Glossaire

Vente avec clause de reserve de propriété

En droit commun, le code civil dispose que la vente est parfaite par "l'accord sur la chose et sur le prix".

Autrement dit, un accord peut avoir des conséquences importantes, et principalement le fait que dès celui-ci la propriété du bien vendu est transférée à l'acheteur, même s'il n'a pas payé le prix et si la chose vendue n'est pas livrée.

En cas de procédure collective de l'acheteur, ce transfert de propriété affecte gravement les droits du vendeur: il n'est plus propriétaire du bien vendu, et n'est que créancier du prix, au même rang que tous les autres créanciers.

Ce mécanisme est ce qu'on appelle supplétif de volonté, c'est à dire s'applique s'il n'en est pas disposé autrement par une clause du contrat de vente.

Les juristes ont imaginé une clause dite de réserve de propriété par laquelle les parties conviennent que le transfert de propriété est différé jusqu'au paiement du prix, malgré la livraison du bien vendu. La propriété est "réservée" pour le vendeur.

Le mécanisme est relativement souple dès lors qu'il n'est pas fait interdiction à l'acheteur de vendre à son tour le bien vendu. Le mécanisme est également aménageable pour ce qu'on appelle le transfert des risques : l'acheteur peut avoir la charge des risques dès lors que le bien lui est livré, c'est à dire que c'est à lui de l'assurer contre la destruction ou le vol, et c'est lui qui en est responsable.

La vente avec réserve de propriété est donc une vente dans laquelle, par différence au droit commun, le vendeur diffère le transfert de propriété jusqu'au complet paiement.

Ainsi le vendeur peut livrer son acheteur, mais tant qu'il n'est pas payé, il restera propriétaire du bien vendu, qu'il pourra revendiquer ( voir le mot "revendication").

Tant que le bien vendu mais non encore payé sera présent chez l'acheteur, en cas de procédure collective et si le vendeur exerce une action en revendication, deux solutions se présentent:

- le bien lui sera restitué

- l'acheteur ( et plus précisément l'administrateur judiciaire ou le liquidateur) décide de conserver le bien, et doit le payer.

Ainsi dans ces deux cas le vendeur est protégé du risque de non paiement.

Cette protection n'est évidemment pas absolue puisqu'elle ne peut porter que sur les biens encore présents chez l'acheteur, au jour de l'ouverture de la procédure collective (éventuellement une partie seulement des marchandises vendues).

La loi pose évidemment certaines règles pour que la clause de réserve de propriété soit opposable (c'est à dire admise) à la procédure collective. En effet par l'effet de la clause, le vendeur est favorisé par rapport aux autres créanciers.

Pour éviter des arrangements a postériori la loi exige que la clause de réserve de propriété soit convenue dans un écrit établi au plus tard au moment de la livraison. Cette exigence protège les créanciers des revendications abusives qui les priveraient de biens susceptibles d'être vendus à leur profit, et nécessite donc des vendeurs unt bonne gestion de leurs contrats, bons de livraison, conditions générales de vente ...

C'est en tout cas ce que le juge vérifie avant de faire droit à une revendication


Vente de bien grevé de sûreté en période d'observation

La vente du bien grevé de sûreté en période d'observation (L622-8) généralités

Le débiteur (et/ou l'administrateur judiciaire) peut être amenée à procéder en période d'observation à la cession isolée du bien grevé de sûreté spéciale (gage, nantissement, hypothèque) ou d’ailleurs à la cession du même bien à l’intérieur d’une cession d’entreprise en période d’observation.

Le texte ne précise pas que le juge commissaire ait à autoriser la vente du bien grevé en période d'observation, et à notre avis la solution dépendra de la nature de l'acte : s'il est habituel que le débiteur procède ainsi il ne devrait pas y avoir lieu à utilisation du procédé des actes de disposition étrangers à la gestion courante et l'autorisation du juge ne semble pas prévue. Cela implique que ce n'est pas le juge qui fixe la part du prix qui sera affectée aux droits du créancier inscrit, qui repose donc sur un rapprochement entre l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire détenteur de la déclaration de créance.

Pour contourner ce vide, certains auteurs considèrent que le fait de réaliser un bien gagé n'entre pas dans la gestion courante, ce qui permet de saisir le juge commissaire. Pour autant certaines activités fonctionnent avec de systématiques ventes de biens gagés ou hypothéqués (par exemple un vendeur de bateau consent régulièrement des gages ou hypothèques à ses établissements financiers, et revend systématiquement des bateaux gagés).

En tout état c'est sur le traitement du prix que la procédure collective a son emprise, puisqu'il faut à la fois ménager les droits des créanciers inscrits sur le bien, ceux de la collectivité des créanciers, et ceux du débiteur qui prétendra à utiliser la trésorerie issue du prix 

(la sûreté n'a pas à être renouvelée dès lors que la quote-part du prix correspondant à la créance est consignée Cass com 1er février 2000 n°96-18383 )

Sort du prix

Pour résumer, la cession du bien grevé de sûretés entraîne pour le débiteur (et l'administrateur) l'interdiction d'utiliser la quote-part du prix correspondant aux créances du bénéficiaire de la garantie, qui doit être versée à la Caisse des Dépôts et consignations  jusqu'à l'adoption du plan ou liquidation judiciaire (et sauf substitution de garantie):

A l'adoption du plan (et donc par le commissaire à l'exécution du plan), le créancier bénéficiaire de la garantie sera payé, mais il est primé par le superprivilège des salariés, et suivant la nature de sa garantie, par certaines privilèges généraux (on pense aux créances postérieures), et sera alors payé du solde éventuel de sa créance dans le cadre du plan.

Pour le surplus du prix, comme indiqué ci dessous la situation est équivoque, entre la solution selon laquelle le prix peut être librement utilisé par l'entreprise qui peut l'affecter à sa trésorerie, et l'interprétation littérale du texte réglementaire bien plus protectrice de l'intérêt des créanciers.

La loi prévoit en effet, en l'espèce un éclatement du prix en deux parties: 

- une partie du prix, déterminée par le juge commissaire, a vocation à subir un traitement en deux temps: consignation partielle durant la période d'observation, puis répartition au moment du plan

- pour le reste du prix, les textes sont imprécis, et on peut évoquer l'affectation à la trésorerie de l'entreprise, même si ce n'est pas aussi simple comme nous le verrons

Les textes

Les textes sont les suivants : article L622-8, (dont la terminologie a été modifié en application de l'ordonnance du 15 septembre 2021) complété par l'article R622-7 ,applicable à la période d'observation de la sauvegarde, et auquel renvoi l'article L631-19 pour le redressement judiciaire (comme le fait d'ailleurs l'article L626-22 du code de commerce en cas de vente dans le cadre du plan de sauvegarde).

Ils précisent comment sont payés les créanciers et comment le prix est affecté

L622-8  (texte de la sauvegarde rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-19) "En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan.

Le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien. Sauf décision spécialement motivée du juge-commissaire ou lorsqu'il intervient au bénéfice du Trésor ou des organismes sociaux ou organismes assimilés, ce paiement provisionnel est subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit ou d'une société de financement.

Le débiteur peut proposer aux créanciers, la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes. En l'absence d'accord, le juge-commissaire peut ordonner cette substitution. Le recours contre cette ordonnance est porté devant la cour d'appel."

L622-26 (texte applicable en cas de plan de sauvegarde) "En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations et les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix après le paiement des créances garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2 à L. 3253-4L. 742-6 et L. 7313-8 du code du travail.

Ils reçoivent les dividendes à échoir d'après le plan, réduits en fonction du paiement anticipé, suivant l'ordre de préférence existant entre eux.

Si un bien est grevé d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, une autre garantie peut lui être substituée en cas de besoin, si elle présente des avantages équivalents. En l'absence d'accord, le tribunal peut ordonner cette substitution."

La partie du prix qui est consignée : quote-part correspondant aux créances garanties

Versement partiel du prix à la Caisse des dépôts puis répartition

La formulation de l'article L622-8 est la suivante pour la première partie du processus :  "En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations.

Précisons que la quote-part n'est pas fixée par le juge commissaire - a minima dans les cas où il n'est pas saisi pour autoriser la vente - mais que cette question est une raison supplémentaire pour le saisir y compris précisément de l'autorisation.

En premier lieu, une partie du prix reste donc bloquée à la Caisse des Dépôts et Consignations dans l’attente du plan (pour éviter un paiement préférentiel) et les créanciers inscrits sont payés au moment de l'adoption du plan.

(l'article R622-7 évoque le versement du prix à la Caisse des Dépôts, mais il y a débat pour savoir si ce ne serait pas en réalité que de la part du prix correspondant à la créance garantie, voir ci dessous)

Au moment de l'adoption du plan, la partie du prix qui avait été consignée leur est affectée, sous réserve de créanciers titulaires de privilèges généraux de meilleur rang (à ce stade et suivant les cas on peut évoquer le superprivilège des salariés, le privilège des salaires, les créances postérieures des articles L622-17 et L641-13) et les dividendes leur revenant dans le cadre du plan son réduits d'autant ( article L626-22 du code de commerce)

(A priori si le bien vendu est un immeuble, les formalités applicables à la liquidation sont applicables et doivent être effectuées par le commissaire à l'exécution du plan (l'article R626-36 du code de commerce renvoie aux articles R643-3 à 14 et notamment à l'article R643-6 qui prévoit un état de collocation et une procédure d'ordre)

Répartition du prix au moment de l'adoption du plan le principe

C'est avec cette étape que le texte de l'article L622-8 révèle ses contradictions ou imprécisions: "Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan.", étant précisé que l'article L626-22 auquel il renvoie dispose "En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations et les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix après le paiement des créances garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2 à L. 3253-4, L. 742-6 et L. 7313-8 du code du travail.

Ils reçoivent les dividendes à échoir d'après le plan, réduits en fonction du paiement anticipé, suivant l'ordre de préférence existant entre eux."

Autrement dit, à la lettre du texte,,

- la part du prix devant revenir aux créanciers titulaires d'un privilège spécial (hypothèque, nantissement par exemple) est versée à la caisse des Dépôts, et par différence le reste du prix est librement utilisé par l'entreprise

- les créanciers inscrits peuvent être payés par provision

- mais seront ensuite payés sur le prix non seulement ces créanciers titulaires d'un privilège spécial, mais pas seulement eux.

Voir ce dessous

Répartition au moment de la solution à la procédure : l'ordre des créanciers

Le texte indique expressément que le superprivilège est payé préalablement ce qui s'impose donc quelle que soit la sûreté. Peuvent, suivant les cas, venir en rang utile les créances salariales de premier rang (superprivilège et privilège) et sous l'appellation de créanciers titulaires de privilèges généraux les créances postérieures, qui sont susceptibles de les primer (cela dépendra de la nature du bien et de l'ordre des privilèges sur ce bien).

Par exemple  manifestement les créanciers titulaires d'un droit de rétention ne sont pas primés par les créances postérieures (avec sans doute une distinction entre le titulaire d'un droit de rétention "réel" qui prime les créance postérieures et le titulaire d'un droit de rétention "fictif" conféré par le code civil, dont le droit de rétention est inopposable pendant la période d'observation et l'exécution du plan (L622-7 I second alinéa sauf si le bien est inclus dans une cession d'entreprise) et qui est à notre avis primé par les créances postérieures : pour plus de précisions voir le gage)

A l'inverse, manifestement les autres créanciers titulaires de sûretés ( y compris l'hypothèque) seront donc primés a minima par le superprivilège des salaires et les créances postérieures quand le privilège des salaires ne viendra pas s'ajouter (sur les immeubles notamment).

Rappelons qu'une grande différence entre l'article L622-17 du code de commerce (créance postérieure en sauvegarder et en redressement judiciaire) et l'article L641-13 (créance postérieure en liquidation) est qu'en liquidation le texte précise expressément que les créances hypothécaires priment les créances postérieures, ce qui n'est pas le cas en sauvegarde ou redressement judiciaire.

Il est donc cohérent qu'en période d'observation suivie d'un plan, les créances postérieures priment le créancier titulaire d'un privilège spécial, et cela démontre que pour ces créanciers la vente en période d'observation est assez piégeuse puisqu'elle leur offre un rang moins favorable qu'en liquidation, y compris d'une liquidation suivant la vente du bien grevé en période d'observation (cas dans lequel l'hypothèque prime les créances postérieures)

Le montant de la quote-part et les incohérences qui en résultent

Sur le montant de la quote-part, la solution posée par les textes est assez contradictoire:

- à la lettre du texte, la part réservée à la Caisse des dépôts n'est que celle correspondant aux seuls créanciers titulaires de privilège spécial, sans tenir compte des privilèges généraux (et encore est-il pratiquement impossible de déterminer les intérets sur les créances garanties faute de connaître la date du paiement)

- les créanciers titulaires d'un privilège spécial qui ont perçu des provisions s'exposent à avoir trop perçu si par la suite ils se trouvent en concours avec les créanciers titulaires d'un privilège général (dont certains priment les privilèges spéciaux) ... non pas d'ailleurs sur la part du prix réservée mais sur le prix ... qui par hypothèse n'est pas disponible. C'est d'autant plus vrai si la procédure débouche sur un plan, cas dans lequel ils sont primés par les créances postérieures (ce qui, répétons le, n'est pas le cas des créances hypothécaires si la procédure débouche sur une liquidation judiciaire)

Cependant il faut bien constater que si on s'en tient à la lettre du texte, c'est bien la seule part du prix correspondant aux créanciers titulaires de privilèges spéciaux qui est versées à la Caisse des Dépôts, ce qui impliquerait qu'au moment de la répartition de cette part du prix (ou le prix dans sa totalité ??), les créanciers titulaires de privilège spécial entrent éventuellement en concours avec les privilèges généraux (et notamment le superprivilège des salaires et le privilège des salaires s'il s'agit d'un immeuble, et le superprivilège de salaires et le Trésor public s'il s'agit d'un fonds de commerce, sans évoquer les créances postérieures éventuelles) et amputent d'autant la part pourtant isolée au profit des créanciers inscrits.

Pour contourner cette situation injuste pour les créanciers inscrits, qui est la conséquence de la mauvaise rédaction du texte, les auteurs sont partagés:

- la prudence serait de consigner tout le prix ... mais ce n'est pas la lettre du texte, et c'est incohérent avec le fait que si le bien est libre de tout privilège spécial, les créanciers titulaires de privilèges généraux ne sont pas payés: le sort des créanciers titulaires de privilèges généraux serait donc différent suivant qu'il existe ou pas des privilèges spéciaux !

- Certains considèrent que le juge commissaire peut ordonner un versement à la Caisse des Dépôts supérieur aux seules créances des créanciers titulaires de privilèges spéciaux, ce qu'ils admettent comme relevant du pouvoir du juge commissaire (mais qui ne repose sur aucun texte).

- d'autres pensent qu'en tout état la part devant revenir aux créanciers titulaires de privilèges généraux ne peut rejoindre la trésorerie de l'entreprise (ce qui ne repose non plus sur aucun texte), et doit, pour éviter des paiements préférentiels, rester bloquée, elle aussi, à la Caisse des Dépôts

Une autre solution nous semble plus conforme aux possibilités offertes par les textes: par hypothèse, le prix, ou plus exactement la part de prix versée à la Caisse des Dépôts, n'est réparti que postérieurement à l'adoption du plan de sauvegarde ou de redressement.

Ainsi rien n'interdit de préciser expressément dans le cadre du plan et de la consultation des créanciers dans la perspective du plan, pour éviter toute difficulté ultérieure, que par dérogation à l'article L622-8, les créanciers titulaires d'un privilège général seront payés dans le respect du plan, sans participer à la répartition du prix de cession de l'actif vendu en période d'observation. Ainsi les créanciers inscrits bénéficient de la part du prix qui leur était réservée, et cette répartition est "sécurisée" par le jugement adoptant le plan (et en cas de refus des créanciers titulaires d'un privilège général, le Tribunal statuera sur les modalités de paiement de leur créance)  

Possibilités de paiements provisionnels

L'article L622-8 prévoit que "Le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien. Sauf décision spécialement motivée du juge-commissaire ou lorsqu'il intervient au bénéfice du Trésor ou des organismes sociaux ou organismes assimilés, ce paiement provisionnel est subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit ou d'une société de financement. ", l'article R622-7 organisant la décision du juge commissaire (décision du juge commissaire, avec en principe garantie, sur avis du débiteur et de l'administrateur et à défaut du mandataire judiciaire, sur demande du créancier et au vu de la déclaration de créance et en fonction de la répartition prévisible qui devrait revenir au créancier)

Les créanciers inscrits sur le bien vendu peuvent demander un paiement provisionnel pour éviter d'attendre l'adoption du plan.

Ce paiement, même provisionnel, est d'autant plus important que la cession n'emporte pas purge et qu'il faudra aménager la main levée de la garantie, qui sera donnée non pas contre paiement définitif mais contre paiement provisionnel (si le créancier l'accepte, à défaut de quoi le cessionnaire s'exposer au droit de suite)

Possibilité de substitution de garanties

Le même texte prévoit  "Le débiteur peut proposer aux créanciers, la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes. En l'absence d'accord, le juge-commissaire peut ordonner cette substitution. Le recours contre cette ordonnance est porté devant la cour d'appel.", l'article R622-8 organisant la décision arrêtant la substitution de garantie

(a priori la poursuite d’un contrat de « gage stock » ou d’une convention avec clause de substitution évite ce processus, mais il se peut cependant que dès le jugement d'ouverture de la procédure le créancier s'oppose à toute substitution nouvelle pour faire valoir son droit de rétention et imposer aux mandataires de justice de lui proposer un accord de règlement)

La recherche de la combinaison de ce dispositif avec le retrait contre paiement (voir droit de rétention) amène à penser que le dispositif de vente de bien grevé en période d'observation, qui entraîne consignation du prix, ne peut s'appliquer en présence d'un droit de rétention (sauf si celui ci découle de l'article 2286 du code civil et pas d'un texte spécial) puisque dans ce cas le débiteur ne pourra disposer du bien que s'il a payé la créance pour mettre un terme au droit de rétention  (ce qui exclue toute consignation) : c'est bien l'un ou l'autre des dispositifs qui s'applique et pas les deux cumulativement

Voir également acte de disposition en période d'observation, la procédure pouvant se superposer si la vente du bien grevé n'entre dans l'activité normale de l'entreprise et gage

Le solde du prix (partie qui ne correspond pas au montant de la créance bénéficiant de sûreté spéciale) 

Les textes sont assez imprécis sur le sort de la partie du prix qui n'est pas consignée au bénéfice des créanciers inscrits (ou le sort de la totalité du prix en l'absence de sûretés spéciales)

L'article L622-8 n'évoque que la consignation de la quote-part du prix fixée par le juge commissaire et les débiteurs sont évidemment enclins à soutenir que, a contrario, le solde du prix est affecté à leur trésorerie, sauf dispositions contraires arrêtées par le juge commissaire.

Mais l'article R622-7 dispose pour sa part "En cas de vente d'un bien visé au premier alinéa de l'article L. 622-8, le prix est remis à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire en vue de son versement à la Caisse des dépôts et consignations. Les fonds sont indisponibles pendant la période d'observation"

La question est de savoir si c'est le prix qui est indisponible ou la quote-part du prix affecté aux créanciers inscrits. L'esprit du texte est incontestablement de retenir une mauvaise rédaction de l'article réglementaire, et de s'en tenir à l'article législatif, et c'est d'ailleurs ce qui peut motiver le débiteur pour vendre un bien en période d'observation. 

Cependant n'oublions pas que le prix est en tout état destiné au paiement des créanciers, et notamment des créanciers titulaires de privilèges généraux et du superprivilège.

Pour éviter toute difficulté il sera opportun que le juge commissaire statue sur la question dès l'ordonnance qui autorise la cession, ce qui évitera que les actifs des créanciers soient affectés à fonds perdu au maintien en période d'observation s'il ne se justifie pas. Le principe devrait être de verser le prix à la Caisse des Dépôts et a priori le juge n'a pas le pouvoir de prendre une autre décision, qui contreviendrait à l'article R622-7, sauf à s'exposer à des recours pour excès de pouvoir et à la nullité de sa décision.


Vente de bien grevé de sûretés en phase d'exécution d'un plan

L'article L626-22 (dont la terminologie a été modifié par l'ordonnance du 15 septembre 2021) prévoit que les créanciers inscrits sont payés après le superprivilège des salaires, et participent au plan déduction faite de la somme perçue.

L'article R626-36 organise la répartition du prix :

"Après le versement à la Caisse des dépôts et consignations fait en application de l'article L. 626-22, des paiements provisionnels peuvent être effectués dans les conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 622-8. Le commissaire à l'exécution du plan répartit le prix entre les créanciers, effectue le paiement et procède à la radiation des inscriptions.

En cas de vente d'un immeuble, le prix est versé après l'accomplissement par l'acquéreur des formalités de purge des hypothèques prescrites par les articles 2476 et suivants du code civil et suivant la procédure d'ordre définie aux articles R. 643-3 à R. 643-14.

Les créanciers inscrits du chef d'un précédent propriétaire et titulaires d'un droit de suite sont avertis par le commissaire à l'exécution du plan par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qu'ils ont l'obligation de produire leur créance à la procédure d'ordre dans le délai d'un mois à compter de l'avertissement.

La production de la créance mentionne la sûreté inscrite sur le bien. Un décompte des sommes dues en principal, intérêts et accessoires et les documents justificatifs sont joints à la production.

A défaut de production dans le délai mentionné au troisième alinéa, le créancier est déchu des droits de participer à la distribution.

En cas de réduction des dividendes, en application du deuxième alinéa de l'article L. 626-22, l'état de collocation dressé par le commissaire à l'exécution du plan mentionne les modalités de calcul de cette réduction."

L'article L626-23 prévoit que le prix est versé au débiteur sous réserve de la somme affectée aux créanciers inscrits. Il peut donc disposer librement de la part libre du prix, sans être contraint de l'affecter aux dividendes du plan 

L'autorisation du juge commissaire ou du Tribunal n'est pas nécessaire. Cass com 21 février 2006 n°04-10187, Cass com 2 mars 2010 n°09-14425

(arrêt contraire Cass com 12 janvier 2022 n°20-16842 qui semble considérer que le débiteur peut répartir le prix aux créanciers inscrits sans l'intervention du commissaire au plan, ce qui ne semble pas conforme aux textes et qui devrait, selon certains auteurs, conduire le Tribunal à prononcer l'inaliénabilité plus fréquemment pour contraindre le débiteur à le saisir)

Voir vente de bien en période d'observation qui présente des similitudes


Vente des actifs en procédure collective

La vente des biens en procédure collective, c'est à dire en sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire recoupe trois notions: les actes de disposition étrangers à la gestion courante en période d'observation, la cession d'entreprise ou d'activité, la cession des biens du débiteur en liquidation judiciaire.

Ces trois notions sont :

- détaillées à leur nom dans le lexique les actes de disposition étrangers à la gestion courante en période d'observation, la cession d'entreprise ou d'activité, la cession des biens du débiteur en liquidation judiciaire.

- étudiées ensemble en comparativement à la rubrique  "cession"


Vérification des créances

Quelques points de la définition

Généralités

Les dispenses de vérification

Les délais

Délai imparti au mandataire judiciaire

Délai imparti au débiteur

Différents cas de créance

Le cas particulier des créances fiscales

Le cas particulier des créances salariales

Les créances soumises à une instance en cours

Les créances hors créances salariales

Le traitement par le mandataire judiciaire des créances contestées

Les paiements effectués après le jugement d'ouverture ne sont pas des motifs de contestation pas plus que les remises acceptées dans le cadre d'un plan

Le cas particulier des créances fiscales

La contestation au stade de la vérification effectuée par le mandataire judiciaire en présence du débiteur et l'auteur de la contestation

Le courrier de contestation de créance adressé par le mandataire judiciaire

L'attitude du créancier en réponse au courrier de contestation

Le créancier répond dans les 30 jours et accepte la contestation

Le créancier répond dans les 30 jours et maintien sa créance

Le créancier ne répond pas

Créance contestée le cas particulier de la contestation sur la forme / déclaration de créance irrecevable 

La liste des créances avec les propositions d'admission du mandataire judiciaire à l'issue de la vérification des créances avec le débiteur

Le traitement par le juge commissaire de la liste des créances au regard des 4 catégories de créances : instance en cours, non contestées, contestées, incompétence du juge commissaire 

La compétence exclusive du juge commissaire

Le juge commissaire peut toujours surseoir à statuer

Le juge commissaire n'est pas juge de la demande indemnitaire du débiteur contre le créancier, à compenser le cas échéant avec la créance à admettre

Les différents cas que le juge commissaire rencontre et ses différentes décisions

Instance en cours

Créance non contestée

L'autorité de la chose jugée de la décision d'admission

Créance contestée

Le traitement de la créance contestée dans le cas où le créancier avait répondu dans les 30 jours et maintenu sa créance

Le traitement de la créance contestée dans le cas où le créancier n'avait pas répondu au courrier du mandataire judiciaire

Le juge commissaire peut-il rejeter une créance qui n'a pas été contestée par le mandataire judiciaire ?

Deux notions très proches dans le domaine et très différentes dans les conséquences : incompétence du juge commissaire (et contestations sérieuses) et dépassement du pouvoir juridictionnel

La limitation de la compétence du juge commissaire en matière de contestation de créance: le juge commissaire n'est compétent pour statuer ni sur le fond de la créance ni sur les contestations sérieuses: renvoi des parties à saisir la juridiction compétente

délimitation de la compétence du juge commissaire à l'observation des décisions rendues

délimitation de la compétence du juge commissaire à la lumière des modifications issues de l'ordonnance de 2014

la notion de contestation sérieuse et la décision de constat d'une contestation sérieuse, qui conduit à une décision d'incompétente ou de constat de dépassement de compétence

contestation jugée sérieuse

contestation jugée non sérieuse

Les décisions possibles en cas d'incompétence du juge commissaire: l'incompétence stricto sensu ou le constat du dépassement de compétence

Déclaration d'incompétence du juge commissaire

régime de l'incompétence

la décision d'incompétence

recours contre la décision d'incompétence

L'effet de la décision d'incompétence: le dessaisissement du juge commissaire ? Ce n'est pas aussi évident ?

Les suites de la décision d'incompétence saisine de la juridiction compétente et délais : 

Qui doit saisir la juridiction compétence, absence de saisine de la juridiction compétente : la forclusion Attitude à tenir par le créancier

en cas de saisine intégration de la décision à l'état des créances

 Le régime de la décision de constat d’une contestation sérieuse est-il différent de celui de l'incompétence stricto sensu du juge commissaire à statuer sur le fond de la créance ? A priori non

Décision d'absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire: régime différent qui conduit à un sursis à statuer du juge commissaire, mais même texte et délai pour saisir la juridiction compétente

notion de l'absence de pouvoir juridictionnel

domaine de l'absence de pouvoir juridictionnel au regard des décisions rendues

Régime de la décision d'absence de pouvoir juridictionnel : sursis à statuer,

Les suites de la décision de constat de dépassement de compétence : la saisine de la juridiction compétente dans le délai d’un mois

Absence de pouvoir: les voies de recours

La procédure de contestation de la compétence du juge commissaire ou de constat du dépassement de compétence juridictionnelle du juge commissaire : une procédure unique

La saisine de la juridiction compétente en cas d'incompétence du juge commissaire ou de constat de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire: un régime unique

En cas d'incompétence

Procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014

Procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014

En cas de dépassement de pouvoir juridictionnel

Qui doit saisir la juridiction compétente ? En cas d'incompétence ou de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire, les conséquences de l'absence de saisine de la juridiction compétente dans le délai d'un mois, attitude à tenir pour le créancier

En cas d'incompétence

Procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014

Cas dans lequel le juge commissaire a omis de désigner la partie à laquelle il enjoint de saisir la juridiction compétente

Procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014

En cas de dépassement de pouvoir juridictionnel pouvoirs du juge commissaire, décisions possibles 

Sur une décision d’incompétence ou une décision de constat de dépassement des pouvoirs juridictionnels, ou encore le constat d’une contestation sérieuse, quelle juridiction saisir ?

Tentative de distinction entre défaut de pouvoir, incompétence et constat d'une contestation sérieuse

Cas particulier de la créance qui découle d'un acte administratif

Cas particulier de la créance omise

Cas particulier de l'erreur sur l'admission

Voies de recours

Le document final : l'état des créances

Généralités

Le mandataire judiciaire est chargé de reconstituer le « passé » du débiteur en procédure collective et dont de mettre en place les diligences qui permettront d'en mesurer la teneur, plus précisément relativement au passif: il est donc en charge particulièrement de la vérification des créances (article L624-1) qui consiste à recenser les dettes (on parle de créances puisqu'on se positionne du côté des créanciers) et être en mesure de proposer au juge commissaire d'en arrêter le montant exact : il procède donc à la circularisation des créanciers conformément aux indications que le débiteur est tenu de lui remettre (liste détaillée comportant les adresses exactes).

Les créanciers recevront donc, dans les jours suivant le jugement d'ouverture de la procédure, une circulaire du mandataire judiciaire les invitant à lui faire connaître le montant de la créance qu’ils revendiquent : on appelle cette formalité la « déclaration de créance » (voir également instance en cours)

Le débiteur sera avisé de prévenir lui-même les créanciers avec lesquels il a un contact personnel, pour éviter qu’ils découvrent la situation par la circulaire du mandataire judiciaire.

Les créanciers disposent d’un délai (de deux mois à compter de la publicité du jugement d’ouverture, effectué par le greffe du Tribunal dans un journal dénommé BODACC) pour répondre au mandataire judiciaire et lui adresser leur déclaration de créance.

A l’issue de ce délai, le mandataire judiciaire pourra transmettre au débiteur une liste des créances déclarées auprès de lui, pour que ces sommes demandées par les créanciers soient vérifiées avec les éléments comptables de l’entreprise débitrice.

Ce rapprochement, qu’on appelle « vérification des créances » permet de s’assurer de l’exactitude des « déclarations de créance » : par exemple le débiteur peut avoir oublié d’enregistrer dans sa comptabilité un chèque impayé, des pénalités ou majorations, mais le créancier peut avoir oublié de déduire un avoir ou un dernier règlement.

Le débiteur fera alors ses observations au mandataire judiciaire, qui le cas échéant engagera des contestations de créances, de telle manière que le passif soit définitivement arrêté. A quelque stade que ce soit, y compris en liquidation judiciaire, le débiteur a un droit propre à participer à la vérification des créances et est partie à toutes les décisions, y compris les décisions rendues en suite de l'incompétence du juge commissaire.

L'emprise de la vérification des créances et les dispenses de vérifier tout le passif

En sauvegarde et en redressement judiciaire il est indispensable que tout le passif soit vérifié.

A l'inverse en liquidation judiciaire il se peut que l'actif soit tellement faible qu'il est acquis dès l'ouverture de la procédure que les créanciers ne recevront rien ou que seuls les créanciers de premier rang (les créanciers privilégiés) seront payés.

Aussi pour éviter que les créances chirographaires dont on sait à l'avance qu'elles ne seront pas payées ( ce qui en pratique a pour seul effet de générer des honoraires pour le mandataire judiciaire) , l'article L641-4 prévoit que dans ce cas il n'est pas procédé à la vérification des créances chirographaires, sauf le cas où, s'agissant d'une personne morale, est envisagée une action en comblement de passif. En tout état la vérification des créances peut être reprise si nécessaire et le juge peut accorder un délai supplémentaire de 6 mois (voir également R641-27)

Il a été jugé que la dispense de vérification des créances chirographaire est une mesure d'administration judiciaire (Cass com 17septembre 2013 n°12-30158) et n'est pas un obstacle à une action en comblement Cass com 5 novembre 2013 n°12-22510

En tout état, a minima les créances salariales sont toujours vérifiées. 

Enfin si la liquidation est régie par les règles de la liquidation judiciaire simplifiée, l'article L644-3 prévoit que seules les créances susceptibles d'être payées sont vérifiées.

La dispense de vérification des créances ne prive pas le créancier non admis pour cette raison de la possibilité de faire reconnaître leur créance dans les conditions de droit commun (par exemple après clôture de la liquidation judiciaire cf L643-11 V second alinéa)

Les délais de vérification des créances

Délai imparti au mandataire judiciaire

L'article L624-1 du code de commerce prévoit que le Tribunal fixe dans le jugement d'ouverture le délai imparti au mandataire pour avoir mené à bien la vérification des créances et déposé la liste des créances déclarées à l'attention du juge commissaire. Le non respect de ce délai a pour conséquence que le mandataire judiciaire n'est pas rémunéré pour la vérification des créances (même faite, mais hors délai R663-18), mais ce délai peut être prolongé par décision motivée du tribunal Cass com 18 janvier 2005 n°03-10076 (décision rendue sur un texte maintenant abrogé, mais rien n'empêche le tribunal d'accorder un nouveau délai) rendue sur requête (Cass com 9 mai 2007 n°06-10928

Délai imparti au débiteur pour formuler des observations

L'ordonnance du 12 mars 2014 est venue encadrer le processus de vérification des créances pour l'accélérer: lors de la vérification des créances, le mandataire judiciaire sollicite les observations du débiteur, qui, faute d’avoir répondu, ne peut ensuite contester les propositions d’admission soumises au juge commissaire (L624-1).

Les observations du débiteur doivent être faites dans un délai de 30 jours.

Plus précisément le texte indique : "Le délai prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 624-1 est de trente jours. Il court à compter de la date à laquelle le débiteur a été mis en mesure, par le mandataire judiciaire, de formuler ses observations. Lorsque le débiteur ne participe pas à la vérification des créances, le délai court à compter de la réception de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui est adressée par le mandataire judiciaire. Cette lettre comporte les propositions d'admission, de rejet ou de renvoi mentionnées au premier alinéa de l'article L. 624-1.

Il appartient au mandataire judiciaire de justifier de la date à laquelle il a sollicité les observations du débiteur
."

De sorte que le point de départ du délai mérite d'être précisé :

- si le débiteur se présente à la réunion de vérification des créances, le délai court à compter de la réception de la lettre de convocation, à condition que ce courrier RAR comporte les propositions d’admission, de rejet formulées par le mandataire judiciaire ou si le courrier prévoit qu'à défaut de présentation les sommes déclarées seront proposées à l'admission. A défaut a priori le délai court de la notification par le mandataire judiciaire de la liste de ses propositions d'admission ou de rejet.

- si le débiteur se présente à la vérification des créance le délai court à compter du moment où le débiteur est en condition de formuler ses observations : il semble donc acquis que le mandataire judiciaire ne peut considérer que le délai court si le débiteur fait valoir la nécessité d'examiner les déclarations de créance dont il sollicite les copies. Dans ce cas il est légitime de penser que le délai court de la remise desdites copies - dont il faudra se ménager la preuve -.

Le mandataire doit être en mesure de justifier de la date de point de départ du délai (R642-1). La date des observations du débiteur est d'ailleurs mentionnée par le mandataire judiciaire avec lesdites observations, sur l’état déposé (R624-2).

Certains en tirent que le débiteur serait irrecevable à élever des contestations au delà du délai qui lui est accordé, ce qui en pratique serait une bonne chose. Reste que le mandataire judiciaire peut lui même, et sans autre délai que celui du dépôt de l'état des créances, élever les contestations qui lui semblent fondées, et le cas échéant reprendre pour son compte les contestations élevées par le débiteur.

