaire entraîne nullité du jugement de liquidation judiciaire qui a été prononcé à sa suite (Cass com 16 septembre 2014 n°13.20531, Cass com 17 novembre 2009 n°08-21246)
- La nullité du jugement de redressement judiciaire entraîne nullité du jugement adoptant le plan de redressement et de celui prononçant la résolution de ce plan (Cass com 3 juillet 2012 n°10-30307)
- l’annulation d’un jugement de liquidation judiciaire entraîne nullité du jugement de saisie immobilière rendu en conséquence de la liquidation judiciaire (Cass com 7 février 2006 n°05-13467 et 05-13466, voir également Cass 2e civ 11 avr. 2013 n° 12-15.837).
- la nullité ou l'infirmation du jugement de liquidation a pour effet que les cessions ordonnées par le juge commissaire sont privées de tout support juridictionnel, ce qui fait qu'elles ne doivent pas être exécutées (Cass com 31 mai 2016 n°14-21564)
En droit commun la règle est la même:
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Cass civ 2ème 21 décembre 1961 publié au bulletin n°911,
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Cass civ 1ère 2 juillet 1968 publiée au bulletin (N°193) qui annule par voie de conséquence les décisions prises par un conseil de famille, prises suivant une composition arrêtée par le juge des tutelles, entretemps cassée par la Cour de Cassation, étant en outre précisé que le juge des tutelles avait refusé de faire droit à la demande de sursis à statuer sur la réunion du conseil, dans l'attente qu'il soit statué sur le recours contre sa décision d'exclusion d'un membre du conseil de famille.
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Cass civ 1ère 20 octobre 2006 n°04-12905 qui censure une décision qui avait statué sur une indemnisation en suite d’une expertise, tous ces actes étant annulés « par voie de conséquence ». Plus précisément, le jugement ayant ordonné une expertise avant dire droit a été confirmé par un arrêt ultérieurement cassé. Entretemps le Tribunal a statué sur le rapport d'expertise et l'indemnisation. Ce jugement, rendu en suite de l'arrêt confirmatif cassé, est annulé par voir de conséquence.
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Cass Civ 3ème 31 oct. 2001 n° 99-12.181 qui annule une expertise ordonnée par une décision annulée (voir également Cass com 7 février 1962 qui précise en outre (évidemment) que la cassation a pour effet que les parties se trouvent dans l'état où elles étaient avant que soit rendue la décision cassée)
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Cass civ 2ème 24 mai 2006 n°04-14013 qui annule une décision statuant sur une expertise, rendue en suite d'une décision ordonnant avant dire droit ladite expertise, elle même cassée
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Cass civ 2ème 23 Février 2017 n°15-27954 "Mais attendu que saisi d'une demande de nullité des mesures d'instruction exécutées sur le fondement de l'ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle ; que c'est sans méconnaître ses pouvoirs que la cour d'appel, après avoir retenu que les exigences de l'article 495 du code de procédure civile n'avaient pas été satisfaites, a prononcé la nullité des procès-verbaux dressés par les huissiers de justice à l'occasion des opérations effectuées en exécution des ordonnances ..... " Il s'agissait en l'espèce d'une ordonnance sur requête qui n'avait pas été remise à la partie à laquelle elle était opposée, en violation de l'article 495 du CPC . Dans le même esprit on peut relever que pour préserver le respect du contradictoire a postériori, l'article 495 dispose "L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée." Le respect de cette obligation doit être total et la communication de la seule ordonnance est insuffisante (Cass civ 2ème 1er Septembre 2016 n°15-23326) et est sanctionnée par la nullité des actes qui en découlent
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Cass civ 2ème 11 avril 2013 n°12-15837 qui annule tous les actes d'exécution
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Cass civ 3ème 23 septembre 2021 n°20-10812 "Vu l'article 624 du code de procédure civile Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire."
Se trouvent anéantis, sans qu'il y ait besoin d'une décision le constatant, tous les jugements pris en application de la décision censurée, et toutes les mesures décidées dans la décision cassée, comme une expertise, ou toute autre mesure d'instruction (Cass civ 2ème 1er mars 2018 n°16-27853 pour l'annulation d'un arrêt qui est la conséquence d'une décision cassée, Cass civ 2ème 27 septembre 2018 n°17-23661, Cass civ 2ème 13 janvier 2000 n°98-10619 Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-20583
C’est la conséquence de l’article 625 du CPC « Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Le moyen tiré de la cassation par voie de conséquence est d'ordre public et peut être relevé d'office, y compris par les juges du fond qui ne peuvent statuer au visa de la décision devenu non avenue par l'effet de la cassation par voie de conséquence.
Ainsi:
- "ATTENDU QUE L'EFFET NECESSAIRE D'UN ARRET PAR LEQUEL LA COUR DE CASSATION ANNULE UNE DECISION JUDICIAIRE EST DE REMETTRE LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES SE TROUVAIENT AUPARAVANT QU'IL EN RESULTE QUE DOIT ETRE CONSIDERE COMME NON AVENU TOUT JUGEMENT OU ARRET QUI EST LA SUITE OU L'EXECUTION DE LA DECISION CASSEE OU QUI S'Y RATTACHE PAR UN LIEN DE DEPENDANCE OU DE CONNEXITE" (Cass com 2 décembre 1970 n°69.13198)
- si la Cour de Cassation désigne une juridiction de renvoi, celle-ci est saisie de l'entier litige, en ce compris des décisions cassées par voie de conséquence (Cass com 14 octobre 1997 n°97-10812, Cass civ 1ère 8 juillet 1998 n°93-21119). D'ailleurs "Attendu que l'effet nécessaire de la cassation et du renvoi est de dessaisir de plein droit de toute connaissance ultérieure de l'affaire le juge dont la décision est cassée pour en investir exclusivement le juge du renvoi ; que cette règle qui touche à l'ordre des juridictions est d'ordre public" Cass civ 2ème 10 octobre 1990 n°89-12447 et Cass civ 3ème 14 Octobre 1992 n°90-17817. Autrement dit, la juridiction initialement saisie des décisions cassées par voie de conséquence est dessaisie.
Voir "nullité de la période suspecte" et sur la nullité d'un contrat avec ses conséquences sur un contrat lié, voir le mot résolution. Voir également le mot effet dévolutif
Pour les nullités tenant à la composition d'un tribunal voir tribunal
La nullité en conséquence de la rétractation de la décision "d'origine"
La question peut se poser de la conséquence de la rétractation d'une ordonnance sur requête dans le cadre d'une voie de recours.
Il est jugé qu'en conséquence du caractère provisoire de l’ordonnance sur requête, l’ordonnance rétractée est censée ne pas avoir existé, et aucun de ses effets ne subsiste (Cass. Com. 6 décembre 2016 n°15-18088, Cass. Civ. 2ème 4 juin 2015 n°14-17699, Cass. Civ. 1ère 28 mars 2013 n°11-11320, Cass. Soc. 23 octobre 2012 n°11-24609, Cass. Civ. 2ème 9 avril 2009 n°08-12503, Cass. Civ. 1er 16 mars 2004 n°02-15011, Cass. Civ. 1ère 6 juillet 1999 n°97-15005).
Un jugement rétracté ne laisse aucun effet, ce qui entraîne l’annulation par voie de conséquence des décisions qui en sont la suite (Cass. Civ. 2ème 27 juin 1984 n°83-12050), et à l'inverse cela peut avoir pour conséquence de valider rétroactivement des actes qui auraient été nuls si le jugement avait été maintenu : par exemple l'infirmation d'un jugement de liquidation judiciaire a pour effet que les actes de procédure accomplis par le débiteur seul sont rétroactivement validés Cass com 4 juillet 2018 n°17-15597
La doctrine considère que la rétractation s'apparente à la nullité de sorte que tous les actes dont l'ordonnance rétractée est le support sont rétroactivement anéantis et donc censés n'avoir jamais existé (X Vuitton, "ordonnances sur requête" jurisclasseur procédure civile fasc 1300-20 n°65)
La Cour de cassation a pris fermement position en faveur de la nullité des actes qui n’auraient pas existé sans l’ordonnance rétractée, et sur le fait que la rétractation de l’ordonnance a pour effet non seulement l’effacement de la décision, mais encore de ses suites :
- Cass. Civ. 2ème 4 juin 2015 n°14-17699 qui annule un rapport d’expertise et fait défense de le produire dans toute instance, en précisant qu’en conséquence de la rétractation, cet acte « ne pouvait produire aucun effet ».
- Cass civ 1ère 16 mars 2004 n°02-15011 sur la restitution de l'objet d'une saisie pratiquée sur le fondement d'une décision rétractée
- Cass civ 2ème 5 janvier 2017 n°15-25035 sur la nullité d'un constat d'huissier et de mesures d'instruction effectués sur le fondement d'une ordonnance rétractée
- Cass. Civ. 2ème 26 septembre 2013 n°12-23387 qui approuve la Cour d’appel qui, rétractant une ordonnance, avait déclaré nulles les opérations qui en découlent.
- Cass civ 3ème 17 septembre 2020 n°19-20730 pour la nullité d'une assignation délivrée à un syndic dont la désignation judiciaire a par la suite été rétractée.
- Cass. Civ. 2ème 9 avril 2009 n°08-12503 pour un procès-verbal d’Huissier.
C’est également la position de la doctrine :« Une fois l’ordonnance rétractée, rien ne justifie plus que le requérant puisse tirer un quelconque bénéfice d’un acte obtenu illégalement. Le résultat de la mesure ne pourra pas être utilisé dans une procédure au fond, ni même pris en considération par un Juge, qui se trouve privé de tout pouvoir d’en apprécier la valeur probante. Le résultat de la mesure ne pourra donc, notamment, pas être traité comme un rapport officieux ou amiable (qui, eux, ont été valablement établis par les parties avec leurs seuls moyens, alors que la mesure obtenue sur le fondement d’une ordonnance rétractée n’a pu être mise en œuvre que par l’exercice d’un pouvoir du Juge que la Loi lui refusait) » (Jurisclasseur procédure fasc 1300-20 ordonnances sur requête n° 65).