Les différents cas qui se présentent dans le cadre de la vérification des créances:

Par principe sont vérifiées d'une part les créances salariales et d'autre part les autres créances antérieurs. Les créances fiscales bénéficient d'un régime particulier ainsi que celles faisant l'objet d'une instance en cours

Le cas particulier des créances fiscales

Voir les créances fiscales

Le cas particulier des créances salariales

Voir vérification des créances salariales

Les créances antérieures hors créances salariales

La vérification des créances permet de dégager des catégories de créance:

- certaines faisaient déjà l'objet d'une instance en cours avant l'ouverture de la procédure, et dans ce cas la déclaration de créance permet la reprise de l'instance qui donnera lieu, à son issue, à une décision de fixation de la créance: ces créances échappent à la vérification des créances.

- certaines ne sont pas contestées, et il y a aura lieu de les admettre au passif

- certaines sont contestées par le débiteur et/ou le mandataire judiciaire, et le juge commissaire sera amené, à l'issue du processus de contestation, à en arrêter le montant

- enfin le juge commissaire peut, d'office ou sur proposition du mandataire judiciaire, estimer que l'appréciation de certaines créances ne relève pas de sa compétence.

Le cas particulier des créances soumises à une instance en cours au jugement d'ouverture de la procédure collective

Voir instance en cours

Le traitement par le mandataire judiciaire des créances contestées 

Les paiements effectués après le jugement d'ouverture ne sont pas des motifs de contestation, pas plus que les remises acceptées dans le cadre du plan

La déclaration de créance porte sur le montant du au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Il en est de même de l'admission de la créance.

Cass com 13 novembre 2007 n°06-19190 et 06-19192 "le montant de la créance à admettre devait être celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, indépendamment des paiements effectués postérieurement entre les mains du créancier"

Ainsi les paiements effectués après le jugement sont sans incidence sur l'admission de la créance, et le créancier qui aurait été payé peut contester une décision d'admission qui ne serait pas représentative de sa créance au jour du jugement Cass com  16 octobre 2012 n°11-22657. Cass com 5 juillet 2023 n°22-10104

Cela vaut par exemple pour le banquier qui encaisse, après jugement, des créances cédées Cass com 2 octobre 2012 n°11-20181 ou des effets escomptés Cass com 8 juin 2010 n°09-14624, pour le créancier qui accepte dans le cadre d'un plan, une remise, avant même que sa créance soit admise Cass com 14 juin 1994 n°92-16420 (et en outre l'article L626-21 du code de commerce distingue bien l'acceptation par le créancier de remises et l'admission de la créance)

Dans ces circonstances la créance doit être admise, et c'est au stade du paiement que les sommes payées postérieurement au jugement doivent être le cas échéant déduites (et encore pas nécessairement voir cautions et coobligés)

Il en est de même si le créancier accepte des remises dans le cadre d'un plan: il doit être admis pour le montant de sa créance au jour du jugement et pas pour le montant remisé, étant en outre précisé que l'adoption du plan n'emporte pas novation

Le cas particulier des créances fiscales

Voir créances fiscales

Les contestations au stade de la vérification des créances effectuée par le mandataire judiciaire et l'auteur de la contestation

Dans le cadre de la vérification des créances, le débiteur est appelé à assister à la vérification des créances effectuée par le mandataire judiciaire et à formuler des observations sur les déclarations de créance, et le cas échéant à élever des contestations.

L’article R624-1 du code de commerce dispose en effet:

« La vérification des créances est faite par le mandataire judiciaire, le débiteur et, le cas échéant, les contrôleurs désignés, présents ou dûment appelés.

Si une créance autre que celle mentionnée à l'article L. 625-1 est discutée, le mandataire judiciaire en avise le créancier ou son mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de trente jours prévu à l'article L. 622-27 court à partir de la réception de la lettre. Cette lettre précise l'objet de la discussion, indique le montant de la créance dont l'inscription est proposée et rappelle les dispositions de l'article L. 622-27. »

Contestation du débiteur ou de l'administrateur

Dans un premier temps le débiteur (ainsi que l'administrateur) est amené à formuler des observations sur les créances déclarées et d’éventuelles contestations.

 La loi ne précise pas la forme de ces contestations (par exemple une lettre de l'expert comptable du débiteur Cass com 17 mai 2011 n°10-17210)

Pour résumer, le processus est le suivant : le débiteur émet des contestations, et en suite de ces contestations (si ce sont véritablement des contestations) le mandataire judiciaire adresse le courrier prévu par les textes aux créanciers, et sauf accord du créancier, un débat doit nécessairement avoir lieu devant le juge commissaire, sauf si le débiteur a expressément indiqué qu’il renonçait à la contestation de créance.

Le désintérêt du débiteur pour le processus de vérification des créances est indifférent, dès lors qu’il a saisi le mandataire judiciaire d’une véritable contestation (et pas uniquement d’une demande de rejet fantaisiste et dilatoire). Cass com 2 novembre 2016 n°14-27292

Ainsi, dans le cadre de la vérification des créances, les créances pour lesquelles un désaccord existe entre le montant déclaré et celui reconnu par le débiteur donneront lieu à une contestation par le mandataire judiciaire (sauf le cas où la contestation du débiteur est totalement fantaisiste (la contestation doit être sérieuse Cass com 27 septembre 2017 n°16-16414) , et évidemment à ce sujet une créance fixée préalablement par décision de justice ne sera pas valablement contestée Cass com 13 septembre 2017 n°15-28833)

La contestation doit être sérieuse Cass com 27 septembre 2017 n°16-16414) , et évidemment à ce sujet une créance fixée préalablement par décision de justice ne sera pas valablement contestée Cass com 13 septembre 2017 n°15-28833)

C'est d'ailleurs au débiteur qu'il appartient d'établir que le créancier a omis de déduire certains acomptes payés Cass com 17 novembre 2021 n°20-17239

Concrètement le débiteur doit formuler des contestations "motivées et expliciter leur objet" (Cass com 4 mars 2014 n°12-35029 et 12-35020, v également Cass com 8 Janvier 2013 n°11-22796 dont il ressort que le débiteur ne peut, sans explication ni justification, refuser de signer la liste des créances qui lui est présentée à la vérification)

Ainsi le mandataire judiciaire est certainement fondé à ne pas considérer comme des contestations au sens des textes, une opposition de principe ou de parfaite mauvaise foi qui irait à l’encontre de l’évidence. Au-delà il peut se contenter d’émettre le courrier prévu par les textes, en y précisant qu’il reproduit la contestation du débiteur.

La question de savoir si le mandataire judiciaire peut ou pas refuser de prendre en considération une contestation émise par le débiteur n’est pas clairement tranchée, si ce n’est que :

- la Cour de cassation a jugé que pour être admises, ces contestations doivent être "motivées et expliciter leur objet" (Cass com 4 mars 2014, n°12-35029 et 12-35020)

- il semble que la responsabilité du mandataire judiciaire puisse être engagée s'il refuse d'effectuer une contestation sollicitée par le débiteur. Ce qui ne l'empêche pas, dans le cadre des débats, de solliciter l'admission de la créance puisque la contestation n'est pas son oeuvre Cass com 4 octobre 2023 n°22-14582

- le débiteur qui a émis une contestation à laquelle le mandataire judiciaire n'a pas donné suite est recevable à contester la décision du juge commissaire qui admet la créance Cass com 12 novembre 2008 n°07-11166 Cass com 28 juin 2017 n°15-27047

Contestation du mandataire judiciaire 

Evidemment le mandataire judiciaire peut prendre l’initiative d’émettre des contestations qu’il estime fondées au regard des informations dont il dispose et des constatations auxquelles il procède, mais c’est le débiteur qui est le mieux placé pour porter une appréciation sur la pertinence des créances déclarées.

Le courrier de contestation du mandataire judiciaire

Dans un premier temps, le mandataire judiciaire (ou le liquidateur en liquidation) adressera un courrier recommandé au créancier en lui indiquant que sa créance est contestée en tout ou partie, lui indiquer clairement le motif de contestation et le montant pour lequel il propose de retenir sa créance.

Ce courrier reproduit intégralement le texte de l'article L622-27 du code de commerce Cass com 20 janvier 2021 n°19-19415 Cass com 29 juin 2022 n°21-11655

(il suffit qu'il écrive au siège social du créancier et pas nécessairement au signataire de la déclaration de créance - ni pour un établissement public à l'agent comptable Cass com 10 janvier 2018 n°16-20764)

Le courrier de contestation émis par le mandataire judiciaire est le reflet de la dualité possible sur l'auteur de la contestation (débiteur / mandataire judiciaire) : ce courrier peut simplement reproduire la contestation du débiteur (notamment si le mandataire judiciaire n'approuve pas la contestation) ou y prendre véritablement part (notamment si la contestation est à son initiative ou s'il s'y associe)

Si le mandataire judiciaire ne fait que reproduire la contestation du débiteur, notamment parce qu’il n’est pas en accord avec l’argumentation soutenue, mais qu’il estime qu’elle n’est pas pour autant fantaisiste, il veillera à ce que son courrier comporte les mentions obligatoires, et notamment le motif de la contestation et le montant dont l’admission est proposé « l'avis donné par le représentant des créanciers au créancier dont la créance est en tout ou partie discutée, doit préciser l'objet de la contestation de la créance afin que le créancier puisse faire connaître ses explications sur les points contestés ; qu'ayant relevé que la lettre adressée par le représentant des créanciers … comportait en annexe les éléments de la contestation élevée par les débiteurs sans préciser la proposition de celui-ci, … » Cass com 4 mars 2008 n°07-11189

"en application des articles L. 622-27 et R. 624-1 du code de commerce, que pour faire courir le délai de trente jours au-delà duquel l'absence de réponse du créancier emporte interdiction de toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, la lettre adressée par ce dernier au créancier doit obligatoirement contenir un avertissement quant aux conséquences de son abstention, par la reproduction de l'article L. 622-27 du code de commerce, y compris la mention de ce texte réservant la faculté de discuter la proposition du mandataire malgré l'absence de réponse dans le délai, lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration". Cass com 29 juin 2022 n°21-11652

L'attitude du créancier suite au courrier de contestation du mandataire judiciaire

Le créancier disposera d’un délai de 30 jours pour lui répondre (ce délai n'est pas applicable si la créance déclarée est relative à une instance en cours Cass Com 5 Septembre 2018 n°17-14960 et n'est pas non plus applicable si le mandataire judiciaire se borne à indiquer dans le courrier que faute pour le créancier d'adresser des pièces justificatives il proposera au juge commissaire de rejeter la créance Cass com 13 septembre 2023 n°22-15296

Il convient de préciser ici que le mandataire judiciaire peut émettre plusieurs contestations successives de la même créance, mais que dans ce cas la Cour de Cassation considère que si le créancier a répondu dans le délai de 30 jours à la première contestation il importe peu qu'il réponde à la seconde: dans tous les cas il est considéré comme ayant répondu et la procédure devra ensuite se dérouler en considérant qu'il a répondu Cass com 28 juin 2017 n°16-16614

Si le désaccord persiste, c'est le juge commissaire qui tranchera.

 La Cour de Cassation a jugé que « les contestations de créances déclarées, formulées au cours de leur vérification par le débiteur, doivent être mentionnées par le liquidateur sur la liste des créances qu'il remet au juge-commissaire, lequel ne peut statuer sur les créances contestées sans convocation préalable du débiteur ; que ce dernier dispose d'un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur une créance qu'il a contestée et est fondé à se prévaloir du défaut de convocation devant le juge-commissaire pour faire annuler la décision ainsi rendue ;

………. aucune disposition ne subordonne le maintien de la contestation d'une créance, émise par le débiteur au cours de la vérification des créances, à l'existence d'observations de sa part sur les réponses reçues des créanciers en application de l'article L. 622-27 du code de commerce, ou à la présence du débiteur au rendez-vous fixé par le liquidateur pour la signature de la liste des créances, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
Cass com 2 novembre 2016 n°14-29292

Trois solutions se présentent:

- le créancier répond au mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours et accepte la contestation et le montant proposé

Ce faisant il reconnait l'erreur figurant dans sa déclaration de créance: il sera (en tout cas c'est la décision logique) admis au passif, sur l'état des créances arrêté par le juge commissaire, pour le montant proposé dans le courrier du mandataire judiciaire et conforme à la position du débiteur.

- le créancier répond au mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours et maintien sa position et revendique une somme supérieure à celle reconnue par le débiteur:

Si le créancier maintien sa demande, et si le débiteur maintien à son tour la contestation (le courrier explicatif du créancier peut être l'occasion pour le débiteur de se rendre compte que c'est lui qui s'est trompé), le mandataire judiciaire propose au juge commissaire un rejet de la créance. L'article L624-2 du code de commerce évoque en effet les propositions du juge commissaire, qui seront le support de l'arrêté de l'état des créance.

Contrairement à ce qui est fréquemment pratiqué par les greffes, ce n'est donc pas le mandataire judiciaire qui est demandeur à l'admission ou au rejet des créanciers, le juge commissaire est destinataire de propositions à partir desquelles il prend des décisions. D'ailleurs l'article R624-4 alinéa 2 qui organise la procédure de décision du juge commissaire en cas de proposition de rejet de la créance n'évoque pas une requête du mandataire judiciaire. 

Procéduralement il ne semble pas que le mandataire judiciaire soit demandeur : le mandataire judiciaire propose un rejet et le créancier pour sa part est en attente de l'admission de sa créance.

L'un et l'autre attendent d'être convoqués par le juge commissaire (et c'est sans doute un peu hâtivement que l'arrêt Cass com 20 Avril 2017 n° 15-18598 indique que le mandataire judiciaire que le juge commissaire est "saisi" par le mandataire judiciaire de la contestation de la créance). On peut en outre ajouter que le mandataire judiciaire n'est que le relai des contestations du débiteur, et n'en est pas lui même l'auteur.

L'intervention à l'audience du dirigeant condamné à supporter le passif social est recevable, même si ce dernier n'a pas de voie de recours prévu par les textes Cass com 11 mars 2020 n°19-13235 et 19.13233

Le juge est le juge de la réponse du créancier et peut donc apprécier si elle est ou pas de nature à avoir interrompu le délai de 30 jours, et il est vrai que l'article L622-27 est assez mal rédigé: le créancier est invité à faire valoir ses explications sur la contestation ... mais le défaut de réponse (et donc pas le défaut d'explication) dans le délai de 30 jours lui interdira de contester la décision du juge commissaire: quid si le créancier adresse dans les 30 jours un courrier qui ne permet même pas de savoir s'il maintien sa demande ?

Il peut en effet y avoir débat sur la nature de la réponse du créancier: certains répondent dans le délai de 30 jours qu'ils examinent la demande puis concrètement ne donnent jamais leur position, d'autres répondent de manière incompréhensible ou imprécise. La Cour de Cassation a jugé que le créancier qui se contentait de répondre dans le délai qu'il s'expliquerait devant le juge commissaire, a valablement répondu dans le délai (Cass com 11 décembre 2001 n°98.21880). Il en est de même du créancier qui indique qu'il maintien sa demande mais ne répond pas véritablement à la contestation (Cass com 15 mars 2005 n°03-19733) ou en joignant des pièces sans explication (Cass com 21 mars 2006 n°04-20800) et même si elle n'adresse pas tous les justificatifs demandés par le mandataire judiciaire (Cass com 15 octobre 2002 n°99-11874 Cass com 19 Mai 2004 n°02-15672)

Cependant si le créancier se contente de répondre qu'il va examiner la contestation et répondra ultérieurement, on s'écarte manifestement de l'esprit du texte qui est que dans les 30 jours on connaisse sa position: il semble alors soutenable de considérer qu'il n'a pas répondu.

le créancier ne répond pas au mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours:

Il ne lui sera plus possible d'argumenter sur le bien fondé de sa créance et si par la suite le juge commissaire confirme la proposition de rejet de la créance le créancier ne pourra exercer de recours (ce qui n'est pas contraire à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme Cass com 4 septembre 2018 n°17-28749 : son recours est irrecevable Cass com 1er décembre 2009 n°08-14794 ce qui peut être relevé d'office Cass com 17 décembre 2013 n°12-26333 et 13-13460 mais dans ce cas après débat contradictoire sur la question Cass com 22 novembre 1994 n°93-13453

Même dans l'hypothèse où le mandataire judiciaire a indiqué dans son courrier ne contester qu'un poste de créance, mais a proposé malgré tout dans son courrier de contestation une admission pour zéro, et a ensuite proposé un rejet total de la créance, le créancier qui n'a pas répondu n'est pas recevable à exercer des recours : c'est donc bien à partir de la somme proposée et pas de l'argumentation qu'il convient de raisonner Cass com 3 octobre 2018 n°17-24265

Cependant la fermeture des recours suppose que le juge commissaire ait suivi très exactement la proposition du mandataire judiciaire et n'ai pas admis ou rejeté le créancier pour une somme différente de celle proposée Cass com 16 juin 2015 n°14-11190

Voir cependant le point suivant sur la contestation fondée sur la régularité de la déclaration de créance

Une contestation particulière: la forme de la déclaration de créance / déclaration de créance irrecevable

Aux termes de l'article L622-27 du code de commerce la contestation de la forme de la déclaration de créance (par exemple identité et procuration du signataire) n'est pas soumise au délai de réponse de 30 jours, puisque par ailleurs ces irrégularités sont régularisables (voir déclaration de créance)

Voir par exemple Cass com 15 novembre 2017 n°15-26897

On rappellera que la créance rejetée par le juge commissaire par une décision définitive qui a jugé qu'elle n'est pas fondée est éteinte et non pas seulement inopposable à la procédure comme le serait une créance frappée de forclusion.

D'une manière totalement incompréhensible, la Cour de Cassation a étendu ce principe d'extinction quel que soit le motif de rejet de la créance, y compris s'il repose sur une question de forme comme par exemple le défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance (Cass com 4 Mai 2017 n°15-24854 et Cass com 22 janvier 2020 n°18-19526

Une telle extension est totalement injustifiée et dépasse d'ailleurs le pouvoir du juge commissaire qui n'est pas saisi de l'existence de la créance.

Le rejet de la créance non fondée tranche sur l'existence même de la créance alors que le rejet fondé sur une question de forme ne préjuge pas de l'existence de la créance, et preuve en est que par ailleurs la Cour de cassation a toujours considéré qu'une contestation sur la forme de la déclaration de créance n'est pas régie par les textes régissant la contestation au fond (par exemple Cass com 7 juillet 1998 n°95-18984, Cass com 116 octobre 2001 n°98-19316, cette solution étant maintenant expressément mentionnée à l'article L622-27 du code de commerce

On peut espérer que l'arrêt du 4 mai 2017 restera isolé, et la Cour d'appel de MONTPELLIER, désignée Cour de renvoi, a fort justement résisté, ce qui devrait donner lieu à la saisine de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation.

Un arrêt du 10 mars 2021 (Cass com 10 mars 2021 n°19-22395) rendu dans un domaine voisin, sème le trouble : "Le juge du fond, qui statue dans une instance en cours reprise conformément à l'article L. 622-22 du code de commerce, ne fait pas application de l'article L. 624-2 du même code. Il en résulte que la décision par laquelle ce juge déclare irrecevable la demande d'un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant, dès lors, l'extinction de celle-ci"

Autrement dit, si c'est le juge du fond qui juge la créance irrecevable, elle n'est pas éteinte, alors que si c'est le juge commissaire, qui ne peut que statuer dans le cadre de l'article L624-2,lequel dans sa version initiale ne permet pas de retenir l'irrecevabilité, mais seulement le rejet, la créance est éteinte.

En tout état, et pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, l'article L624-2 du code de commerce vient expressément condamner cette jurisprudence et dispose désormais "Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission."

Désormais la créance irrecevable suivra donc un sort différent de la créance rejetée. Le texte ne précise absolument au terme de quel processus le juge commissaire pourra statuer sur la recevabilité de la créance, et on suppose que c'est dans les les mêmes formes que la contestation.

La liste des créances avec les propositions d'admission du mandataire judiciaire, déposée à l'issue de la vérification des créances avec le débiteur

Plus précisément, l'article R624-2 du code de commerce organise le dépôt au greffe, par le mandataire judiciaire, de la liste des créances avec ses propositions d'admissions, issues de la vérification des créances: "La liste des créances contenant les indications prévues à l'article L. 622-25 et à l'article R. 622-23 ainsi que les propositions du mandataire judiciaire et les observations du débiteur, avec indication de leur date, est déposée au greffe pour être sans délai remise au juge-commissaire. Elle est communiquée à l'administrateur, s'il en a été désigné, et, le cas échéant, au commissaire à l'exécution du plan."

Les créanciers dont la créance n'a pas été portée définitivement sur la liste des créances, dans le délai prévu par l'article L. 624-1, peuvent demander à être relevés de la forclusion prévue par le quatrième alinéa de l'article L. 622-24 selon les modalités prévues par l'article L. 622-26.

Après le dépôt au greffe de cette liste, celle-ci est complétée par le greffier par les créances bénéficiant d'un relevé de forclusion intervenu après le dépôt de l'état des créances.

Le dernier alinéa laisse penser que les créances déclarées au titre des instances en cours n'ont pas à être mentionnées sur la liste établie par le mandataire judiciaire, et il est vrai que ces créances échappent à la vérification et au pouvoir du juge commissaire. Pour autant dans la pratique, ne serait-ce que pour avoir une vision exacte du passif déclaré, les mandataires judiciaires font figurer ces créances, qui ne sont évidemment pas admises, et font simplement l'objet par le juge d'une mention du constat de l'instance en cours.

C'est cet ensemble de créances mentionnées sur la liste qui fait l'objet du processus décisionnel du juge commissaire, organisé par les  l'article R624-3 et suivants

Le traitement pas le juge commissaire de la liste des créances : les 4 catégories de créance, d'ailleurs énumérées par l'article L624-2 du code de commerce, qui constitueront le passif arrêté par le juge commissaire et les juridictions compétentes

Par principe c'est au juge commissaire de statuer sur la régularité d'une déclaration de créance Cass com 26 mars 2013 n°11-24148 (sauf cas d'instance en cours) et le juge de l'exécution par exemple est incompétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance Cass civ 2ème 2 mars 2023 n°21-10465

Au delà de cette première observation, certaines décisions relèvent du juge commissaire (et dans ce cas il s'agit de décision de justice portant la signature du greffier, mais le moyen de nullité n'affectant pas la saisine du juge commissaire l'effet dévolutif joue et permet à la Cour de statuer Cass com 1er décembre 2009 n°06-17266) et d'autres des juridictions compétentes.

Le juge commissaire doit évidemment motiver sa décision (Cass com 15 mai 2019 n°18-11671)

Le juge commissaire peut toujours surseoir à statuer

Aucun texte ne l'écartant, la juge commissaire peut toujours surseoir sur sa décision relative à une créance, dans l'attente d'un évènement qui lui permettra d'être suffisamment informé. C'est souvent le cas pour une créance "conditionnelle" suspendue à la survenue d'un fait incertain, si la créance déclarée fait l'objet d'une demande de relevé de forclusion non encore définitivement jugé, si la créance est dépendante de l'issue d'une action en nullité de la période suspecte ...

Le juge commissaire n'est pas le juge de la demande indemnitaire du débiteur contre le créancier

Nonobstant la règle de concentration des moyens, ce n'est pas devant le juge commissaire que le débiteur qui conteste la créance doit faire valoir sa demande indemnitaire contre le créancier qui donnera le cas échéant lieu à compensation. L'admission de la créance est représentative de l'état de la créance au jour du jugement, et l'autorité de la chose jugée ne peut être objectée au débiteur qui entend engager une action contre le créancier Cass com 9 octobre 2019 n°18-17730

Le juge commissaire a compétence exclusive

En tout état la compétence du juge commissaire est exclusive (Cass com 27 octobre 1998 n°94-19288 ) et "tout créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture doit se soumettre à la procédure de vérification des créances et ne peut, après l'ouverture de la procédure collective, engager une action en justice tendant à la constatation de sa créance et à la fixation de son montant devant une autre juridiction" Cass com 8 janvier 2002 n°98-17373

Il n 'est même pas ici question que le tribunal puisse statuer à sa place au visa de l'article R621-21 s'il n'a pas statué dans un délai raisonnable Cass com 19 mars 2002 n°00-11218

Il n'est pas non plus question que dans un litige au fond opposant le débiteur et le créancier, ce dernier demande à la juridiction saisie de fixer sa créance, même au contradictoire des mandataires de justice, cet aspect du litige relevant exclusivement de la compétence du juge commissaire Cass com 13 septembre 2017 n°16-12249. C'est également le cas à l'occasion d'une demande de résolution du plan : le créancier ne peut demander à cette occasion au Tribunal de fixer sa créance, qui dépend exclusivement de la procédure de vérification des créances Cass com 16 septembre 2014 n°13-16803 "le juge-commissaire et la cour d'appel, sur recours prévu aux articles L. 624-3 et R. 624-7, sont seuls compétents pour statuer sur l'admission des créances"

1 Les créances faisant l'objet d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure

Voir le mot Instances en cours.

Le juge commissaire constate l'existence d'une instance (article L624-2 du code de commerce) par une décision portée sur l'état des créances (article R624-8 du code de commerce) qui est déposé au greffe et publié au BODACC. Lorsque la décision sur l'instance en cours est rendue, elle est adressée au greffe (article R624-11) et vient compléter l'état des créances (article R624-9)

2 L'admission des créances non contestées

Les déclarations de créances sans discordance avec la comptabilité de l’entreprise feront partie du « passif » et sont admises pour le montant déclaré. Le juge ne peut à cette occasion dénaturer les conventions support de la créance déclarée (Cass com 29 mars 2023 n°21-17965)

Il en est de même pour les créances pour lesquelles le débiteur n'émet pas de véritables contestations. Etant bien entendu précisé que le juge dispose d'un pouvoir autonome d'appréciation. Il doit examiner les pièces produites et notamment les arguments invoqués au soutien d'une contestation (par exemple sur les comptes sociaux censés corroborer une créance en compte courant, alors qu'une écriture était contestée faute de réciprocité Cass com 14 juin 2023 n°21-24755)

L'attitude du débiteur est ici fondamentale car s'il n'émet pas de contestation, il ne pourra relever appel de la décision du juge commissaire (Cass com 8 janvier 2013 n°11-22796).

L'admission est une décision du juge commissaire, matérialisée par une somme portée sur l'état des créances déposé au greffe (R624-3) et les créanciers concernés en sont avisés par courrier simple.

A priori dans ce cas les parties n'ont pas de recours à élever, puisqu'elles n'avaient pas élevé de contestation (et le créancier est admis pour le montant demandé), et seuls les tiers pourraient former la réclamation prévue à l'article R624-8 du code de commerce dans le délai d'un mois de l'insertion du BODACC de l'état des créances.

L'autorité de la chose jugée de la décision d'admission, mais qui ne constitue pas de titre exécutoire

Voir autorité de la chose jugée

La décision d'admission non contestée a autorité de la chose jugée Cass com 4 novembre 2014 n°13-21933 Cass civ 1ère 11 septembre 2013 n°11-17201 Cass com 3 mai 2011 n°10-18031 mais pour autant ne constitue pas un titre exécutoire Cass com 4 juillet 2018 n)16-22986 

3 Le traitement des créances contestées: une compétence du juge commissaire restreinte aux contestations évidentes ou à l'absence de contestation sérieuse

En remettant ses propositions au juge commissaire, le mandataire judiciaire doit en tout état annexer les observations et contestations du débiteur à l'état des créances qu'il soumet au juge commissaire, lequel ne peut statuer sur l'admission d'une créance que le débiteur avait contestée qu'au contradictoire de celui-ci (Cass com 2 novembre 2016 n°14-29292 Cass civ 1ère 11 septembre 2013 n°11-17201

Les créances contestées pour lesquelles le créancier a répondu dans les 30 jours et a maintenu sa créance

Concrètement, pour chaque créance contestée, c'est à dire pour laquelle le créancier a répondu dans le délai de 30 jours au courrier de contestation de créance du mandataire judiciaire en indiquant qu'il maintenait sa créance, le greffe convoquera les parties à une audience et le juge commissaire statuera sur l'admission de la créance à la suite de cette audience à laquelle seront donc convoqués le débiteur, le créancier et le mandataire judiciaire (ainsi que l'administrateur judiciaire s'il y en a un en fonction) au visa de l'article R624-4 du code de commerce. L'absence du créancier à l'audience (bien que convoqué) n'est pas de nature à permettre au juge commissaire de retenir la caducité de l'instance (mais en réalité le juge avait prononcé la caducité de la déclaration de créance) Cass com 20 avril 2017 n°15-18598, et ce n'est pas non plus pour cette seule raison que le juge commissaire doit faire droit à la contestation.

Le juge commissaire tranchera donc, après avoir statué sur l'existence la nature et le montant de la créance et sans pouvoir se contenter de se reporter à une ordonnance de référé qui allouait une provision au créancier nonobstant son caractère exécutoire Cass com 23 mars 2022 n°20-22753

Le juge commissaire peut admettre intégralement la déclaration de créance, ou au contraire faire droit à la contestation du créancier ou encore arrêter une décision pour un montant autre qu'il aura décidé au vu des éléments qui lui seront exposés.

Sa décision est notifiée aux parties (article R624-4) ce qui leur ouvre le délai de recours prévu aux articles L624-3 et R624-7 et est un des éléments de l'état des créances publié au BODACC (article R624-8) , cette publication faisant courir le délai de réclamation des tiers prévu à l'article R624-8. La notification aux parties est effectuée par courrier recommandé dans les formes applicables à toute ordonnance du juge commissaire (et donc le cas échéant par voie de signification en cas d'échec de la notification) et l'article R624-4 précise le contenu et les modalités de cette notification

"Les décisions statuant sur la compétence, sur l'existence d'une contestation sérieuse ou sur la contestation d'une créance sont notifiées au débiteur et au créancier ou à son mandataire par le greffier, dans les huit jours.

Ces notifications précisent le montant pour lequel la créance est admise ainsi que les sûretés et privilèges dont elle est assortie et reproduisent les dispositions des articles L. 622-27 et L. 624-3.

Le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, sont avisés contre récépissé des décisions rendues." (le non respect du délai de 8 jours est dépourvu de sanction)

Conformément aux règles de procédure civile la notification doit mentionner la forme et le délai de recours, à défaut de quoi le délai n'est pas ouvert.

Il convient par ailleurs de préciser que la contestation des créances fiscales est effectuée dans les formes du livre des procédures fiscales et le juge commissaire ne peut donc que se déclarer incompétent ... sauf si la contestation porte sur la forme et le signataire de la déclaration de créance Cass com 13 septembre 2017 n°16-13691

La créance rejetée par le juge commissaire par une décision définitive qui a jugé qu'elle n'est pas fondée est éteinte et non pas seulement inopposable à la procédure comme le serait une créance frappée de forclusion.

D'une manière totalement incompréhensible, la Cour de Cassation a étendu ce principe d'extinction quel que soit le motif de rejet de la créance, y compris s'il repose sur une question de forme comme par exemple le défaut de pouvoir du signataire de la déclaration de créance (Cass com 4 Mai 2017 n°15-24854 et Cass com 22 janvier 2020 n°18-19526

Une telle extension est totalement injustifiée et dépasse d'ailleurs le pouvoir du juge commissaire qui n'est pas saisi de l'existence de la créance.

Le rejet de la créance non fondée tranche sur l'existence même de la créance alors que le rejet fondé sur une question de forme ne préjuge pas de l'existence de la créance, et preuve en est que par ailleurs la Cour de cassation a toujours considéré qu'une contestation sur la forme de la déclaration de créance n'est pas régie par les textes régissant la contestation au fond (par exemple Cass com 7 jullet 1998 n°95-18984, Cass com 116 octobre 2001 n°98-19316, cette solution étant maintenant expressément mentionnée à l'article L622-27 du code de commerce

On peut espérer que l'arrêt du 4 mai 2017 restera isolé, et la Cour d'appel de MONTPELLIER, désignée Cour de renvoi, a fort justement résisté, ce qui devrait donner lieu à la saisine de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation.

La partie insatisfaite de la décision a une possibilité de recours contre la décision du juge commissaire (voir le mot "voies de recours"). Il s'agit en principe de l'appel, sauf si le juge commissaire a statué en dernier ressort ( créance inférieure à 4.000 € - seuil 2015 -) cas dans lequel c'est un pourvoi en cassation qui est possible ( article L624-4 du code de commerce).

Les créances contestées pour lesquelles le créancier n'a pas répondu pas au mandataire judiciaire dans le délai de 30 jours:

Le juge commissaire saisi de la contestation de la créance statuera sans qu'il soit nécessaire de convoquer le créancier à une audience (R624-4) et "Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances" (article L622-27).

Ainsi, à la lettre du texte la sanction de l'impossibilité de contestation ne s'applique pas si c'est la régularité de la déclaration de créance qui est contestée, et la Cour de Cassation considère que cette sanction s'applique également si le courrier de contestation de créance porte à la fois sur la régularité et le montant de la créance Cass com 28 juin 2017 n°16-12382

Cependant si le créancier est convoqué malgré tout devant le juge commissaire, il sera évidemment entendu. De même le juge commissaire peut parfaitement tenir compte des indications données par le créancier dans un courrier adressé hors délai Cass com 18 janvier 2023 n°21-12678 Cass com 18 janvier 2023 n°21-17630

Il en est de même si après un premier courrier de contestation auquel le créancier a répondu dans le délais, le mandataire émet une seconde contestation à laquelle le créancier ne répond pas: dès lors qu'il a répondu à la première il doit être entendu par le juge commissaire Cass com 18 mai 2017 n°15-27534 Cass com 28 juin 2017 n°16--16214

Le créancier qui n'a pas répondu n'a pas de recours contre la décision du juge commissaire si elle confirme la proposition du mandataire judiciaire (le juge est évidemment libre d'admettre la créance), et ce semble-t-il même s'il a été convoqué devant le juge commissaire nonobstant son défaut de réponse. Le seul cas dans lequel le créancier pourra exercer des recours, même s'il n'a pas répondu dans le délai de 30 jours est celui - en pratique rarissime - dans lequel le créancier est convoqué devant le juge commissaire avant même que le délai de 30 jours soit expiré: dans ce cas la Cour de Cassation considère qu'il est dispensé de réponse au mandataire judiciaire, puisque l'étape préalable à la saisine du juge commissaire est de toute façon éludée (Cass com 7 décembre 2004 n°03-16321)

Ainsi l’ensemble des créances, exactes dès le début ou conséquences d’échanges de courriers avec le mandataire, ou encore conséquences de décisions du juge commissaire, constitueront « l’état des créances», c’est-à-dire le montant total du passif antérieur au jugement

Le juge commissaire peut-il rejeter une créance qui n'avait pas été contestée par le mandataire judiciaire ?

Le juge commissaire est destinataire des propositions d'admission et de rejet établies par le mandataire judiciaire, lequel ne peut proposer le rejet de la créance que s'il l'a contestée dans les formes légales (courrier, délai de 30 jours ...).

Pour autant, le juge commissaire pourrait-il décider de rejeter une créance qui n'avait pas été contestée ?

Les textes ne semblent pas l'interdire : l'article L624-2 prévoit que le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances, ce qui laisse entendre qu'il a une grande liberté, et l'article R624-4 organise simplement, d'une manière générale, la convocation du créancier contesté à un débat contradictoire devant le juge commissaire.

Il n'est pas précisé si cette contestation "imprévue" peut émaner du débiteur ou du mandataire judiciaire, ce qui semblerait mal venu ou peut être soulevée d'office par le juge commissaire, mais le fait est que la jurisprudence semble admettre que le juge commissaire puisse statuer sur une contestation qui n'a pas fait l'objet du courrier recommandé du mandataire judiciaire. Par exemple Cass com 19 mai 1998 n°96-13958

A notre sens cependant le débiteur qui n'a pas contesté une créance dans le cadre de la vérification et le mandataire judiciaire qui a fait de même, devraient être irrecevables, au nom de la loyauté procédurale, à contester devant le juge commissaire, et le pouvoir du juge commissaire de se saisir d'office nous semble très discutable.

Deux notions très proches dans le domaine et très différentes dans les conséquences : incompétence du juge commissaire (et contestations sérieuses) d'une part et dépassement du pouvoir juridictionnel du juge commissaire d'autre part.

Les textes prévoient l'incompétence du juge commissaire et y ont greffé (manifestement) les cas dans lesquels la contestation de la créance est jugée sérieuse.

La jurisprudence a créé une notion de dépassement du pouvoir juridictionnel du juge commissaire.

Le domaine de ces notions est a priori similaire, ce qui laisse perplexe sur l'opportunité de la dernière notion prétorienne.

Mais le régime est très différent, puisque dans le premier cas le juge commissaire est incompétent et la contestation devra être jugée par la juridiction compétente saisie par les parties, et le juge commissaire ne devrait plus pouvoir statuer, alors que dans le second il sursoit à statuer dans l'attente de la décision rendue par la juridiction compétente.

Mais nous verrons que cette différence tend, elle aussi, à s'amenuiser puisque la Cour de Cassation semble considérer que même en cas d'incompétence du juge commissaire, ce dernier pourrait sursoir à statuer (ce qui est à la fois incompréhensible et a pour effet de rendre totalement inutile la survivance des deux notions distinctes)

Rappelons que dans les deux cas, le débiteur, même dessaisi en suite de la liquidation judiciaire, a un droit propre à être partie devant la juridiction compétente.

 4 La limitation de la compétence du juge commissaire pour statuer sur une contestation: le juge commissaire n'est pas compétent pour statuer sur le fond de la créance ni sur les contestations sérieuses: renvoi des parties à saisir le juge compétent

Traditionnellement le juge commissaire n'a jamais été le juge du fond de la créance.

Il a donc toujours été limité par la teneur de la contestation et l'examen au fond que nécessite son examen.

Le décret de 2014 a cependant étendu la compétence du juge commissaire aux cas où, en l’absence de contestation sérieuse, la matière relève du tribunal de la procédure.

La délimitation de la compétence du juge commissaire en fonction de l'étendue de la contestation est complexe.

Le domaine de l'incompétence du juge commissaire pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014

Concernant le domaine de l’incompétence du juge commissaire, l'ordonnance du 12 mars 2014 est venue apporter quelques précisions sur la question, en modifiant l'article L624-2 par un alinéa 2 qui étend (mais par certains aspects restreint) la compétence du juge commissaire

Le texte dispose donc désormais : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. »

Ce texte, applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014 a très certainement été conçu pour restreindre les cas d’incompétence du juge commissaire, qui pourra trancher certains des moyens soulevés par les parties qui relèvent de la compétente de la juridiction dont dépend la procédure collective.

L'article R624-4 du code de commerce a été modifié en 2014 par l’ordonnance de 2014 applicable aux procédures ouvertes postérieurement au 1er juillet 2014 pour prendre en considération le texte de l'article L624-2, lui aussi modifié: ces nouvelles dispositions prévoient que le juge commissaire n'est pas compétent pour statuer sur les contestations "sérieuses". La notion n'est pas définie, mais le fait est que le juge commissaire est alors invité à se déclarer incompétent ou a sursoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente

L’article R624-5 du code de commerce, qui règle les modalités pratiques de la décision d’incompétence du juge commissaire a été adapté en conséquence : « Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte".

Le juge commissaire peut donc, comme antérieurement, se déclarer incompétent, et le régime de sa décision reste le même (voir l'incompétence), et il peut également rendre une nouvelle décision, introduite par les articles L624-2 et R624-5 : le constat d’une contestation sérieuse.

Rappelons le droit propre du débiteur à être partie devant la juridiction compétente, et le texte prévoit d'ailleurs qu'il appartient aux parties - en précisant débiteur, mandataire judiciaire ou créancier -. Cass com 2 mars 2022 n°20-21712

Tentative de délimitation de la compétence par l'observation des décisions rendues

L'incompétence du juge commissaire est avant tout manifeste lorsque le litige est expressément de la compétence d'une juridiction.

L'incompétence du juge commissaire a longtemps été retenue dans des circonstances dans lesquelles il ne s’agissait pas, pour le juge commissaire, de constater « simplement » l’existence ou l’inexistence de la créance, mais, pour parvenir à ce constat de prendre position sur le fondement de la créance et le bien fondé des objections soulevées sur ce fondement.

Ainsi par exemple, le juge commissaire a été jugé incompétent pour statuer sur :

- sur la responsabilité du créancier à l'égard du débiteur (Cass. com 12 avril 2005, n° 03-17207 qui évoque à la fois la « compétence » du juge commissaire et le fait que la contestation « n’entre pas dans ses attributions »

- sur une demande reconventionnelle en dommages-intérêts (Cass. com 6 févr. 2001, n° 98-19267 qui évoque à la fois la compétence du juge commissaire et ses attributions,

- la responsabilité d’une banque (Cass. com., 24 mars 2009, n° 07-18927 qui évoque à la fois la compétence et approuve le juge commissaire d’avoir refusé de sursoir à statuer sur une demande sans lien avec la créance)

- la nullité du contrat fondement de la créance contestée (Cass com 2 mai 2001, n° 97-20953 qui évoque la compétence, Cass com 27 septembre 2016 n°14-18998).

- des faits relevant de la compétence exclusive d'une juridiction arbitrale au visa d’une clause compromissoire (cf article 1448 du CPC Cass com 2 juin 2004, n° 02-18700, ou administrative Cass com 1er mars 2005 n°02-16769 relativement à l’apurement des comptes résultant d’une concession

- la contestation d'honoraires d’un commissaire aux comptes qui relève de la chambre régionale de discipline de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes

- des malfaçons et pénalités de retard dans le cadre de d’un contrat de construction, l’abandon de chantier … la réparation d'un véhicule Cass com 29 mars 2023 n°21-20452

- la contestation d'une créance fixée par une ordonnance de référé, laquelle n'a pas autorité de chose jugée Cass com 14 juin 2023 n°21-21686

Mais certains arrêts admettent la compétence du juge commissaire pour statuer sur une créance au prétendu motif que le débiteur aurait commis des actes de concurrence déloyale, la compétence du juge commissaire ne s’étendant évidemment pas à la compétence de condamner pour concurrence déloyale (CA Caen, 1re ch., sect. civ. et com., 20 mai 2009, n° 08/02443 : Act. proc. coll. 2009-11, comm. 175).

De même si le débiteur invoque la responsabilité du créancier, et soumet cette argumentation à une juridiction dans le cadre d'une action principale, il ne saurait la reproduire dans le cadre d'une contestation de créance : un tel motif est étranger à l'existence de la créance, et si par la suite le créancier est condamné la question pourra se poser de la compensation. Tel est le cas d'une créance bancaire contestée en raison des fautes de la banque : le juge commissaire ne peut inviter la banque à saisir la juridiction compétente de sa propre responsabilité et doit statuer sur l'existence de la créance Cass com 13 février 2019 n°17-21216 et 17.21217

L'introduction d'une nouvelle décision parmi les décisions du juge commissaire : le constat du caractère sérieux ou pas d’une contestation qui conduit à une décision d'incompétence ou de dépassement de pouvoirs juridictionnels

En suite de la modification de l’article L624-2, l’article R624-5 du code de commerce introduit en effet une nouvelle possibilité pour le juge commissaire : dès lors qu’en l'absence de contestation sérieuse, il a compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission, il va devoir, en cas de contestation, prendre position sur son caractère sérieux ou pas.

En pareille circonstance, on peut distinguer deux cas :

- la contestation n’est pas jugée sérieuse, et relève de la compétence matérielle du tribunal de la procédure,

- la contestation est jugée sérieuse

Evidemment le juge commissaire doit donc avant tout se poser la question du caractère sérieux ou pas de la contestation et de son influence ou pas sur l'existence ou le montant de la créance:  Cass com 15 novembre 2017 n° 16-18144 et Cass com 27 septembre 2017 n° 16-16414 Cass com 21 novembre 2018 n°17-18978

Contestation jugée non sérieuse et relevant de la compétence matérielle du tribunal qui a désigné le juge commissaire

Après débat contradictoire, le juge commissaire pourra statuer sur l’admission de la créance, par une décision en deux « branches », qui se prononcera sur le caractère non sérieux de la contestation et le bien-fondé de la créance.

A priori si la contestation n'est pas sérieuse, le juge commissaire admettra la créance. La Cour de Cassation tend à considérer que c'est une obligation si la contestation ne relève pas, par ailleurs, de la compétence du tribunal dont dépend la procédure collective Cass com 21 novembre 2018 n°17-18978, et il est vrai que si la contestation n'est pas sérieuse on voit mal ce que le juge commissaire peut faire d'autre.

Si l'existence et le montant de la créance sont évidents, le juge commissaire est compétent pour l'admettre Cass com 2 novembre 2016 n°15-10317 nonobstant la contestation du débiteur Cass com 13 février 2019 n°17-27116

De même si la contestation repose à l'évidence sur un accord illicite entre le débiteur et le créancier pour contourner la règle de l'interdiction de paiement des créances antérieures, cette évidence permet au juge commissaire de statuer sur l'admission de la créance Cass com 26 février 2020 n°18-21907 

Enfin si le débiteur ne met pas le créancier en condition de préciser sa déclaration de créance comportant des estimations, en ne lui adressant pas les déclarations de cotisations nécessaires, sa contestation n'est pas sérieuse Cass com 26 octobre 2022 n°21-16489 

De la même manière l'évocation d'une expertise en cours, alors qu'elle est terminée, n'est pas une contestation sérieuse Cass com 29 mars 2023 n°21-19084

Contestation jugée sérieuse

A priori le juge commissaire ne peut d’office soulever l’existence d’une contestation sérieuse, et on peut en conclure que si aucune partie ne le soulève il pourra statuer sur la créance (mais il existe un doute, car il a été admis que cette fin de non recevoir soit soulevée d'office en cause d'appel Cass com 27 septembre 2017 n° 16-16414)

Si la créance comporte plusieurs chefs, le juge ne statuera pas sur ceux qui souffrent de contestation sérieuse, mais doit statuer sur les autres (par exemple pour une créance au titre de l'article 700 du CPC Cass com 29 mars 2023 n°21-20452)

C’est la procédure décrite à propos de l’incompétence qui est applicable, au visa de l’article R624-5 qui réunit les deux types de décision: dans une ordonnance par laquelle il constate et motive sa décision sur le caractère sérieux de la contestation, le juge-commissaire invite les parties à saisir la juridiction compétente (que le texte ne précise pas qu’il doit désigner), et désigne celle des parties qui doit saisir le tribunal compétent.

Rappelons le droit propre du débiteur à être partie devant la juridiction compétente, et le texte prévoit d'ailleurs qu'il appartient aux parties - en précisant débiteur, mandataire judiciaire ou créancier -. Cass com 2 mars 2022 n°20-21712

La déclaration d'incompétence du juge commissaire, le délai de forclusion pour saisir le juge compétent

Les textes organisent une décision d'incompétence du juge commissaire.

Concrètement la décision est portée sur l'état des créances, et c'est la décision qui sera ultérieurement rendue par la juridiction compétente qui complètera l'état des créances (articles R624-11 et R624-9) et qui pour sa part fait l'objet des recours de droit commun

La décision d'incompétence du juge commissaire dans le cadre de la vérification des créances

La procédure de vérification des créances a longtemps été organisée autour de l’idée que le juge commissaire est, dans ce cadre, le « juge de l’évidence » : comme déjà indiqué, il peut admettre une créance, la rejeter, constater qu’un litige est en cours et à défaut doit se déclarer incompétent.

Ce principe posé, qui parait logique n’est pas aussi simple à mettre en application en pratique : dans quel cas le juge commissaire peut-il admettre ou rejeter une créance, et ce faisant trancher les objections soulevées par les parties, et dans quel cas au contraire doit-il raisonnablement se résoudre à se déclarer incompétent ?

L'examen d'une créance peut en effet amener les parties à soulever des arguments que le juge commissaire ne peut trancher.

Le cas le plus évident est celui où un texte spécifique organise la contestation de la créance : par exemple la contestation des honoraires du commissaires aux comptes relève de la chambre de discipline (Cour d'appel d'AIX 28 avril 2016 13/04859), la contestation des honoraires d'un avocat relève du bâtonnier ....

Plus généralement, par exemple le débiteur invoque des malfaçons dans un bâtiment, ou la nullité d'un contrat, le défaut d'exécution d'une obligation par son contractant : le juge commissaire n'a vocation qu'à prendre position sur la réalité de la créance.

A priori la solution apportée par les textes en pareille circonstance est la possibilité pour le juge commissaire de se déclarer incompétent, à charge pour les parties de saisir la juridiction compétente. Ce dispositif est régi par les articles L624-2 et R624-4 du code de commerce.

Le régime de l’incompétence du juge commissaire

La décision

Dans le cadre d’une contestation de créance, le juge commissaire peut donc se déclarer incompétent pour statuer sur la créance. Cette décision peut être prise d'office (c'est à dire sur initiative du juge lui-même) ou sur proposition du mandataire judiciaire (L624-2, le terme « proposition » étant assez loin de celui d’exception d’incompétence) et en tout état après un débat contradictoire R624-4.

Le texte ne précise pas que le juge commissaire doit désigner la juridiction compétente : a priori il convient ici de faire appel aux règles de procédure civile pour admettre qu’il doit y veiller (article 96 du CPC) même si certains auteurs considèrent que faute de précision dans le texte, il appartiendrait aux parties de déterminer ladite juridiction. En tout état, à la différence du régime habituel de la décision d'incompétence  il n'y a pas de renvoi à cette juridiction, puisqu'il appartient à la partie désignée de la saisir.

La décision doit par contre indiquer laquelle des parties est invitée à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois (article R624-5)

Si le juge omet de préciser laquelle des parties doit saisir la juridiction compétente, il y a erreur de droit qui ne peut être réparée par une requête en rectification au sens de l'article 462 du CPC Cass com 11 mars 2020 n°18-23586 premier moyen).

Le recours

Le recours contre la décision d’incompétence était, classiquement, le contredit, spécifiquement applicable en la matière au visa de l’article R624-5 du code de commerce, jusqu'à la suppression du contredit par le décret du 6 mai 2017: c'est maintenant l'appel dans le délai applicable aux recours contre les ordonnances du juge commissaire (10 jours de la notification). Le pourvoi est recevable contre la décision d'incompétence Cass com 27 novembre 2019 n°18-18150

L'effet de la décision d'incompétence: le dessaisissement du juge commissaire ? Ce n'est pas aussi évident !

Le premier effet de la décision d'incompétence du juge commissaire, comme en droit commun,  devrait être le dessaisissement du juge commissaire: le juge commissaire est " ainsi définitivement dessaisi de la demande de fixation au passif" Cass com 4 mai 2017 n°15-25919 Cass com 17 octobre 2018 n°17-17773

La décision  a autorité de chose jugée.

Pour plus de précisions et notamment l'autorité de la chose jugée de la décision d'incompétence voir le mot.

C'est (évidemment) le cas du juge commissaire qui se déclare incompétent et invite les parties à saisir le juge compétente ... puis est à nouveau saisi par le créancier (en l'espèce le Trésor Public) qui n'a précisément pas saisi la juridiction compétente : il est dessaisi et son incompétence, définitivement jugée, s'impose à lui et la nouvelle demande qui lui est présentée est irrecevable "Mais attendu que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent pour statuer sur la contestation d’une créance déclarée au passif d’un débiteur en procédure collective, il est dessaisi relativement à cette contestation, y compris lorsque les parties, invitées à saisir le juge compétent, ne l’ont pas fait dans le délai imparti par l’article R. 624-5 du Code de commerce ; qu’ayant constaté que le juge-commissaire, par son ordonnance du 19 juin 2014 n’ayant fait l’objet d’aucun recours, s’était déclaré incompétent s’agissant des impôts déclarés de 1997 à 2006, l’arrêt retient exactement que la demande d’admission de ces créances d’impôts dont il était à nouveau saisi par le comptable en raison de l’absence de saisine du juge compétent, était irrecevable, faute pour le juge-commissaire de pouvoir se prononcer lui-même sur la prescription de ces créances," Cass com 28 février 2018 n°16.19718

Cependant la jurisprudence semble évoluer pour tempérer la portée du dessaisissement du juge commissaire, à notre avis contra legem.

Un première décision troublante a été rendue à l'occasion d'une précision donnée par la Cour de Cassation : la juridiction compétente n'est investie que de la seule question qui a motivé l'incompétence du juge commissaire, et ne peut, à cette occasion décider de la régularité de la déclaration de créance.

On peut comprendre que si la question s'était posée le juge commissaire l'aurait tranchée. Mais surtout la décision laisse entendre que le juge commissaire pourra la trancher ... ce qui suppose qu'il connaisse à nouveau de l'affaire.

Cette décision (mais rendue sous l'empire des textes antérieurs) est en effet troublante pour ne pas dire incompréhensible en ce qu'elle dénie à la juridiction le pouvoir de statuer sur l'admission de la créance, dont elle dit expressément qu'elle relève du juge commissaire, ce qui est absolument contraire à l'article R624-9 (voir ci après) Cass com 19 décembre 2018 n°17-15883 et 17-26501

A lire cette décision le juge commissaire se déclare incompétent sans sursoir à statuer, et devrait ensuite; malgré tout, prononcer l'admission de la créance ... alors même qu'il est dessaisi (voir ci dessus).... c'est contraire à toutes les règles de procédure civile !

Une autre décision est encore plus troublante: le juge commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse, et renvoie les parties à saisir la juridiction compétente, pourrait sursoir à statuer et en tout état resterait compétent pour rejeter ou admettre la créance si la juridiction compétente n'est pas saisie dans le délai Cass com 11 mars 2020 n°18-23586

Enfin une nouvelle décision ajoute à la confusion : "Vu les articles L. 624-2 et l'article R. 624-5 du code de commerce, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 et le second dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 30 juin 2014 :

6. Il résulte de ces textes que le juge-commissaire qui s'estime incompétent pour trancher une contestation reste compétent, une fois la contestation tranchée par le juge compétent ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant. En cas de forclusion, l'admission ou le rejet de la créance déclarée dépend du point de savoir quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent, seule cette partie devant, dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, supporter les conséquences de l'absence de saisine de ce juge."
Cass com 19 mai 2021 n°19-25053

Autrement dit, si la juridiction compétente n'est pas saisie, le juge commissaire statue sur l'admission de la créance, et doit décider en fonction de celle des parties qui avait intérêt à saisir la juridiction compétente et qui ne l'a pas fait. Ceci étant, est le débiteur qui avait intérêt à saisir la juridiction pour qu'elle statue sur sa contestation ou la créancier pour qu'elle statue sur sa créance : on a tendance à penser que c'est le créancier, et si on comprend cet arrêt le juge commissaire devrait rejeter la créance.

En tout état, avec de telles décisions qui ne donnent pas sa signification à la décision d'incompétence, la matière devient totalement incompréhensible, le juge commissaire incompétent le redevenant ! 

Un décision ultérieure rend les choses plus opaques encore, en laissant penser qu'après que la juridiction saisie de la contestation ait statué, le juge commissaire devrait statuer sur l'admission de la créance Cass com 9 juin 2022 n°20-22650

Enfin une autre évoque en pareille matière un sursis à statuer (qui n'a pas lieu d'être).

La même décision juge que la juridiction compétente ne peut statuer que sur la contestation stricto sensu telle qu'elle avait été soulevée devant le juge commissaire, après quoi le juge commissaire devrait statuer sur l'admission Cass com 8 mars 2023 n°21-18737 étant toutefois précisé que la juridiction compétente peut statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription, qui n'avait pas été évoquée devant le juge commissaire Cass com 6 mars 2024 n°22-22939 ... de sorte qu'on voit mal quelle initiative reste au juge commissaire 

Les suites de la décision d'incompétence : la saisine de la juridiction compétente dans le délai d’un mois, 

Voir saisine de la juridiction compétente en cas de décision d'incompétence et de constat de dépassement de la compétence juridictionnelle du juge commissaire

Le sort de la décision rendue par la juridiction compétente si elle est saisie dans le délai : intégration à l’état des créances

C'est la décision rendue suite à cette saisine qui est directement intégrée à l'état des créances (R624-9 1°) sans nouvelle décision du juge commissaire, qui s'étant déclaré incompétent ne peut plus en connaître. Le texte ne précise pas qui est à l’initiative de cette « intégration » ni procéduralement comment elle est obtenue : on peut penser que la décision est communiquée au greffe par la partie la plus diligente, et qu’en tout état le mandataire judiciaire sera avisé d’y veiller pour qu’une créance ne soit pas omise de l’état des créances au moment où il procèdera aux opérations de répartition.

A cet égard la décision Cass com 19 décembre 2018 n°17-15883 et 17-26501 n'est pas compréhensible, et on veut croire qu'elle exprime (mais si c'est le cas la chronologie est inversée) que le juge commissaire examine préalablement la recevabilité de la déclaration de créance, l'arrêt laissant penser, on ne sait comment, que le juge commissaire pourrait statuer après, ce qui est contra legem nous semble-t-il.

Le régime de la décision de constat d’une contestation sérieuse est-il différent de celui de l'incompétence stricto sensu du juge commissaire à statuer sur le fond de la créance ? A priori non

Alors que le régime de la décision d’incompétence du juge commissaire est relativement précis (encore qu’on ignore comment la décision rendue par la décision compétence est incluse dans l’état des créances), celui de la décision du juge commissaire introduite par la réforme de 2014 est assez mystérieux :

- L’article L624-2 introduit la possibilité d’une telle décision

- Le délai d’un mois de l’article R624-5 est applicable à peine de forclusion, puisque ce texte régit à la fois l’incompétence et le constat d’une contestation sérieuse (voir l'incompétence pour le régime)

mais l’article R624-9 qui dispose que l’état des créances comprend « 1° Lorsque la matière est de la compétence d'une autre juridiction, les décisions rendues par la juridiction compétente » ne dit rien des décisions rendues en suite du constat d’une contestation sérieuse.

On comprend donc que lorsque le juge commissaire estime qu’il y a une contestation sérieuse, les parties doivent, dans le délai d’un mois, saisir la juridiction qui doit connaître du litige … mais on ignore ce qui se passe ensuite, une fois la décision rendue.

L’alternative est la suivante :

- soit le régime de la décision rendue en suite de la décision d’incompétence sera étendu, et la décision rendue rejoint l’état des créances, par un processus à déterminer qui est a priori le même que celui applicable pour l'incompétence (mention sur l'état des créances)

- soit c’est un autre schéma procédural qui doit être retenu.

A priori la solution n’est pas tranchée, et il faut donc être d'autant plus prudent que les deux branches de l'alternative ont des arguments:

- il n'y a pas de raison a priori de distinguer le régime de l'incompétence du juge commissaire et celui du constat d'une contestation sérieuse puisque précisément l'alinéa 2 de l'article L624-2 prend soin d'indiquer "En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. ». A contrario si le juge constate une contestation sérieuse, il est incompétent.

- mais le second schéma procédural possible pourrait se trouver dans la transposition à la décision de constat d’une contestation sérieuse du régime prétorien de l’absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire que nous verrons ci après. C'est ce que soutiennent certains auteurs.

Pour résumer: 

-  la jurisprudence a en effet créé de toutes pièces une possibilité pour le juge commissaire de décider que la matière dépasse son pouvoir juridictionnel, et cette décision, non prévue par les textes, aurait pour conséquence que le juge commissaire sursoit à statuer dans l’attente de la décision à rendre par la juridiction qui en a le pouvoir (ce qui est très différent des suites de l'incompétence où le juge commissaire est dessaisi, et où la décision rendue par le juge compétent est intégrée à l'état des créances)

- certains auteurs pensent que cette notion prétorienne d'absence de pouvoir juridictionnel, antérieure à l’ordonnance de 2014, recouvre exactement celle, crée en 2014, de constat d’une contestation sérieuse - et si cela ne semble pas être la même chose, le fait est que si le litige dépasse le pouvoir juridictionnel du juge commissaire, il y a nécessairement contestation sérieuse -.

La création prétorienne d'absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire: une décision du juge commissaire non prévue par les textes, avec un régime spécifique et différent de celui de l'incompétence, puisque le juge commissaire sursoit à statuer

Au côté de la possibilité pour le juge commissaire de se déclarer incompétent, prévue par les textes, la jurisprudence a créé de manière totalement artificielle une notion de dépassement pouvoir du juge commissaire, qu'il est fort difficile de distinguer de l'incompétence pour ce qui concerne son domaine, alors que son régime est fort différent.

Cette construction prétorienne de dépassement du pouvoir juridictionnel a été crée contra legem puisque non seulement les textes n'en disent rien, mais même au contraire ils énumèrent limitativement les décisions que le juge commissaire peut prendre dans le cadre de la vérification des créances.

Procéduralement il s'agit d'une fin de non recevoir Cass com 27 septembre 2017 n°16-16414

Cette notion a progressivement pris de l'essor, parfois dans des circonstances où par ailleurs la Cour de Cassation avait retenu l'incompétence: c'est dire que la différence entre les deux notions est subtile concrètement, ou peut-être plus simplement qu'elles peuvent se concurrencer et être parfois applicables toutes deux. Parfois également le sentiment peut se dégager que le juge a prononcé l'incompétence mais a voulu dire que le litige dépassait son pouvoir, certaines décisions, et même certains textes, faisant incontestablement la confusion entre les deux notions.

Les conséquences sont pourtant essentielles puisque les suites de ces deux types de décision sont substantiellement différentes comme nous le verrons ci après.

Ainsi il est parfois bien complexe d’affirmer que le juge commissaire est incompétent, ou que la matière dépasse ses pouvoirs juridictionnels, ou qu'elle relève peut-être des deux notions.

La notion d’absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire

Cette notion prétorienne de dépassement des pouvoirs juridictionnels du juge commissaire serait donc distincte et différente de son incompétence stricto sensu .. mais parfois avec des circonstances communes.

Le juge commissaire ne constaterait pas qu'il est incompétent, mais qu'il n'a pas le pouvoir juridictionnel de statuer

Si le juge statue sur demande d'une partie, la matière ne serait alors pas régie par les règles de l'exception d'incompétence mais par celle de la fin de non-recevoir tirée de l'absence de pouvoir, qui peut être relevée d'office Cass com 27 septembre 2017 n°16-16414 Cass com 1er décembre 2009 n°07-21695

Le domaine respectif de l'incompétence et de l'absence de pouvoir juridictionnel ne sont pas délimités: comme déjà indiqué la différence de circonstance est parfois assez peu compréhensible tant l'incompétence au sens juridique du terme est très proche de l’absence de pouvoir juridictionnel, à tel point que parfois l'un et l'autre peuvent être invoqués ou même que le juge se déclare incompétent en ayant voulu juger que le litige dépassait son pouvoir juridictionnel (ce qui se révèle par exemple s'il est saisi à nouveau pour statuer sur la créance)

Le domaine de l'absence de pouvoir juridictionnel au regard des décisions rendues

A la vérité la différence de domaine entre d'une part l'incompétence stricto sensu du juge commissaire et le constat d'un caractère sérieux de la contestation, et d'autre part l'absence de pouvoir juridictionnel est assez difficile à cerner, ce qui renforce la perplexité sur les raisons qui ont conduit à l'émergence de la seconde notion.

Le raisonnement amenant au dépassement de compétence serait la conséquence du fait que le juge commissaire n’est que le juge d’une évidence de l’existence ou de l’inexistence de la créance (Cass Com 16 sept. 2008, n° 07-15982) et n’a pas le pouvoir juridictionnel de trancher sur autre chose que la créance.

Si on se réfère aux décisions existantes qui font application de la notion d'absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire, une telle notion semble devoir être appliquée par exemple dans des cas où l'appréciation de la créance dépend de celle de la validité d'une convention: le juge commissaire n'a pas de pouvoir juridictionnel pour statuer sur la validité d'un contrat, et ne peut donc, en conséquence, statuer sur la créance qui en découlerait s'il advenait que le contrat soit jugé valide.

Dans un tel cursus, la décision, par laquelle le juge commissaire constate que le litige dépasse ses pouvoirs juridictionnels, doit normalement amener les parties à saisir le juge compétent pour apprécier la validité du contrat, de la même manière qu'une décision d'incompétence

Mais, dans le cas de l’absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire, selon la Cour de Cassation, ce juge commissaire sursoit à statuer sur l'admission de la créance, tant que la décision du juge dont la question relève des pouvoirs n'est pas connue. Ainsi le juge commissaire n'est pas dessaisi, à la différence de la décision d'incompétence: le juge commissaire pourrait donc à tout moment révoquer le sursis et statuer sur la créance.

Par exemple s'agissant de la validité d'un contrat si le contrat est invalidé par le juge "du contrat" le juge commissaire pourra en tirer que la créance est à écarter par voie de conséquence, et si le contrat est jugé valable, il pourra admettre la créance si elle est fondée. Il peut en être de même sur l'appréciation de l'exécution des obligations contractuelles (Cass com 27 mai 2008 n°06-20357

Cette notion, assez critiquée en doctrine avant l'ordonnance de 2014, car elle ne correspond pas aux 4 cas prévus par l'article L624-2 du code de commerce et se distingue un peu artificiellement de l'incompétence, se dégage notamment dans les décisions suivantes de la Cour de Cassation qui en réalité ne sont pas très instructives pour en tirer de véritables conséquences distinctives par rapport à l'incompétence:

- l'arrêt Cass com 24 mars 2009 n°07-21567 qui distingue bien entre l'incompétence du juge commissaire et la fin de non-recevoir tirée de son absence de pouvoirs juridictionnels (à propos de dommages-intérêts)

- les arrêts de la Cour de Cassation et notamment :

* Cass Com 9 avril 2013 n°12-15414,

* Cass com 7 février 2006 n°04-19087 sur la validité d’un engagement de caution

* Cass com 28 janvier 2014 n°12-35048 sur la validité d’une offre de prêt et la déchéance au droit des intérêts d’une banque,

* Cass com 21 fevrier 2006 n°04-20203 pour des pénalités de retard sur un marché public

* Cass com 20 octobre 2009 n°08-18929 pour la contestation d’opérations portées sur un compte bancaire

* Cass Com 20 juin 2011 n°10-18432 (exécution d'une convention par une banque),

* Cass Com 8 novembre 2011 n°10-24577 (sur la validité d'une signification)

* Cass Com 1er avril 2008 n°04-20346

* Cass com 9 juill 2013, n° 12-20506 sur la responsabilité de la banque pour mauvaise affectation de fonds prêtés, Cass com 28 janv 2014, n° 12-35048 sur une éventuelle obligation de restitution, Cass. Com 27 janv. 2015, n° 13-20463 sur l’appréciation de la conduite d’une banque

* Cass com 27 janv 2015 n° 13-20463 sur des malfaçons dans une construction

* Cass com 17 déc 2013 n° 12-26246 sur la nullité du contrat d'approvisionnement

* Cass Com 19 novembre 2013 n°12-26400 qui distingue la liquidation d’une astreinte, qui relève du pouvoir juridictionnel du juge commissaire, de l’appréciation de dommages-intérêts qui dépasserait ces pouvoirs

* L'exécution prétendument défectueuse des obligations contractuelles (Cass Com 24 mars 2009, n° 07-21567 qui « ne relève pas du pouvoir juridictionnel » du juge commissaire et devait donner lieu à sursis à statuer, Cass com 1er décembre 2009 n°07-21695, Cass com 18 septembre 2012 n°11-18353 et Cass com 18 septembre 2012 n°11-18315 dans le même sens) … alors même que très exactement dans le même cas, un arrêt de 2005 (Cass com 21 juin 2005 n°04-10868) casse la décision qui a refusé de faire droit à l’exception d’incompétence !

* Cass com 18 février 2003 n°00-12666 qui indique que le juge commissaire a excédé ses pouvoirs en statuant sur la rupture d'un contrat

Le régime de la décision constatant un dépassement de pouvoir juridictionnel est très différent de celui de l'incompétence: sursis à statuer au lieu d'incompétence, mais même texte et délai pour saisir le juge compétent (et encore que ce n'est pas aussi net sur le sursis)

Selon la Cour de Cassation, le juge qui constate que la matière dépasse ses pouvoirs juridictionnels doit :

1 surseoir à statuer (Cass com 24 mars 2009 n° 07-21567   Cass com 9 avril 2013 n°12-15414  Cass com 27 septembre 2016 n°14-18998), ce qui à notre avis laisse la possibilité de révocation du sursis, solution impossible avec une "véritable" décision d'incompétence. (la décision de sursis peut faire l'objet d'un recours mais ne pourra ensuite donner lieu à pourvoi en cassation Cass com 24 Janvier 2018 n°16-18274

2 inviter les parties à saisir le juge qui dispose des pouvoirs pour trancher le litige (ou plus exactement, dès lors que le texte semble applicable), enjoindre, au visa de l'article R624-5 du code de commerce, à la partie qu'il désigne, de saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois. En effet après des hésitations (Cass com 9 avril 2013, n° 12-15414) la Cour de Cassation a jugé que le délai de l’article R624-5 s’appliquait (Cass com 13 mai 2014 n°13-13284, Cass com 13 octobre 2015 n°14-18581, 582 et 583 et implicitement Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273). 

Cette construction jurisprudentielle n'est pas totalement aboutie, et bien des questions subsistent:

- La terminologie entre "incompétence"  et "dépassement de pouvoir juridictionnel" peut être d'emploi incertain: si dans sa décision le juge s'est déclaré "incompétent"  alors qu'en réalité la matière excède sa compétence juridictionnelle (et faute de délimitation entre les deux notions elles sont difficiles à cantonner), ce qui pourrait relever de la motivation de la décision, une partie peut-elle soutenir qu'en réalité le juge a voulu dire que la matière excédait sa compétence juridictionnelle ? Peut-on envisager, faute de certitude, une requête en interprétation ? Si le délai de l'article R624-5 s'applique (ce qui a déjà été jugé) est-ce bien la décision interprétative qui fait courir le délai (dès lors que le texte est applicable, cela semble logique) ? Quid si le juge omet expressément de sursoir à statuer : le délai a-t-il couru ?

- on suppose que quand la juridiction compétente aura statué, le juge commissaire devra à nouveau statuer pour mettre un terme au sursis, et la logique serait que la décision rendue par la juridiction compétente s'impose à lui … mais le texte ne dit rien … surtout que la construction est purement prétorienne.

Ceci dit la juridiction compétente devrait normalement fixer la créance, comme en matière de litige au cours au jours du jugement, et le juge commissaire ne devrait donc qu'avoir à en prendre acte.

En tout état les plaideurs auront là encore une occasion de s'exprimer devant le juge commissaire et c'est lui qui prononcera formellement l'admission de la créance, par prise d'acte de la décision rendue (et c'est une différence avec l'incompétence).

- quid si la juridiction compétente n'est pas saisie ?