En réalité, il s’agit bien de tirer les conséquences de la « perte de fondement juridique » et « la nullité » (Cass civ 2ème 23 février 2017 n°15-27654) des suites de l’ordonnance rétractée, qu’il s’agisse d’actes d’exécution mais également de tous les actes juridiques effectués sur le fondement de ladite ordonnance.
La rétractation de la désignation d'un mandataire ad-hoc pour convoquer une assemblée a pour effet d'entraîner l'anéantissement de l'assemblée et des dispositions qui y ont été votées, en ce compris celles relatives à la désignation des représentants légaux de la société Cass com 19 juin 2019 n°17-27610
La Cour de cassation observe que, "saisi de la demande de nullité des mesures d’instruction exécutées sur le fondement de l’ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle." ce qui est différent de "prononcer" la nullité, qui ici s'impose au juge (Cass civ 2ème 5 janvier 2017 n°15-25035 et Chambre civile 2, 5 janvier 2017, 15-27526
La Cour de cassation juge que les actes effectués par le représentant légal d’une société, dont la décision de nomination est rétractée, sont nuls :
- « la décision ordonnant la rétractation de la désignation par ordonnance sur requête d’un administrateur provisoire a un effet rétroactif de sorte que cette désignation est censée n’être jamais intervenue » (Cass soc 23 octobre 2012 n°11- 24609)
- Et « la rétractation de la désignation de Monsieur X en qualité de mandataire ad hoc de la société … pour la représenter… emportant anéantissement rétroactif des actes faits par celui-ci en cette qualité … » (Cass Civ 1ère, 28 mars 2013 n° 11-11320).
Le juge de cette nullité est avant tout le juge de la rétractation de la décision : retenant exactement la même formulation, la Cour de cassation s’est prononcée d’une part en faveur de la compétence du Juge de la rétractation pour statuer sur la nullité des actes exécutés sur le fondement de l’ordonnance et d’autre part sur l’absence d’appréciation pour ce juge qui doit constater la nullité : « mais attendu que saisi d’une demande de nullité des mesures d’instruction exécutées sur le fondement de l’ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le Juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle » (Cass. Civ. 2ème 23 février 2017 n°15-27954, Cass. Civ. 2ème 5 janvier 2017 n°15-25035)
La doctrine approuve cette solution « le Juge de la rétractation est donc compétent pour constater cette nullité et est tenu de le faire » (jurisclasseur procédure civile fascicule 1300-20 ordonnances sur requête n° 65) et « l’effet de principe de la rétractation est l’effacement de la décision rendue sur requête et de ses suites, de sorte que la rétractation ne laisse rien subsister de l’ordonnance rétroactivement anéantie » (commentaire 60 Revue Procédure n° 4 avril 2017 sous Cass. Civ. 2ème 5 janvier 2017).
Pour autant, la nullité des suites de la rétractation peut évidemment être demandée notamment au juge de la mise en état, dans le cadre de sa compétence pour statuer sur les exceptions de procédure visées à l'article 771 du CPC mais dans ce cas évidemment il s'agira d'une demande reconventionnelle en défense au fur et à mesure que les actes "annulables" seront invoqués. D'ailleurs en réalité il semble que la nullité s'impose au juge qui n'aurait même pas à la constater, il lui suffit d'écarter les actes dont la nullité s'impose à lui.
Nullité des contrats
Généralités
La nullité d'une convention est un vice qui l'affecte dès l'origine.
Elle peut découler des règles de droit commun (le code civil), du code de la consommation ou de règles spécifiques.
Elle a un effet rétroactif d'anéantissement du contrat, et de remise en état, ce qui implique des restitutions (chose livrée, prix ou loyers payés ..) sans préjudice de dommages et intérêts.
Le droit commun des contrats : le code civil
Le code civil pose des règles de validité des contrats.
En particulier les articles 1228 et suivants. L'article 1228 dispose :
Sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.
Les articles 1230 et suivants détaillent les vices du consentement, dont l'article 1131 précise qu'ils sont cause de nullité du contrat. IL en est de même, dans certains cas, de l'erreur (1132 1133 1134 et suivants), du dol (1137 et suivants et notamment 1139 pour la nullité)
L'action en nullité ne court que du jour où la cause de nullité est découverte (1144)
Le code de la consommation
La nullité peut également résulter de dispositions spécifiques, comme par exemple le code de la consommation.
Le code de la consommation détaille très précisément le contenu et les conditions du contrat passé entre un professionnel et un consommateur (ou un professionnel qui n'intervient pas dans le secteur concerné par le contrat),
l'article L221-3 du code de la consommation précise que "Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.")
Ces précisions découlent notamment des article L221-5 et article L221-8
Des obligations d'information précontractuelles sont posées L221-5 dont l'exécution doit être prouvée par le professionnel L221-7.