Voir les décisions que le juge commissaire peut prendre

(on relèvera que par une singulière décision Cass com 10 mars 2020 n°18-23586 la Cour de cassation a considéré qu'en cas de contestation sérieuse le juge commissaire pouvait sursoir à statuer, ce qui, si c'était confirmé, anéantirait la distinction entre les deux notions)

Les suites de la décision de constat de dépassement de compétence : la saisine de la juridiction compétente dans le délai d’un mois

Voir saisine de la juridiction compétente en cas de décision d'incompétence et de constat de dépassement de la compétence juridictionnelle du juge commissaire

Les voies de recours contre la décision de sursis à statuer dans le cadre du constat de l'absence de pouvoir juridictionnel du juge commissaire

La Cour de Cassation a fait application de l’article 380-1 du Code de procédure civile : il semble donc que la décision de sursis à statuer rendue en dernier ressort ne puisse être attaquée par la voie du pourvoi en cassation que pour violation de la règle de droit régissant le sursis à statuer (Cass com 23 sept. 2014, n° 12-29404)

La procédure de contestation de la compétence du juge commissaire ou de constat du dépassement de compétence juridictionnelle du juge commissaire : une procédure unique

C'est l'article R624-4 du code de commerce qui régit la question: 

"Lorsque la compétence du juge-commissaire est contestée ou que ce juge soulève d'office son incompétence ou encore en présence d'une contestation sérieuse, le greffier convoque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le débiteur, le créancier, le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné. La convocation du créancier reproduit les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 624-1 et du troisième alinéa de l'article R. 624-3.

Ces dispositions sont applicables lorsque le juge-commissaire est appelé à statuer sur une contestation de créance. Toutefois, il n'y a pas lieu à convocation du créancier lorsque celui-ci n'a pas contesté la proposition du mandataire judiciaire dans le délai prévu à l'article L. 622-27.

Les décisions statuant sur la compétence, sur l'existence d'une contestation sérieuse ou sur la contestation d'une créance sont notifiées au débiteur et au créancier ou à son mandataire par le greffier, dans les huit jours.

Ces notifications précisent le montant pour lequel la créance est admise ainsi que les sûretés et privilèges dont elle est assortie et reproduisent les dispositions des articles L. 622-27 et L. 624-3. 

Le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, sont avisés contre récépissé des décisions rendues."

La différence de voie de recours est cependant à signaler, puisqu'en cas de constat de dépassement de compétence juridictionnelle, le juge commissaire va surseoir à statuer, l'appel étant suspendu dans ce cas à une autorisation du premier Président 

La saisine de la juridiction compétente, en cas d'incompétence du juge commissaire ou de constat de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire: un régime unique

En matière d'incompétence 

Procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014

En ce qui concerne la décision d'incompétence, les textes disposent qu’à la suite de cette décision d’incompétence du juge commissaire rendue dans le cadre de la vérification des créances, le juge compétent doit être saisi dans le délai d'un mois prévu à l'article R 624-5 du code de commerce (deux mois pour les législations antérieures). Le juge compétent s'entend le cas échéant de l'instance arbitrale Cass com 5 octobre 2022 n°20-22409

Le texte précise que le délai d'un mois commence à courir par la notification de la décision (réception du courrier de notification, ce délai ne court qu'à supposer que l'ordonnance ou la notification mentionne expressément le délai d'un mois et ses conséquences Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273), et évoque la saisine de la juridiction compétente, et il convient donc à notre avis que l'assignation soit enrôlée.

C'est en tout état la prudence: un singulier arrêt Cass com du 11 octobre 2016 n°15-10039 est venu considérer que le délai de forclusion était valablement interrompu par la délivrance de l’assignation dans le délai d’un mois, même enrôlée après expiration de ce délai, ce qui n’est pas conforme à la lettre du texte, ni d’ailleurs à la position de la Cour de Cassation en matière de report de la date de cessation des paiements pour laquelle la juridiction doit être saisie dans l’année. C'est cependant peut être une évolution sur le fondement de l'article 2241 du code civil qui dispose que la demande en justice interrompt la prescription, la demande en justice devant s'entendre comme la délivrance de l'assignation, (voir computation des délais)

Dans le même domaine la Cour de Cassation juge qu'il incombe que la juridiction compétente soit saisie dans le délai d'un mois, et que la forclusion n'est pas encourue si la mise en cause de l'une des parties est omise dans ce délai, bien que l'instance soit indivisible entre toutes les parties Cass com 7 février 2024 n°22-21110

L'article R624-5 sanctionne pourtant par la forclusion le dépassement de ce délai pour saisir le juge compétent (mais encore faut-il que le délai soit mentionné dans la notification de la décision Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273)

L'article R624-5 dans sa rédaction applicable en conséquence du décret du 30 juin 2014 (et applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014) précise que le juge commissaire indique quelle partie doit effectuer cette saisine:  "Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte." alors que l'ancien texte disposait "La décision d'incompétence ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, à moins de contredit".

Si contestation sérieuse et absence de pouvoir du juge commissaire se recoupent dans une même notion d'incompétence du juge commissaire, comme le prétendent certains, le doute n’existe donc plus sur l’auteur de la saisine de la juridiction (et le choix du juge est totalement libre Cass com 27 septembre 2016 n°14-21231 sans que son choix ne constitue un excès de pouvoir)

Procéduralement la Cour de Cassation a précisé que l'instance devant la juridiction compétente est la suite de celle menée devant le juge commissaire qui s'est déclaré incompétent: il convient donc d'y attraire les mêmes parties - débiteur, mandataire judiciaire ou liquidateur, créancier, à défaut de quoi la saisine est irrecevable Cass com 5 septembre 2018 n°17-15978 Cass com 5 juillet 2023 n°22-10436

La question de la régularisation d’une « anomalie » de saisine de la juridiction compétente se pose sérieusement.

Par exemple quid si le créancier saisit la juridiction compétente dans le délai d’un mois, au contradictoire du débiteur, mais omet d’assigner le mandataire judiciaire.

 Cette irrecevabilité est-elle régularisable au-delà du délai d’un mois ?

 Il s’agit a priori d’une fin de non recevoir et non pas d’un vice de procédure, si bien que l’article 2241 alinéa 2 du code civil ne devrait être d’aucun secours pour prétendre que le délai de forclusion a été interrompu.

 De même si on transpose au défendeur la solution proposée pour le demandeur par l’article 126 du CPC, on devrait en tirer que le défendeur omis devrait être attrait à la procédure dans le délai d’un mois.

La Cour d'appel d'AIX a rendu le 14 février 2019 une décision par laquelle elle considère que la régularisation doit intervenir dans le délai d'un mois de saisine de la juridiction, à défaut de quoi l'irrecevabilité est acquise CA AIX 14 févier 2019 n°18-08334

Ce n'est manifestement pas la position de la Cour de Cassation, qui a jugé que "si l'indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, cette partie, dès lors qu'elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5, n'est pas forclose, ayant la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai." Cass com 5 octobre 2022 n°20-22409 Cass com 14 juin 2023 n°21-24458 21-25638

Procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014

Le texte de l'article R624-5 ne précisait pas que le juge commissaire devait désigner celle des parties à laquelle il appartenait de saisir la juridiction compétente, et indiquait simplement qu'il incombait aux parties de saisir dans le mois la juridiction compétente, ce qui laissait planer le doute sur celles des parties qui y avait véritablement intérêt.

En matière de constat de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire

En effet après des hésitations (Cass com 9 avr 2013, n° 12-15414) la Cour de Cassation a jugé que le délai de l’article R624-5 s’appliquait (Cass com 13 mai 2014 n°13-13284, Cass com 13 oct 2015 n°14-18581, 582 et 583 et implicitement Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273) aux décisions par lesquelles le juge commissaire constate le dépassement de son pouvoir juridictionnel.

Le régime est donc le même pour ce qui concerne les modalités de saisine de la juridiction compétente.

Qui doit saisir la juridiction compétente ? en cas d'incompétence du juge commissaire ou de constat de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire; les conséquences de l’absence de saisine de la juridiction compétente dans le délai d’un mois et de la forclusion: attitude à tenir pour le créancier et risque d'inopposabilité de la créance

Avant tout il convient de préciser que si une autre partie que celle désignée prend l'initiative de saisir la juridiction compétente, aucune forclusion n'est encourue Cass com 2 mars 2022 n°20-21712

Avant que le texte de l'article R624-5 ne vienne préciser que le juge commissaire désigne la partie à laquelle il appartient de saisir la juridiction compétente, des débats se sont noué pour savoir qui, du débiteur ou du créancier y avait intérêt, puisqu'on peut toujours considérer que le débiteur qui ne saisit pas la juridiction renonce à sa contestation, ou à l'inverse que le créancier qui ne le fait pas renonce à mener à bien l'admission de sa créance.

Ce débat n'est plus d'actualité, mais peut éclairer cependant sur la perception de la matière par les juridictions et les conséquences de l'absence de saisine de la juridiction compétente.

Les incertitudes passés sur celle des parties qui devait saisir la juridiction compétente sont assez floues.

Au fil des décisions il semblait se dégager que si le débiteur contestait les justifications d’une créance, il appartenait au créancier de saisir la juridiction compétente pour statuer, alors que s’il oppose la nullité du contrat, ou des malfaçons, c'était plutôt au débiteur qu’il appartenait de saisir le juge compétent (Cass. Com 23 sept 2014, n° 13-22539, 13-22540 et 13-22541).

Dans cet arrêt, dans le cadre de la vérification des créances, la mandataire judiciaire a invoqué la nullité du TEG: le juge a sursis à statuer et invité les parties à saisir la juridiction compétente (il s'agissait donc d'une décision constatant l'absence de pouvoir juridictionnel et pas une décision d'incompétence).

La juridiction compétente n'ayant pas été saisie dans le délai de forclusion d'un mois visé à l'article R624-5 (mais dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 qui indique maintenant que le juge détermine quelle partie doit saisir la juridiction, ce qui n'était pas le cas dans l'ancien texte visant "les parties"), le mandataire judiciaire entendait soutenir que le créancier avait renoncé à se prévaloir du TEG.

C'est le contraire qui est jugé: le fait de ne pas avoir saisi la juridiction compétente, rendait irrecevable la demande de nullité de TEG formulée par le mandataire judiciaire, et le juge commissaire pouvait donc admettre la créance ( ce n'est pas indiqué mais il a révoqué certainement le sursis à statuer) ... mais cet arrêt est totalement contradictoire avec l'arrêt Cass com 27 septembre 2016 n°14-18998 qui a jugé que le créancier qui ne saisissait pas le juge compétent pour statuer sur la nullité du contrat qui lui était opposée, ne pouvait être admis (et que ce n'est donc pas le débiteur qui renonce à sa contestation) !

Cependant une analyse plus rationnelle doit à notre avis être développée.

Le principe d'analyse est posée par la Cour de Cassation « Lorsque le juge-commissaire ne désigne pas, contrairement à l'obligation qui lui est faite par le premier de ces textes, la partie devant saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse dont une créance déclarée est l'objet, et que cette juridiction n'est pas saisie dans le délai imparti, il appartient au juge de la vérification du passif, pour apprécier les conséquences de la forclusion qui en résulte, de déterminer, en fonction de la contestation en cause, la partie qui avait intérêt à en saisir le juge compétent. » Cass Com 23 septembre 2020 n°19-13748 et dans le même sens Cass com 12 novembre 2020 n°19-17895)

Cet intérêt doit en premier lieu être apprécié en considération de la nature juridique de la déclaration de créance.

Les arrêts qui retiennent cette solution semblent distinguer suivant que la créance est indemnitaire - auquel cas il semble incomber au créancier de saisie la juridiction compétente - ou que la créance découle d'un contrat, auquel cas il incomberait au débiteur de saisir la juridiction compétente pour établir que le "calcul" de la créance est erroné.

Par exemple Cass com 23 septembre 2021 n°20-13367 "Pour rejeter dans son intégralité la créance déclarée par la société Covial, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait saisi le tribunal désigné pour statuer sur la contestation soulevée, l'arrêt énonce, d'abord, que, la forclusion prévue par l'article R. 624-5 susvisé ayant pour but de sanctionner l'inaction de la partie qui avait intérêt à saisir la juridiction compétente, il convient de déterminer quelle partie avait intérêt et donc la charge de saisir le tribunal. Il retient, ensuite, que la créance déclarée par la société Covial est fondée principalement sur l'allégation de l'inexécution du contrat d'apport exclusif liant les parties, que la contestation consiste à soutenir que la créance n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant, et qu'aucun élément n'établit que la société débitrice et son mandataire auraient remis en cause, même pour partie, le contrat à l'origine de la créance. Il en déduit que seule la société Covial, créancière déclarante, avait intérêt à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation et que, faute pour elle de l'avoir fait dans le délai requis, sa demande est irrecevable et sa créance doit être rejetée.

En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que la créance déclarée, d'un montant total de 566 252,78 euros, se décomposait en plusieurs postes incluant en particulier le solde d'un prêt accordé à la société débitrice, la cour d'appel, qui n'a pas distingué, pour chacun des postes de créance déclarés, quelle partie devait supporter les conséquences de son absence de saisine du tribunal compétent pour trancher la contestation, a privé sa décision de base légale."

A notre avis cette décision n'a pas lieu d'être et il devrait être systématiquement jugé, en l'absence d'indication donnée par le juge commissaire, que c'est au créancier qu'il appartient, car c'est lui qui y a intérêt, d'établir le bien fondé de sa créance.

Il est en effet constant (même si certains en doutent) que la déclaration de créance est une action en justice (Cass com 14 février 1995 n°93-12064 93-12393 et Cass assemblée plénière 4 février 2011 n°09-14619) et que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire (Cass com 5 septembre 2018 n°17-15978). De sorte que c’est nécessairement le créancier qui a initié ladite action qui a intérêt à obtenir une décision qui statue sur ses prétentions d’admission de créance.

Cet intérêt doit en second lieu être apprécié au regard de l’article R624-9 du code de commerce qui dispose « L'état des créances mentionné à l'article R. 624-8 est complété par :

1° Lorsque la matière est de la compétence d'une autre juridiction, les décisions rendues par la juridiction compétente »

Dès lors qu’au visa de ce texte, la seule voie de droit pour que l’état des créance soit « complété » est d’obtenir une « décision rendue par la juridiction compétente », il est, sur ce fondement encore, de l’intérêt du créancier et de lui seul d’obtenir une décision de ladite juridiction compétente.

Enfin, en troisième lieu, la Cour de cassation juge qu’en l’absence de désignation par le juge commissaire de celle des parties à laquelle il incombe de saisir la juridiction compétence, c’est au créancier « qu'il appartenait donc ….. , à peine de forclusion, de saisir la juridiction compétente pour voir trancher la contestation concernant ces créances ». (Cass com 11 mars 2020 n°18-23586 et dans le même sens Cass com 13 mai 2014 n°13-13284).

Il nous semblerait donc pertinent que ce soit le créancier qui doivent, en l'absence de précision, saisir la juridiction compétente dans le délai dun mois à peine de forclusion.

La conséquence de la forclusion en cas d'absence de saisine de la juridiction compétente n’est pas précisée par les textes, dans le cas où aucune partie n'est désignée par le juge commissaire comme devant saisir cette juridiction. Un arrêt considère que la conséquence de l’absence de saisine de ladite juridiction est la forclusion du créancier et le rejet définitif de ses créances Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273   

Dans le cas où la partie qui doit saisir la juridiction compétente est désignée, a priori la forclusion court à l'encontre de celui qui était invité par le juge commissaire à saisir la juridiction compétente.

Etant précisé qu'au sens de l'article R624-5 du code de commerce,  l'expression "saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin" a été interprétée comme s'entendant "le tribunal était réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci avait ensuite été remise au greffe" Cass com 4 octobre 2023 n°22-14439 ce qui n'est absolument pas conforme à la position de la Cour de Cassation dans d'autres domaines (notamment le report de la date de cessation des paiements, où la saisine de la juridiction s'entend de l'enrôlement.

Ainsi si la partie désignée par le juge commissaire comme devant saisir la juridiction de renvoi ne le fait pas, quid de la créance ? Si c'est le débiteur qui est désigné, est-il censé renoncer à sa contestation (alors même que les auteurs semblent considérer que la renonciation à la contestation est expresse en se fondant sur l'arrêt Cass com 2 novembre 2016 n°14-29292) ? Si c'est le créancier, est-il censé renoncer à sa déclaration de créance ?

Ce qu'on peut relever est que celui qui n'est pas désigné par le juge commissaire n'est pas pour autant irrecevable à saisir la juridiction compétente: le créancier, même non désigné dans la décision du juge commissaire a intérêt à ce que sa créance soit admise et donc à saisir le juge compétent et ce d'autant plus que la jurisprudence considère que la déclaration de créance est une action en justice.

Cependant la plupart des auteurs considèrent que la forclusion court contre celui qui est désigné par le juge commissaire pour saisir la juridiction compétente, et que le juge commissaire doit en tirer la conséquence contre lui, ce qui est assez logique : si c'est le créancier sa créance ne sera pas admise, si c'est le débiteur sa contestation sera écartée. On peut pour conforter cette position s'appuyer sur des décisions rendues sur le fondement du texte ancien : si le créancier était désigné par le juge commissaire pour saisir la juridiction, sa forclusion entraine rejet de sa créance Cass com 27 septembre 2016 n°14-21231

Cependant une décision sème un très sérieux doute, dans une espèce dans laquelle le juge commissaire avait sursis à statué mais n'avait pas désigné celui du débiteur ou du créancier qui devait saisir la juridiction compétente dans le mois : le créancier avait finalement saisi cette juridiction, mais hors délai.

Le juge commissaire, saisi par le débiteur, a rejeté la créance.

Sur appel, la Cour a déclaré la contestation de créance irrecevable et a prononcé son admission.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif suivant "la cour d'appel a retenu, à bon droit, qu'à défaut de saisine de ce juge dans le délai d'un mois de la notification de la décision de sursis à statuer, par le créancier, mais aussi par la société débitrice à l'origine de la contestation, la demande de celle-ci tendant à l'annulation du TEG était irrecevable".

Autrement dit le débiteur qui entend qu'il soit statué sur sa contestation doit saisir le juge compétent Cass com 3 avril 2019 n°18-11162 et 18.11163  et 18.11164.

C'est manifestement dans ce sens qu'évolue la jurisprudence (décision sur le fondement du texte antérieur à 2014 :

"5. Après avoir relevé que le juge-commissaire, constatant l'existence d'une contestation des créances déclarées excédant ses pouvoirs juridictionnels, a invité l'une des parties à saisir la juridiction compétente, l'arrêt, sans relever aucun moyen étranger au débat, retient que ce sont le débiteur et le mandataire judiciaire qui contestent les montants déclarés par la caisse, reposant sur des cotisations calculées en fonction du nombre de salariés et du chiffre d'affaires déclarés par le débiteur, dont il n'est pas soutenu qu'elle est un créancier soumis aux dispositions de l'article L. 622-24, alinéa 4, du code de commerce, et qui ont intérêt à démontrer que le calcul de la caisse est erroné. De ces seuls motifs, privant de portée la disposition relative à l'absence de saisine du juge compétent contenue dans l'ordonnance du 31 octobre 2014, la cour d'appel déduit exactement que le débiteur et le mandataire judiciaire sont forclos en leurs contestations et qu'il y a lieu de prononcer l'admission des créances déclarées."

Cass com 14 juin 2023 n°21-25799.

Il en découle que ce serait finalement le débiteur qui ferait les frais de l'absence de saisine de la juridiction compétente en s'exposant à l'admission de la créance. Confirmation de cette position Cass com 4 octobre 2023 n°22-14582

Comme indiqué ci dessus, les deux thèses se défendent, et il faut prendre acte de la position de la jurisprudence résolument favorable au créancier.

Cas et décisions possibles pour le juge commissaire

En cas de décision d'incompétence 

Procédures collectives ouvertes à compter du 1er juillet 2014

Le traitement logique de la décision d'incompétence

Dans ce cas le juge commissaire est dessaisi, et si la juridiction compétente n'est pas saisi, le fait est que personne ne prononcera l'admission de la créance. Le créancier a donc intérêt à mener à bien le processus pour que sa créance ne tombe pas en déshérence (si c'est ce qu'elle devient, c'est à dire reste inopposable à la procédure et n'est jamais fixée).

Le juge commissaire est en tout état définitivement incompétent, par une décision qui a autorité et a pour conséquence son dessaisissement « irréversible ».

La Cour de Cassation a d'ailleurs jugé  "Mais attendu que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent pour statuer sur la contestation d'une créance déclarée au passif d'un débiteur en procédure collective, il est dessaisi relativement à cette contestation, y compris lorsque les parties, invitées à saisir le juge compétent, ne l'ont pas fait dans le délai imparti par l'article R. 624-5 du code de commerce ; qu'ayant constaté que le juge-commissaire, par son ordonnance du 19 juin 2014 n'ayant fait l'objet d'aucun recours, s'était déclaré incompétent s'agissant des impôts déclarés de 1997 à 2006, l'arrêt retient exactement que la demande d'admission de ces créances d'impôts dont il était à nouveau saisi par le comptable en raison de l'absence de saisine du juge compétent, était irrecevable, faute pour le juge-commissaire de pouvoir se prononcer lui-même sur la prescription de ces créances, qui était déterminante de leur admission ou de leur rejet ";   Cass com 28 février 2018 n°16-19718 et 16-21337

Ainsi le créancier ne pourra saisir le juge commissaire pour qu'il constate que le débiteur, désigné par le juge commissaire pour saisir la juridiction compétente, ne l'a pas fait dans le délai de forclusion, et en tirer que la créance doit être admise.

L'article R624-9 1° prévoit que c'est la décision du juge compétent est intégrée à l'état des créances, et c'est la seule voie pour que la créance soit admise.

Faute d'une telle décision, la créance sera inopposable à la procédure, la notion d'inopposabilité de la créance à la procédure semblant en effet être la plus adaptée, car aucune décision n'a statué, la créance est "sortie" du processus de vérification et ne peut y revenir faute de saisine du juge compétent.

On se demande même d'ailleurs pour quelle raison le législateur a prévu que le juge commissaire invite le débiteur à saisir la juridiction compétente, dès lors que le risque est pour le créancier

Ainsi à l'évidence le débiteur, même si c'est lui qui y est invité par le juge commissaire, n'a pas intérêt à saisir la juridiction compétente.

A l'inverse le créancier a toujours intérêt, même si ce n'est pas lui qui y est invité par le juge commissaire, à saisir la juridiction compétente (et si ce n'est pas lui qui y est invité par le juge commissaire le délai de forclusion n'a aucune raison de lui être opposable).

Le créancier dispose à notre avis du délai de péremption d'instance.

Cependant le sort de la créance, tant qu'une décision n'est pas prise, n'est pas précisé par les textes :

- soit, (cela nous semble improbable) tant qu'elle n'est pas admise, elle est traitée comme une créance qui n'a pas été relevée de forclusion , et dès lors qu'une créance relevée de forclusion ne participe aux répartitions qu'à compter de son admission, le créancier a donc un double intérêt à faire diligence.

- soit tant qu'elle n'est pas admise, elle reste traitée comme une créance contestée, même si le délai de saisine de la juridiction compétente est dépassé, mais dans cas:

* en liquidation judiciaire, l'attente de la décision bloque les répartitions puisque le passif n'est pas arrêté définitivement. On ne peut exclure que le liquidateur soit tenté, pour dégager sa responsabilité et pour autant procéder aux répartitions, de saisir le juge commissaire, qui bien qu'incompétent pour statuer sur la contestation de créance, peut pourtant, à notre avis, au visa de son pouvoir général, prendre acte du constat que le juge compétent n'a pas été saisi, et en tirer la conséquence sur la créance, qui à notre avis ne peut être que l'inopposabilité.

* en cas de plan l'attente de la décision ne fait que pénaliser le créancier, qui sauf disposition contraire du plan, n'est pas payé mais qui devra être payé a postériori (voir le plan, le traitement des créances contestées)

(nous tenons pour acquis que le régime de l'incompétence du juge commissaire recouvre celui de la contestation sérieuse. A défaut on pourrait imaginer, mais cela semble très artificiel, que le créancier puisse revenir devant le juge commissaire en prétendant qu'il ne s'est pas, stricto sensu, déclaré incompétent)

Le traitement "illogique" de la déclaration d'incompétence

Ajoutons cependant que par une troublante décision Cass com 11 mars 2020 n°18-23586, la Cour de Cassation a considéré

"12. Le juge-commissaire qui, en application de ce texte, constate l’existence d’une contestation sérieuse, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite l’une d’elles à saisir le juge compétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l’admettant ou en la rejetant.

13. Pour constater l’impossibilité pour la société Bouygues, par suite de la forclusion, de demander la fixation de sa créance, l’arrêt retient que le juge-commissaire ne pouvait, dans son ordonnance du 16 juin 2016, surseoir à statuer et que la juridiction compétente pour trancher la contestation dont la créance était l’objet avait seule compétence pour fixer celle-ci au passif.

14. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé."

Cette décision nous semble incompréhensible et contraire à toutes les règles d'incompétence. Le juge qui s'est déclaré incompétent ne peut, à notre avis retrouver sa compétence.

Cependant il semble bien que la jurisprudence maintienne cette solution, au terme de laquelle la juridiction "compétente" devrait statuer exclusivement sur la contestation pour laquelle le juge commissaire s'est déclaré incompétent, mais que ce serait bien le juge commissaire qui prononcerait l'admission de la créance à l'issu Cass com 4 octobre 2023 n°22-14040. Il y aurait une distinction à opérer entre le fond de la créance, confié à la juridiction compétente, et son admission, relevant du juge commissaire ... ce qui implique certainement que le juge commissaire ne serait pas lié par la décision de la juridiction compétente et promet des contentieux à l'infini.

Le juge commissaire reste donc compétent pour admettre la créance Cass com 4 octobre 2023 n°22-14582

Cas dans lequel le juge commissaire a omis de préciser quelle partie devait saisir la juridiction compétente

Dans le régime applicable à compter de 2014, si le juge commissaire a omis de préciser quelle partie doit saisir la juridiction compétente, on pourrait penser que cette omission peut être réparé par requête en omission de statuer

Cependant la Cour de Cassation a rendu un arrêt contraire Cass com 10 mars 2020 n°18-23586

Cependant rien n'est certain sur le point de départ du délai d'un mois, et on peut se trouver dans la même situation qu'avant 2014. Ainsi le créancier a tout intérêt à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois. Il a cependant été jugé que si le juge commissaire a omis de préciser quelle partie devait saisir la juridiction compétente, d'une contestation du taux d'intérêt d'un prêt, il convenait de s'interroger pour savoir si ce n'était pas plutôt le débiteur que le créancier qui y avait intérêt Cass com 23  septembre 2020 n°19-13748 Cass com 12 novembre 2020 n°19-17895

Procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014

Si la contestation se situe sous le régime de l'article R624-5 du code de commerce antérieur à 2014, c'est à dire pour les procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014,  la situation est fort différente puisque la forclusion s'applique à toutes les parties, dès lors que l'article R624-5 dans sa rédaction applicable ne précisait pas que le juge commissaire indique celle des parties qui doit saisir la juridiction compétente: dans ce cas le créancier qui n'a pas saisi la juridiction compétente dans le délai d'un mois, ne pourra plus faire admettre sa créance dans l'hypothèse probable où le débiteur n'en fait rien lui non plus, et le sort du créancier est donc bien plus grave. Le créancier a donc tout intérêt à faire diligence, alors que le débiteur n'y a aucun intérêt.

En matière de constat de dépassement de pouvoir juridictionnel du juge commissaire

S'il advient finalement que la juridiction qui en a les pouvoirs n'a pas été saisie, le sort de la créance est assez imprécis à la lecture des décisions existantes, mais à la différence de ce qui se passe avec une décision d'incompétence (en matière d’incompétence, c’est la décision à venir, rendue par la juridiction compétence, qui est « intégrée à l’état des créances : si la décision n’est pas rendue, il n’y a pas d’admission), le juge commissaire n'est pas dessaisi puisqu'il a simplement sursis à statuer.

Le juge commissaire pourrait donc révoquer le sursis ordonné (expressément ou pas ?) et statuer, notamment en tirant les conséquences de ce que celui qui y a le plus intérêt (le débiteur ou le créancier ?) et/ou celui qu'il avait désigné n'a pas fait diligence.

Autrement dit, le processus est identique à celui décrit ci dessus en matière d'incompétence, mais avec une possibilité supplémentaire de revenir devant le juge commissaire qui pourrait tirer sur l'admission de la créance les conséquences (positives ou négatives) de l'absence de saisine de la juridiction compétente.

Le premier constat du débat devant le juge commissaire est alors qu'a priori la forclusion de l'article R624-5 court contre celui qui est désigné par le juge commissaire pour saisir la juridiction compétente.

D'ailleurs la Cour de Cassation semble considérer que le juge commissaire rejettera valablement la créance du créancier, si c'est lui qui est désigné pour saisir la juridiction compétence, qui s'est abstenu de mener à bien le processus conduisant à l'admission de sa créance, et de saisir la juridiction compétente (Cass com 27 septembre 2016 n° 14-18998). A contrario on peut envisager que si c'est le débiteur qui est désigné et qu'il ne saisit pas la juridiction compétente, il est réputé abandonner sa contestation de créance.

Le juge commissaire devrait donc en prendre acte, et dans le premier cas rejeter la créance, et dans le second l'admettre. C'est ce que soutiennent certains auteurs (Le Corre).

Ainsi dans le cas où le débiteur a contesté la créance au motif que le contrat était nul, le juge commissaire pourrait constater que celui qui y a intérêt, à savoir le débiteur, n'a pas obtenu que la nullité soit jugée, et admettre la créance ou tout au moins statuer sur celle-ci ... (mais à l'intérieur de son domaine de compétence ???) …

C'est ce qui a été jugé dans une espèce où la partie qui devait saisir le juge compétent n'était pas désigné: il a été considéré que le débiteur n'avait pas soumis sa contestation au juge compétent et que le juge-commissaire devrait alors admettre la créance (Cass. com., 23 sept. 2014, n° 13-22539). 

Un autre arrêt, lui aussi rendu alors que le juge commissaire n'a pas désigné celle des parties qui devait saisir la juridiction compétente, semble indiquer que c'est en fonction de la motivation de la contestation de créance qu'il convient de rechercher qui du débiteur ou du créancier avait intérêt à saisir la juridiction compétente: si par exemple le débiteur conteste le fondement contractuel support de la créance déclarée il lui appartiendrait de saisir la juridiction pour en faire constater l'irrégularité et on comprend que le juge commissaire devrait admettre la créance s'il est à nouveau saisi et révoque le sursis Cass com 9 mai 2018 n°16-27243

Ceci dit rien n'est certain, et preuve en est que la partie qui n'est pas désignée par le juge commissaire peut, elle aussi, saisir la juridiction compétente, mais sans être tenu du délai de l'article R624-5 et en n'étant limité que par la péremption d'instance.

Nous pensons plutôt que le juge commissaire qui révoque le sursis est libre de sa décision. Il peut certes considérer que le débiteur abandonne sa contestation, ce qui est a priori le plus logique, mais pourrait, et c'est moins admissible, considérer que le créancier ne mène pas à bien sa démarche de demande d'admission de sa créance (même s'il n'était pas désigné comme devant saisir la juridiction compétente). Il ne sous semble pas y avoir d'automatisme qui s'imposerait au juge commissaire.

Il est vrai cependant que la plupart des Cours d'appel sanctionnent celle des parties contre laquelle la forclusion a couru et donc admettent la créance si c'est contre le débiteur qu'elle a couru, et rejettent la créance si c'est contre le créancier.

Cependant tant que la Cour de Cassation n'a pas statué par un arrêt de principe, le créancier doit être prudent.

Trois solutions se présentent donc pour le créancier qui n'est pas celui qui est désigné par le juge commissaire pour saisir la juridiction compétente, si le débiteur (désigné par le juge commissaire) ne le fait pas dans le délai d'un mois.

- solliciter du juge commissaire une révocation du sursis et en cas de succès invoquer la renonciation tacite du débiteur à sa contestation. C'est une solution défendable mais qui ne s'impose pas au juge commissaire. Si le juge rejette sa créance il devra exercer des recours contre cette décision de rejet. Si le juge refuse de révoquer le sursis, il devra soit exercer des recours soit saisir la juridiction compétente.

- saisir lui même directement la juridiction compétente en espérant obtenir une décision plus favorable que celle qu'il aurait obtenue du juge commissaire (dans le délai de péremption d'instance)

Ce n’est alors qu’une fois la décision obtenue, qu’il lui sera possible de demander au juge commissaire d'en tirer les conséquences sur l'admission de la créance.

C'est une nouvelle différence avec l'incompétence du juge commissaire où la décision rendue par la juridiction compétente est intégrée à l'état des créances (R624-9): dans ce cas au contraire le juge commissaire doit statuer au vu de la décision qui avait motivé sa position d'attente.

Mais, et c'est là que les choses sont complexes : si la juridiction a renvoi a fixé la créance, il n'en demeure pas moins que le juge commissaire est seul habilité pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance Cass com 27 octobre 2022 n°21-15026. De sorte que si le juge commissaire n'a pas statué sur cette question avant d'inviter les parties à saisir la juridiction compétente, il pourra, à l'issue du contentieux et de la fixation de la créance par cette juridiction, rejeter la créance déclarée irrégulièrement ... ce qui procède quand même d'une perte d'énergie considérable pour les parties.

Pour conclure, la différence de régime entre l'incompétence et le dépassement de pouvoirs juridictionnels a pour seul effet que dans le second cas le juge commissaire a simplement sursis à statuer, et on peut donc imaginer que le créancier puisse revenir devant le juge commissaire pour l'inviter à constater que le débiteur qui était invité à saisir la juridiction compétente ne l'a pas fait, et qu'il a donc renoncé à sa contestation. Cette position peut se tenir mais comporte un risque que le créancier n'a peut-être pas intérêt à courir (voir les développements sur l'incompétence)

Sur une décision d’incompétence ou une décision de constat de dépassement des pouvoirs juridictionnels, ou encore le constat d’une contestation sérieuse, quelle juridiction doit être saisie ?

On est a priori hors la compétence du tribunal de la procédure collective (sauf évidemment si la procédure collective a une influence sur l'appréciation de la créance, ce qui a priori semble être un cas d'école)

C'est donc la juge du fond qui aurait été compétent s'il n'y avait pas de procédure collective qui doit être saisi.

Il convient de rappeler qu'au visa de l'article 2241 du code civil la saisine d'une juridiction incompétente interrompt la prescription et le délai de forclusion.

Si une clause attributive de compétence est susceptible de s'appliquer elle doit être respectée Cass com 1er juillet 2020 n°18-25522

Tentative de distinction entre le défaut de pouvoir juridictionnel du juge commissaire et l’incompétence et la distinction entre le défaut de pouvoir juridictionnel et le constat d’une contestation sérieuse

Les indications ci dessus permettent de relever que la distinction entre les deux types de décision est malaisée. On lit d'ailleurs dans un arrêt de la Cour de Cassation (Cass com 13 octobre 2015 n°14-18581) que la Cour d'appel a retenu que le juge commissaire "en décidant qu'il n'est pas compétent pour connaître d'une contestation relative à la validité du contrat se borne en réalité à dire, sans rendre une décision d'incompétence au sens du texte précité, que cette contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel". La confusion de terminologie est donc fréquente. Un autre arrêt indique que le juge commissaire s'est déclaré incompétent ... mais qu'il a sursis à statuer (ce qui caractérise la décision de dépassement de pouvoirs (Cass com 2 novembre 2016 n°15-13273)

Les circonstances dans lesquelles la Cour de Cassation a admis l'une ou l'autre des décisions; recouvrement des deux notions ?