Des règles spécifiques sont applicables pour les contrats dits à distance ou hors établissement, c'est à dire pour lesquels le consommateur a été démarché chez lui (L221-1), avec notamment des obligations de remise de documents L221-8 et suivants et un délai de rétractation L221-18
(pour l'application de la loi dans le temps, ces dispositions, applicables à compter du 1er juillet 2016, font suite à l'article 6 de la loi 2014-344 applicable antérieurement dont les dispositions principales (maintenant abrogées) sont les suivantes :
- Article préliminaire « Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »
- Article L111-1 dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014 qui dispose : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; … »
- Article L121-17 qui dispose « .-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; - …
- Article L121-18-1 « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17. »)
Nullités de la période suspecte (en procédure collective)
Quelques points de la définition
Les actes dont la nullité est à l'appréciation du tribunal
Les exceptions expresses à la nullité
La cession de créance et le nantissement de créance
Le cas particulier du contrat de travail
Le sort des créances résultant de la nullité
L'alternative de l'action paulienne
Présentation
La loi considère que les actes accomplis par le débiteur postérieurement à la date de cessation des paiements (et antérieurs à l'ouverture de la procédure collective Cass soc 6 décembre 2023 n°22-15580) sont « suspects », et en permet donc l’annulation. (voir le mot "période suspecte")
Les textes énumèrent deux catégories d'actes:
Les actes nuls de plein droit
La nullité doit être prononcée, c'est à dire que s'il est constaté qu'ils ont été accomplie depuis la date de cessation des paiements, ils seront automatiquement annulés (article L632-1 du code de commerce)
Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021 L'article L632-1 du code de commerce dispose:
I. ― Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;(un paiement n'est pas un titre gratuit translatif Cass com 19 septembre 2018 n°17-16055)
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie (Cass com 20 mars 2019 n°18-12582 pour un contrat de travail et Cass soc 12 juin 2019 n°18-10788 pour un contrat d'apprentissage Cass soc 12 juin 2019 n°17-28489 pour un contrat de professionnalisation, dont curieusement la nullité n'a pas été recherchée, mais dont la juridiction sociale tire les mêmes conséquences que la nullité). On peut évidemment penser sous cette rubrique à la résiliation amiable d'un bail consentie sans que le bailleur consente à des efforts à la mesure de l'abandon de la propriété commerciale (abandon de loyer, ... ) ou alors même que le débiteur pourrait céder son fonds de commerce dans des conditions plus favorables.
3° Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement
Pour un exemple d'associés qui versent au compte de la société par la suite en procédure collective l'exacte somme nécessaire au paiement d'un prêt non échu : ce paiement est considéré comme un paiement qui n'encourt pas la nullité de la période suspecte car bien que transitant par le compte de la société, il est incontestablement le paiement par un tiers Cass com 2 mars 2022 n°20-22143.
Par contre le paiement par transaction, d'une dette non pas due par le débiteur par la suite en procédure collective, mais au contraire due par son contractant, ne tombe pas sous le coup du texte Cass com 13 avril 2022 n°20-23328
Le paiement par un avocat de ses honoraires, au moyen de fonds qu'il détient en compte CARPA pour le compte de son client, dont il connait l'état de cessation des paiements, tombe sous le coup du texte Cass com 24 mai 2023 n°21-21424
4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires (la compensation n'est pas un mode de paiement admis Cass com 20 janvier 2021 n°19-15108)
5° Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du code civil (1), à défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée
6° Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées (voir à ce sujet Cass com 21 janvier 2003 n°99-15667 Cass com 14 mars 2000 n°97-18328 Cass com 4 janvier 2000 n°97-15712, Cass com 20 janvier 1998 n°95-16402, Cass com 12 novembre 1997 n°95-14900, Cass com 1 juillet 1997 n°95-11375 Cass com 28 mai 1996 n°94-10361 Cass com 2 avril 1996 n°93-20562 Cass com 17 novembre 1992 n°90-22058 Cass com 29 novembre 1988 n°86-15821 Cass com 11 février 1970 n°67-13398, Cass com 10 janvier 1983 n°81-15389 mais l'admission au passif à titre hypothécaire est irrévocable et interdit d'actionner ensuite en nullité de l'inscription Cass com 19 décembre 2018 n°17-27947 Cass com 19 décembre 2018 n°17-19309 . La nullité de l'hypothèque entraîne nullité du paiement effectué sur son fondement (pour une hypothèque prise par un avocat sur l'immeuble de son client, en garanti de ses honoraires, et annulée pour avoir été prise en période suspecte Cass com 10 juillet 2019 n°18-17820. Voir également dans le même sens Cass com 13 avril 2022 n°20-23254
7° Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement Cass com 1er juillet 1997 n°95-11375 Cass com 12 octobre 1999 n°96-13133 pour une saisie conservatoire
8° Toute autorisation et levée d'options définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code ;
9° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ;
10° Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ;
11° Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L. 526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur ;
12° La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L. 526-1. (ajout du texte de 2014)
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, l'article L632-1 du code de commerce est modifié et dispose désormais
I. ― Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;(par exemple le versement d'une somme à un tiers qui n'est pas créancier, mais est créancier d'un associé créancier au titre de son compte courant Cass com 24 mai 2023 n°21-23880)
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ;
3° Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;
4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier (mention qui remplace l'ancienne terminologie de la cession dite DAILLY) ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ;
5° Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2350 du code civil (1 nouvelle numérotation), à défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;
6° Toute sûreté réelle conventionnelle ou droit de rétention conventionnel constitués sur les biens ou droits du débiteur (nouvelle terminologie) pour dettes antérieurement contractées, à moins qu'ils ne remplacent une sûreté antérieure d'une nature et d'une assiette au moins équivalente et à l'exception de la cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à la date de cessation des paiements ;
7° Toute hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation constituée sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ;
8° Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ;
9° Toute autorisation et levée d'options définies aux articles L. 225-177 et suivants et L. 22-10-56 et suivants du présent code ;
10° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ;
11° Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ;
12° Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L. 526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur ;
13° La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L. 526-1.
II. ― Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés au 1° du I et la déclaration visée au 13° faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements.
C'est donc essentiellement le 6° qui est modifié, pour faire échapper à la nullité la substitution de garanties dès lors qu'elles sont équivalentes, ce qui est conforme à la jurisprudence antérieure Cass com 20 janvier 1998 n°95-16402
Postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2022 relative à l'entrepreneur individuel
l'article L632-1 a été adapté pour permettre la nullité de "12° Toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus que l'entrepreneur a déterminés, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur "
En tout état
Evidemment la nullité est prononcée pour autant qu'elle soit expressément demandée, et si l'auteur de la demande sollicite par erreur l'inopposabilité de l'acte critiqué, le juge n'est pas tenu d'en prononcer la nullité en rectifiant d'office la demande Cass com 17 avril 2019 n°18-12558
Les actes dont la nullité est à l'appréciation de la juridiction
Les textes précisent également ceux des actes qui peuvent être annulés, c'est à dire ceux pour lesquels existe une appréciation de la juridiction saisie (article L632-2). Il existe deux textes:
- Le II de l'article L632-1 du code de commerce, qui renvoie à certains points du I (nullités obligatoires, voir ci dessus)."Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés au 1° du I et la déclaration visée au 12° faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements."
Concrètement les actes annulables sont les suivants:
- 1° du I : 1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière
- 12° La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L. 526-1.
En outre l'article L632-2 du code de commerce dispose
Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.(par exemple paiement d'honoraires sur le fondement d'une convention conclue en cours de conciliation Cass com 14 décembre 2022 n°21-14206)
Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci. (voir notamment Cass com 7 février 2024 n°22-22557 pour la nullité de la saisie attribution pratiquée par le bailleur en raison de l'ancienneté et de l'importance des impayés, qui ne pouvaient que révéler sa connaissance de l'état de cessation des paiements)
La connaissance de l'état de cessation des paiements ne se présume pas, et doit être cassée la décision qui relève à propos du dirigeant bénéficiaire de virements "son évidente appréciation personnelle de la situation et donc sa connaissance de l'état de cessation des paiements" Cass com 6 mars 2019 n°17-17686
Les exceptions
L'article L632-3 du code de commerce dispose
Les dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 ne portent pas atteinte à la validité du paiement d'une lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un chèque.
Toutefois, l'administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour compte, contre le donneur d'ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d'un chèque et le premier endosseur d'un billet à ordre, s'il est établi qu'ils avaient connaissance de la cessation des paiements.
Les modes de paiement utilisés en période suspecte qui sont nuls, comme ne constituant pas des modes de paiement communément admis, visés au 4° de l'article L632-1 du code de commerce et ceux qui sont admis: appréciation au regard du secteur d'activité et de la pratique et tentative d'énumération
L’article L632-1 du code de commerce dispose que son nul, lorsqu’ils ont été effectués en période suspecte « 4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires »
La définition des modes de paiements « communément admis dans les relations d’affaire » est difficile à cerner (mais concerne les chèques, lettres de change, billets à ordre) et doit s'apprécier dans le secteur d'activité concerné (Cass com 23 janvier 2001 n°98-10975 qui admet la délégation de créance, Cass com 30 mars 1993 n°91-15931 pour une cession de créance, Cass com 8 février 1994 n°91-18258 ) et même au regard du secteur d'activité dans la zone géographique concernée (Cass com 24 septembre 2003 n°00-21993 pour la cession de créance dans le secteur du bâtiment en Martinique). Un organisme professionnel peut attester du caractère communément admis d'un mode de paiement Cass com 13 novembre 2002 n°99-21893 Cass com 3 avril 2001 n°98-15150 pour la cession de créance
Cependant la jurisprudence s’est prononcée sur certains modes de paiement :
Les paiements par affacturage, carte de crédit, prélèvement bancaire, virement, TIP, remise en compte courant bancaire sont admis
Les cessions de créance de droit commun, (donc autres que les cessions Dailly expressément visées au texte au titre de mode de paiement communément admis), et le nantissement de créance de droit commun (donc autres que les cessions à titre de garantie dénommées nantissement de créance dans le cadre de bordereau Dailly) ne sont pas de modes de paiement communément admis ou des garanties admissibles pour garantir des dettes antérieures
Il convient de distinguer: les cessions de créance dans le cadre de cession Dailly sont expressément visés par les textes comme mode de paiement communément admis, et la Cour de cassation juge que les cessions de créance à titre de garantie (qui en réalité sont dénommés également nantissements de créance) dans ce même cadre Dailly échappent à l'interdiction de consentir des sûretés en garantie de dette antérieure visée à l'article L632-1 I 6° Cass com 28 mai 1996 n°94-10361 au motif que même si elle est consentie à titre de garantie l'opération emporte transfert de la créance.