L'exécution prétendument défectueuse des obligations contractuelles (Cass Com 24 mars 2009, n° 07-21567 qui « ne relève pas du pouvoir juridictionnel » du juge commissaire et devait donner lieu à sursis à statuer, Cass com 1er décembre 2009 n°07-21695, Cass com 18 septembre 2012 n°11-18353 et Cass com 18 septembre 2012 n°11-18315 dans le même sens) … alors même que très exactement dans le même cas, un arrêt de 2005 (Cass com 21 juin 2005 n°04-10868) casse la décision qui a refusé de faire droit à l’exception d’incompétence 

Les constats préalables: les textes

La compétence du tribunal de la procédure collective

L'article R662-3 du code de commerce dispose "Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal de grande instance."

La compétence générale du juge commissaire

L'article L621-9 dispose "Le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence." et est complété par l'article R621-21 "Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan"

Les décisions du juge commissaire dans le cadre de la vérification des créances

Article L624-2 du code de commerce "Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission."

Article R624-5 "Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte"

Le mot "également" de l'article L624-2 indique clairement que ce texte ne vient pas préciser pas la compétence du juge commissaire, mais y ajouter un domaine de compétence nouveau

En conséquence, le juge commissaire serait compétent :

- en l'absence de contestation sérieuse, dans les limites de la compétence matérielle du tribunal qui l'a désigné, comme l'indique expressément l'alinéa 2 de l'article L624-2 (on ignore si le terme compétence matérielle est voulu pour préciser que le juge commissaire désigné par un tribunal de commerce pourrait statuer sur une matière qui ressort de cette juridiction dans le cadre de sa compétence d'attribution, sans égard pour sa compétence territoriale ou si le terme est malencontreux)

- mais ce pan de compétence viendrait s'ajouter à un autre, dont par différence on imagine qu'il pourrait être hors la compétence du tribunal qui l'a désigné, et dans ce cas on se demande si c'est qu'il y ait ou pas contestation sérieuse.

Si cette dernière analyse était exacte, le juge commissaire aurait finalement plus de compétence hors celle du tribunal puisque dans ce cas il ne serait pas limité par une contestation sérieuse

Les situations induites par les textes et la création prétorienne de dépassement de pouvoir

Dans le cadre de la vérification des créances, le juge commissaire peut :

- 1 être compétent pour admettre et rejeter la créance (L624-2) qu'il y ait ou pas contestation sérieuse sur celle-ci

- 2 être incompétent (L624-2)

- 3 être compétent en l'absence de contestation sérieuse dans les limites de la compétence matérielle du tribunal qui l'a désigné (L624-2 alinéa 2)

-4 être incompétent en présence de contestation sérieuse bien que dans les limites de la compétence matérielle du tribunal qui l'a désigné (L624-2 alinéa 2 a contrario)

-5 constater que le litige dépasse ses pouvoirs juridictionnels (création prétorienne)

Les quatre premières situations sont relatives à la compétence, puisque l'alinéa 2 de l'article L624-2 évoque une extension de compétence du juge commissaire et a contrario qu'on en déduit qu'il est incompétent s'il y a contestation sérieuse.

Ce terme de compétence est doublement malheureux dans le texte de l'article L624-2:

- certains auteurs auraient bien voulu que la notion prétorienne de dépassement de pouvoir juridictionnel se fonde dans cette de contestation sérieuse: c'est fortement discutable en l'état de la formulation de l'article L624-2 même si cela aurait eu l'avantage de supprimer une notion - en outre controversée -.

- le rapprochement avec le fonctionnement de la juridiction de référé est particulièrement tentant, et en cas de contestation sérieuse, le juge des référés n'a pas le pouvoir de statuer: on aurait pu penser que le juge commissaire, sorte de juge de l'évidence de la créance, dépasse ses pouvoirs s'il y a contestation sérieuse, et cela aurait eu l'avantage de fondre dans la notion celle d'absence de pouvoirs.

Si on tente de faire appel aux notions de procédure civile, la question n'est pas plus aisée à résoudre.

L’incompétence est avant tout le fait de constater qu'entre deux juridictions, ce n’est pas la bonne qui est saisie au regard de sa compétence territoriale ou matérielle : rapportée au juge commissaire, cela revient à constater

- qu’il n’est pas, dans le cadre de la vérification des créances, compétent pour une autre décision que la simple admission ou le simple rejet de la créance,

sauf si le litige l'amène à statuer dans la limite de la compétence matérielle du tribunal, mais alors en l'absence de contestation sérieuse. Et comme on voit mal qu'il n'y ait pas contestation sérieuse si le juge ne peut se contenter d'admettre ou de rejeter la créance, il resterait concrètement au juge commissaire sa fameuse compétence de jugge de l'évidence de la créance.

Le défaut de pouvoir tient plutôt au domaine d’intervention du juge : par exemple le juge des référés ne tranche pas le fond et n'a pas ce pouvoir. Rapporté au juge commissaire cela revient à constater qu’il ne peut statuer que sur l’évidence de la créance, et d'ailleurs certains commentateurs considèrent que le juge commissaire est le juge de l'évidence ... mais ce type d'analogie se heurte, comme déjà indiqué au facheux emploi du terme compétence en cas d'absence de contestation sérieuse alors que logiquement le terme de pouvoir aurait été plus adapté.

Ainsi aucun des raisonnements n'est satisfaisant et on en vient à se demander si dans bien des cas le juge commissaire ne serait pas à la fois incompétent et dénué de pouvoir (ce qui confirmerait l'inopportunité de la création jurisprudentielle)

Cette analyse pourrait expliquer pourquoi certains arrêts évoquent tour à tour l'incompétence et le dépassement de pouvoirs juridictionnels dans les mêmes circonstances (Cass Com 24 mars 2009, n° 07-21567 pour la mauvaise exécution d'un contrat, dont il est jugé qu'elle « ne relève pas du pouvoir juridictionnel » du juge commissaire et devait donner lieu à sursis à statuer, Cass com 1er décembre 2009 n°07-21695, Cass com 18 septembre 2012 n°11-18353 et Cass com 18 septembre 2012 n°11-18315 dans le même sens … alors même que très exactement dans le même cas, un arrêt de 2005 (Cass com 21 juin 2005 n°04-10868) casse la décision qui a refusé de faire droit à l’exception d’incompétence).

Les deux notions, appliquées au juge commissaire dans la vérification des créances, ont incontestablement de très nombreux points de recouvrement : le juge commissaire peut à la fois être incompétent et le litige dépasser ses pouvoirs juridictionnels.

Rapporté aux règles de procédure civile, les parties pourraient soulever in limine litis l’exception d’incompétence, et subsidiairement la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir.

Mais finalement la réforme de 2014 n'a pas clarifié la situation, loin s'en faut.

Jusqu'à l'ordonnance de 2014 on pouvait penser que le juge commissaire admettait les créances évidentes, était incompétent si l'examen de la créance demandait un approfondissement, et que le litige dépassait ses pouvoirs s'il devait examiner un acte - par exemple un contrat - qui était le fondement de la créance, et finalement ce n'était peut-être pas très logique (et d'ailleurs les décisions étaient assez mal ordonnées) au regard des règles de procédure civile.

Les deux notions cohabitaient pourtant (de manière peu cohérente) et d'ailleurs un arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 2009 (n°08-12274) permet de s'assurer que la notion créée de toute pièce par la jurisprudence n'a pas totalement envahi celle prévue par la loi: l'une et l'autre existent et sont pratiquées

On aurait pu espérer que le nouveau texte de 2014 agencerait les situations, il n'a fait que rajouter de la complexité:

- L'expression peu heureuse "compétence matérielle du tribunal qui l'a désigné" y contribue grandement: 

* on ignore si le terme de compétence matérielle a été voulu pour exclure les considérations de compétence territoriale (alors que le juge commissaire est l'émanation d'un tribunal) et on voit mal l'intêret de la précision

* on ignore si le tribunal qui a désigné le juge commissaire doit s'entendre comme étant le Tribunal judiciaire ex TGI ou le Tribunal de commerce, ou le tribunal de la procédure collective au sens de l'article R662-3 du code de commerce. Distinguer le Tribunal judiciaire ex TGI du tribunal de commerce conduirait, à égalité de situation, que le juge commissaire de l'un soit compétent là où celui de l'autre ne le soit pas, ce qui n'est pas très heureux, et retenir le tribunal de la procédure collective n'a pas trop de sens dès lors que s'agissant essentiellement de créance antérieure au jugement, la procédure collective n'a a priori pas d'influence sur son examen ... ce qui exclue la compétence de ce tribunal de la procédure collective.

- la contestation sérieuse introduite aurait pu expressément englober l'incompétence et le défaut de pouvoir

La matière devrait donc être appelée à évoluer et à se rationaliser, mais le support législatif fait cruellement défaut.

Tout cela ne pourrait être que débat doctrinal, mais le pire est que le régime de la décision par laquelle le juge constate que le litige excède ses pouvoirs juridictionnels est différent de celui des autres décisions, que personne ne peut affirmer avec certitude dans quel cas l'une ou l'autre des décisions doit être rendue, et que, dans bien des cas le juge peut à son gré ou à celui des parties, opter pour l'une ou l'autre à égalité de circonstances.

Ceux qui n'ont pas saisi le juge compétent en suite d'une décision d'incompétence du juge commissaire soutiendront que le juge aurait du sursoir à statuer lui demanderont de révoquer le sursis, et ceux qui ont obtenu une décision du juge compétent tenteront d'obtenir que cette décision soit mentionnée sur l'état des créances pour éviter l'aléa d'une décision du juge commissaire en suite de la survenue des causes du sursis. Le tout sur fond de voies de recours différentes.

Il est fort regrettable que ce soit ici un texte à valeur législative qui s'y trompe, mais finalement la matière n'a fait que reprendre et amplifier les abus de langage qui sont couramment employés à propos du défaut de pouvoir, que ce soit en raison d'une clause compromissoire (où le terme d'incompétence est parfois employé à la place de celui de défaut de pouvoir cf Cass civ 2ème 17 janvier 1996 n° 93-18361) ou à profusion à propos du juge des référés ... :

- dont on soulève régulièrement dans la pratique l'incompétence quand il y a contestation sérieuse, alors qu'en réalité c'est la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir qui est visée, étant d'ailleurs précisé que le moyen intitulé incompétence n'est pas soulevé dans les formes de l'exception d'incompétence.

- qui rend lui même régulièrement des décisions par lesquelles il se déclare incompétent, sans que ce soit pourtant une véritable décision d'incompétence ... et d'ailleurs l'article 81 du CPC qui impose de désigner la juridiction compétente n'est évidemment pas applicable ni appliqué.https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007396804&fastReqId=2110787111&fastPos=1

 L'article 808 du CPC devenu 834 du CPC avec la création du Tribunal judiciaire dispose "Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.". et il aurait été heureux que l'article L624-2 qui évoque lui aussi la même contestation sérieuse, n'évoque pas la compétence mais le pouvoir, reproduisant ainsi ces abus de langage. La différence avec le référé s'arrête bien entendu dans les suites de la décision, puisque le juge des référés ne vise par l'article 81 du CPC, n'impartit pas aux parties de délai pour saisir une autre juridiction, mais l'esprit des textes aurait gagné à plus de coordination.

Le cas particulier des créances découlant d'un acte administratif

"11. Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, pourvoi n° 11-03.828, 11-03.829, Bull. 2011, n° 24, SCEA du Chéneau c/ Inaporc). Il en résulte que si le juge judiciaire civil jouit, à certaines conditions, de la faculté de trancher lui-même la légalité d'un acte administratif contestée, il n'est pas tenu de le faire s'il estime qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il lui apparaît qu'il ne peut pas accueillir la contestation dont il est saisi." Cass com 7 février 2024 n°22-10403

Autrement dit dans certains cas le juge commissaire peut statuer sur la contestation de la légalité d'un acte administratif, il n'en a pas l'obligation

Le cas particulier de la créance omise à la vérification à la suite d'une erreur matérielle

Il peut arriver qu'une créance soit omise sur l'état des créances, et la question est de savoir comment cette erreur, matérielle, peut être rectifiée.

On considère en pareille situation que le juge commissaire n'est pas dessaisi puisqu'il n'a pas statué sur toutes les créances qui devaient lui être soumises.

La Cour de Cassation a jugé:

"la déclaration de créance s'analyse comme une demande en justice saisissant le juge-commissaire qui doit se prononcer sur les créances au vu des propositions que lui transmet le représentant des créanciers ; qu'en conséquence seul le créancier, demandeur à l'action, a qualité pour saisir le juge-commissaire d'une demande d'admission complémentaire ; qu'en décidant que le juge-commissaire qui a statué sur une liste incomplète des créances, du fait du représentant des créanciers, pouvait être saisi par ce dernier par simple requête en rectification afin de prononcer une admission complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 462 du nouveau code de procédure civile et les articles L. 121-103 et L. 121-104 du code de commerce ;

Mais attendu que la déclaration de créance au passif d'un débiteur équivaut à une demande en justice saisissant le juge-commissaire qui doit statuer sur toutes les créances déclarées, au besoin par un état complémentaire ; que l'arrêt, après avoir relevé que le représentant des créanciers avait omis d'inscrire la créance déclarée à titre privilégié par la banque sur la liste des créances soumises au juge-commissaire, retient exactement que ce dernier, qui n'avait pas statué complètement sur la demande en justice que constituait la déclaration de créance, pouvait, sur la demande du représentant des créanciers, compléter sa première ordonnance ; qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite des motifs surabondants relatifs à la rectification d'une erreur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli"  (Cass com 13 février 2007 n°05-20413)

Le mandataire judiciaire (nouvelle appellation du représentant des créanciers) peut donc saisir le juge commissaire en établissement d'un état des créances complémentaire, qui devra être publié dans les mêmes formes que l'état des créances.

C'est la position constante de la Cour de Cassation : "tant que le juge-commissaire n'a pas statué sur la demande en justice que constitue la déclaration de créance, il n'a pas épuisé sa saisine et doit statuer sur cette demande" Cass com 19 mai 2014 n°03-10145 , que ce soit sur demande du mandataire judiciaire s'il est encore en fonction (ou du professionnel qui lui a succédé Cass com 25 octobre 1994 n°92-15654) ou du créancier (Cass com 17 septembre 2013 n°12-20498 Cass com 5 mai 2021 n°19-19127 ) sans que la demande soit enfermée dans le délai de réclamation contre l'état des créances.

Si une créance est omise, il y a place pour une requête en admission, qui n'est ni une requête en omission de statuer ni une requête en rectification d'une erreur matérielle Cass com 5 janvier 1999 n°96-15451 Cass com 28 octobre 2008 n°07-11141.

Le juge commissaire dresse alors un état complémentaire, publié au BODACC Cass com 1er février 2000 n°97-13231 ou complète sa précédente décision (pour un chef de créance omis) Cass com 13 février 2007 n°05-20413 Cass com 5 février 2002 n°98-15310

Dans ce dernier cas la voie de recours est celle applicable contre l'admission d'une créance (Cass com 28 octobre 2008 n°07-11141)

La loi de sauvegarde semble avoir introduit, suivant certains auteurs, une nouveauté : le créancier dont la créance ne figure pas sur l'état devrait demander un relevé de forclusion, quelle que soit la cause de son absence sur l'état (R624-2 du code de commerce). Appliquer le dispositif du relevé de forclusion à cette situation nous semble singulière, d'autant plus que l'article en question procède par renvoi à l'article L622-26 qui évoque le créancier qui n'a pas déclaré créance dans le délai légal, ce qui n'est pas le cas ici.

Le cas particulier de l'erreur matérielle sur l'admission d'une créance

L'état des créances peut comporter une erreur purement matérielle d'enregistrement. Cette erreur peut être rectifiée dans les formes de la rectification des erreurs matérielles, y compris si c'est le mandataire judiciaire qui est à l'origine de cette erreur dans l'établissement de la liste des créances qui sera ensuite reprise pour la constitution de l'état des créances Cass civ 2ème 23 Septembre 1998 n°95-11317

La rectification d'erreur doit avoir lieu après débats contradictoires Cass Com 1er juillet 2020 n°19-12093

Voies de recours

Voir voies de recours et le mot état des créances

Le document final: l'état des créances

Voir le mot état des créances 


Vérification des créances salariales

Quelques points de la définition

Généralités

la vérification des créances salariales

les sources d'information: pas de déclaration de créance

établissement des relevés de créances salariales

Le refus de porter un demandeur dont le mandataire judiciaire estime qu'il n'est pas salarié

délais d'établissement

le visa du juge commissaire

la publicité des relevés de créances salariales

la contestation par un salarié dont la créances est totalement ou partiellement omise et forclusion des salariés (théorique)

Les instances en cours devant le conseil des prud'hommes échappent à la vérification

la mention sur l'état des créances des relevés des créances salariales et du résultat des instances en cours

les contestations des tiers des relevés de créances salariales

La contestation de l'AGS

Le paiement des créances salariales (issues ou pas de condamnation prud'homale)

Généralités

La loi considère depuis longtemps que le salarié ne peut être traité comme un créancier ordinaire. En effet en principe un fournisseur aura plusieurs clients, et le fait que l'un ne le paye pas ne le privera pas des recettes provenant des autres. Le salarié, pour sa part, tire généralement la totalité de ses ressources de son salaire.

Pour cette raison la loi avait dans un premier temps institué des privilèges (voir ce mot) pour garantir le paiement des créances des salariés ((voir notamment le mot "superprivilège")

Mais il est apparu que même avec un paiement privilégié, les salariés n'étaient pas intégralement payés, d'une part en raison de l'insuffisance d'actif et d'autre part en raison parfois de privilèges d'autres créanciers qui venaient en meilleur rang.

En outre dans tous les cas, même privilégiés, les salariés devaient attendre que le "liquidateur" dispose des sommes nécessaires pour leur payer même un acompte, ce qui supposait qu'il ait pu vendre des actifs.

Pour cette raison et pour améliorer le sort des salariés, en 1973 a été instituée une cotisation patronale dite FNGS (Fonds National de Garantie des Salaires) qui alimente un fonds, l'AGS ..

D'une part les créances salariales découlant de l'exécution et la rupture des contrats de travail sont vérifiées, suivant une procédure spécifique, et d'autre part les instances en cours sont poursuivies, suivant une procédure également spécifique

La vérification des créances salariales

Le traitement particulier des créances salariales a pour conséquence que les fonds disponibles dans la procédure collective doivent être affectés en priorité au règlement des salaires en cours de période d'observation.

En outre le rang de certaines créances salariales d'une part leur donne une priorité sur la plupart des autres créanciers et d'autre part sous certaines conditions donne accès aux avances de l'AGS.

Les texte organisent pour ces raisons une véritable procédure de vérification des créances, avec des délais spécifiques tenant l'urgence qui caractérise généralement le traitement de ces créances. Ces délais sont fixés, par catégorie de créance, par l'article L3253-19 du code du travail

La source d'information de la vérification des créances salariales: les salariés, le débiteur et le cas échéant l'administrateur judiciaire

Etablissement du relevé de créances salariale

L'article R625-1 du code de commerce prévoit que le mandataire judiciaire effectue la vérification des créances salariales avec le concours du débiteur.

Plus précisément l'article R625-1 prévoit que le mandataire judiciaire centralise les informations reçues le cas échéant de l'administrateur judiciaire, des salariés, du débiteur (qui notamment tient à disposition le livre d'entrée et sortie du personnel et le livre de paye) et le cas échéant du représentant des salariés.

On remarque ici qu'il n'y a donc pas de déclaration de créance au sens strict du terme.

En toute circonstance, et même si les autres créances ne sont pas toutes vérifiées (voir la vérification des créances et ses dispenses), les créances salariales sont toujours vérifiées (article L644-3 et R625-1)

Ce texte est complété par les articles R625-1 et suivants du code de commerce qui précisent le contenu du relevé de créances salariales

Une fois le ou les relevés de créances salariales établis par le mandataire judiciaire, ils sont le cas échéant visés par le représentant des salariés (R625-1 et L625-2) et soumis au visa du juge commissaire (R625-1 et L625-1)

Le refus par le mandataire judiciaire de mentionner un interlocuteur qu'il estime ne pas être salarié

En tout état, et dès lors que l'établissement du relevé de créance salariale relève du mandataire judiciaire, c'est à cette occasion que ce dernier pourra refuser d'y porter un interlocuteur dont il estime qu'il n'est pas salarié.

Délai d'établissement

L'article L625-1 vise plusieurs délais, par renvoi au code du travail. Le premier est de 10 jours du jugement d'ouverture pour les créances superprivilégiées. Le second est de 3 mois pour les autres créances. Un troisième délai est de 10 jours de l'expiration des périodes de garanties pour les créances issues de la période d'observation (jugement arrêtant le plan ...).

Visa du relevé de créances salariales par le juge commissaire

L'article L625-1 du code de commerce organise l'établissement, le visa par le juge commissaire (R625-1)

Les mêmes textes organisent la publicité de l'état des créances salariales.

Le juge commissaire contrôle le règlement des créances salariales, qui doit être autorisé par lui, même sans recours à l'AGS (Cass com 3 mai 2016 n°14-24855), mais en réalité le visa du juge commissaire n'est que la marque que la formalité d'établissement des relevés de créances salariales a été accomplie, puisque les éventuelles contestations relèvent du conseil des prud'hommes

En réalité, en outre, le recours à l'ordonnance du juge commissaire n'est pas usité pour les salaires payés sur les fonds de la procédure, l'article R625-1 précisant que les relevés sont adressés par le mandataire judiciaire à l'AGS, ce qui laisse penser que si l'AGS n'est pas sollicitée le relevé est inutile. -

Publicité du relevé de créances salariales

Le relevé est en effet déposé au greffe et fait l'objet d'une publicité L625-1

Plus précisément d'une part le mandataire judiciaire

- informe "par tout moyen" chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées (R625-3)

- précise à chaque salarié la date de dépôt au greffe du relevé de créances salariales

- lui rappelle qu'un délai de forclusion court à compter de la publication du relevé

L'article R625-3 alinéa 3 organise cette publication: quand l'ensemble des relevés de créances salariales sont déposés au greffe, est établie une publication par le mandataire judiciaire dans un journal d'annonces légales du ressort dans les trois mois de l'expiration des périodes de garanties . C'est cet avis qui fait courir le délai de forclusion

Concrètement cette publication est sans effet pour les salariés qui ne sont pas avertis et est donc inefficace puisque précisément si une créance salariale a été omise c'est en principe que le salarié n'est pas connu au moment de l'établissement des relevés: pour ces raisons, et outre le fait qu'ils disposent rarement de fonds pour les financer, les mandataires judiciaire n'effectuent en principe pas ces publications inutiles puisque sans effet de forclusion vis à vis des salariés inconnus.

Le délai de contestation du relevé de créances salariales par les salariés dont la créance est omise totalement ou partiellement

A ce sujet l'article L625-1 dispose que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur le relevé de créances salariales doit saisir le conseil des prud'hommes (directement le bureau de jugement, il n'y a pas de conciliation cf article L 625-5), à peine de forclusion, dans les 2 mois de la publicité dans un journal d'annonces légales (la saisine du conseil des prud'hommes hors délai est considérée comme emportant demande de relevé de forclusion (qui relève donc du conseil des prud'hommes) Cass soc 26 mars 2003 n°01-41747

(très singulièrement la Cour de Cassation a admis que le salarié peut être relevé de cette forclusion par le conseil des prud'hommes, au visa de l'article L622-26 qui organise le relevé de forclusion de droit commun (et dans ce délai) Cass soc 24 janvier 2018 n°16-16503) (et donc pas par le juge commissaire).

La forclusion est toute relative, à la différence de celle existant pour les créances non salariales: en l'espèce la forclusion n'est opposable qu'au salarié prévenu par le mandataire judiciaire du dépôt du relevé de créances salariales et de sa publication (cass soc 8 janvier 2002 n°99-41520 Cass soc 25 juin 2002 n°00-44704 Cass soc 4 février 2006 n°03-47937) et notamment du montant et de la nature des créances admises ou rejetées Cass soc 22 mars 2023 n°21-14604

De même la forclusion suppose que le mandataire judiciaire ait déposé le relevé dans le délai légal (Cass soc 8 Janvier 2002 n°99-41520)

La "relevé de forclusion" semble enfermé dans le délai de droit commun (voir relevé de forclusion) même si le salarié n'a pas été averti personnellement (Cass soc 7 novembre 1995 n°94-41593 , Cass soc 26 novembre 1995 n°95-44929  Cass soc 4 février 1998 n°95-44850 )ce qui peut sembler contradictoire avec la position souple de la Cour de Cassation.

Le possible refus de l'AGS de payer un relevé de créance salariale

Une fois le relevé des créances salariales établi il est le cas échéant transmis à l'AGS pour paiement.

En liquidation judiciaire les créances peuvent également être payées si leur rang et la trésorerie de l'entreprise le permettent. En redressement judiciaire les créances non prises en charge par l'AGS seront payées dans le cadre du plan (c'est à dire au moment de l'adoption du plan pour les créances superprivilégiées et privilégiées et comme les autres créanciers pour les créances chirographaires).

En tout état les salariés bénéficient d'un régime dérogatoire, notamment au regard de l'interdiction de paiement des dettes antérieures (voir ce mot)

voir le mot AGS

les instances en cours devant le conseil des prud'hommes : le cas particulier des créances salariales dont l'origine est antérieure au jugement d'ouverture mais la liquidation postérieure à l'ouverture de la procédure, voire à l'adoption d'un plan de redressement ou sauvegarde:

Les instances prud'homales échappent au traitement des instances concernant les autres créances non salariales Cass soc 17 septembre 2003 n°01-41255 et Cass soc 28 février 2018 n°15-24856, ce qui a pour effet que le mandataire de justice qui a obligation de prévenir les salariés et le conseil des Prud'hommes de l'ouverture de la procédure collective dans les 10 jours ne pourrait se prévaloir de l'inopposabilité de la décision rendue par le conseil des prud'hommes qu'il n'aurait pas averti (cette décision est parfaitement critiquable)

Le cas particulier du salarié qui a engagé une instance prud'homale avant l'ouverture de la procédure collective mais dont les créances sont fixées après l'ouverture de la procédure voire l'adoption d'un plan se présente parfois. Les instances en cours font l'objet d'un traitement particulier, qui échappe à la vérification des créances salariales.

L'article R625.5 prévoit que le débiteur informe les mandataires de justice de l'existence des instances en cours, et l'article L625-3 précise que ces instances sont poursuivies (ce qui signifie donc qu'elles ne sont ni suspendues ni interrompues) après que les mandataires de justice aient été appelés, étant précisé que le mandataire judiciaire doit avertir le conseil des prud'hommes de l'ouverture de la procédure, sur la base des informations remises par le débiteur (et s'il ne le fait pas il ne pourra se prévaloir de l'inopposabilité de la décision Cass soc 17 sept 2003 n°01-41255 Cass soc 24 juin 2008 n°07-41972

Nonobstant l'article L625-3 du code de commerce qui dispose "Les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés. Le mandataire judiciaire informe dans les dix jours la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure." la Cour de Cassation considère que ces instances "ne sont ni suspendues, ni interrompues, et que le représentant des créanciers (mandataire judiciaire) qui n'a pas informé de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire les salariés et la juridiction saisie, ne peut valablement se prévaloir d'une inopposabilité de la décision rendue" (Cass soc 8 juin 2016 n°13-23811). Ainsi le mandataire judiciaire qui n'est pas informé de l'instance en cours en subira les suites

L'AGS sera également appelé à l'instance par voie d'assignation en intervention forcée (sauf en sauvegarde puisqu'elle ne doit pas garantie) ce qui aura pour effet de lui rendre la décision opposable (R631-33 du code de commerce).

Il appartient au greffe du conseil des prud'hommes d'appeler les mandataires de justice Cass soc 9 mars 2011 n°09-67312 c'est à dire le mandataire judiciaire et l'administrateur (en redressement judiciaire et pas en sauvegarde). (l'AGS ne peut être mise hors de cause si le débiteur a bénéficié d'un plan, dès lors que la créance était due à la date de l'ouverture de la procédure Cass Soc 26 avril 2007 n°05-45215, même si en réalité l'entreprise qui bénéficie d'un plan ne parviendra pas à obtenir le paiement par l'AGS)

La mise en cause est une condition de régularité de la procédure.

L'instance conduira à la fixation de la créance du salarié et non pas à la condamnation à payer (même si la demande de condamnation est maintenue Cass soc 10 novembre 2021 n°20-14529) : le but est de fixer la sommes qui sera mentionnée sur l'état des créances : Cass soc 4 juillet 2012 n°11.12573 Cass soc 27 octobre 1998 n°95-44146 Cass soc 12 février 2003 n°99-42985

Comme pour les autres instances en cours, la créance échappe au processus de vérification des créances salariales, puisqu'elle est fixée judiciairement Cass soc 10 décembre 1996 n°95-40585 et aucune forclusion n'est donc opposable au salarié Cass soc 16 mars 1999 n°96-42850 même si l'instance avait été radiée puis reprise après le jugement d'ouverture Cass soc 14 mai 2003 n°01-40110

La Cour de cassation juge que ces créances restent régies par les règles de la procédure collective, de sorte que la juridiction ne peut condamner l'entreprise à payer, mais uniquement arrêter la somme à inscrire au passif. Cass soc 3 décembre 2014 n°13-24379) .

Pour le paiement de ces créances voir plus bas

Les relevés des créances salariales et le décisions rendues en suite des instances en cours sont portés sur l'état des créances

C'est l'article L625-6 qui prévoit ce traitement, pour que l'état des créances constitue un ensemble du passif.

Les contestations des tiers

L'article L625-6 du code de commerce précise que les personnes intéressées à l'exception des personnes mentionnées dans le processus de vérification des créances salariales (débiteur, mandataire judiciaire, administrateur judiciaire, représentant des salariés, salarié pour sa propre créance, qui ne semblent pas avoir de recours) peut former une réclamation contre la mention sur l'état des créances des relevés de créances salariales. L'article R625-7 précise que le délai de réclamation est d'un mois

(on peut s'étonner que le recours des tiers ne coure pas à compter du dépôt au greffe du relevé de créances salariales, car bien souvent entretemps l'AGS aura payé la créance, mais il ne faut pas oublier que contrairement à ce que la pratique a tendance à considéré le relevé de créance salariale est le constat de l'existence d'une créance d'un salarié et n'est pas un "relevé d'AGS".

Contestation par l'AGS

Voir AGS

Le paiement des créances salariales

Voir le paiement des créances salariales


Vices cachés et procédure collective (et obligation d'information)

Le cessionnaire des biens du débiteur, dans les formes de la liquidation judiciaire, ne peut invoquer les vices cachés Cass com 4 mai 2017 n°15-27899 ou tout autre vice du consentement

Cass civ 3ème 21 décembre 2017 n°16-20675 pour le dol, et au terme de cet arrêt aucune obligation d'information ou de conseil de pèse sur le liquidateur vis à vis de l'acquéreur

En effet la vente est une vente par autorité de justice, ce qui écarte les garanties légales applicables à la vente

A notre avis cependant un recours en révision n'est pas totalement exclu si les conditions sont réunies : par exemple dissimulation par le débiteur de pièces et/ou informations décisives, encore que stricto sensu le débiteur n'est pas partie à la décision, ce qui est un véritable problème. Concrètement en cas d'anomalie grave découverte entre le bien tel qu'il était connu au moment de l'offre et ce qui est ensuite révéré peut donner lieu à saisine du juge commissaire, mais il n'est pas du tout certain que le cessionnaire retenu pourra faire admettre un changement d'avis ou de prix. voir cession des biens au paragraphe difficultés d'exécution

On peut ajouter en outre que sans remettre en cause la décision rendue dans le cadre de la procédure collective (en l'espèce une cession de fonds de commerce) la Cour de Cassation a admis la responsabilité du liquidateur qui n'avait pas informé le candidat d'un risque de résiliation du bail commercial Cass com 27 juin 2018 n°16-26360 en suite d'un arrêt Cass com 8 Janvier 2008 n°07-10079 et d'un arrêt Cass com 30 novembre 2010 n°07-71954 pour des informations environnementales. 


Voie parée (clause de)

Clause par laquelle le créancier est autorisé à vendre le bien aux enchères par devant notaire sans suivre les formalités de vente sur saisie immobilière, en cas de non paiement

et après commandement de payer. 


Voies d'exécution: description, arrêt, interdiction

Le jugement d'ouverture d'une procédure collective entraîne arrêt des voies d'exécution.

Pour plus de précisions voir le mot "arrêt des voies d'exécution"


Voies de recours

COVID 19 incidence sur les procédures collectives

Nous vous proposons deux rédactions distinctes, qui analysent les dispositions prises dans le cadre de l'état d'ugence COVID 19.

Synthèse rapide spécial procédures collectives

Analyse détaillée et textes généraux

Quelques points de la définition:

Généralités

Voies de recours ordinaires

Voies de recours extraordinaires

Voie de recours en cas d'erreur de qualification de la décision ou d'erreur de notification

Recours nullité

Voies de recours en procédure collectives : décisions listées par les textes et décisions non listées

Principes régissant les voies de recours en procédure collective

Opposition dans un délai restreint

Le cas particulier des décisions gracieuses

Délais de recours interrompus par le jugement d'ouverture

Publicité des décisions rendues en procédure collective

L'information des parties et des tiers dont les droits sont affectés : notification aux parties et communication aux mandataires de justice par le greffe

L'information des tiers: publicité ou dépôt au greffe

Le cas particulier de la signification / notification du jugement d'ouverture de la procédure collective

Le cas général des voies de recours et délais en procédure collective:

Principe

Recours nullité

Les délais

L'appel des parties, la tierce opposition et le recours

Voies de recours Cas général pour les jugements

Généralités

La tierce opposition (tierce opposition principale et tierce opposition incidente)

Voies de recours Cas général pour les ordonnances du juge commissaire

Le pourvoi en cassation

Les parties au recours et particularité du recours contre le jugement d'ouverture

La particularité des parties au recours contre le jugement d'ouverture: le mandataire judiciaire représente-t-il les créanciers ?

Les exceptions les plus fréquentes au cas général: appel et pas recours

La procédure devant la cour d'appel

Quelques cas particuliers de recours en procédure collective

Les cas particuliers de recours contre les ordonnances du juge commissaire : L'état des créances

Le recours des parties

La recevabilité si la partie n'a pas émis de contestation au stade de la vérification des créances

L'appel du débiteur qui n'a pas participé à la vérification des créances

La procédure

L'appel est un droit propre du débiteur malgré le dessaisissement

Recours des tiers

Recours de la caution pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021

Les cas particuliers de recours contre les ordonnances du juge commissaire : Les cessions d'actif en liquidation

Les cas particuliers La cession d'entreprise

Les voies de recours: appel des parties et pas de tierce opposition (sauf cas exceptionnel)

l'effet de l'appel sur l'exécution provisoire

Le délai d'appel

La procédure : jour fixe

L'instance d'appel et les personnes convoquées

L'instance d'appel: le repreneur évincé n'est ni intimé ni intervenant mais peut être entendu

Synthèse des personnes entendues ou parties devant la Cour d'appel

L'instance d'appel et l'effet dévolutif: possibilité de nouvelles offres ou d'offres modifiées

Décision de la cour d'appel

Restrictions aux possibilités de pourvoi

La conversion de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire en liquidation judiciaire

Autres exceptions

Quelques voies de recours fermées aux mandataires de justice

Généralités 

La voie de recours consiste à soumettre une décision de justice à une autre juridiction que celle qui l'a rendue, (et dont les règles de procédure prévoient qu'elle est compétente pour statuer, tout au moins c'est à priori l'objectif).