Les autres cessions de créance sont nulles comme ne constituant pas un mode de paiement communément admis, sauf dans certains secteurs d'activité
Cass com 22 mars 2017 n°15-15361)
Cass com 14 décembre 1993 n°92-10858 : « les cessions de créances consenties par la société, depuis la date de cessation des paiements, dont il n'était pas allégué qu'elles constituaient un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires, étaient des paiements pour dettes échues faits par un moyen étranger aux prévisions de l'article 107.4 susvisé » (texte applicable à la cause) Cass com 4 janvier 2000 n°96-18235 voir également Cass com 16 mars 2010 n°09-11430 et Cass com 20 janvier 1998 n°95-16718
Ce n'est que si la cession de créance est effectuée antérieurement à la cessation des paiements, qu'elle restera protégée de l'action en nullité.
De même les nantissements de créance de droit commun, c'est à dire autrement effectués que dans le cadre de la cession à titre de garantie des cessions Dailly encourent la nullité au titre des sûretés pour dette antérieure, consentie en période suspecte (visée à l'article L632-1 I 6°)
Cependant comme indiqué ci dessus la notion de mode de paiement communément admis s'apprécie au regard des parties, et notamment du secteur d'activité dans la zone géographique concernée, ce qui dans certains cas amène à admettre la cession de créance (Cass com 24 septembre 2003 n°00-21993 pour la cession de créance dans le secteur du bâtiment en Martinique, voir également Cass com 30 mars 1993 n°91-15931 et Cass com 8 février 1994 n°91-18258 et encore Cass com 3 avril 2001 n°98-15150
La délégation de créance n’est pas un mode de paiement communément admis, et sera annulé si l’acceptation par le délégué intervient en période suspecte (« la société … ne peut sérieusement soutenir qu'un tel mode de paiement ponctuel, issu d'un événement inhabituel, est normal compte-tenu des usages de la profession, faisant ainsi ressortir que la délégation de créance n'est pas communément admise dans les relations d'affaires considérées, relatives au commerce » Cass com 30 novembre 1993 n°91-13881)
Voir également Cass com 2 novembre 2005 n°04-18574 pour une opération proche de la délégation par laquelle le débiteur demande à son notaire d’affecter une partie du prix de vente d’un bien à son créancier, sans qu’il transite par ses propres comptes
Cependant la jurisprudence admet que le mode de paiement soit pratiqué dans le secteur d'activité concerné Cass com 23 janvier 2001 n°98-10975 qui admet la délégation de créance, et par exemple la délégation de loyer est pratiquée dans le cadre du financement d'un immeuble par un établissement bancaire.Cass com 4 octobre 2005 n°04-14722
L’acquiescement par le débiteur, à une saisie de pure circonstance pour que les fonds échappent à sa trésorerie, est nul car c’est une cession de créance déguisée
(l'acquiescement du débiteur à la saisie conservatoire est sans valeur, la notion d'acquiescement étant sans application à la saisie conservatoire, la cour d'appel a exactement retenu que l'accord donné par le débiteur … pour que le tiers saisi paie le créancier saisissant s'analysait en une cession de créance consentie en période suspecte : "Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui n'a pas statué par un motif d'ordre général et a procédé à la recherche prétendument omise, a retenu que la cession de créance ne constituait pas dans les relations entre la SCI et la société … un mode de paiement communément admis » Cass com 3 novembre 2009 n°08-20418
La novation par changement de cause de l’obligation semble échapper à la nullité (par exemple le fait pour un banquier d’accorder un prêt pour « refinancer » le découvert en compte) puisque ce n’est pas littéralement un paiement … mais encore que le montant du prêt serve bien à combler le découvert (et il existe des décisions critiques)
La dation en paiement n’est évidemment pas un mode de paiement communément admis (Cass com 2 février 1999 n°96-14467) et seront annulés les paiements effectués au moyen de la remise d’un bien en application d’une convention en période de cessation des paiements (ainsi si la convention est antérieure mais seule son exécution est en période de cessation des paiements, elle sera valablement exécutée).
Ainsi sont annulée les dations portant sur :
- un immeuble « la société avait, durant la période suspecte, payé une partie de sa dette, au moyen de la vente de deux emplacements de stationnement lui appartenant, modalité de paiement dont il n'était pas soutenu qu'elle constituait un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires » Cass com 13 mars 2007 n°06-15619
- le stock et le matériel Cass com 16 mars 2010 n°09-11430. Cass com 24 octobre 1995 n°94-10560, Cass com 1er Février 2000 n°96-15408 (livraison de matériel différent de celui commandé pour opérer une dation, Cass com 14 novembre 1989 n°87-19928 (dation de matériel en paiement du loyer), Cass com 12 juillet 1994 n°92-10761 pour la restitution amiable de matériel et la résiliation amiable de la vente,
La reprise par le vendeur des biens qu’il avait vendus et non encore payés (sauf le cas de clause de réserve de propriété valable) « dès lors que les ventes avaient été faites purement et simplement, sans la condition suspensive du paiement du prix, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'opération constituait, telle quelle, un mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires considérées … » Cass com 12 juillet 1994 n°92-10761
La remise de véhicules (même dans le cas où le créancier retient les cartes grises, le droit de rétention ne portant alors pas stricto sensu sur les véhicules Cass com 11 juillet 2000 n°97-12374
La compensation sera différemment admise suivant sa cause
Ainsi, il convient de distinguer les circonstances :
La compensation légale ou judiciaire qui ont joué avant le jugement d’ouverture sont évidemment acquises.
-
La compensation légale n’est pas susceptible d’être annulée (sauf peut-être des montages pour qu’elle vienne jouer : par exemple une cession de matériel qui est en réalité une dation en paiement « la société … a vendu à la société … huit véhicules industriels … cette vente soudaine de tous les véhicules industriels de la société débitrice n'entrait pas dans l'objet social de cette dernière et constituait une dation en paiement déguisée destinée à provoquer une compensation entre les créances de la société … sur la société débitrice et la créance de cette dernière issue de la vente des véhicules, la société … diminuant de façon importante son actif pour payer un seul de ses créanciers pour la totalité de sa créance avant l'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel en déduit exactement que cet acte constitue un paiement anormal prohibé en période suspecte" Cass com 13 février 2007 n°05-13526) Cass com 12 octobre 1992 n°81-12514
-
La compensation judiciaire échappe par principe à la nullité (sauf peut-être là encore des montages par lesquels le débiteur se laisse condamner).
La compensation conventionnelle est plus problématique et est susceptible d’être remise en cause par le jeu des nullités de la période suspecte (voir ces mots). Le paiement par compensation n’est en effet pas un mode habituel de paiement, sauf en cas de « connexité », comme par exemple c’est le cas si les créances croisées découlent d’un même contrat. Cass com 18 février 1986 n°84-17061 Cass com 6 juin 1989 n°88-13501
A fortiori la compensation conventionnelle, c'est à dire découlant d'une clause contractuelle, est à proscrire postérieurement au jugement d'ouverture ( Cass com 9 décembre 1997 n°95-14504 pour la tentative de compensation par une banque entre les sommes figurant sur un compte de dépôt et les échéances d'un prêt)
Cependant dans ce cas, la connexité des créances peut protéger la validité du paiement par compensation d’une action en nullité.
La compensation conventionnelle n’est pas un mode de paiement communément admis (et il conviendra de rechercher la date de la convention par rapport à la période suspecte), surtout si la créance compensée découle d’une dation en paiement (par exemple l’avoir qui découle de la reprise d’un matériel précédemment vendu) ou d’une cession de créance. Cass com 21 mai 1979 n°77-15921 , Cass com 31 mars 1992 n°90-15975 pour le paiement du prix de vente d'un immeuble , Cass com 19 décembre 2000 n°98-11093 pour la compensation entre un prix de vente et une créance antérieure et sans lien, Cass com 13 février 2007 n°05-13526 pour une compensation réalisée avec une vente convenue pour la circonstance
Mais même les paiements effectués par des modes communément admis sont nuls s'il s'agit de payer une dette non échue
Le fait que le paiement soit effectué par un mode de paiement communément admis ne suffit pas: encore faut-il que la dette soit échue.
L'article L632-1 du code de commerce sanctionne en effet
3° Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement
Ainsi pour un virement bancaire, une cession de créance régie par le code civil (Cass com 22 janvier 2002 n°99-10895, Cass com 2 novembre 2005 n°04-13718 pour une cession de créance à titre de garantie) ou cession Dailly (Cass com 12 juillet 2004 n 02-18926, Cass com 2 novembre 2005 n°04-13718)
Le cas particulier du contrat de travail
Voir contrat de travail
Généralités et procédure
Ces actes sont tous énumérés avec l'idée que le débiteur ne doit pas avoir favorisé un partenaire au détriment de ses créanciers: notamment le fait d’avoir favorisé un créancier, vendu des actifs à un prix anormalement bas, donné des actifs, payé selon un mode anormal ( par exemple avec du matériel), donné des garanties pour une dette antérieure, consenti un contrat de travail avec des conditions particulièrement anormales (Revue des Procédures collectives n°6 2010 comm 228) sont des actes qui peuvent être annulés.
C’est le Tribunal de la procédure collective qui le cas échéant prononcera la nullité (C'est également le cas d'une action en nullité de la période suspecte portant sur une vente d'immeuble, qui relèverait en droit commun du Tribunal judiciaire ex TGI Cass com 18 mai 2017 n°15-23973 ou d'une transaction avec un salarié qui relèverait du conseil des Prud'hommes Cass soc 12 juin 2019 n°17-26197), saisi dans les formes de l'article L632-4 : "L'action en nullité est exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Elle a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur.", mais il faut ajouter que l'article L641-4 prévoit que le liquidateur a qualité pour introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire (mais les textes ne sont pas applicables à la procédure de sauvegarde pour laquelle par hypothèse il n'y a pas de période suspecte puisqu'il n'y a pas état de cessation des paiements. La loi n'enferme pas l'action dans un délai.