On distingue les voies de recours "ordinaire" et les voies de recours "extraordinaires". 

( voir également les mots "appel" et "tierce opposition")

Voie de recours ordinaire

C’est la matérialisation du mécontentement d'un plaideur à l'issue d'une décision de justice: la voie de recours permet au plaideur de demander à une juridiction (de degré supérieur) d’examiner à nouveau l’argumentation qui a donné lieu à la décision qu’il critique.

En principe, pour les parties la voie de recours contre un jugement est l’appel, qui est porté devant la Cour d’appel.

Pour plus de précisions sur l'appel en procédure civile voir appel

Voie de recours extraordinaire

C'est la possibilité pour un tiers, c'est à dire quelqu'un qui n'était pas partie à la décision, de faire valoir son argumentation dans le litige ( voir également le mot "intervenant volontaire")

C'est également la possibilité pour une partie de demander que la manière dont la juridiction qui a rendu la décision critiquée a appliqué la règle de droit soit examinée.

- En principe encore, pour les tiers qui s’estiment lésés par une décision à laquelle ils n’étaient pas partie, la voie de recours est la « tierce opposition »

- en principe pour les parties, la voie de recours extraordinaire est le pourvoi en cassation (voir ce mot).

Les voies de recours sont complexes, les délais sont stricts, et les exceptions sont nombreuses.

Voie de recours et erreur de qualification de la décision ou erreur de voie de recours indiquée dans la notification de la décision (modalités ou délais)

Au visa de l'article 536 du CPC "La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours.

Si le recours est déclaré irrecevable en raison d'une telle inexactitude, la décision d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement. Cette notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié".

Voir également pour plus de précisions jugement erreur de qualification conséquence sur les voies de recours et  notification et signification mentions obligatoires

Recours nullité

voir le mot

Quelle voie de recours en cas d'erreur de qualification dans le jugement ?

Voies de recours en procédure collective 

Principes régissant les voies de recours en procédures collectives: décisions visées par les textes et décisions non listées

Les voies de recours sont un sujet sensible en matière de procédure collective, car il faut aller vite.

Quand il y a une cession d’entreprise par exemple, on ne peut pas attendre 6 mois qu’un recours soit évacué avant de redémarrer une usine, sinon l’entreprise a perdu l’essentiel de sa valeur

Quand il y a liquidation on ne peut pas attendre 2 mois pour licencier les salariés en raison de l’exercice d’un recours: personne ne pourrait payer les salaires pendant ce temps.

 Il a fallu concilier les impératifs de rapidité avec les nécessités de ménager un certain contrôle sur les décisions.

Aussi, par principe les décisions rendues sont exécutoires, c'est-à-dire qu’elles peuvent être mise en œuvre nonobstant l’exercice d’un recours (il existe des possibilités de suspension d’exécution provisoire).

De plus les voies de recours sont parfois restreintes, et les délais de recours sont brefs par rapport au droit commun (les voies de recours sont spécifiques et ne peuvent être exercées dans les formes du droit commun : par exemple pour une opposition à un arrêt qui prononce la liquidation judiciaire Cass com 10 mars 2021 n°19-15497

Le code de commerce procède à cette fin à une énumération des voies de recours aménagées spécialement contre certaines décisions, et de celles qui sont interdites. L661-1 et suivants du code de commerce

Se pose la question des décisions qui ne sont visées par aucun de ces textes : la voie de recours est-elle exclue ?

A priori la réponse est négative, et il s'agit, pour certaines décisions particulières expressément énumérées, de prévoir des modalités particulières de voies de recours, qui tiennent la plupart du temps à en limiter les titulaires ou l'exercice. 

On ne peut évidemment en tirer que les décisions non listées ne peuvent faire l'objet de voie de recours, et d'ailleurs:

- l'article R662-1 dispose que sauf disposition particulière les règles de procédure civile s'appliquent.

- L'article R661-2 organise le délai de tierce opposition dans les cas non aménagés spécialement par les textes et l'article R661-3 fait de même pour l'appel, chacun de ces deux textes faisant référence aux "décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8" ce qui recouvre l'ensemble des décisions et pas uniquement celles listées par les textes spécifiques.

Ainsi une décision non listée expressément peut faire l'objet de la voie de recours correspondante, dans le délai indiqué par celui de ces deux articles qui est applicable à l'espèce.

Délai d'opposition

Certains auteurs considèrent qu'il n'y a en principe pas d'opposition contre les décisions rendues en matière de procédure collective article L661-1 du code de commerce et suivants dès lors que le texte ne le prévoit pas dans la partie législative du code de commerce.

Cependant l'article R661-2 organise le délai d'opposition, particulièrement restreint (10 jours de la décision sauf si elle est publiée au BODACC dans ce cas 10 jours de la publicité) ce qui démontre que la voie de recours n'est pas exclue. A priori l'article 540 du CPC qui prévoit une possibilité de relevé de forclusion est applicable.

Cas particulier des décisions gracieuses

La question peut se poser de combiner le cas échéant ces textes avec l'article 950 du CPC si la décision peut être qualifiée de gracieuse (par exemple sans doute homologation d'une transaction) auquel cas on peut hésiter entre l'alternative d'appliquer le délai du code de commerce ou celui de l'article 538 du CPC ... avec une préférence pour le délai du code de commerce qui est un délai spécial. Cependant l'incertitude sur ce point précis amène à retenir le délai de l'article 538 du CPC qui est plus long que le délai de 10 jours traditionnellement applicable en procédure collective, le destinataire de la notification n'ayant en ce cas pas de grief (voir notification).

Mais, et dès lors que, comme déjà indiqué, l'article R662-1 dispose que sauf disposition particulière les règles de procédure civile s'appliquent, il ne faudra pas perdre de vue que le corolaire de la qualification de décision gracieuse est qu'au visa de l'article 950 du CPC l'appel est formé par déclaration ou courrier adressé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision et pas devant la Cour d'appel.

Cela peut être le cas de certaines décisions non contentieuses rendues en procédure collective (décisions d'autorisation ou d'homologation). La jurisprudence est muette sur ces questions.

Enfin en procédure collective les décisions sont indivisibles (c'est à dire qu'on ne peut évidemment pas être en redressement judiciaire par rapport à un créancier et en liquidation judiciaire par rapport à un autre) et il faut donc en cas de recours intimer toutes les parties, par différence à ce qui se passe si la matière n'est pas indivisible, auquel cas l'appelant peut n'intimer que certaines parties.

Le cas particulier des délais de recours en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective: délai interrompu.

L'article 531 du Code de Procédure civile tel qu'il découle du décret du 6 mai 2017 prévoit que si un jugement d'ouverture de la procédure collective intervient en cours d'un délai de recours contre une décision, ce délai est interrompu et va courir à nouveau après notification de la décision à celui qui a désormais qualité pour recevoir la notification (le texte précise qu'il ne s'applique que "dans les causes" où la décision emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, ce qui va par exemple exclure le cas de la procédure de sauvegarde ou du redressement judiciaire sans administrateur judiciaire.

(Mais attention le jugement d'adoption du plan n'est pas visé à l'article 531 du Code de Procédure civile et qu'il n'y a pas dans ce cas d'interruption du délai de recours : Par exemple pour éviter la caducité de l’appel du mandataire judiciaire pour défaut de conclusion dans le délai de trois mois de l’article 908 du CPC, le commissaire à l’exécution du plan qui lui succède doit intervenir à la procédure dans ce délai (Cass com 16 décembre 2014 n°13-25066) )

Ainsi dans le cas général une nouvelle notification (ou signification) devra intervenir à celui des mandataires de justice qui a qualité. voir le mot mandataires de justice changement de qualité

(Antérieurement la solution était exactement inverse et si une décision est rendue à l'encontre du débiteur avant le jugement d'ouverture de la procédure, la signification, elle aussi antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, ouvrait le délai de recours, non interrompu par le jugement d'ouverture, et le recours éventuel de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur devait donc être fait à l'intérieur du délai déjà ouvert par la signification (le jugement d'ouverture de la procédure collective n'emportait pas changement de capacité au sens de l'article 531 du CPC selon la Cour de Cassation Cass com 18 mai 2016 n°14-25997). Ces solutions sont terminées)

Publicité des décisions rendues durant la procédure collective, destinée à permettre l'exercice des voies de recours 

La publicité des décisions, préalable à l’exercice des voies de recours, repose sur l’information des parties et des tiers.

Information des parties et des tiers dont les droits sont susceptibles d'être affectés: la notification

L'information des parties et des tiers dont les droits sont susceptibles d'être affectés par la décision est assurée par une notification (voir ce mot pour plus de détail) ou une signification suivant les cas

Information des parties : notification par le greffe et communication pour les mandataires de justice

Voir notification et communication aux mandataires de justice et signification 

L'information des tiers dépend de la nature de la décision : publicité et simple dépôt au greffe

- Les décisions les plus importantes (ouverture, plans, état des créances, clôture) sont publiées au et dans un journal d’annonces légales

-Les autres décisions sont déposées au greffe où elles sont publiques, c'est-à-dire où on peut en demander copie.

D’une manière générale les ordonnances du juge commissaire sont simplement déposées au greffe, la seule ordonnance publiée au BODACC étant l’arrêté de l’état des créances.

Le cas particulier de la notification ou signification du jugement d'ouverture de la procédure collective

Le jugement d'ouverture de la procédure fait l'objet de dispositions particulières : il est notifié par les soins du greffe au créancier, et au débiteur si ce dernier est demandeur. Si ce dernier n'est pas demandeur il lui est signifié (article R631-12 pour le redressement judiciaire et R641-6 pour la liquidation judiciaire) par le demandeur.

La notification là où une signification est nécessaire, ne fait pas courir le délai d'appel (pour un exemple de distinction, dans un autre domaine Cass civ 2ème 1er février 2018 n°17-11321)

En outre si le débiteur n'était pas présent à l'audience le jugement non signifié dans les 6 mois est caduque (article 478 du CPC à combiner avec l'article 473 du CPC) sauf acquiescement express ou tacite.

Le cas général des voies de recours et les délais, en procédures collectives

Les délais

Le délai de principe est de 10 jours (mais évidemment il existe des exceptions). A priori l'article 540 du CPC qui prévoit une possibilité de relevé de forclusion est applicable pour les jugements réputés contradictoires.

A priori les délais de distance sont applicables.

Appel 

L'article R661-3 dispose pour l'appel

"Sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Toutefois, le délai dans lequel le débiteur peut interjeter appel du jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession de l'entreprise est de dix jours à compter du prononcé du jugement.

Dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article L. 642-1 et à l'article L. 642-7, le greffier notifie la décision, dans les quarante-huit heures de son prononcé, au cocontractant, au cessionnaire ou au bailleur. Le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification.

Le délai d'appel du procureur de la République et du procureur général est de dix jours. Ces délais sont comptés à partir de la réception par le procureur de la République de l'avis qui lui est donné de la décision dans les formes prévues, selon le cas, aux articles R. 611-25R. 611-41R. 621-7 ou R. 645-19."

Tierce opposition principale ou incidente

Pour la tierce opposition de droit commun voir le mot

La tierce opposition est également encadrée en principe dans un délai de 10 Jours. L'article R661-2 dispose en effet "

Sauf dispositions contraires, l'opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8, par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision.

Toutefois, pour les décisions soumises aux formalités d'insertion dans un support d'annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Pour les décisions soumises à la formalité d'insertion dans un support d'annonces légales, le délai ne court que du jour de la publication de l'insertion.

Il découle de ce texte que la tierce opposition est formée par déclaration au greffe, à défaut de quoi elle est irrecevable (par exemple pour un courrier recommandé adressé au greffe Cass Com 17 février 2021 n°19-16470 y compris en cause d'appel (Cass com 10 mars 2021 n°19-15497 où la cour ne peut être saisie par des conclusions notifiée par le RPVA)

On rappellera qu' en application de l'article 583 du CPC le tiers opposant doit justifier de moyens qui lui sont propres ou de ce que le jugement a été rendu en fraude de ses droits, ce qui ne peut pas être constitué sur le simple fondement de la prétendue incompétence du tribunal Cass com 7 octobre 2020 n°19-11343 ou le contenu du projet de plan Cass com 21 octobre 2020 n°18-23749

En outre la tierce opposition peut être principale ou incidente, avec, en droit commun des régimes différents.  

En procédure collective, et au nom de la sécurité des décision, la Cour de Cassation ne maintient pas cette distinction et considère que la tierce opposition incidente doit être exercée dans le même délai que la tierce opposition principale. Cass com 29 novembre 2005 n°03-16036, Cass com 14 juin 2017 n°15-25698 Cass com 22 mars 2017 n°15-16579 Cass com 17 juin 2020 n°18-25262 Cass com 13 septembre 2016 n°14-25621 Cass com 14 mai 2002 n°99-10325 et 99-10535 Cass com 16 mai 2006 n°05-14426

Cette solution, efficace, est éminemment problématique pour les tiers, qui découvrent au moment d'un litige, une décision de la procédure collective qui leur est opposée, alors même que, quand elle a été rendue, même s'ils l'avaient connue il ne l'aurait pas critiquée, faut d'imaginer que, plus tard, elle pourrait leur être opposée. Il est vrai que l'indivisibilité des décisions en procédure collective est un véritable obstacle, mais reste qu'une telle solution peut conduire à des situations "perverses" proches de l'abus de droit, dans lesquelles le mandataire de justice attendra que le délai de 10 jours soit écoulé pour engager contre le tiers l'action qui, en réalité, l'a guidé pour solliciter la décision qu'il lui opposera et dévoiler ses intentions. 

Ces situations sont véritablement inéquitables, et devraient donner, à notre sens, lieu a minima à une dénonce de la décision par le mandataire de justice qui entend s'en prévaloir, au tiers auquel il entend l'opposer : la loyauté commande que le mandataire de justice dévoile sa stratégie dès l'origine. A défaut il pourrait être privé de la faculté de s'en prévaloir. La sécurité juridique ne serait ainsi pas menacée, et les droits de la défense seraient préservés.

Observons d'ailleurs qu'en matière d'ordonnance du juge commissaire, l'article R621-21 dispose que les ordonnances du juge commissaire sont notifiées aux personnes dont les droits sont affectés : il n'y a aucune raison qu'il en soit différemment pour des jugements, au moins dans des cas où le jugement tend à rechercher la responsabilité d'un tiers ou à remettre en cause un acte accompli ou encore à être utilisé spécifiquement contre un tiers, et cette lacune textuelle devrait être soit réparée, soit sanctionnée par la jurisprudence (on ne parle évidemment pas des décisions qui, raisonnablement, produisent les mêmes effets pour tous les tiers, comme par exemple un jugement d'ouverture).

L'exemple le plus frappant est le report de la date de cessation des paiements, généralement mené par les mandataires de justice dans la perspective de rechercher la nullité d'un acte, ou de solliciter ensuite la condamnation du dirigeant à combler le passif, ou encore à une interdiction de gérer.

En cas de comblement de passif, la juridiction saisie de l'action n'est pas liée par la date de cessation des paiements arrêtée par ailleurs par le Tribunal, mais elle l'est par contre en matière de nullité de la période suspecte ou de sanction d'interdiction. Il serait particulièrement logique que la "cible" cachée de l'action puisse exercer une tierce opposition contre le jugement de report une fois que l'action menée contre elle est dévoilée. 

A priori, et même si la Cour de Cassation admet le recours d'un tiers dont les droits risquent d'être affectés par la décision Cass com 14 juin 2017 n°15-25698, reste que, semble-t-il la tierce opposition même incidente doit être formée dans le délai de l'article R661-2 du code de commerce (10 jours de l'insertion au BODACC), même si c'est ultérieurement que la décision est opposée au tiers (par exemple Cass com 17 juin 2020 n°18-25262). 

De telles solutions sont assez inquiétantes et méritent véritablement une évolution.

Points communs appel et tierce opposition

La terminologie "décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8." est très certainement à rapprocher de celle visée dans le cadre de l'arrêt de l'exécution provisoire (avec des nuances) et de celle retenue pour déterminer la compétence du Tribunal de la procédure collective. A priori ces trois notions se recoupent largement

Les délais de distance de l'article 643 du CPC ne s'applique pas, notamment à la tierce opposition (Cass com 4 juin 2020 n°19-23389)

Des délais différents sont ponctuellement applicables et seront détaillées aux parties concernées.

L'appel des parties, la tierce opposition des tiers et le recours:

Principe

Les voies de recours sont parfois aménagées en procédure collectives, notamment pour limiter leurs auteurs possibles : parfois l'appel n'est pas ouvert à toutes les parties, parfois la tierce opposition est exclue.

Les recours nullité

La questions des recours dits "nullité" est une question sensible. Peut-on, quand une voie de recours est fermée, exercer néanmoins un recours au motif qu'il tend à la nullité de la décision ?

La réponse de principe est négative et se trouve dans l'article 460 du CPC qui est la traduction de l'adage "voie de nullité n'ont lieu contre les jugements"

Autrement dit, si une voie de recours n'est pas ouverte, on ne peut exercer un recours nullité. Et un recours nullité est exercé selon l'habillage et dans les délais d'une voie de recours autorisée.

La jurisprudence a progressivement développé, résolument contre le texte, une notion de recours nullité pour contourner les inconvénients, parfois majeurs, que pose la décision nulle entachée de vices graves qu'il n'est pas possible de critiquer dans le cadre d'une voie de recours admise.

Un parfait résumé de cette jurisprudence se trouve dans l'arrêt Cass com 12 mai 1992 n°90-14124 "aucune disposition ne peut interdire de faire constater selon les voies de recours du droit commun, la nullité d'une décision entachée d'excès de pouvoir" (voir encore Cass com 17 novembre 2009 n°08-18588)

Après avoir recouvré la violation d'un principe essentiel de procédure, le domaine de prédilection du recours nullité est donc maintenant cantonné à l'excès de pouvoir (pour des exemples Cass soc 3 octobre 1985 n°83-41084, Cass com 3 mars 1992 n°90-12602 (plan de cession dans lequel des biens non nécessaires à l'activité sont inclus) Cass com 12 mai 1992 n°90-14124 pour la modification du prix de cession d'une entreprise, Cass com 28 mai 1996 n°94-14232  pour un excès de pouvoir en matière de relevé de forclusion, Cass com 2 Mai 2001 n°97-21644 et Cass civ 1ère 20 février 2007 n°06-13134).

L'arrêt de principe est Cass ch mixte 28 janvier 2005 n°02-19153 "Attendu que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal ;

Attendu qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu que ne constitue pas un excès de pouvoir la violation du principe de la contradiction invoquée par la première branche du premier moyen, dont se prévalent les demandeurs pour prétendre à la recevabilité immédiate du pourvoi ; qu'aucun des autres griefs ne caractérise un excès de pouvoir ; que, dirigé contre une décision qui s'est bornée à refuser l'allocation d'une provision, le pourvoi n'est donc pas immédiatement recevable" ;

Ainsi la non respect du contradictoire , la violation des règles de composition de la juridiction (Cass civ 2ème 17 novembre 2005 n°03-20815) ne justifient le recours nullité (par exemple Cass com 29 novembre 2005 n°04-16497 pour le respect du contradictoire)

La notion d'excès de pouvoir correspond aux situations dans lesquelles le juge s'arroge un pouvoir que la loi ne lui attribue pas, ou, plus rarement, quand le juge n'exerce pas le pouvoir qu'il tient de la loi (Cass civ 1ère 1er février 2005 n°01-13742) mais on retrouve dans certains arrêts des similitudes avec la violation des règles de procédure, notamment en procédure collective quand le débiteur devait être entendu et ne l'a pas été (Cass com 16 juin 2009 n°08-13565).

Les cas d'excès de pouvoir du Tribunal peuvent se rencontrer dès que la juridiction statue en violation d'une règle d'ordre public : par exemple prononcé d'un redressement judiciaire alors que le débiteur n'est pas en état de cessation des paiements Cass com 6 mars 2001 n°97-22178, ou au contraire ouverture d'une procédure de sauvegarde pour un débiteur en état de cessation des paiements, céder l'entreprise à des candidats qui ne sont pas des tiers Cass com 4 octobre 2005 n°04-15060, imposer des remises de dette à un créancier qui les a refusé Cass com 18 mars 2014 n°12-28986

Les excès de pouvoir du juge commissaire se rencontrent par exemple s'il relève de la forclusion un créancier au delà du délai légal (Cass com 16 novembre 1993 n°91-15143), autorise ou ordonne la vente d'un immeuble insaisissable Cass com 28 juin 2011 n°10-15482, ordonne la cession d'un contrat résilié (pour le bail Cass com 3 juin 2009 n°07-15708, la cession d'un bien gagé Cass com 11 mai 1999 n°96-11280, ou en crédit bail Cass com 3 février 2009 n°07-18932 statue sans débats alors que le débiteur doit être convoqué Cass com Cass com 12 juin 2009 n°08-13565, Cass com 8 janvier 2013 n°11-26059, 

De même certaines décisions font droit à des "tierce opposition nullité", par exemple en matière de cession d'entreprise, au profit de contractant qui contestaient le transfert de la charge de la sûreté, ou l'affectation d'une quote part du prix de cession, au prétendu motif que si la tierce opposition est exclue, la voie de nullité reste ouverte.

En tout état, le recours nullité doit être exercé dans le délai de recours spécifique à la matière (par exemple 10 jours en procédure collective) Cass com 15 janvier 1991 n°89-18185, Cass com 26 février 1994 n°92-18966, 92-20789, 92-20213

Le recours nullité n'est pas un recours dit autonome, et n'a donc pas plus d'effet que le recours de droit commun sur l'exécution provisoire.

De la même manière l'effet dévolutif s'exercera dans les mêmes conditions que pour le recours réformation (c'est à dire sauf si c'est l'acte introductif qui est nul et pour autant que les parties n'aient pas déjà conclu au fond). Même dans le cadre du jugement d'ouverture d'une procédure collective, et nonobstant l'article R631-6 du code de commerce, l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif, prive d'appel d'effet dévolutif (Cass com 6 juin 2000 n°98-12226, Cass com 4 janvier 2005 n°03-11465.

On peut donc constater que nonobstant l'article 460 du CPC, le recours nullité est admis en cas d'excès de pouvoir, ce qui n'est pas, littéralement, très satisfaisant, mais présente a minima un avantage d'efficacité.

Pour les jugements 

Généralités

Pour les jugements on est pratiquement dans le droit commun, avec simplement des délais plus courts: les parties font appel, les tiers font tierce opposition quand la loi le permet ce qui n’est pas toujours le cas (pour un exemple de tierce opposition contre un plan de sauvegarde Cass com 15 novembre 2017 n°16-14630). 

Un associé, qui n'est pas partie, n'est pas recevable à relever appel Cass com 14 septembre 2022 n°21-12755

Le délai est généralement de 10 Jours (article R661-3), qu’il s’agisse du recours des parties ou du recours des tiers. Le point de départ dépend du mode de publicité de la décision vis à vis de celui qui exerce le recours, généralement notification ou signification pour les parties et les tiers dont les droits sont affectés par la décision, date de la décision (si la décision n'est pas publiée au BODACC, pour un tiers dont les droits ne sont pas directement affectés, les délais courent à compter de la décision Cass com 22 mars 2017 n°15-16579)

Le recours nullité a toujours bénéficié d'un statut atypique, et il est vrai qu'il permet parfois de solutionner des anomalies gênantes d'une décision (par exemple une cession qui impose au contractant des charges non prévues au contrat : il est logique que le contractant, qui n'a pas la voie de l'appel, puisse invoquer l'excès de pouvoir).

La tierce opposition et la notion de représentation des créanciers par le mandataire judiciaire

Evidemment, conformément au droit commun, un jugement ne peut faire l'objet d'une tierce opposition, s'il fait déjà l'objet d'un appel : par le biais de l'effet dévolutif, la tierce opposition sera irrecevable, et le tiers peut, s'il le souhaite, intervenir devant la Cour d'appel.

Conformément au droit commun le tiers doit avoir un intérêt légitime et juridiquement protégé à agir: c'est par exemple le cas d'un dirigeant dont la responsabilité est recherchée, qui a intérêt à contester la qualité de salarié reconnue par la juridiction prud'homale Cass com 17 mai 2017 n°14-28820 ou d'un investisseur dont le pseudo versement a été pris en considération dans l'actif disponible alors qu'il n'aura pas lieu Cass com 5 mai 2021 n°19-21327

(ce n'est en effet qu'à la condition d'avoir un intérêt distinct qu'en droit commun un associé pourra exercer une tierce opposition : par exemple Cass civ 3ème 20 février 2002 n°00-14845 , Cass com 8 février 2011 n°09-17034 , Cass com 8 octobre 2013 n°12-18252 ou Cass com 19 décembre 2006 n°05-14816 et Cass civ 3ème 6 octobre 2010 n°08-20959 s'agissant d'actions exposant directement l'associé en raison de sa responsabilité indéfinie, comme l'ouverture de la procédure collective ou une action condamnant la société dont il est responsable, et Cass com 23 mai 2006 n°04-20149 qui évoque la collusion frauduleuse avec le dirigeant

S'agissant d'une voie de recours qui tend à ce que l'affaire soit réexaminée sans prendre en considération des faits nouveaux intervenus depuis la décision objet du recours, il n'y a pas lieu, par exemple, pour l'examen d'une tierce opposition à redressement judiciaire, à prendre en considération pour l'appréciation de l'état de cessation des paiements, un passif qui n'est échu qu'en fonction d'une liquidation judiciaire prononcée depuis Cass com 18 mai 2017 n°15-23541. C'est l'effet dévolutif "restreint" de la tierce opposition (voir ce mot) et d'ailleurs en outre, comme en droit commun, une partie n'est pas recevable à soulever dans le cadre d'une tierce opposition des moyens qu'elle aurait omis de soulever en première instance, et est irrecevable à soulever d'autres prétentions que celles relatives à la recevabilité et le bien fondé de la tierce opposition.

Les textes précisent celles des décisions qui peuvent faire l'objet de tierce opposition

L 661-2 du code de commerce "Les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant." ce qui concrètement vise:

1° Les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;-

2° Les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

3° Les décisions statuant sur l'extension d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l'extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l'administrateur et du ministère public ;

5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d'une période d'observation de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

A la lumière de l'article 583 du CPC qui dispose "Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres." la question se pose toujours, pour apprécier la recevabilité de la tierce opposition, de savoir si les créanciers sont représentés à la décision critiquée et/ou s'ils invoquent des moyens propres, puisque c'est à l'une de ces conditions qu'ils sont recevables à former tierce opposition.

Pour des détails sur la représentation des créanciers lors du jugement d'ouverture voir le mot 

Pour les décisions rendues pendant la durée de la procédure collective, le mandataire judiciaire (ou le liquidateur) représente incontestablement les créanciers, et ce n'est donc que s'ils font valoir des droits propres qu'ils seront recevables à former tierce opposition, en raison du monopole d'action du mandataire judiciaire.

(voir par exemple Cass com 26 janvier 2016 n°14-11298 et 14.13690 et le cas d'un contractant qui a un moyen propre - en l'espèce écarté mais pas irrecevable - Cass com 15 novembre 2017 n°16-19690  ou Cass com 20 octobre 2021 n°20-15299 pour un plan de sauvegarde

La question est plus complexe pour le jugement d'ouverture de la procédure : par hypothèse le mandataire judiciaire n'était pas encore désigné, et n'a donc pas représenté les créanciers.

La question reste donc entière de savoir si les créanciers étaient représentés (sauf évidemment le créancier demandeur), et par qui, lors du jugement d'ouverture (ou d'extension par confusion qui est assimilé à un jugement d'ouverture).

Il est parfois soutenu que les créanciers sont réputés être représentés par le débiteur lors de l'instance d'ouverture de la procédure collective, a minima les créanciers chirographaires. C'est la notion classique de représentation des ayants cause par leur auteur. C'est d'ailleurs ce que reprend l'article 583 du CPC en indiquant, en substance, que bien que représentés par leur auteur, les créanciers peuvent former tierce opposition à condition d'invoquer la fraude ou des moyens propres.

Au fait et même si la notion est en droit difficile à contourner (voire même franchement incontournable), c'est parfaitement contestable, la communauté d'intérêt entre le débiteur et ses créancier étant à ce stade en principe inexistante. Le débiteur a même ici des intérêts exactement contraire à ceux de ses créanciers : le premier à éviter l'ouverture de la procédure collective, les seconds à la souhaiter.

Certains auteurs soutiennent que cette représentation doit être écartée, estimant que le débiteur ne devrait pas être admis à représenter les créanciers lors du jugement d'ouverture. L'échappatoire peut être d'invoquer la fraude du débiteur qui n'a pas fait valoir les moyens que ses créanciers auraient fait valoir.

En tout état, à la lettre du texte, de manière salutaire, tout créancier qui a un intérêt particulier, peut former tierce opposition, et notamment un créancier privilégié. Pour un exemple de moyen propre voir Cass com 8 mars 2011 n°10-13988 et 10-13990 dans la célèbre affaire dite Cœur Défense où le tiers soutenait que la demande de sauvegarde tendait exclusivement à protéger la caution dont il bénéficiait

Le moyen propre au visa de l'article 583 du CPC ne recoupe pas la notion d'intérêt distinct relatif au monopole du mandataire judiciaire et il suffit que le tiers démontre que le jugement critiqué entraine pour lui des conséquences particulières que les autres créanciers ne subissent pas ou ne subissent pas de la même manière.

Le pourvoi en cassation contre l'arrêt qui a statué sur la tierce opposition

- contre un jugement d'ouverture, en suite d'un appel, est réservé au tiers opposant, au créancier poursuivant et au ministère public 

- contre un jugement de conversion du redressement judiciaire en liquidation est réservé aux mêmes, auxquels s'ajoutent l'administrateur, le mandataire judiciaire et les déléguées du personnel (ou comité d'entreprise)

Cass com 9 mai 2018 n°14-11367

Evidemment cette énumération est également applicable à l'appel du jugement ayant statué sur la tierce opposition

Il convient ici de rappeler que les décisions rendues en matière de procédure collective sont généralement indivisibles au sens de la tierce opposition, qui tend donc à la rétractation ou à la réformation de l'entière décision (voir la tierce opposition)

Pour les ordonnances du juge commissaire

Pour les ordonnances du juge commissaire, la situation est plus complexe, et il faut d’autant plus être vigilant que les règles ont changé au fil du temps.

Le recours de droit commun (c'est à dire sauf exception prévue par la loi) s’appelle précisément le "recours" (le terme d’opposition, encore utilisé par certains praticiens, est totalement impropre).

Ce recours s’applique pour les parties et pour les tiers, et est (sauf les exceptions où il est porté devant la Cour d'appel, auquel cas il est parfois limité aux parties) évoqué devant le Tribunal (article R621-21 du code de commerce)

Donc ce n’est pas un appel qui viendrait devant la Cour pour les parties, ni une tierce opposition pour les tiers, qui selon les règles de droit commun reviendrait devant la juridiction qui a rendu la décision, à savoir le juge commissaire.

Le recours est fait soit par déclaration au greffe soit par courrier recommandé adressé au greffe (R621-21)

(Le juge commissaire ne peut siéger quand le tribunal statue sur le recours contre son ordonnance, et d'ailleurs il ne peut maintenant plus statuer dès lors qu'il est juge commissaire).

Faute de texte l'excluant, au visa de l'article 543 du CPC, le jugement statuant sur le recours contre l’ordonnance du juge commissaire est susceptible d’appel, ce qui fait trois degrés de juridiction (des exceptions existent, voir ci après, dans les cas où le recours est directement exercé devant la Cour d'appel : vérification des créances et cession d'actifs en liquidation). De ce fait le pourvoi est exclu à l'encontre du jugement qui statue sur le recours Cass com 29 mars 2023 n°21-18455

Attention par exception, le recours contre les cessions d'actif et les décisions statuant sur l'état des créances relèvent d'un appel , voir ci après

Le délai de recours contre les ordonnances est généralement aussi de 10 Jours, comme celui du recours contre les jugements (même principe pour le point de départ du délai, voir aussi le mot "notification" dans le lexique)

Les textes (article R621-21 du code de commerce) prévoient que les tiers dont les droits sont affectés par la décision du juge commissaire sont destinataires d'une notification effectuée par le greffe.

On peut en déduire qu'à défaut de notification, le délai de recours ne court pas pour eux cf Cass Com 8 mars 2017 n°15-18692 pour une tierce opposition à un arrêt qui statue sur un report de date de cessation des paiements, occulte pour le tiers assigné en nullité, jusqu'à ce qu'il lui soit opposé ou Cass com 17 mai 1994 n°91-21627 pour un cas où le juge n'avait pas prévu de notification ou encore Cass com 11 mars 1997 n°94-14437

Par exemple il a été jugé que si l'ordonnance du juge commissaire statuant sur la revendication n'a pas été notifiée à un tiers intéressé, le délai de recours n'a pas couru à son encontre Cass com 1er juillet 2020 n°19-10499, étant précisé que la qualification erronée de "tierce opposition " ne rend pas le recours irrecevable.

Le locataire qui n'a pas de droit de préemption n'est pas un tiers intéressé Cass Com 23 mars 2022 n°20-19174

Le pourvoi en cassation

Concernant le pourvoi en cassation, les textes régissant les procédures collectives n'organisent pas de délais spécifiques. C'est donc le délai de droit commun de 2 mois à compter de la notification ou de la signification de la décision qui va s'appliquer.

Pour plus de précisions voir le pourvoi en cassation et notamment la précision que par exception au droit commun l'absence de paiement de la condamnation par le débiteur (ou la procédure collective) ne peut donner lieu à retrait du rôle et le priver de la possibilité de maintenir ou exercer un pourvoi.

Les exceptions touchant les décisions les plus fréquentes en procédures collectives : appel et pas recours devant le tribunal

Certaines ordonnances du juge commissaire sont susceptibles de recours des parties devant la cour d’appel et pas devant le Tribunal comme c’est la règle de principe:

C’est le cas des décisions majeures, toujours dans le délai de 10 jours de leur notification

Voir par exemple plus bas la vérification des créances, les cessions d'actif en liquidation et les cessions d'entreprise.

Les parties au recours (et particularités du recours contre le jugement d'ouverture)

Les particularités de la procédure collective est d'emporter dessaisissement total (en liquidation judiciaire) ou partiel (en sauvegarde et en redressement judiciaire) du débiteur, et de missionner un professionnel en charge de l'intêret des créanciers.

Pour cette raison les "organes" de la procédures collective doivent être attraits à l'exercice des voies de recours.

L'article R661-6 du code de commerce dispose

"L'appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6 (c'est à dire ouverture, liquidation, plans, période d'observation, résolution du plan ...) et des chapitres Ier et III du titre V du livre VI de la partie législative du présent code, est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du code de procédure civile, sous réserve des dispositions qui suivent :

1° Les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés.

Dans tous les cas, le procureur général est avisé de la date de l'audience ;

...

4° Lorsqu'ils ne sont pas parties à l'instance d'appel, les représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel et, le cas échéant, le représentant des salariés ainsi que, le cas échéant, le cessionnaire, le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7, les titulaires des sûretés mentionnées à l'article L. 642-12 ou le bénéficiaire de la location-gérance sont convoqués pour être entendus par la cour. La convocation est faite par lettre simple du greffier ;

5° Aucune intervention n'est recevable dans les dix jours qui précèdent la date de l'audience "

Ainsi:

- en redressement judiciaire, le débiteur doit être attrait à la procédure par le mandataire judiciaire si la matière est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire dans une instance en cours (par exemple Cass soc 25 septembre 2019 n°17-17606 0 17-17613 pour l'appel par le mandataire judiciaire d'une condamnation prud'homale.) 

- le mandataire judiciaire doit être attrait à un recours contre une décision qui admet une créance (y compris une décision rectificative) Cass com 16 juin 2021 n°19-15515 dès lors qu'il est encore en fonction

- ceux des mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés, étant précisé qu'en cas d'omission un arrêt singulier indique le mandataire oublié pourrait être assigné en intervention forcée (Cass com 11 Octobre 2016 n°14-28889) mais qu'il est plus probable que la régularisation doive être effectuée par un second acte d'appel dans le délai d'appel (Cass com 3 novembre 2015 n°14-16750).

D'une manière générale dès que la matière est indivisible (par exemple état des créances) le recours n'est recevable que si toutes les parties y sont appelées Cass com 8 mars 2023 n°21-19067 pour un pourvoi

L'assignation en intervention forcée est en effet réservée aux tiers (articles 554 et 555 du CPC) et ne se comprend à notre avis qu'en cas de changement de qualité du professionnel en cours de procédure d'appel et la décision de 2016 est donc curieuse pour permettre de régulariser un acte d'appel irrégulier dès l'origine: en effet l'intervention forcée n'est enfermée dans un délai, à la différence de l'acte d'appel, et autant il est logique d'y recours pour attraire à la procédure un intervenant qui n'était pas en fonction au jour de l'acte d'appel, autant il n'y a pas de raison que cela permette de régulariser un appel. Ainsi l'arrêt de 2016, qui est relatif à un mandataire qui avait été omis dans l'acte d'appel ne devrait pas être reproduit car il n'est pas admissible qu'un appel irrégulier soit régularisé de cette manière

(voir le mot mandataires de justice changement de qualité)

Il convient de préciser que la Cour de Cassation considère que si le mandataire de justice appelé à la procédure sans qu'il soit précisé qu'il y est appelé "ès qualité", cette erreur matérielle est sans conséquence sur la recevabilité du recours Cass civ 2ème 4 juin 2015 n°14-19812 . L'inverse est également vrai (appel dirigé contre le mandataire ès qualité alors qu'il est partie à titre personnel en première instance Cass civ 2ème 22 octobre 1997 n°95-17324 Cass civ 2ème 14 juin 2001 n°99-19994

Il en est de même de l'appel relevé par le professionnel qui a omis de préciser qu'il agissait ès qualité Cass civ 2ème 13 novembre 2015 n°14-24468 

Certaines décisions retiennent l'irrecevabilité du recours, mais cela n'est manifestement pas la tendance en cas d'erreur. En effet dans cette matière, il convient très certainement de considérer, en particulier pour les recours, que la qualité en laquelle une partie exerce un recours est nécessairement celle qu'elle avait dans le jugement objet du recours (sauf évolution de mission) au visa de l'article 547 du CPC. De sorte que, si la qualité est omise, et dès lors que c'est nécessairement celle qu'avait le professionnel en première instance, il ne peut s'agir que d'une erreur matérielle, constitutive d'une nullité de forme régie par les articles 112 et suivants du CPC, ce qui suppose la démonstration d'un grief. La nullité de forme est dans cette matière bien plus pertinente que la fin de non recevoir. 

D'une manière académique, il est donc soutenable de prétendre que l'appel doit être dirigé contre les mandataires de justice, et ce dans les délais d'appel.

Au visa de l'article 553 du CPC, l'appel qui n'est pas dirigé contre toutes les parties est en effet irrecevable, ce que la Cour peut relever d'office (Cass com 15 novembre 2016 n°14-29885). L'appel par le débiteur d'une décision d'admission de créance qui n'a pas intimé le mandataire judiciaire n'est pas régularisé par la signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant Cass civ 2ème 2 juillet 2020 n°19-14855

Il a cependant été jugé que l'irrecevabilité tombe si toutes les parties sont présentes à la procédure (dans leur bonne qualité et par exemple l'appel dirigé contre l'administrateur est irrecevable si entretemps il est devenu commissaire à l'exécution du plan Cass com 25 mars 2020 n°18-21889) avant que le juge statue et nonobstant le fait qu'elles n'ont pas été appelées à la cause avant l'expiration du délai d'appel (Cass com 9 juillet 2019 n°18-17799 et par exemple Cass soc 25 septembre 2019 n°17-17606 0 17-17613 pour l'appel par le mandataire judiciaire d'une condamnation prud'homale.) .. pour plus de précisions sur cette notion de délai voir ci dessous les décisions citées dans le domaine de la vérification des créances

C'est d'ailleurs finalement ce qui ressort d'un arrêt de la Cour de Cassation du 2 novembre 2016 rendu en matière de vérification des créances (mais sur le fondement du texte général de l'article R661-6) : l'appelant doit intimer les mandataires de justice, et respecter à leur égard la procédure d'appel (et subir le risque de caducité s'ils ne constituent pas avocat et ne sont pas destinataires d'une signification des conclusions) Cass com 2 novembre 2016 n°14-25536

Ce qui est certain est que le ministère public n'est pas partie mais "partie jointe", et il n'y a donc pas lieu à déclarer irrecevable un appel qui ne lui est pas dénoncé par l'appelant ou dans lequel il n'est pas intimé, l'affaire lui étant simplement transmise par le greffe de la Cour Cass com 9 septembre 2020 n°18-26824

La notion précisant les parties qui doivent être attraites au recours est précisée par la jurisprudence en matière de contentieux de vérification des créances, mais les principes sont transposables aux autres domaines (et par exemple en matière de revendication le débiteur est partie à la procédure Cass com 27 novembre 2019 n°17-28066 ). 

"En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, le pourvoi formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. En raison du lien d'indivisibilité qui existe, en matière d'admission des créances, entre le débiteur, le créancier contesté et le mandataire judiciaire ou le liquidateur, le pourvoi de l'un n'est, en application du texte susvisé, recevable que s'il est dirigé contre les deux autres" Cass com 29 juin 2022 n°21-11046

En effet dans le domaine de la vérification des créances, les décisions sont les suivantes :

La vérification des créances est indivisible entre le débiteur (ou l'administrateur suivant sa mission), le créancier et le mandataire judiciaire. Par exemple pour le débiteur Cass com 10 juillet 2019 n°18-18384

L'appel du débiteur doit être dirigé contre le créancier et le mandataire judiciaire "l'article R. 661-6 du code de commerce est inapplicable à l'appel en matière de vérification du passif, le lien d'indivisibilité qui existe en cette matière, entre le créancier, le mandataire judiciaire et le débiteur, impose à ce dernier, lorsqu'il forme seul appel contre la décision d'admission d'une créance, d'intimer, non seulement, le créancier, mais aussi le mandataire judiciaire, et de respecter à l'égard de chacun d'eux les règles de la procédure d'appel ; qu'ayant à bon droit retenu, qu'en application des dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile, les débiteurs étaient tenus, à peine de caducité de leur déclaration d'appel, de signifier leurs conclusions au mandataire judiciaire intimé n'ayant pas constitué avocat, la cour d'appel n'avait pas à effectuer les recherches invoquées par les deuxième et troisième branches, rendues inopérantes par l'indivisibilité permettant à tout intimé de se prévaloir de la sanction de la caducité" Cass com 2 novembre 2016 n°14-25536, et dans le même sens Cass 29 septembre 2015 n°14-13257 Cass com 13 décembre 2017 n°16-17975. Cass com 29 septembre 2015 n°14-13258

Il en est de même en cas de pourvoi en cassation Cass com 29 novembre 2016 n°15-17499 .

L'appel qui n'est pas formé contre toutes les parties est irrecevable Cass com 13 septembre 2016 n°14-28304 en raison de l'indivisibilité de la décision statuant sur la créance (article 553 du CPC).

Il en est de même de l'appel du créancier qui n'a pas intimé de débiteur et n'a intimé que le mandataire judiciaire Cass com 24 janvier 2018 n°16-21229 ou de l'appel du liquidateur qui n'a pas intimé le débiteur Cass com 5 septembre 2018 n°17-14453 ou encore du créancier qui a intimé le liquidateur mais pas le débiteur Cass com 17 juin 2020 n°18-22798

La question de la régularisation de l’acte d’appel qui aurait omis d’intimer une partie n’est pas expressément réglée : par exemple le créancier relève appel dans le délai légal d’une décision d’admission de sa créance mais omet d’intimer le mandataire judiciaire. L'appel est irrecevable, au visa de l'article 553 du CPC

L’article 554 du CPC interdit au mandataire judiciaire d’intervenir à l’instance puisqu’il était partie en première instance, et l’article 555 du CPC, pour les mêmes raisons, ne permet pas de l’assigner en intervention forcée.

Ainsi la seule voie serait, au visa de l’article 552 du CPC, de relever par la suite appel contre le mandataire judiciaire, la procédure étant régularisée avant que le juge statue (par exemple en ce sens Cass com 9 juillet 2019 n°18-17129 pour l'appel d'un jugement arrêtant le plan)

Cependant s’agissant d’une fin de non recevoir et pas d’un vice de procédure, les Cours d’appel semblent juger, sans doute par référence avec l’article 126 du CPC applicable au demandeur, que la régularisation doit intervenir dans le délai d’appel. Cette solution n'est pas certaine, la Cour de Cassation ayant déjà jugé qu'en matière indivisible, l'appel dans les délais contre l'une des parties permettait la régularisation contre les autres au delà du délai Cass Civ 2ème 25 mars 1992 n°90-18045, Cass civ 3ème 23 juin 1999 n°97-22607 et en l'espèce jusqu'à ce que le Cour ait statué Cass com 5 décembre 2018 n°17-22350 (mais ce n'était pas la question posée)

La même décision Cass com 5 décembre 2018 n°17-22350 précise expressément que s'il a été omis d'intimer une partie dans la déclaration d'appel initiale, la régularisation ne peut intervenir par voie d'assignation en intervention forcée, réservée aux tiers, et ne peut intervenir que par une nouvelle déclaration d'appel.

Enfin le demandeur à une réclamation qui relève appel de la décision qui le déboute en intimant régulièrement toutes les parties mais en se désistant ensuite de son appel contre certaines d'entres elles, devient irrecevable en son appel Cass com 28 mars 2018 n°16-26454 et Cass com 28 Mars 2018 n°16-26453

De même le pourvoi en cassation contre l'admission d'une créance doit être dirigé contre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire Cass com 31 janvier 2018 n°16-20080

L'appel du créancier n'a par contre pas à être dirigé également contre l'administrateur judiciaire, a minima en procédure de sauvegarde, Cass com 20 avril 2017 n°15-18182  et  Cass com 13 décembre 2017 n°16-17975. (et évidemment en cas de redressement judiciaire suivant l'étendue du dessaisissement) mais doit être dirigé contre le débiteur et le mandataire judiciaire Cass com 31 mai 2016 n°14-20882 .

Si l'une des parties ne constitue pas avocat, les conclusions doivent lui être signifiées par huissier à peine de caducité de l'appel (dans le délai de l'article 911 du CPC) et le mandataire judiciaire ne peut renoncer à cette caducité.Cass com 13 décembre 2017 n°16-17975.

Les délais de distance sont applicables pour les créanciers étrangers (2 mois supplémentaires Cass com 15 mai 2001 n°98-11852 et Cass civ 2ème 18 septembre 2008 n°07-13747

En cas d'appel, " les débiteurs étaient tenus, à peine de caducité de leur déclaration d'appel, de signifier leurs conclusions au mandataire judiciaire intimé n'ayant pas constitué avocat, la cour d'appel n'avait pas à effectuer les recherches invoquées par les deuxième et troisième branches, rendues inopérantes par l'indivisibilité permettant à tout intimé de se prévaloir de la sanction de la caducité, laquelle, contrairement à ce que soutient la quatrième, ne porte aucune atteinte au droit du débiteur d'accéder au juge de la vérification du passif" Cass com 2 novembre 2016 n°14-25536 , la caducité de l'appel pouvant être invoquée par n'importe laquelle des parties.

(la caducité peut être soulevée d'office)

Voir pour d'autres précisions le mot mandataires de justice et changement de qualité

La particularité des parties au recours contre le jugement d'ouverture: le mandataire judiciaire représente-t-il les créanciers ?

Par un "raccourci" procédural, les mandataires de justice sont ainsi considérés comme parties à la décision qui a entraîné leur propre désignation, et sont nécessairement attraits aux instances statuant sur les recours contre ces décisions, qu'il s'agissent d'ailleurs de l'appel et même de la tierce opposition dont l'article 582 du CPC indique pourtant expressément que la juridiction se repositionne dans les mêmes conditions que lors des premiers débats, c'est à dire nécessairement à un moment où aucun professionnel n'était désigné.

Par exemple le débiteur qui fait appel du jugement de liquidation judiciaire doit intimer les mandataires de justice, y compris le liquidateur désigné (Cass com 13 septembre 2017 n°16-17001)

L'article R661-6 du code de commerce dispose d'ailleurs

"L'appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6 (c'est à dire ouverture, liquidation, plans, période d'observation, résolution du plan ...) et des chapitres Ier et III du titre V du livre VI de la partie législative du présent code, est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du code de procédure civile, sous réserve des dispositions qui suivent :

1° Les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés.

Dans tous les cas, le procureur général est avisé de la date de l'audience ;

...

4° Lorsqu'ils ne sont pas parties à l'instance d'appel, les représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel et, le cas échéant, le représentant des salariés ainsi que, le cas échéant, le cessionnaire, le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7, les titulaires des sûretés mentionnées à l'article L. 642-12 ou le bénéficiaire de la location-gérance sont convoqués pour être entendus par la cour. La convocation est faite par lettre simple du greffier ;

5° Aucune intervention n'est recevable dans les dix jours qui précèdent la date de l'audience "

Il en découle que dans le cadre d'une instance en contestation du jugement d'ouverture de la procédure, et par la fiction suivant laquelle le mandataire judiciaire est présent à l'instance devant statuer sur un recours contre sa propre désignation, le monopole d'action, de ce mandataire a pour conséquence, que sauf moyen qui lui serait spécifique, un créancier n'est pas plus recevable à intervenir à l'instance. 

Il a également été jugé que l'associé qui est intervenu en première instance pour contester l'état de cessation des paiements n'est pas pour autant une partie habilitée à relever appel du jugement d'ouverture Cass com 14 septembre 2022 n°21-12755

Voir en cas de recours contre un jugement d'extension par confusion

La procédure devant la Cour d'appel en procédures collectives

- l'appel des jugements arrêtant la cession d'entreprise, se déroule suivant la procédure à jour fixe

- l'appel des autres décisions rendues en matière de procédure collective ne se déroule pas de plein droit suivant la procédure à jour fixe ( R 661-6 du code de commerce), qui peut évidemment être sollicitée.

L'appel se déroule dans les formes de l'article 905 du CPC ( procédure applicable aux affaires urgentes dite à bref délai définie aux articles 905 et suivants du CPC)  et le délai de deux mois imparti à l'intimé pour conclure n'est donc pas applicable ( Cass Civ 1, 15 octobre 2015 n°14-22530), pas plus que le délai de trois mois imparti à l'appelant par l'article 908 dans la procédure ordinaire (Cass Civ 2, 3 déc 2015 n°14-20912).

Le texte précise que :

- les interventions ne sont pas recevables dans les 10 jours qui précèdent l'audience.

- lorsqu'il s'agit de l'appel des jugements suivants (renvoi à L661-6) : nomination des organes de la procédure, durée de la période d'observation, arrêt de l'activité, cession d'entreprise, résolution du plan de cession, la décision de la Cour d'appel doit être rendue dans les 4 mois. (R661-6)

La Cour de Cassation a été amenée à juger que si le mandataire de justice ne pouvait constituer avocat dans une procédure à représentation obligatoire, il est admis à adresser à la juridiction un courrier et des pièces rendant compte objectivement de l'avancement de la procédure collective, et que ces pièces ne devaient pas être écartées dès lors qu'elles avaient été communiquées au débiteur Cass com 24 Janvier 2018 n°16-22637

Quelques recours particuliers en procédure collective

Le cas particulier de l’état des créances et des décisions statuant sur l’admission des créances

Les recours des tiers sont des réclamations (article R624-8) faites dans le mois de la publication au BODACC de l’état des créances. Mais l’originalité est que ce recours est évoqué devant le juge commissaire. Autrement dit le créancier mécontent de l’admission d’un autre créancier va pouvoir tenter de convaincre le juge commissaire de revenir sur sa décision (un exemple Cass com 20 janvier 2021 n°19-13539 )

 

Les recours des parties, c’est-à-dire notamment du créancier pour sa propre admission de créance (article L624-3) sont faits devant la Cour d’appel R624-7 (alors même que la procédure standard est que le recours est formé devant le Tribunal). Le délai est le délai de droit commun (10 jours, voir ci dessus)

Comme pour toute décision de justice une décision même erronée, mais définitive a pour effet de dessaisir le juge qui ne peut plus statuer sur la même créance (cas d'une décision par laquelle le juge a constaté par erreur qu'une instance était en cours et contre laquelle l'appel est hors délai Cass com 6 juillet 2010 n°09-16403

Le recours des parties contre une décision du juge commissaire et pas contre l'état des créances

L'état des créances est le recueil des décisions du juge commissaire (article R624-8 du code de commerce), dont chacune est une décision juridictionnelle, et n'est pas en lui même un acte juridictionnel. Ce n'est donc pas contre l'état des créances que le recours doit être dirigé, mais contre

- une décision d'admission sans contestation, concernant un créancier voire même une créance (et le cas échéant il faut relever autant d'appel qu'il y a de créances), sous réserve de la recevabilité d'un recours qui ne fait pas suite à une contestation (voir ci après)

- une décision statuant sur une contestation de créance ou sur la compétence du juge commissaire, notifiée au débiteur et au créancier (article R624-4 du code de commerce)

Pour plus de précision voir le mot état des créances : les recours contre les décisions rendues après reprise d'une instance en cours ou après décision d'incompétence du juge commissaire ne sont pas des recours réglementés par les règles de la procédure collective et sont régis par le droit commun. Seules les décisions rendues par le juge commissaire sont régies par le droit des procédures collectives.

La recevabilité du recours: la partie qui n'a pas émis de contestation au stade de la vérification des créances est irrecevable à exercer des recours contre l'admission du créancier

Le débiteur qui n'a pas émis de contestation lors de la vérification des créances est irrecevable à relever appel de la décision du juge commissaire qui a admis le créancier (Cass com 8 janvier 2013 n°11-22796, Cass com 24 septembre 2003 n°00-21576 Cass com 3 octobre 2000 n°97-21585, Cass com 3 octobre 2000 n°97-21584, Cass com 14 novembre 2000 n°97-21590Cass com 14 janvier 1997 n°93-19381 pour un débiteur qui s'est présenté à la vérification et n'a fait aucune observation ou encore y a été représenté par une personne qui n'avait pas qualité - ce qu'elle n'avait pas invoqué au moment de la vérification des créances ( Cass com 3 juin 2009 n°08-12279)

Il en est de même du débiteur qui a été convoqué à la vérification des créances  mais ne s'y est pas présenté : il sera irrecevable en son appel Cass com 24 septembre 2003 n°00-21576 ainsi que celui qui n'a pas présenté d'observations dans le délai légal (prévu à l'article R624-1 du code de commerce)

Mais il suffit qu'il ait émis une contestation lors de la vérification des créances, peut importe si par la suite il n'a pas répondu aux arguments invoqués par le créancier dans le cadre de la contestation Cass com 2 novembre 2016 n°14-29292

Le débiteur qui a contesté pour un motif est par contre recevable à invoquer un autre motif de contestation en cause d'appel Cass com 29 mars 2023 n°21-21258

Voir cependant ci après pour le cas du débiteur qui n'a pas participé à la vérification des créances

La Cour de Cassation admet le recours du mandataire judiciaire, y compris contre une décision du juge commissaire qui déclare la déclaration de créance irrecevable et qu'il avait contestées (et on voit mal l'intérêt de cet appel, au sens de l'article 31 du CPC) Cass com 29 mai 2019 n°18-14911

L'appel du débiteur qui n'a pas participé, sans que ce soit de son fait, à la vérification des créances

La Cour de Cassation admet l'appel du débiteur bien que n'ayant pas élevé de contestation, n'a pas été mis en mesure de participer à la vérification des créances, mais pour autant le délai reste identique "le débiteur peut faire appel de l'état des créances comportant les décisions d'admission ou de rejet du juge-commissaire à condition qu'il démontre n'avoir pas été mis en mesure de participer à la vérification des créances, le délai de dix jours dans lequel il doit former ce recours a pour point de départ la publication au BODACC de l'insertion indiquant que l'état des créances est constitué et déposé au greffe"  et le débiteur n'est pas pour autant fondé à contester la reddition des comptes du mandataire judiciaire pour contester l'état des créances par cette voie détournée Cass com 15 novembre 2016 n°15-12610

Il n'appartient pas au débiteur qui n'a pas été appelé à la vérification des créances de rapporter la preuve négative de son absence de convocation, et il pourra donc relever appel des décisions portées sur l'état des créances dans les 10 jours du BODACC Cass com 28 mars 2018 n°17-10600

De même

-  le débiteur est recevable à relever appel s'il n'a pas été mis en condition de contester les créances (par exemple le courrier l'invitant à participer à la vérification des créances ne lui est pas parvenu en raison d'une erreur d'adresse Cass civ 1ère 17 novembre 2011 n°10-24373).

- le débiteur qui n'a pas été informé d'une déclaration de créance et n'a pas été amené à la vérifier (et a fortiori s'il n'a reçu aucune liste de créances à vérifier) peut émettre des contestations en cause d'appel Cass civ 2ème 17 novembre 2011 n°10-24373

Ainsi le débiteur qui n'a pas été convoqué à la vérification des créances pourra relever appel de l'état des créances (Cass com 27 mai 2014 n°13-15514 a contrario)

La procédure

Le "recours" est défini à l'article L624-3 du code de commerce: il est formé devant la Cour d’appel (article R624-7) sauf si la créance est inférieure au seuil de compétence en premier et dernier ressort du Tribunal (4.000 € en 2015) auquel cas le juge commissaire statue en dernier ressort et seul le pourvoi en cassation est possible (article L624-4 du code de commerce). Evidemment le recours formé devant le Tribunal est irrecevable Cass com 15 février 2000 n°97-21197, la seule voie de recours ouverte aux parties étant devant la Cour d'appel.

Le terme "recours" dont la loi spécifie qu'il est porté devant la Cour d'appel, employé pour les décisions statuant sur les créances et pour celles statuant sur les cessions de biens du débiteur en liquidation est assez singulier: ce n'est pas stricto sensu un acte d'appel, mais c'est bien un acte d'appel qui est l'habillage utilisé, ce serait-ce que pour des raisons pratiques (utilisation du RPVA notamment), et l'emploi impropre du terme "déclaration d'appel" ne semble pas choquer les juridictions.

Le délai de 10 jours reste applicable puisque c'est le délai d'appel "de droit commun" (article R661-3) en matière de procédure collective et que l'article R624-7 n'en précise pas d'autre: ce délai court de la notification de l'ordonnance du juge commissaire (en cas de contestation de créance) et a priori du BODACC de l'état des créances pour celles des créances qui n'avaient pas été contestées (mais on voit mal dans ce cas que la décision soit contestée et le recours est a priori irrecevable, ce qui explique que la décision d'admission sans contestation n'est pas notifiée mais simplement portée à la connaissance des parties par lettre simple du greffe au visa de l'article R624-3 du code de commerce)

Pour être régulière et faire courir le délai de recours, la notification doit mentionner les délais et modalités de recours (cf article 680 du CPC et Cass com 10 Juillet 2001 n°98-16698 ) et préciser devant quelle juridiction le recours doit être porté Cass civ 2ème 3 Mai 2001 n°99-18326 

Sur cette question voir également notification et significations mentions obligatoires

Les textes antérieurs à la loi de sauvegarde de 2005 (applicable aux procédures ouvertes le 01.01.2006) avaient organisé cette voie de recours dérogatoire contre l'ordonnance du juge commissaire statuant sur un relevé de forclusion, a priori pour harmoniser le recours comme toutes les décisions rendues en matière de vérification des créance (ancien article L621-46 du code de commerce). La loi de sauvegarde est venue supprimer cette particularité pour l'action en relevé de forclusion (maintenue pour les décisions statuant sur la vérification des créance, qui restent soumises à appel), et désormais c'est le droit commun qui s'applique: l'ordonnance qui statue sur un relevé de forclusion fait l'objet d'un recours devant le Tribunal, et le jugement rendu peut ensuite faire l'objet d'un appel (ce qui rend irrecevable le pourvoi contre le jugement Cass Com 12.01.2016 n°14-18936)

La question peut se poser de savoir si l'appel est à jour fixe ou pas.

A priori la procédure suivie devrait être la procédure à bref délai de l'article 905 du CPC (ce qui n'interdit pas le jour fixe) y compris en cas d'incompétence du juge commissaire (on rappellera que le contredit n'existe plus), même s'il est vrai que l'article R661-6 du code de commerce n'évoque que les jugements, dès lors que, précisément, l'ordonnance du juge commissaire fait l'objet du recours habituellement réservé aux jugements (mais la question ne semble pas être tranchée).

Il convient cependant de préciser que si le juge commissaire a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente, comme il peut le faire s'il se déclare incompétent, sa décision ne sera pas susceptible d'appel sauf autorisation du premier président (article 380 du CPC), et sauf excès de pouvoir (ce qui n'est pas établi si le juge commissaire a désigné pour saisir la juridiction compétente celle des parties pour laquelle c'est le moins "logique" Cass com 27 septembre 2016 n°14-18998 et 14-21231)

Rappelons enfin que les décisions du juge commissaire sont exécutoires : ainsi si le juge commissaire s'est déclaré incompétent, sa décision ouvre un délai d'un mois pour saisir la juridiction compétente, et, a priori, ce délai n'est pas suspendu par un appel (on peut simplement imaginer que si la Cour annule la décision et, dans le cadre de l'évocation, prononce une nouvelle décision d'incompétence, un nouveau délai sera ouvert, mais ce ne sera pas le cas si la Cour ne fait que confirmer la décision)

Sur la notion de partie au recours et celles qui doivent être intimées, voir les parties.

(le recours en révision est possible voir notamment Cass com 8 juillet 2003 n°99-18393

L'appel un droit propre du débiteur

L'appel est un droit propre du débiteur, c'est à dire qu'il peut l'exercer seul nonobstant le dessaisissementCass com 1er octobre 2002 n°99-16399

Si le débiteur ne saisit pas la Cour de renvoi en suite de la cassation de l'arrêt qui, infirmant le jugement rendu sur recours, avait fait droit aux contestations de créance, l'affaire est en l'état du jugement qui a admis la créance Cass com 18 janvier 2023 n°21-24005 

Recours des tiers contre l’état des créances:

 A côté de l’appel, réservé aux parties c'est-à-dire au débiteur, au mandataire judiciaire et au créancier concerné par la décision, la loi aménage aussi une voie de recours pour les tiers (ce qui suppose un intérêt à agir légitime)

Il s’agit ici d’une réclamation, régie par l'article R624-10, qui, à la différence du recours de droit commun contre les ordonnances du juge commissaire, (examiné par le Tribunal), relève de la compétence du juge commissaire (il serait impropre de qualifier le recours de tierce opposition et précisément la tierce opposition est irrecevable Cass com 6 décembre 2011 n°10-25571

Le délai lui aussi est spécifique : dans le mois du BODACC de l’état des créances par requête remise ou adressée au greffe (R624-10 qui dans sa version qui découle du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 a supprimé la déclaration au greffe, ce texte étant applicable aux procédures en cours) dans le mois de la décision (article R624-8).

Faute d'exclusion par le texte, la décision rendue sur la réclamation pourra faire l'objet du "recours" porté devant la Cour d'appel organisé par l'article R624-7 , ce que précise expressément l'article R624-10.

Bien entendu le recours des tiers contre les décisions rendues suite aux reprises d'instance ou aux décisions d'incompétence du juge commissaire sont soumises au recours de droit commun (tierce opposition)

Le tiers veillera à attraire à la procédure toutes les parties (voir ci dessus)

Le tiers est recevable à former recours dès lors qu'il invoque un intérêt personnel au succès de sa demande et par exemple qu'il conteste le caractère privilégié d'une créance qui le prime. Cass com 2 juin 2021 n°19-24154 (cas du droit Polynésien, mais transposable) 

Recours de la caution

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021

En application de l'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021, applicable pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, un alinéa 2 a été introduit à l'article L624-3-1 du code de commerce qui dispose « Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu'elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée"

Il en découle que désormais pour actionner la caution, il conviendra de lui dénoncer l'état des créances, ce qui lui ouvrira un recours contre l'état des créances dans le délai d'un mois de la signification (R628-8 modifié par le décret 2021-1218 du 23 septembre 2021). Le texte ne précise pas l'auteur de la signification mais a priori c'est évidemment le créancier qui y a intérêt. Le texte ne précise pas plus devant quelle juridiction le créancier devra contester l'admission.

A priori si le juge commissaire est en fonction c'est par le biais du recours évoqué ci dessus que la caution contestera l'admission (ce qui aura l'avantage que la décision sera opposable à tous)

Si le juge commissaire n'est plus en fonction ou si la cautionr oppose sa contestation par voie d'exception il n'est pas exclu que le juge saisi de la demande du créancier puisse statuer.

Les recours contre les ordonnances du juge statuant sur les cessions d'actifs (immeubles ou biens mobiliers): un appel que la Cour de cassation tend à étendre aux tiers 

Le recours des parties s'exerce par exception devant la Cour d'appel  (respectivement R642-37-1 pour les immeubles et R 642-37-3 du code de commerce pour les biens mobiliers (attention antérieurement au décret du 12 février 2009 cette exception n'existait pas et le recours était porté devant le tribunal conformément au droit commun du recours contre l'ordonnance du juge commissaire (R621-21 du code de commerce avec limitation des voies de recours contre la décision du Tribunal, cette limitation n'étant pas contraire à la constitution Cass com 2 juin 2021 n°20-22053)

Le délai est le délai de droit commun (10 jours) voir le mot 

Le terme "recours" dont la loi spécifie qu'il est porté devant la Cour d'appel, employé pour les décisions statuant sur les créances et pour celles statuant sur les cessions de biens du débiteur en liquidation est assez singulier: ce n'est pas stricto sensu un acte d'appel, mais c'est bien un acte d'appel qui est l'habillage utilisé, ce serait-ce que pour des raisons pratiques (utilisation du RPVA notamment), et l'emploi impropre du terme "déclaration d'appel" ne semble pas choquer les juridictions.

A priori ces décisions ne devraient pas , semble-t-il, pouvoir faire l'objet de recours des tiers ou des candidats non retenus - Cass com 2 décembre 2014 n°12-29916, Cass com 3 nov 2015 n°14-14170 et Cass com 10 mars 2015 n°13-25352), la voie de l'appel (qui est en pratique celle employé même pour "habiller" le recours), devant en théorie être réservée aux parties

Les tiers, par exemple le bailleur, le candidat évincé, ou un créancier inscrit sur le bien cédé ne devraient pas avoir, a priori, de recours, et c'est ce qui a été jugé dans un premier temps  (par exemple Cass com 14 décembre 2010 n°10-17235 pour un candidat évincé dans une vente d'immeuble ou Cass com 18 mai 2016 n°14-24929 pour le pourvoi en cassation d'un créancier nanti dans une vente de fonds de commerce, qui avait fait une intervention volontaire accessoire en cause d'appel). 

On peut invoquer plusieurs arguments au soutien de cette position:

- pour l’état des créances (voir ci  dessus), où là aussi le "recours" des parties est porté devant la Cour d'appel, la loi a pris soin de ménager également une voie de recours des tiers qui s’appelle la réclamation (article R624-8 AL 4): si la loi ne l’a pas fait pour les ventes, c’est sans doute volontaire

- Même dans le cas des cessions d’entreprise (jugement), qui sont dans l’esprit de la loi des opérations plus importantes que les cessions d’actif, la tierce opposition est exclue (article L 661-7) . Même le contractant cédé n'est recevable que restrictivement à relever appel de la cession d'entreprise (Cass com 19 décembre 2018 n°17-17398 et voir également ci après).On voit mal pourquoi dans les cessions des actifs qui sont des opérations de moindre importance, le recours des tiers serait admis

- l'article R 642-37-3 ne prévoit pas de notification de l’ordonnance aux tiers intéressés, alors que l'article R 621-21 qui est le texte général pour les ordonnances du juge commissaire prévoit que le greffe notifie aux tiers intéressés : si pour les ventes le texte ne le prévoit pas on peut soutenir que c'est parce que les tiers intéressés, qui seraient en droit commun recevables à former une tierce opposition, n’ont pas de recours.

- La Cour de Cassation admettait très restrictivement les droits de recours des tiers dans l’ancienne version du texte (ou le recours était formé devant le Tribunal) et par exemple les candidats évincés ne pouvaient pas faire de recours (Cass com 16.11.2010 et surtout Cass com 14.12.2010 n°10-17235).

- l'article 546 du CPC prévoit expressément que l'appel est ouvert aux parties (comprendre en première instance) et en l'espèce les tiers ne sont pas partie en première instance

La question est longtemps restée sans avoir été véritablement évoquée devant la Cour de Cassation

Un arrêt du 18 mai 2016 (Cass com 18 mai 2016 n°14-19622) est venu apporter une solution assez inattendue: l'appel du créancier hypothécaire serait recevable, contre l'ordonnance du juge commissaire qui statue sur la vente de l'immeuble support de l'hypothèque, au motif que le recours prévue à l'article R642-37-1 du code de commerce (recours devant la Cour d'appel contre les ordonnances du juge commissaire statuant sur les cessions d'actifs du débiteur) est ouvert "aux parties et aux personnes, dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, dans les dix jours de leur communication ou notification"

Pourtant l'article R642-37-1 se limite à indiquer "Le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 est formé devant la cour d'appel."

En l'espèce la Cour d'appel avait donc logiquement jugé que la notification de l'ordonnance avait simplement vocation à informer le créancier et ne lui ouvrait pas la voie de l'appel (et par ailleurs la tierce opposition, qui est la voie logique pour un tiers, est expressément exclue par les textes)

La décision rendue, qui contourne l'impossibilité de tierce opposition en ouvrant un appel au tiers, est singulière, l'article R642-37-1 se contentant d'indiquer que le recours est porté devant la Cour d'appel, mais évidemment si elle devait être reconduite amènerait une modification de la pratique.

Cette décision est d'ailleurs d'autant plus étonnante en l'espèce que le créancier hypothécaire dispose d'un droit de surenchère, qui est précisément la possibilité de manifester une critique sur le prix arrêté par le juge commissaire, et qu'il est certain que l'absence de recours contre l'ordonnance du juge commissaire, s'il était autorisé, ne vaut évidemment pas dispense de purge: autrement dit, admettre un recours contre l'ordonnance donne au créancier inscrit une possibilité supplémentaire - et donc redondante avec le droit commun - de contestation de la décision.