Le débiteur n'a pas qualité pour saisir le Tribunal, et par voie de conséquence la Cour de Cassation considère qu'il n'a pas qualité pour relever appel de la décision ayant statué sur la demande d'annulation Cass com 8 mars 2017 n°15-18495. Le liquidateur ne mène d'ailleurs pas l'action en raison du dessaisissement mais au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers Cass soc 12 juin 2019 n°18-10278
De même un contractant du débiteur n'a pas qualité pour agir, et il s'agit d'une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité Cass Com 17 octobre 2018 n°17-16528
Outre le fait qu'en matière de cession, la Cour de cassation adopte des positions exactement inverses et admet - à notre avis par erreur - que le cessionnaire qui n'est pas partie peut pour autant relever appel (Cass com 18 mai 2016 n°14-19622, mais il est vrai qu'il s'agit là plutôt d'une "tierce opposition" exercée au travers d'un appel), cette décision du 8 mars 2017 peut paraître singulière par sa motivation, mais pas dans sa solution.
La question est en effet plutôt de savoir si le débiteur est ou pas partie à la décision ayant statué sur la demande de nullité: sur cette question la Cour de Cassation a déjà jugé que le débiteur n'avait pas à être attrait à l'action en nullité (Cass com 3 juin 1997 n°96-13098) et cela nous semble être une bien meilleure raison pour ne pas lui ouvrir de voie de recours (et elle avait également jugé que le débiteur ne pouvait former un pourvoi, même s'il était redevenu in bonis par l'adoption d'un plan (Cass com 2 décembre 2014 n°13-24308)
La question de savoir si le contrôleur peut mener l'action, en cas de carence du titulaire de l'action, est controversée, mais les auteurs sont plutôt favorables tenant le fait que l'action est menée pour reconstituer l'actif et est donc favorable aux créanciers au sens de l'article L622-20 du code de commerce (la Cour de Cassation avait rendu un avis à propos de l'action en extension dans le même esprit Cass avis du 3 juin 2013 n°13-70003)
L'assignation qui tend à la nullité d'un acte publié auprès des services de la publicité foncière doit être publiée, à peine d'irrecevabilité, auprès de ce service, comme toute action qui remet en cause des droits immobiliers
Le sort des créances résultant de la nullité
La nullité replace les parties dans la situation antérieure Cass com 9 juillet 2019 n°18-13820
La nullité obtenue, il se peut que le contractant du débiteur se retrouve créancier ou ait à faire valoir une créance plus importante que celle qu'il a déjà fait valoir.
Le salarié dont le contrat est annulé peut néanmoins solliciter indemnisation à hauteur des prestations qu'il a effectuées, mais qui ne seront pas qualifiées de salaires (Cass Soc 21 novembre 2018 n°17-26810) et seront donc matérialisées par une créance antérieure chirographaire.
Par exemple un fournisseur déclare créance pour une somme X, puis par la suite est contraint de restituer un acompte qu'il avait reçu dans des conditions qui conduisent à son annulation: a postériori sa créance est plus importante que celle qu'il avait déclarée dans les délais.
La Cour de Cassation considère que cette créance a un statut de créance antérieure, puisque son fait générateur est antérieur, et doit être déclarée au passif suivant les règles de droit commun (Cass com 20 janvier 2009 n°08-11098). Cependant il nous semble concevable que le créancier, s'il est entretemps hors délai pour déclarer créance, bénéficie du délai de 6 mois instauré par l'article L622-26 du code de commerce (6 mois à compter de la date à laquelle il a connu l'existence de sa créance) pour solliciter un relevé de forclusion.
A priori la jurisprudence est hostile à ce que l'action en nullité donne lieu à compensation entre par exemple la dette de restitution et la créance déclarée au passif (Cass com 31 mars 1998 n°96-12252 Cass com 12 juin 2024 n°23-13360 "la cour d'appel a exactement retenu que la compensation ne pouvait jouer entre la créance de restitution consécutive à l'annulation des paiements effectués en période suspecte, indisponible pour être affectée au profit de la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire, et la créance dont se prévalait le bailleur au titre des loyers échus après le jugement d'ouverture".) mais il est par contre légitime par exemple pour le vendeur dont le contrat est annulé de ne restituer le prix du débiteur qui est depuis en procédure collective que contre restitution de la chose.
Enfin l'action en nullité qui conduit le liquidateur à solliciter restitution en valeur du bien vendu par le débiteur ne peut donner lieu à minoration en raison de prétendus dommages et intérêts qui seraient dus au cessionnaire induit en erreur par le débiteur Cass com 14 septembre 2022 n°20-20895
La prescription de l'action
Sous le régime des anciens textes, il était jugé que le délai de prescription était celui du droit commun, c'est à dire régi par le code civil (Avis Cass com du 4 octobre 2016 n°14-29272 relatif à une action menée dans les anciens textes régissant les procédures collectives)
Ce n'est plus la position de la Cour de Cassation qui considère que les actions en nullité peuvent être menées tant que les mandataires de justice sont en fonction sans que la prescription leur soit opposée Cass com 21 septembre 2010 n°08-21030
L'alternative de l'action paulienne
Sur certains points l'action en nullité s'apparente à l'action paulienne. Pour le cumul ou l'alternative des actions voir l'action paulienne