Un arrêt du 11 octobre 2016 n°14-26716 retient une solution identique

Certains soutiennent que cette solution était peut-être déjà suggérée par un précédent arrêt (Cass com 11 février 2014 n°12-26208) qui laisse penser qu’un créancier aurait du relever appel … mais cela ne semble pas évident

Pour autant un raisonnement exactement inverse à celui tenu par la Cour de Cassation dans l'arrêt du 18 mai 2016 est adopté en matière de nullité de la période suspecte, où la Cour de Cassation a jugé que le débiteur, qui n'est pas partie à la décision statuant sur la nullité, n'est pas, pour cette raison, recevable à exercer des recours Cass com 8 mars 2017 n°15-18495

Une décision du 4 mai 2017 (Cass com 4 mai 2017 n°15-13326) est venu, peut-être à l'inverse (mais la motivation ne permet pas d'en être certain), juger irrecevable "l'appel" (et c'est donc bien d'un appel qu'il s'agit) du bailleur dont le bail était résilié consécutivement à une cession au motif qu'il n'élevait aucune prétention recevable contre la liquidation (il s'agissait d'une cession de pharmacie, mais sans le bail, lequel était résilié, et tant le bailleur que les locataires voisins du centre commercial se plaignaient de la perte d'attractivité de ce centre dès lors qu'aucune nouvelle pharmacie ne pourrait par la suite y être installée) ... mais une décision plus récente vient préciser au contraire "qu'il résulte de l'article R. 642-37-3 du code de commerce que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-19 du même code est formé devant la cour d'appel ; que ce recours est ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions" (Cass com 20 septembre 2017 n°16-15829)

Un arrêt Cass com 24 janvier 2018 n°16-18795 est encore plus précis pour mettre à mal l'argument fondé sur l'article 546 du CPC et admet l'appel d'un tiers intéressé, et casse un arrêt d'appel qui, se fondant précisément sur l'article 546, avait jugé l'appel du tiers irrecevable. Par la suite un arrêt Cass com 3 avril 2019 n°17-28954 a confirmé que l'appel n'était pas réservé qu'aux parties, dans une espèce assez particulière : un tiers avait acquis l'immeuble du débiteur avant que ce dernier se trouve en liquidation judiciaire, mais la réitération de l'acte n'était pas intervenu avant le jugement, de sorte que le liquidateur a trouvé un autre acheteur: il est jugé que le premier acquéreur n'aurait pas du former tierce opposition mais l'appel prévu par le texte (cette décision se comprend sur le terrain des voies de recours, mais moins sur celui de la propriété, le liquidateur ayant vendu un bien qui n'était plus dans le patrimoine du débiteur).

On peut donc penser que la brèche est maintenant ouverte pour admettre l'appel des parties mais également des tiers intéressés.

Pour autant la notion de tiers intéressé doit être appréciée rationnellement : on peut admettre (et avec beaucoup de réserve) que le bailleur ou le créancier inscrit sur le bien cédé soit tiers intéressé.

La question du candidat évincé est entière, avec plutôt une faveur pour l'exclusion du recours, par assimilation avec des dispositions régies par les textes antérieurs à l'époque où le recours était porté devant le tribunal Cass com 11 février 2014 n°12-28341 Cass com 23 septembre 2014 n°13-20523 (à la vérité surprenant), mais étant précisé que la question n'est pas franchement tranchée au regard des textes actuels. L'absence de recours du candidat évincé serait en tout état logique par comparaison à la cession d'entreprise, où il l'est incontestablement. On peut ajouter (voir ci dessous) que le candidat n'a aucun droit de principe à ce que son offre soit retenue et doit à ce titre être écarté des recours (Cass com 31 mai 2011 n°10-17774  Cass com 14 décembre 2010 n°10-17235  Cass com 28 avril 2009 n°07-18714  et dans le même esprit pour une cession d'entreprise Cass com 24 octobre 2019 n°19-13160

Pour autant un tiers qui en droit commun n'aurait pas de voie de recours ne saurait être admis à exercer un appel.

Par exemple un associé, qui en droit commun (et sauf action attitrée cf Cass com 6 décembre 1977 n°76-11061 ou Cass com 19 mars 2013 n°12-14213) n'a aucune qualité pour exercer l'action sociale, ni former tierce opposition contre une décision concernant la société, n'est pas à notre avis recevable à relever appel d'une décision de cession d'actif sans justifier d'un intérêt propre au sens de l'article 583 du CPC alinéa 2 

(ce n'est en effet que dans ces conditions qu'en droit commun un associé pourra exercer une tierce opposition : par exemple Cass civ 3ème 20 février 2002 n°00-14845 , Cass com 8 février 2011 n°09-17034 , Cass com 8 octobre 2013 n°12-18252 ou Cass com 19 décembre 2006 n°05-14816 et Cass civ 3ème 6 octobre 2010 n°08-20959 s'agissant d'actions exposant directement l'associé en raison de sa responsabilité indéfinie, comme l'ouverture de la procédure collective ou une action condamnant la société dont il est responsable).

En outre le tiers qui prétend exercer un recours contre l'ordonnance du juge commissaire n'est recevable que si ses droits sont directement affectés (Cass com  29 mai 2019 n°18-14606),

La procédure devant le juge commissaire n'a pas à être reproduite par la Cour d'appel, qui n'a pas à entendre le débiteur comme l'aurait fait le juge commissaire Cass com 6 mars 2019 n°17-11242

Le recours contre une cession d'entreprise ou le rejet d'une cession d'entreprise 

Les voies de recours: l'appel des parties et pas de tierce opposition (sauf exception)

L'article L661-6 du code de commerce limite considérablement les possibilités de recours contre les cessions d'entreprise, pour éviter de compromettre des reprises d'entreprise:

- La tierce opposition est écartée par l'article L661-7 du code de commerce . Certaines décisions font droit à des "tierce opposition nullité", au profit de contractant qui contestaient le transfert de la charge de la sûreté, ou l'affectation d'une quote-part du prix de cession, au prétendu motif que si la tierce opposition est exclue, la voie de nullité reste ouverte. Cette pratique est, à notre avis, en infraction totale avec l'article 460 du CPC qui est la traduction de l'adage "voie de nullité n'ont lieu contre les jugements" même si la Cour de Cassation a tendance à considérer que l'excès de pouvoir ouvre un recours fermé en droit commun (par exemple Cass com 17 novembre 2009 n°08-18588. ou Cass com 16 juin 2021 n°19-25153 pour un tiers qui invoquait une fraude à ses droits)

Le recours nullité a toujours bénéficié d'un statut atypique, et il est vrai qu'il permet parfois de solutionner des anomalies gênantes d'une décision (par exemple une cession qui impose au contractant des charges non prévues au contrat : il est logique que le contractant, qui n'a pas la voie de l'appel, puisse invoquer l'excès de pouvoir).

La tierce opposition est également admise en cas de fraude aux droits du tiers qui invoque un moyen qui lui est propre Cass com 8 février 2023 n°21-14189 (cas de l'associé dont le plan de redressement prévoyait qu'il serait représenté par un mandataire ad-hoc pour exercer ses droits de vote)

- L'appel du jugement qui arrête ou rejette la cession d'entreprise est réservé au débiteur, au ministère public et au cessionnaire retenu auquel la décision imposerait des charges non prévues dans son offre (pour un exemple de rejet Cass com 29 mai 2019 n°18-16545 faute d'excès de pouvoir ou Cass com 20 janvier 2021 n°19-13340 dans le même sens) ainsi qu'au contractant dont le contrat est cédé (mais restrictivement pour ce qui ne concerne que son contrat). Par exemple est une charge nouvelle un contrat transféré non prévu par le candidat Cass com 15 décembre 2009 n°08-21235 "le tribunal ne peut imposer au repreneur la cession d'un des contrats mentionnés par l'article L. 642-7 précité dont l'exécution aggraverait les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation de son offre qui ne mentionnait pas la reprise de ce contrat". Le tribunal ne peut donc imposer la reprise d'un effectif supérieur à celui annoncé dans l'offre, une charge financière non prévue 

Ni les mandataires de justice, ni les candidats évincés ( Cass com 24 octobre 2019 n°19-13160 ) ni les institutions représentatives des salariés n'ont le droit d'appel (pour un exemple de rejet de l'appel pour excès de pouvoir du candidat évincé au motif qu'il ne serait pas recevable à former tierce opposition si cette voie de recours lui était ouverte Cass com 10 mars 2009 n°07-20719.

De la même manière le créancier prêteur qui voudrait contester la décision soit de non transfert de la charge du prêt soit la décision qui n'a pas évoqué ce transfert nonobstant les dispositions de l'article L642-12 du code de commerce, n'est pas partie et donc pas recevable à relever appel - y compris appel nullité - Cass com 15 décembre 2009 n°08-21553 Cass com 19 décembre 2018 n°17-17398. Etant d'ailleurs relevé que le texte ne prévoit pas que le jugement arrêtant la cession soit notifié au prêteur même s'il a été convoqué à l'audience, ce dont il ne peut tirer argument pour se prétendre partie. L'article R661-3 du code de commerce ne prévoit en effet la notification du jugement qu'au contractant, au cessionnaire et au bailleur (certains auteurs considèrent que le prêteur écarté du jeu de l'article L642-12 devrait pouvoir exercer une tierce opposition nullité (dans les 10 jours du BODACC), ce qui suppose que la juridiction ait commis un excès de pouvoir - et est donc exclu si le Tribunal fait une fausse appréciation par exemple de la validité du nantissement Cass com 28 juin 2016 n°14-21766. Ceci étant l'excès de pouvoir semble en l'espèce complexe à établir, dès lors qu'il n'est pas retenu si le transfert est écarté sans motif Cass com 24 mai 2018 n°17-11665 et qu'il n'est pas non plus admis en cas d'erreur d'appréciation (ce qui est logique) et que, bien entendu il n'est pas admissible si le créancier n'a fourni aucun élément au tribunal Cass com 18 janvier 2011 n°10-30024

Le droit commun s'applique pour l'appréciation de l'intérêt à agir, et le débiteur, qui dispose du droit d'appel au nom de son droit propre, doit justifier d'un intérêt à relever appel, ce qui n'est pas le cas s'il n'a proposé aucun plan de redressement et ne s'est pas opposé à la cession, outre le fait que les arguments développés en appel sont exclusivement dans l'intérêt du dirigeant et non pas du débiteur Cass com 23 octobre 2019 n°18-21125 (comme l'indique l'arrêt lui même, cette jurisprudence est un revirement d'une précédente décision de la Cour de Cassation, dans la même affaire, qui avait jugé que le débiteur avait un droit de relever appel sans avoir à justifier d'un intérêt)

(Par une très singulière décision, contraire au principe suivant lesquels "voie de nullité n'ont lieu contre les jugements" la Cour de Cassation semble admettre le recours du comité d'entreprise, dans le cas très particulier d'excès de pouvoir Cass com 17 février 2015 n°14-10279, ce qui, par l'effet dévolutif (notamment cass com 28 mai 1996 n°94-14232) , revient à conduire à un examen au fond. Cette décision n'est pas conforme à la lettre des textes.

L’article L661-6 dispose "III.-Ne sont susceptibles que d'un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat."

Ainsi le cessionnaire auquel des charges différentes de l'offre sont imposées (reprise d'un contrat non souhaité ou non reprise d'un contrat souhaité) et le contractant cédé peuvent relever appel (il n'est pas un tiers Cass com 17 novembre 2009 n°08-18588) mais de manière limitée à la cession de son contrat, et n'étant pas partie il n'est pas recevable à relever appel du tout Cass com 19 décembre 2018 n°17-17398 

La question de la sanction du non respect de la procédure de convocation des contractants est diversement traitée en jurisprudence : la Cour de Cassation semble considérer que le tribunal ordonne la cession d'un contrat sans que le contractant ait été convoqué ne commet pas d'excès de pouvoir Cass com Cass com 22 novembre 2011 n°10-23576, ce qui n'entrainerait pas la nullité de la décision (ou de la partie de la décision concernant la cession du contrat) Cass com 21 septembre 2010 n°09-14931 Cass com 22 novembre 2011 n°10-23576

Certaines Cours d'appel évoquent la nécessité d'un grief pour reprocher valablement à la juridiction de ne pas avoir convoqué le contractant et finalement le flou entretenu autour de la question est assez peu respectueux des droits du contractant.

Mais en tout état la voie de l'appel réformation est ouverte au contractant cédé et a fortiori au contractant cédé sans que la procédure ait été respectée.

Autre particularité : il n’y a pas de tierce opposition. Ce recours n’est pas prévu par les textes, les tiers ne peuvent faire de recours contre une cession d’entreprise.

(la question du contractant cédé qui n'a pas été convoqué n'est pas tranchée, mais a priori il doit être considéré comme partie s'il est visé dans la décision).

Les restrictions aux possibilités d'intervention volontaire

L'article R661-6 du code de commerce précise qu'aucune intervention n'est recevable dans les 10 jours qui précèdent la date de l'audience. Comme exposé ci après l'intervention volontaire du candidat repreneur évincé est irrecevable.

L'effet de l'appel sur l'exécution provisoire

L'appel du ministère public est suspensif, alors que celui des autres parties ne l'est que s'il en est décidé par le Premier Président de la Cour d'appel (à condition qu'il en soit saisi) au visa de l'article R661-1 du code de commerce qui permet la levée de l'exécution provisoire dans des conditions dérogatoires par rapport au droit commun (il est nécessaire que les moyens d'appel "paraissent sérieux")

Le délai d'appel

L’article L661-6 III l’article R661-3 organisent spécifiquement les délais de recours en matière de cession d’entreprise :

L’appel du débiteur est dans les 10 jours du jugement et pas de sa notification, contrairement au droit commun.(concrètement le débiteur est à l’audience du tribunal statuant sur la cession et la date de délibéré est indiquée : il sait donc quand le jugement sera rendu); L'appel au delà du délai est irrecevable Cass com 14 mars 1995 n°92-21007

Pour les autres parties il faut distinguer: l'article R642-4 précise que le jugement est communiqué aux mandataires de justice et au Parquet (R621-7), et signifié aux parties qui ont qualité pour relever appel, autres que le bailleur, le Parquet et les contractants. Pour le contractant, le cessionnaire et le bailleur, l'article R661-3 prévoit une notification à la diligence du greffe dans les 48 heures de la décision , qui ouvre le délai d'appel de 10 jours.

Le délai d'appel du ministère public est de 10 jours de l'avis qu'il reçoit du greffe (qu'il 'agisse de l'appel du procureur de la République ou du Procureur général, cf article R661-3 qui a mis un terme au délai différencié (15 jours) dont bénéficiait le Procureur général dans les législations antérieures.

La procédure d'appel: procédure à jour fixe

Pour accélérer la solution définitive, l'article R661-6 2) prévoit que l'appel est soumis à la procédure à jour fixe, selon les modalités de la procédure à représentation obligatoire.

Il y a eu débat sur le fait que l'absence de respect de la procédure à jour fixe entraîne l'irrecevabilité de l'appel (dans le sens de l'irrecevabilité CA Dijon Chambre civile 1, 26 avril 2012 n°11/02232 jurisdata 2012-009243 et en sens contraire Cass com 14 mai 1996 n°94.21847 ) mais l'irrégularité (dépassement du délai) de la requête tendant à être autorisé à assigner à jour fixe ne rend pas l'appel irrecevable dès lors qu'il a été exercé dans le délai légal (Cass com 20 janvier 1998 n°95-19474 )

Finalement la Cour de cassation a jugé que l'appel du jugement qui a rejeté le plan de redressement et arrêté la cession d'entreprise est soumis à la procédure à jour fixe, et que l'appel formé autrement est irrecevable Cass com 23 octobre 2019 n°18-17926 Cass com 23 octobre 2019 n°18-21125

L'instance d'appel : les parties et les personnes convoquées

Le déroulement de l'instance d'appel est annoncé à la lecture de l'article R661-6 du code de commerce: les mandataires de justice sont intimés, le Procureur Général est informé de la date de l'audience, les institutions représentatives des salariés sont convoqués pour être entendus (et ne sont donc pas partie).

Le texte précise également que sont convoquées "le cas échéant" le cessionnaire, les contractants et les titulaires de sûreté dont la charge est transmise au visa de l'article L642-12.

Cette curieuse mention "le cas échéant" provient en réalité du fait que l'article R661-6 réglemente les appels de l'ensemble des jugements prévus aux articles L661-6 et R661-6 du code de commerce: ainsi dès lors qu'il s'agit de l'appel d'un jugement arrêtant la cession le cessionnaire retenu en première instance, les contractants et les titulaires de sûretés sont convoqués à l'audience (même s'ils ne sont pas intimés puisqu'ils ne sont pas parties)

L'instance d'appel: le repreneur évincé n'est ni intimé ni intervenant mais peut être entendu

La Cour de Cassation précise d'ailleurs que  "le tribunal n'est pas tenu de procéder à l'audition des candidats repreneurs et que ceux-ci, quand bien même seraient-ils entendus pour une bonne administration de la justice, n'ont pas de prétentions à soutenir au sens des articles 4 et 31 du nouveau Code de procédure civile ; que dès lors, .... qui n'était pas partie à l'instance et à l'encontre de laquelle aucune condamnation n'a été prononcée, est irrecevable à se pourvoir" (en l'espèce relever appel)  Cass com 22 mars 1998 n°87-15902 Cass com 10 mars 2009 n°07-20719 (appel après tierce opposition irrecevable du candidat évincé : "la cour d'appel a décidé à bon droit que les sociétés ... , candidat repreneur évincé, n'ayant aucune prétention à faire valoir") et Cass com 10 mars 2009 n°07-20720, ainsi que Cass com 17 novembre 2009 n°08-18588. Le candidat évincé qui exerce des recours irrecevable qui induit des conséquences préjudiciables peut engager sa responsabilité en raison de ce recours Cass com 11 mai 1999 n°98-11392 puisqu'il "n'avait pas de prétention à faire valoir et a commis une faute en exerçant néanmoins un recours". Le candidat évincé n'a donc pas à être intimé

N'ayant aucune prétention à faire valoir, le candidat évincé n'a pas à être entendu "Mais attendu qu'ayant relevé que la société ... a la qualité de repreneur évincé, l'arrêt en déduit qu'elle est irrecevable à interjeter un appel sur le fondement de l'article L. 661-6 III du code de commerce à l'encontre du jugement arrêtant ou rejetant un plan de cession ; qu'il retient encore que la société ... , qui n'est pas, en sa qualité d'éventuel repreneur, partie à l'instance et n'a pas de prétention à soutenir au sens des articles 4 et 31 du code de procédure civile, ..........." Cass com 27 mars 2012 n°11-10139 rendu sur la recevabilité de l'appel, mais à notre avis parfaitement transposable sur l'absence de présence à l'audience d'appel du candidat évincé.

L'instance d'appel ne peut être l'occasion d'y faire intervenir un intervenant qui n'aurait aucune qualité pour relever appel, sauf ceux expressément et limitativement énumérés par le texte (les mandataires de justice et les salariés), mais il semble que rien n'empêche la Cour d'entendre les candidats si elle l'estime d'une bonne administration de la justice, comme c'est le cas pour le Tribunal.

La pratique qui consiste par exemple pour le débiteur appelant à intimer un candidat évincé pour lui permettre de s'exprimer devant la Cour est à banir, et est sanctionnée par le défaut de qualité de ce candidat, cette fin de non recevoir pouvant, au visa de l'article 125 du CPC être soulevée d'office par le juge (Cass com 17 décembre 2003 n°01-01228 sur cette fin de non recevoir pour défaut de qualité à défendre). Plus précisément l'appel dirigé contre un "intimé" plus exactement un prétendu intimé qui n'était pas partie en première instance (Cass Civ 2ème 19 mai 1999 n°97-11802; Cass civ 2ème 12 juin 2003 n°01-13922 , Cass civ 2ème 15 janvier 1992 n°90-16556, Cass civ 2ème 31 mars 2011 n°10-11730 "Mais attendu qu'aux termes de l'article 547 du code de procédure civile, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance ; qu'ayant relevé que la société ... n'avait pas été partie en première instance, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel était irrecevable"; Cass civ 2ème 17 février 2011 n°10-30182 Dans le même sens Cass com 8 novembre 1988 n°87-18077, Cass civ 1ère 10 juillet 2014 n°12-21533

En outre aucune intervention n'est recevable dans les 10 jours qui précédent l'audience (et en tout état pour faire une intervention encore faut-il avoir un intérêt légitime, ce qui est apprécié très restrictivement, Cass com 27 novembre 1991 n°90-13970) et manifestement le candidat évincé n'est pas recevable à intervenir, ce qui, même irrecevable, peut être l'occasion de préciser qu'il maintien (ou modifie) son offre examinée en première instance CA AIX 22 Mai 2001 00/10895 PEZZINO / BONHOMME "le repreneur évincé qui n'a pas de prétention à faire valoir au sens des articles 4 et 31 du CPC n'est pas partie à la procédure de première instance et ne peut donc être intimé en vertu des dispositions de l'article 547 du CPC .... attendu que devant le tribunal de commerce l'offre doit être soumise à l'administrateur judiciaire qui en fait l'analyse dans le rapport qu'il dépose au greffe, que durant la procédure d'appel seule l'offre nouvelle doit être soumise directement à la cour, le repreneur évincé pouvant sur mise en cause ou convocation du greffe confirmer sans forme son offre primitive sur simple interpellation ou par l'intermédiaire d'un avocat, que les conclusions de ... qui ne retranchent ni n'ajoutent à l'offre présentée en première instance si elles s'analysent procéduralement en une intervention prohibée n'en valent pas moins réitération de la confirmation antérieure de l'offre en soit régulière et suffisante ...."

Synthèse des personnes entendues ou parties devant la Cour d'appel

Ainsi à la lettre de l'article R661-6 du code de commerce, procéduralement

- l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire sont intimés (ainsi que le débiteur s'il n'est pas appelant),

- le Procureur général est avisé de la date de l'audience,

- les institutions représentatives des salariés sont convoqués (bien que n'étant pas partie et donc pas intimés) ainsi que les contractants (mais a priori uniquement ceux concernés par l'offre de cession retenue et pas ceux qui pourraient être concernés par une offre évincée), les titulaires de sûretés et le cessionnaire retenu en première instance (s'ils ne sont pas appelants puisque bien que n'étant pas partie ils ont un droit d'appel spécifique et encadré).

- les interventions sont restreintes

- les candidats évincés en première instance ne sont pas partie (et donc ne sont pas intimés)  ni recevables en une intervention. La Cour peut par contre décider d'entendre ces candidats évincés ainsi que tout autre personne.

C'est la stricte application de l'article 547 du Code de Procédure civile: seules les parties à la décision de première instance sont intimées.

L'instance d'appel et l'effet dévolutif: possibilité d'offres nouvelles et/ou d'offres modifiées

L'instance d'appel consistera pour la Cour à exercer les prérogatives découlant de l'effet dévolutif (l'article R662-1 1° renvoi au code de procédure civile, en l'espèce à l'article 561 du CPC) , étant précisé qu'au visa de l'article L642-2 du code de commerce l'offre qui avait été retenue par le Tribunal ne peut être retirée.

A contrario les offres des candidats évincés peuvent être retirées. Il semble qu'il appartienne à l'administrateur de renseigner la Cour sur cette question, puisque les candidats évincés ne sont pas présent lors des débats devant la Cour (sauf si la Cour décide de les entendre)

Même si les textes ne l'évoquent pas, il est parfaitement admissible que la Cour examine une offre nouvelle, sans avoir à renvoyer devant le Tribunal, en raison de l'effet dévolutif: dans le cas particulier de recours contre une liquidation à l'occasion de laquelle une offre de cession était présentée Cass com 21 janvier 1992 n°90-13127, et surtout Cass com 19 décembre 2000 n°98-11361  "la cour d'appel, réformant le jugement de liquidation judiciaire des SCI, a apprécié souverainement que l'offre de cessions présentée en appel par la société ... satisfaisait mieux que toute autre les objectifs fixés par l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 620-1 du Code de commerce"

Un tel processus pourrait sembler impossible à mettre en œuvre notamment en raison des consultations et rapports préalables à l'adoption de la cession, mais en réalité l'effet dévolutif permet parfaitement à la Cour de connaître et examiner des offres nouvelles et/ou des offres modifiées

- "l'offre tendant au maintien de l'activité de l'entreprise par voie de continuation ne peut être modifiée ou retirée après la date du dépôt du rapport de l'administrateur, son auteur restant lié par elle jusqu'à la décision du Tribunal arrêtant le plan à condition que cette dernière intervienne dans le mois du dépôt du rapport, l'auteur de l'offre ne demeure lié au-delà, et notamment en cas d'appel, que s'il y consent ; qu'ayant retenu, exactement, que la société Pourteau avait le droit de maintenir son offre en y apportant, comme elle l'avait fait, toutes modifications allant dans le sens d'une amélioration, la cour d'appel a pu se décider en faveur du plan de cession ainsi modifié "(il convient de préciser que l'offre n'avait pas été retenue, ce qui explique que le candidat évincé était libre de la retirer) Cass com 26 juin 1990 n°89-12496

- Cass com 6 octobre 1992 n°89-17021 "le projet de plan de continuation présenté par le débiteur doit, comme les offres des tiers, être soumis à l'administrateur pour que celui-ci en fasse l'analyse dans le rapport qu'il dépose au greffe du Tribunal et l'annexe à celui-ci, même s'il formule une autre proposition, le Tribunal statuant au vu de ce rapport sans être tenu par la proposition de l'administrateur, le projet ou l'offre formulés durant la procédure d'appel sont soumis directement aux juges du second degré qui se prononcent sur eux "

- Cour d'Aix d'appel d'Aix en Provence ci dessus (CA AIX 22 Mai 2001 00/10895 PEZZINO / BONHOMME)  "attendu que devant le tribunal de commerce l'offre doit être soumise à l'administrateur judiciaire qui en fait l'analyse dans le rapport qu'il dépose au greffe, que durant la procédure d'appel seule l'offre nouvelle doit être soumise directement à la cour"

- dès lors que seul le candidat retenu en première instance est tenu de maintenir son offre, il est logique d'admettre que des offres nouvelles se présentent sauf à vider de sa substance l'appel du débiteur ou du Parquet car évidemment s'il ne reste qu'une offre l'appel est vidé de ses objectifs.

Ainsi rien ne s'oppose à ce que devant la Cour soient présentées de nouvelles offres ou des modifications (amélioratives) d'offres présentées en première instance.

Le processus de cette présentation n'est pas réglé par les textes, ce qui semble acquis est que ces nouvelles offres sont présentées directement à la Cour, mais on ne sais selon quel mode procédural. Pour récapituler il semble que l'administrateur devrait renseigner la Cour sur l'éventuel maintien des offres des candidats évincés en première instance, ces candidats évincés en première instance, s'ils sont intimés, sont normalement irrecevables à prendre des écritures ... mais la Cour pourra en tout état en prendre connaissance ou les entendre , et un candidat nouveau devrait pouvoir faire une intervention pour saisir la Cour de son offre, laquelle intervention, si elle est hors délai, devait quand même inciter la Cour à l'entendre. Procéduralement il faut donc "improviser" et amener la Cour à entendre les candidats anciens et nouveaux, pour que l'effet dévolutif joue à plein.

L'effet dévolutif permet en effet à la Cour de statuer sur la cession en l'état de toutes les offres qui lui sont soumises, et la pratique qui consiste à renvoyer devant le Tribunal n'a pas la faveur de la Cour de Cassation: "le Tribunal avait été dessaisi du litige par l'effet du jugement prononcé et que, par suite de l'appel interjeté, la chose jugée se trouvait remise en question devant la juridiction du second degré pour qu'il soit à nouveau statué par elle en fait et en droit, l'infirmation prononcée du chef de la liquidation judiciaire n'imposant pas de renvoyer l'affaire devant le Tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés "Cass com 21 janvier 1992 n°90-13127. En effet l'article L661-9 du code de commerce évoque la possibilité d'un renvoi devant le tribunal et l'ouverture par la Cour d'appel d'une nouvelle période d'observation, mais ce texte n'est pas adapté à des situations dans lesquelles la Cour peut, et même doit, statuer sur les offres.

La décision de la Cour d'appel

La décision de la Cour d'appel est rendue dans les 4 mois.

Les restrictions aux possibilités de pourvoi en cassation

Le pourvoi en cassation contre les arrêts rendus est limité au ministère public par l'article L661-7 (et sans doute peut-être, ce qui semble critiquable, dans le seul cas d'excès de pouvoir  (Cass com 23 septembre 2020 n°18-26280 Cass com 18 janvier 2023 n°21-24001, Cass com 18 janvier 2023 n°21-24003 Cass com 18 janvier 2023 n°21-24007 et notamment au repreneur auquel des charges auraient été imposées Cass Com 7 février 2012 n°11-12580 Cass com 7 février 2012 n°11-12580 ou au candidat évincé par l'arrêt d'appel Cass com 18 janvier 2011 n°09-17350 a contrario).

Par un arrêt du 12 juillet 2017 (et a contrario Cass com 18 janvier 2023 n°21-24002) la Cour de Cassation a également admis la pourvoi du débiteur en cas d'excès de pouvoir avec ici une notion assez extensive de cet excès de pouvoir

En l'espèce la Cour d'appel avait déclaré irrecevable l'appel du débiteur contre une décision de cession d'entreprise au motif qu'il n'avait pas d'intérêt propre à relever appel (et qu'en réalité il se prévalait de l'intérêt de ses créanciers) au visa de l'article 546 du CPC: plus précisément la Cour avait retenu une cession au profit d'un candidat moins disant qu'un autre qui avait également présenté une offre, et outre ce choix qui lui était défavorable, le débiteur avait relevé dans ses conclusions d'appel que le bailleur n'avait pas été convoqué à l'audience et que l'offre avait été modifiée à l'intérieur du délai de 2 jours, et la Cour d'appel avait jugé l'appel irrecevable.

Un des arguments avancés au soutien de l'irrecevabilité de l'appel était que le débiteur n'avait pas présenté de plan de redressement et n'avait donc aucun intérêt à relever appel de la seule solution alternative existante. En outre était soutenu que l'aspect financier de la cession relevait de l'intérêt des seuls créanciers, que le débiteur n'avait aucune qualité à défendre.

La Cour de Cassation considère que le débiteur avait un intérêt à relever appel d'une telle décision, et implicitement que les moyens qu'il soulève étaient plutôt de nature à réformer (ou confirmer) la décision et devaient relevaient donc de l'examen du fond. La décision d'irrecevabilité est donc considérée par la Cour de Cassation comme constitutive d'excès de pouvoir, ouvrant par exception la voie du pourvoi en cassation au débiteur Cass com 12 juillet 2017 n°16-12544

Cette décision est d'une rédaction assez curieuse, et trompeuse:

"Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel réformation relevé par la société débitrice, l'arrêt retient que cette dernière ne caractérise pas l'intérêt propre qu'elle aurait de faire appel du jugement arrêtant son plan de cession ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le débiteur a qualité pour former appel du jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise, la cour d'appel, en déclarant l'appel de la société ADT irrecevable, a commis un excès de pouvoir négatif que cette société pouvait dénoncer par la voie du recours en cassation
": on pourrait y lire que parce que le débiteur a qualité à relever appel, il a nécessairement intérêt, ce qui en réalité serait un raccourci erroné: le débiteur a qualité, et encore faut-il qu'il ait intérêt. D'ailleurs plusieurs Cour d'appel avaient écarté la recevabilité de l'appel du débiteur faute d'intérêt dans des cas où il a été jugé qu'en réalité il n'incarnait que l'intérêt des créanciers (ce qui à notre sens est réducteur) et d'autres l'ont admis au motif que le débiteur avait intérêt à ce que l'offre la mieux disante (minorant son passif au regard de la reprise des prêts de l'article L642-12 ou majorant son actif en raison du prix de cession) soit retenue.

C'est sans doute ce que la Cour de Cassation a voulu retenir.

Cette décision amène en outre à s'interroger sur la situation inverse: le débiteur a-t-il un intérêt légitime à relever appel d'une cession d'entreprise qui a retenu le candidat le mieux disant ? Sauf explications sur la légitimité de l'intérêt à agir au regard de l'article 31 du CPC , cela ne semble absolument pas évident, et dans ce cas l'irrecevabilité de l'appel est sans aucun doute défendable.

Le recours contre la conversion en liquidation judiciaire d'un redressement ou d'une sauvegarde 

L'article L661-1 dispose que la conversion en liquidation peut faire l'objet d'appel de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public.

Il se peut que le jugement de conversion en liquidation judiciaire rejette également une cession d'entreprise qui avait été proposée: a priori l'appel du jugement de liquidation judiciaire ne peut être l'occasion, pour une partie qui n'a pas la voie de l'appel contre le jugement de rejet de la cession, de critiquer cet aspect du jugement: par exemple l'administrateur judiciaire ne peut, en relevant appel de la liquidation judiciaire, solliciter réformation de la décision de rejet de la cession.

D'ailleurs l'alinéa 2 de l'article L661-9 du code de commerce prend soin de n'évoquer que l'appel du jugement statuant sur la liquidation en cours de période d'observation ou arrêtant ou rejetant un plan de continuation, et n'évoque pas la cession: l'infirmation d'un jugement de liquidation impose par exemple le renvoi devant le Tribunal si en cause d'appel la possibilité de financer le plan de redressement qui a été rejeté par le Tribunal est démontrée (puisqu'l faudra procéder à la consultation des créanciers)

L'article L661-6 précise que la période d'observation est prolongée jusqu'à l'arrêt de la Cour.

Enfin la tierce opposition est ouverte contre le jugement de liquidation judiciaire

Compte tenu des délais brefs pour licencier les salariés (15 jours en liquidation judiciaire) l'appel du jugement de liquidation devrait être systématiquement assorti d'une demande de levée de l'exécution provisoire, dont on peut espérer qu'elle donnera lieu à une décision avant que les licenciements soient prononcés. En effet à défaut les licenciements seront acquis (sauf évidemment le cas d'une annulation du jugement de liquidation, mais dans les autres cas la réformation par la Cour d'appel n'a pas évidemment d'effet rétroactif).

Procéduralement l'article R661-6 du code de commerce règle l'organisation de l'audience: l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire sont intimés (ainsi que le débiteur s'il n'est pas appelant), le Procureur général est avisé de la date de l'audience, et les institutions représentatives des salariés sont convoqués (bien que n'étant pas partie et donc pas intimés). Il n'y a lieu d'intimé aucune autre personne, et d'ailleurs aucune d'autre n'est partie à la décision. C'est la stricte application de l'article 547 du Code de Procédure civile: seules les parties à la décision de première instance sont intimées.

Aucune intervention n'est recevable dans les 10 jours avant l'audience, mais la Cour peut par contre décider d'entendre des candidats évincés qui auraient par exemple présenté une offre non retenue, ainsi que tout autre personne.

Autres exceptions

Il existe de très nombreuses autres exceptions, et il faut absolument prendre conseil d’un professionnel avant d’exercer une voie de recours.

Quelques décisions ne sont pas susceptibles de tierce opposition (par exemple nomination mandataires, durée de la période d’observation, cessions, résolution du plan)

Quelques décisions ont des délais d’appel organisés spécifiquement voire même ne sont pas appelables (nomination et remplacement du juge commissaire) ou ne le sont que par le Parquet (prorogation de la période d’observation)

Quelques voies de recours fermés aux mandataires de justice

Le recours est généralement ouvert aux mandataires de justice (administrateur, mandataire judiciaire, commissaire à l'exécution du plan, liquidateur) contre les décisions auxquelles ils sont partie.

Cependant, de manière assez singulière, l'article L661-6 du code de commerce qui énumère les cas particuliers de voies de recours (recours réservés au Parquet, recours réservés au Parquet et au débiteur, ou au cessionnaire) écarte la voie de l'appel pour les mandataires de justice à l'entre de décisions pourtant essentielles, et notamment le jugement statuant sur la durée de la période d'observation, la poursuite ou le maintien de l'activité, et le plan dit de cession (c'est à dire en réalité la cession d'entreprise).